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Bernard Ducarroz
Bernard. Mon frère.
Mon bien-aimé.
Notre bonheur. Notre douleur. Notre espérance.
1.
Merci, Seigneur, pour nos bonheurs
« Bernard ».
Rien que sa présence, c’était du bonheur. Pour
sa famille bien sûr, qu’un pur amour, avec Yvette, avait su élargir si
généreusement. Mais aussi pour tant d’autres, parce qu’il était l’homme de tous
les oui, l’ami de tous les accueils, l’ardent de toutes les bonnes causes.
Et en plus, toutes ces cordialités spontanées, il
savait les transfigurer en poésie. Il aimait les habiller de beauté simple mais
profonde, en attendant la valeur ajoutée de la musique, grâce à la
collaboration de ses si bons amis compositeurs, metteurs en scène, musiciens et
chanteurs.
Bernard avait le talent humble, presque timide,
d’autant plus touchant. On chantera encore longtemps les fruits de son arbre
aux images, qu’il ne cueillait pas pour paraître sur un marché, mais simplement
pour faire plaisir, pour semer dans les jardins des autres de petites joies
mûries au soleil de sa spiritualité.
Son passage, ses partages n’avaient-ils pas le
goût de ces béatitudes racontées par Jésus ? Neuf fois
« heureux », pour ouvrir le voyage de l’évangile. Oui, des bonheurs
promis et souvent déjà là, mais d’abord pour les pauvres de cœur, les affamés
de justice, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix.
Celles et ceux qui connaissent Bernard- sa
famille, ses nombreux amis, ou celles et ceux qui l’ont chanté- le
reconnaissent là, au détour d’un souvenir béni, dans ce portrait des vrais
disciples à l’image de Jésus.
Bien sûr, il n’y a aucun chrétien parfait. Mais
on peut te dire merci aujourd’hui :
toi qui, si souvent, nous as aidés à être meilleurs, humainement,
chrétiennement, par le sourire, par la parole, par le chant et même par tes
silences parfois énigmatiques.
2.
Au milieu de ces béatitudes, il y a celle-ci : « Heureux ceux qui
pleurent, ils seront consolés. »
C’est là où nous sommes aujourd’hui.
L’inquiétude devant ta maladie, la perspective de te perdre ici-bas et
finalement cette mort inévitable : Bernard, notre douleur.
Le chagrin des tiens, mais aussi la tristesse de
celles et ceux que Bernard abritait dans les largeurs et les profondeurs de son
bon cœur, sans ostentation, sans prétention, gratuitement, par tendresse et par
fidélité.
Nous sommes tous là, profondément unis dans et
par cette peine, mais aussi dans une merveilleuse consolation. Celle que nous
donne la mémoire vive de sa douce bonté, et celle que nous offre la foi en la
bonté de Dieu qui recueille la vie des justes dans ses mains paternelles, après
nous les avoir donnés pour toutes sortes de belles fraternités.
Je me souviendrai toujours. A l’hôpital, tu
m’as répondu plusieurs fois ceci : In manus tuas, Domine, commendo spiritum
meum. Et une fois, tu l’as chanté, comme à complies. Et comme nous te
demandions où tu puisais ta confiance, tu as répondu aussitôt :
« J’ai confiance en celui qui m’a créé. »
Que celui-là t’accueille maintenant dans ce
royaume promis justement à ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur. Et
qu’il te donne le bonheur de la résurrection, en même temps qu’il sèche nos
larmes par la foi pascale. « Réjouissez-vous, car votre récompense sera
grande dans les cieux. »
3. Dans cette célébration, y compris avec la
probable variété de nos convictions, c’est bien vers le ciel qu’il nous faut
maintenant nous tourner. Bernard, notre espérance.
Avec cette liberté d’aller, même s’il reste
bien des questions sans réponses ici-bas, vers cet au-delà qui t’a fait
dire : « Je suis un homme libre, parce que j’ai déjà tout donné, tout
offert. » N’était-ce pas la mentalité du Christ sur la croix ? Quand
tout est donné, on peut partir en paix. Les cadeaux offerts demeurent dans le
cœur des aimés du plus grand amour, surtout avec l’offrande du sacrifice
suprême.
La famille en témoigne d’abord, la famille
large évidemment, mais aussi les communautés que Bernard a servies, dans
l’enseignement durant 40 ans, dans l’animation liturgique dimanche après
dimanche, dans le rayonnement culturel si varié, dans l’amour de son village et
de ses deux églises, dans la catéchèse et surtout dans tous ces dévouements
gratuits et souvent discrets qui avaient la saveur de l’amitié et les couleurs
de la solidarité sincères.
En nous quittant dans nos larmes, avec le
chapelet usé par notre maman dans ses mains, Bernard nous entraîne vers la
joie, celle du bon serviteur désormais comblé auprès du Christ ressuscité,
auprès de ses deux papas, de sa maman Marguerite, de notre Jacquy le
précurseur.
Va Bernard ! Nous te laissons partir, le
cœur brisé, mais l’âme en paix. Nous devinons où tu es arrivé, dans la maison
du Père. Toi, tu les vois maintenant ensemble, Dieu et ton papa que tu
souhaitais enfin rencontrer. C’est notre foi, c’est notre consolation.
Ton visage souriant a pris place maintenant
pour toujours au fond de notre cœur, parce que le tien repose désormais dans le
cœur même de Dieu.
A toi le dernier mot, dans les paroles d’un
chant intitulé « Ils sont vivants », mis en musique par Pierre
Huwiler pour les « Jardins du paradis » à Delémont en 2009 :
Mais quand debout on
les appelle
Du fond d’un cœur
ensoleillé
On les entend :
« la vie est belle
Il faut savoir en
profiter. »
On n’est pas là pour
un adieu
Ils sont vivants dans
notre histoire
On les invite à la
veillée
Comment ne pas toujours y croire
Que le printemps vient
d’arriver ?
Claude Ducarroz 25 septembre 2014
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