Homélie du 31ème dimanche du temps
ordinaire
« Contre. Elles étaient contre. Contre
tout. Et surtout contre le plaisir, la joie, la fête. Elles étaient contre la
vie. »
Il y a une semaine, dans un restaurant,
j’écoutais les souvenirs de jeunesse racontés par une bande de copines qui
évoquaient leur temps de passage dans des pensionnats tenus par des
religieuses. Je précise que c’était il y a déjà
bien longtemps et qu’il y avait d’heureuses exceptions dans ces
jérémiades qui les faisaient encore rire… jaune ! Moi pas !
Car je mesurais les dégâts occasionnés par une
telle image de l’Eglise que ces mamans –ou plutôt grand’mères- peuvent générer
dans le cœur de leurs enfants et petits-enfants quand elles leur racontent ces
histoires devenues drôles avec le temps, mais finalement navrantes quand on les
entend pour la première fois, comme c’était mon cas.
Est-ce cela la religion, la religion
chrétienne, la bonne odeur de l’Evangile ?
Et avec vous je viens d’entendre, heureusement,
une toute autre musique. Oui, ça fait du bien d’ouïr l’auteur du livre de la
Sagesse : « Seigneur, tu aimes tout ce qui existe…, tu n’aurais pas
créé un être en ayant de la haine envers lui… Tu épargnes tous les êtres, parce
qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie. »
Il nous faut d’abord annoncer ceci : Dieu
est notre créateur et même notre Père. Il nous a fait le cadeau de la vie par amour. Et il ne
regrette pas ses dons. Insinuer, par une attitude qui voit le mal partout, que
Dieu est l’ennemi de notre bonheur, surtout ici-bas, c’est présenter de Dieu
une caricature qui provoque l’incroyance et même l’athéisme.
Au point que Nietzsche a pu dire des
prêtres : « Ils ont appelé Dieu ce qui leur faisait mal… Ils ne
surent aimer leur dieu qu’en clouant l’homme à la croix. »
Mais me direz-vous aussitôt : « Le
mal existe. Il suffit de lire les journaux, d’écouter la télé pour savoir
jusqu’où l’homme –les hommes, nous- sont capables du meilleur, mais aussi,
hélas !, du pire. » Et c’est vrai. Mais contemplons ensuite la
réaction de Dieu. C’est encore une affaire d’amour : « Ceux qui
tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis… pour qu’ils se détournent
du mal et qu’ils puissent croire en toi, Seigneur. »
Parce que Dieu est Amour, il ne peut cesser
d’aimer, de nous aimer. Et c’est encore
un effet mystérieux de cet amour qui fait pression sur notre conscience et sur
notre cœur pour que nous passions par la conversion, afin de trouver ou de
retrouver les chemins du vrai bonheur, en faisant d’autres heureux autour de
nous.
C’est dans cet esprit que priait saint Paul
pour ses paroissiens de Thessalonique : « … afin que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel
qu’il vous a adressé… Ainsi notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous et vous
en lui. »
S’il fallait une illustration de cette vérité,
on la trouve justement dans l’évangile de ce jour. Zachée n’était pas un homme
malheureux, mais il n’était pas heureux non plus. Un peu comme nous, il y avait
un creux au fond de son cœur et sa conscience ne le laissait pas en paix. C’est
pourquoi, comme il est écrit, « il cherchait à voir qui était Jésus qui
passait par là.»
Et tout le reste est une histoire d’amour,
celle qui transforme une vie, celle qui rend le bonheur. C’est Jésus qui lève
les yeux vers lui et l’invite à descendre de son sycomore, « car il faut
que j’aille demeurer dans ta maison. »
Pas une leçon de morale contre le bonheur mais
tout au contraire, puisque ce pécheur « reçut Jésus avec joie. » Et à
ceux qui se scandalisèrent qu’il soit allé loger chez un pécheur, Jésus répondit
seulement : « Lui aussi est un fils d’Abraham… car le Fils de
l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
L’Eglise –que nous sommes, ne l’oublions
pas !- doit d’abord montrer qu’elle aime l’homme, tout être humain, quel
qu’il soit, parce qu’elle veut imiter son Seigneur qui est venu montrer et
démontrer en ce monde l’Amour de Dieu, le Père universel.
Bien sûr, elle ne peut pas ignorer le mal, et
notamment le péché, parce que cette Eglise est elle-même composée des pécheurs
que nous sommes et parce que ces maux et ces péchés sont les plus graves
ennemis de l’humanité, de son présent déjà et de son avenir éternel.
Mais la puissance de l’Esprit du Christ fait
ensuite de nous et de tous les hommes et femmes de bonne volonté des apôtres d’une
bonne nouvelle et non pas les pourfendeurs désespérants de tous les vices.
« Jusque dans leurs discours, je flaire encore le vilain relent des
sépulcres. », ajoutait Nietzsche.
Or c’est par une lumière de Pâques que Jésus
veut illuminer le monde, par la miséricorde qu’il veut le sauver en le
conduisant dans son Royaume, comme chante le psaume de ce
jour : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et
plein d’amour. La bonté du Seigneur est pour tous… Le Seigneur soutient tous
ceux qui tombent. Il redresse tous les accablés…Que tes fidèles te
bénissent…Qu’ils parlent de tes exploits. »
Je crois que le pape actuel nous invite à
marcher sur ce chemin. Pas pour croire et faire croire que « tout le monde
il est beau, tout le monde il est gentil », mais pour montrer que seul l’amour
est digne de foi. Et que, par conséquent, c’est en multipliant le bien que nous
parviendrons à faire reculer le mal, par la puissance de l’amour de Dieu en
nous, autour de nous et jusqu’au bout du monde.
Une Eglise mobilisée par et pour l’amour :
voilà l’idéal que nous devons poursuivre et pour lequel nous prions, conscients
que nous sommes de nos fragilités, certes, mais surtout et d’abord heureux de
nous savoir aimés par l’Amour même.
Celui qui vient maintenant à notre rencontre
dans cette vivante eucharistie, à partir de cette béatitude :
« Heureux les invités au repas du Seigneur. »
Claude
Ducarroz
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire