mercredi 14 août 2013

Assomption de Marie

Homélie
Assomption 2013

Au risque de vous étonner, en cette fête de l’Assomption de Marie, je voudrais conduire vos regards vers un vitrail de notre cathédrale qui ne fait aucune allusion à la sainte Vierge. Regardez sur votre gauche, derrière la chaire, le vitrail des martyrs. On n’y voit aucun personnage biblique, mais deux hommes –saint Maurice et saint Sébastien- et deux femmes -sainte Catherine et sainte Barbe- dont le point commun est le cruel martyre qu’ils ont subi autour de l’an 300.

Le peintre Joseph Mehofer -qui a réalisé ce vitrail en 1901- a poussé le réalisme jusqu’à représenter au dessous de chaque personnage la brutalité de son supplice. Tous sont nus, y compris les femmes, dans une sorte de déploiement indécent de la cruauté.

Mais regardez bien. Discrètement, je dirais même humblement, dans chaque carré inférieur de ce vitrail, le peintre a ajouté le visage d’une femme dans quatre attitudes significatives qui, elles, peuvent nous ramener à Marie.
Que font ces femmes dans ce contexte de barbarie ? En commençant par la droite, la première prie les mains jointes. La deuxième pleure. La troisième donne un baiser à saint Maurice. Et la quatrième soutient et relève saint Sébastien criblé de flèches.

Il y a trois manières de lire et d’interpréter ces visages de femmes très énigmatiques.
On peut d’abord y reconnaître la vie et la mission de Marie, la mère de Jésus et notre mère.
* Elle a prié, notamment en acceptant le mystère de l’incarnation par ces mots qui anticipent la prière du Notre Père : « Qu’il me soit fait selon ta Parole. » Et puis elle a prononcé la si belle prière du Magnificat.
* Elle a pleuré au pied de la croix de son Fils et sans doute en bien d’autres circonstances.
* Elle a embrassé Elisabeth dans le mystère de la Visitation, et les autres femmes en pleurs avec elle au Calvaire.
* Elle a soutenu activement l’Eglise naissante dans le mystère de la Pentecôte.

C’est cette Marie-là que nous fêtons aujourd’hui dans la gloire. Ce qu’elle fut et ce qu’elle fit sont maintenant « éternisés », autrement dit résumés et tranfigurés dans la communion parfaite avec Dieu. L’assomption ne doit pas être détachée de l’histoire concrète de Marie parmi nous. C’est la servante du Seigneur à Nazareth, c’est la mère réfugiée à Bethléem, c’est celle qui a su faire de ses visites des Visitations, c’est la mère douloureuse près de la croix, c’est la compagne des apôtres dans l’accueil de l’Esprit : c’est cette Marie-là, trop souvent représentée loin de nous sur des nuages, que nous fêtons joyeusement en ce jour. Oui, aujourd’hui toutes les générations peuvent la dire bienheureuse parce que le Seigneur a fait pour elle des merveilles. Saint est son nom.

Et maintenant revenons à notre vitrail. Ce que nous avons discerné chez Marie, la mère de l’Eglise, il faut que toute l’Eglise l’imite et le vive.
Ces visages de femmes, c’est aussi le rappel de la mission de l’Eglise –donc de chacun de nous- dans notre monde si souvent blessé par les injustices et les violences

L’Eglise, c’est la communauté des priants sous toutes les formes.
C’est aussi la congrégation des hommes et des femmes sensibles à toutes les misères, qui répondent par la solidarité de toutes les compassions.
L’Eglise, c’est surtout la communion de tous ceux et toutes celles qui misent sur l’amour, jusqu’au pardon, jusqu’à la miséricorde, jusqu’au don de soi.
C’est enfin la chaîne infinie de celles et ceux qui se portent au secours des faibles et des pauvres, pour les relever, pour les réconforter, pour les re-susciter.

Je vous avoue que j’ai reconnu tout cela, avec une grande émotion, dans la première visite de pape François hors de Rome, le lundi 8 juillet dernier quand il est allé à Lampedusa rencontrer les requérants d’asiles rescapés des naufrages.
Il a prié avec eux et pour eux. Il les a encouragés, et aussi celles et ceux qui les accueillent. Il a pleuré avec eux. Il nous a demandé de les aimer en combattant concrètement la triste globalisation de l’indifférence. Ce pape nous a donné un exemple évangélique et marial.

Enfin un dernier regard sur ce vitrail et sur Marie. A dessein, le peintre a placé des visages de femmes pour mieux suggérer son discret message. Encouragé par la fête mariale de ce jour, je voudrais reconnaître et magnifier le rôle extraordinaire des femmes dans notre société. Sans oublier l’Eglise non plus, où elles ne sont pas toujours reconnues à leur juste valeur.
 Oui, dans un monde de bruts –qui sont souvent des hommes-, nous comptons plus que jamais sur l’engagement des femmes afin qu’elles nous montrent un autre chemin pour le bonheur de l’humanité toute entière.
La prière de la foi, certes, mais aussi la puissante douceur de la compassion, l’amour vrai et la solidarité en actes.

Comme Marie, avec Marie.


Claude Ducarroz

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire