Homélie
Assomption 2013
Au risque de vous
étonner, en cette fête de l’Assomption de Marie, je voudrais conduire vos
regards vers un vitrail de notre cathédrale qui ne fait aucune allusion à la
sainte Vierge. Regardez sur votre gauche, derrière la chaire, le vitrail des
martyrs. On n’y voit aucun personnage biblique, mais deux hommes –saint Maurice
et saint Sébastien- et deux femmes -sainte Catherine et sainte Barbe- dont le
point commun est le cruel martyre qu’ils ont subi autour de l’an 300.
Le peintre Joseph
Mehofer -qui a réalisé ce vitrail en 1901- a poussé le réalisme jusqu’à
représenter au dessous de chaque personnage la brutalité de son supplice. Tous
sont nus, y compris les femmes, dans une sorte de déploiement indécent de la
cruauté.
Mais regardez bien.
Discrètement, je dirais même humblement, dans chaque carré inférieur de ce
vitrail, le peintre a ajouté le visage d’une femme dans quatre attitudes
significatives qui, elles, peuvent nous ramener à Marie.
Que font ces femmes
dans ce contexte de barbarie ? En commençant par la droite, la première
prie les mains jointes. La deuxième pleure. La troisième donne un baiser à
saint Maurice. Et la quatrième soutient et relève saint Sébastien criblé de
flèches.
Il y a trois manières
de lire et d’interpréter ces visages de femmes très énigmatiques.
On peut d’abord y
reconnaître la vie et la mission de Marie, la mère de Jésus et notre mère.
* Elle a prié,
notamment en acceptant le mystère de l’incarnation par ces mots qui anticipent
la prière du Notre Père : « Qu’il me soit fait selon ta Parole. »
Et puis elle a prononcé la si belle prière du Magnificat.
* Elle a pleuré au
pied de la croix de son Fils et sans doute en bien d’autres circonstances.
* Elle a embrassé
Elisabeth dans le mystère de la Visitation, et les autres femmes en pleurs avec
elle au Calvaire.
* Elle a soutenu activement
l’Eglise naissante dans le mystère de la Pentecôte.
C’est cette Marie-là
que nous fêtons aujourd’hui dans la gloire. Ce qu’elle fut et ce qu’elle fit
sont maintenant « éternisés », autrement dit résumés et tranfigurés
dans la communion parfaite avec Dieu. L’assomption ne doit pas être détachée de
l’histoire concrète de Marie parmi nous. C’est la servante du Seigneur à
Nazareth, c’est la mère réfugiée à Bethléem, c’est celle qui a su faire de ses
visites des Visitations, c’est la mère douloureuse près de la croix, c’est la
compagne des apôtres dans l’accueil de l’Esprit : c’est cette Marie-là,
trop souvent représentée loin de nous sur des nuages, que nous fêtons joyeusement
en ce jour. Oui, aujourd’hui toutes les générations peuvent la dire
bienheureuse parce que le Seigneur a fait pour elle des merveilles. Saint est
son nom.
Et maintenant revenons
à notre vitrail. Ce que nous avons discerné chez Marie, la mère de l’Eglise, il
faut que toute l’Eglise l’imite et le vive.
Ces visages de femmes,
c’est aussi le rappel de la mission de l’Eglise –donc de chacun de nous- dans
notre monde si souvent blessé par les injustices et les violences
L’Eglise, c’est la
communauté des priants sous toutes les formes.
C’est aussi la
congrégation des hommes et des femmes sensibles à toutes les misères, qui
répondent par la solidarité de toutes les compassions.
L’Eglise, c’est
surtout la communion de tous ceux et toutes celles qui misent sur l’amour,
jusqu’au pardon, jusqu’à la miséricorde, jusqu’au don de soi.
C’est enfin la chaîne
infinie de celles et ceux qui se portent au secours des faibles et des pauvres,
pour les relever, pour les réconforter, pour les re-susciter.
Je vous avoue que j’ai
reconnu tout cela, avec une grande émotion, dans la première visite de pape
François hors de Rome, le lundi 8 juillet dernier quand il est allé à Lampedusa
rencontrer les requérants d’asiles rescapés des naufrages.
Il a prié avec eux et
pour eux. Il les a encouragés, et aussi celles et ceux qui les accueillent. Il
a pleuré avec eux. Il nous a demandé de les aimer en combattant concrètement la
triste globalisation de l’indifférence. Ce pape nous a donné un exemple
évangélique et marial.
Enfin un dernier
regard sur ce vitrail et sur Marie. A dessein, le peintre a placé des visages
de femmes pour mieux suggérer son discret message. Encouragé par la fête
mariale de ce jour, je voudrais reconnaître et magnifier le rôle extraordinaire
des femmes dans notre société. Sans oublier l’Eglise non plus, où elles ne sont
pas toujours reconnues à leur juste valeur.
Oui, dans un monde de bruts –qui sont souvent
des hommes-, nous comptons plus que jamais sur l’engagement des femmes afin
qu’elles nous montrent un autre chemin pour le bonheur de l’humanité toute
entière.
La prière de la foi,
certes, mais aussi la puissante douceur de la compassion, l’amour vrai et la
solidarité en actes.
Comme Marie, avec
Marie.
Claude Ducarroz
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