samedi 2 novembre 2013

Homélie du 31ème dimanche du temps ordinaire

Homélie du 31ème dimanche du temps ordinaire

« Contre. Elles étaient contre. Contre tout. Et surtout contre le plaisir, la joie, la fête. Elles étaient contre la vie. »
Il y a une semaine, dans un restaurant, j’écoutais les souvenirs de jeunesse racontés par une bande de copines qui évoquaient leur temps de passage dans des pensionnats tenus par des religieuses. Je précise que c’était il y a déjà  bien longtemps et qu’il y avait d’heureuses exceptions dans ces jérémiades qui les faisaient encore rire… jaune ! Moi pas !

Car je mesurais les dégâts occasionnés par une telle image de l’Eglise que ces mamans –ou plutôt grand’mères- peuvent générer dans le cœur de leurs enfants et petits-enfants quand elles leur racontent ces histoires devenues drôles avec le temps, mais finalement navrantes quand on les entend pour la première fois, comme c’était mon cas.
Est-ce cela la religion, la religion chrétienne, la bonne odeur de l’Evangile ?

Et avec vous je viens d’entendre, heureusement, une toute autre musique. Oui, ça fait du bien d’ouïr l’auteur du livre de la Sagesse : « Seigneur, tu aimes tout ce qui existe…, tu n’aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui… Tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie. »

Il nous faut d’abord annoncer ceci : Dieu est notre créateur et même notre Père. Il nous a fait  le cadeau de la vie par amour. Et il ne regrette pas ses dons. Insinuer, par une attitude qui voit le mal partout, que Dieu est l’ennemi de notre bonheur, surtout ici-bas, c’est présenter de Dieu une caricature qui provoque l’incroyance et même l’athéisme.
Au point que Nietzsche a pu dire des prêtres : « Ils ont appelé Dieu ce qui leur faisait mal… Ils ne surent aimer leur dieu qu’en clouant l’homme à la croix. »

Mais me direz-vous aussitôt : « Le mal existe. Il suffit de lire les journaux, d’écouter la télé pour savoir jusqu’où l’homme –les hommes, nous- sont capables du meilleur, mais aussi, hélas !, du pire. » Et c’est vrai. Mais contemplons ensuite la réaction de Dieu. C’est encore une affaire d’amour : « Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis… pour qu’ils se détournent du mal et qu’ils puissent croire en toi, Seigneur. »

Parce que Dieu est Amour, il ne peut cesser d’aimer, de nous aimer.  Et c’est encore un effet mystérieux de cet amour qui fait pression sur notre conscience et sur notre cœur pour que nous passions par la conversion, afin de trouver ou de retrouver les chemins du vrai bonheur, en faisant d’autres heureux autour de nous.
C’est dans cet esprit que priait saint Paul pour ses paroissiens de Thessalonique : « … afin  que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé… Ainsi notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous et vous en lui. »

S’il fallait une illustration de cette vérité, on la trouve justement dans l’évangile de ce jour. Zachée n’était pas un homme malheureux, mais il n’était pas heureux non plus. Un peu comme nous, il y avait un creux au fond de son cœur et sa conscience ne le laissait pas en paix. C’est pourquoi, comme il est écrit, « il cherchait à voir qui était Jésus qui passait par là.»


Et tout le reste est une histoire d’amour, celle qui transforme une vie, celle qui rend le bonheur. C’est Jésus qui lève les yeux vers lui et l’invite à descendre de son sycomore, « car il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
Pas une leçon de morale contre le bonheur mais tout au contraire, puisque ce pécheur « reçut Jésus avec joie. » Et à ceux qui se scandalisèrent qu’il soit allé loger chez un pécheur, Jésus répondit seulement : « Lui aussi est un fils d’Abraham… car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

L’Eglise –que nous sommes, ne l’oublions pas !- doit d’abord montrer qu’elle aime l’homme, tout être humain, quel qu’il soit, parce qu’elle veut imiter son Seigneur qui est venu montrer et démontrer en ce monde l’Amour de Dieu, le Père universel.

Bien sûr, elle ne peut pas ignorer le mal, et notamment le péché, parce que cette Eglise est elle-même composée des pécheurs que nous sommes et parce que ces maux et ces péchés sont les plus graves ennemis de l’humanité, de son présent déjà et de son avenir éternel.

Mais la puissance de l’Esprit du Christ fait ensuite de nous et de tous les hommes et femmes de bonne volonté des apôtres d’une bonne nouvelle et non pas les pourfendeurs désespérants de tous les vices. « Jusque dans leurs discours, je flaire encore le vilain relent des sépulcres. », ajoutait Nietzsche.

Or c’est par une lumière de Pâques que Jésus veut illuminer le monde, par la miséricorde qu’il veut le sauver en le conduisant dans son Royaume, comme chante le psaume de ce jour : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. La bonté du Seigneur est pour tous… Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent. Il redresse tous les accablés…Que tes fidèles te bénissent…Qu’ils parlent de tes exploits. »

Je crois que le pape actuel nous invite à marcher sur ce chemin. Pas pour croire et faire croire que « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », mais pour montrer que seul l’amour est digne de foi. Et que, par conséquent, c’est en multipliant le bien que nous parviendrons à faire reculer le mal, par la puissance de l’amour de Dieu en nous, autour de nous et jusqu’au bout du monde.

Une Eglise mobilisée par et pour l’amour : voilà l’idéal que nous devons poursuivre et pour lequel nous prions, conscients que nous sommes de nos fragilités, certes, mais surtout et d’abord heureux de nous savoir aimés par l’Amour même.

Celui qui vient maintenant à notre rencontre dans cette vivante eucharistie, à partir de cette béatitude : « Heureux les invités au repas du Seigneur. »

                                   Claude Ducarroz




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