In memoriam 2012
Guillaume. Il s’appelle Guillaume. Il a 4 ans. Il fréquente déjà l’école enfantine. La maîtresse vient de parler de l’importance de l’eau pour la vie humaine. Elle pose alors la question : « Qu’est-ce qui est le plus nécessaire pour qu’on puisse vivre ? » Et Guillaume de répondre du tac au tac : la liberté !
Cet épisode dont je vous garantis l’authenticité rejoint la célébration de ce jour. En régime démocratique, un vrai soldat est un homme libre qui, potentiellement, préfère la liberté à sa propre vie.
Même si ce ne fut pas –heureusement- au cours de batailles toujours sanglantes, certains soldats de chez nous ont fait le sacrifice de leur vie en accomplissant leur devoir de citoyen « sous les drapeaux », comme on disait jadis. Aujourd’hui, nous leur disons un solennel merci.
N’oublions pas non plus, dans notre mémoire et notre reconnaissance, les femmes et les enfants qui ont participé à cette offrande patriotique en assumant vaillamment la dure condition de veuves et d’orphelins. Ces femmes en particulier rejoignent la pauvre veuve de l’évangile de ce jour qui, discrètement, a donné tout ce qu’elle avait pour vivre. Nous ne dirons jamais assez notre gratitude à ces vaillantes personnes qui, sans être au front, ont fait front vaillamment aux malheurs de l’existence pour l’amour de notre patrie.
Ces patriotes de l’ombre sont représentées dans le premier vitrail à gauche dans le chœur de notre cathédrale. Au pied de la femme symbolisant l’histoire, qui dévide le fil des évènements en utilisant un rouet, nous voyons une femme en deuil qui pleure, le visage dans ses mains, en laissant tomber à terre la palme de la victoire. Les deux dates entourant cette veuve disent tout : 1914-1918. On pourrait ajouter, hélas ! 1939-1945.
Depuis 1945, heureusement, notre armée n’a jamais plus vécu une mobilisation générale dans une atmosphère de guerre. Il faut d’abord le reconnaître : nous le devons surtout à la nouvelle Europe qui a su, peu à peu, exorciser ses démons d’impérialisme et autres « ismes » en misant désormais sur la paix, la coopération et même une certaine fraternité. N’empêche que de nouveaux défis se lèvent sans cesse, qu’il faut relever avec les mêmes valeurs qui nous ont permis de surmonter les épreuves de jadis, sous l’arbre de la liberté.
Les moyens de communication actuels nous fournissent instantanément les informations mondiales qui viennent heurter à la porte de notre conscience et de notre cœur. Nous ne pouvons plus nous abriter derrière l’ignorance, comme si nous ne savons pas. Encore faut-il que notre degré d’engagement pour la paix dans la liberté -qui fit l’honneur de notre peuple et de son armée- soit à la mesure de cette information.
Oui, quelles sont aujourd’hui la largeur et la profondeur de notre service à la paix et à la liberté dans ce monde dont nous sommes, que nous le voulions ou non, profondément solidaires ?
Ceux et celles qui frappent à notre porte, venus parfois de très loin, nous rappellent que nous ne pouvons plus cultiver notre noble idéal démocratique sans nous sentir interdépendants de ceux qui subissent parfois le contraire, ou luttent comme nous pour les mêmes idéaux, tout près ou à l’autre bout du monde.
Quand il partit pour Sarepta, très loin de chez lui, le prophète Elie fuyait la persécution du roi Achab. Sur la route de son exil vers Sidon au Liban, il rencontra cette veuve avec son fils au bord de la famine. Ce fut le choc de deux misères qui provoqua le miracle de l’huile et du pain, parce qu’il y eut dialogue, accueil, solidarité entre personnes que tout aurait pu opposer.
Notre armée est peut-être un rempart. Sur ce rempart, des veilleurs sont près à donner leur vie pour préserver notre liberté, aujourd’hui comme hier. A tout rempart il faut aussi des portes, et même des ponts. Fribourg en est l’évidente démonstration.
Tel est le rôle de nos autorités. Appuyées sur le rempart : ouvrir des portes, bâtir des ponts, pour une Poya de liberté contagieuse et de paix toujours plus universelle.
Le rempart est un instrument de défense. Il doit être surtout un message permanent. Dans ce petit pays, fidèle à son passé et ouvert sur son avenir, il y a encore des hommes et des femmes –des petits Guillaume qui deviendront grands- qui ont encore assez le goût de la liberté pour trouver et prouver qu’elle est aussi essentielle à la vie que l’eau de nos sources.
A condition de la boire, cette liberté, à la santé de tous, chez nous et jusqu’au bout du monde.
Claude Ducarroz
samedi 10 novembre 2012
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