Toussaint 2014
Heureux ! Neuf
fois heureux !
Heu-reux ! C’est facile à dire, mais
tellement plus difficile à faire ou plutôt à être, n’est-ce pas ?
Comment être heureux quand on a des gros ennuis
de santé, quand on a perdu un être cher, quand on a des problèmes au travail,
quand on a des soucis dans son couple ou avec ses enfants ? Et puis tout
ce qu’on lit, voit, entend sur la situation du monde, qui ne peut pas nous
laisser indifférents.
Ces déclarations de bonheur –qu’on appelle les
béatitudes- sont-elles des provocations un peu trop faciles ou une feuille de
route… qui tient la route, justement ? Il n’est pas si simple de répondre
à cette question.
On peut évidemment tout renvoyer dans le
Royaume de Dieu, la terre nouvelle promise au-delà de la mort, « car votre
récompense sera grande…dans les cieux », conclut Jésus.
Nous n’allons pas cracher sur une telle
promesse. Elle est garantie par le Christ ressuscité qui nous a dit : « Je
vais vous préparer une place… Et là où je suis, vous serez aussi avec moi. »
N’est-ce pas ce que nous demandons et espérons pour tous nos chers
défunts ? En attendant que ce soit pour nous, avec tous les saints et
saintes du ciel.
Nous avons bien raison de nous cramponner à
cette espérance qui, finalement, correspond à nos plus chers désirs, pour
nous-mêmes et pour ceux et celles que nous aimons : être heureux pour
toujours avec Dieu, la source de notre vie et l’océan de notre rivière. Oui,
comme dit l’apôtre Jean : « Nous serons semblables à Dieu parce que
nous le verrons enfin tel qu’il est. »
Faut-il dès lors en rester là, au risque de
transformer la religion en opium du peuple, à savoir une vague promesse de
consolation illusoire dans l’au-delà ? Elle peut éventuellement nous aider
à supporter les maux d’ici-bas, mais sans conférer un sens à cette vie, autre
que d’être la salle d’attente plus ou moins confortable en vue de la vie d’après
? Le vaudois qui préférait le vin d’ici à l’(e)au-delà aurait-il, quelque part,
raison ?
Regardons ces fameuses béatitudes d’un peu plus
près. Elles ouvrent une espérance de vie éternelle, mais elles tracent aussi un
chemin qui devrait nous aider à marcher sur cette terre déjà, debout et non pas
en rampant. Certes c’est parfois paradoxal, un peu comme la vie :
« Ceux qui pleurent seront consolés, ceux qui ont faim et soif de justice
seront rassasiés, les miséricordieux obtiendront miséricorde et les artisans de
paix recevront la dignité de fils et filles de Dieu. » Pas seulement dans
l’au-delà, mais dès maintenant.
Il y a donc une possibilité ouverte, même pour
ceux qui traversent des adversités et des souffrances, d’être heureux
maintenant, en attendant le bonheur parfait de l’autre côté de la mort. Un
bonheur que Jésus décrit ainsi : « Que ma joie soit en vous et que
votre joie soit parfaite… Une joie que personne ne pourra vous enlever. »
Et c’est vrai. Quand on regarde la vie des
saints, on se rend compte que beaucoup parmi eux ont passé par des épreuves,
mais qu’ils ont su garder la joie essentielle. Pensons par exemple à saint
François d’Assise. Quelle belle leçon !
Elle est double. D’abord cette joie, il faut
aller la chercher dans les profondeurs, au niveau de l’être plutôt que dans le
faire ou le ressentir. Je ne veux pas signifier par là qu’il n’est pas
important de trouver aussi du plaisir à vivre, des petits bonheurs quotidiens,
dans les expériences de l’amour, de l’amitié, des relations humaines
d’apparence banale. Comme on est heureux d’avoir encore de la petite monnaie
dans son porte-monnaie !
Jésus lui-même a apprécié les délices de la
table entre amis, les beautés de la nature, le sourire tout neuf de celles et
ceux qu’il aidait à vivre ou à revivre.
Mais quand il voulait puiser dans la nappe
phréatique de la vraie joie, il se retirait sur la montagne, priait le Père
dans le secret, accomplissait sa volonté et non pas nécessairement la sienne
propre. Quand il exulta sous l’action de l’Esprit-Saint, c’est parce que le
Père avait caché ses mystères aux sages et aux habiles et les avait révélé aux
pauvres et aux petits.
Le bonheur, finalement, c’est une affaire de
communion des êtres plutôt que les démonstrations du paraître ou les exploits
du faire.
Et cela est possible même dans les difficultés.
On pourrait dire que ce bonheur-là est offert à tous en toutes circonstances,
car il est un cadeau de Dieu sans interruption. Les saints nous en donnent la
preuve.
Finalement, la meilleure recette du bonheur ici
et maintenant, --après avoir mangé et bu dans le bonheur même de Dieu qui est
plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes-, ne serait-ce pas de contribuer à
faire le bonheur des autres, selon cette parole de Jésus : « Il
y a plus de joie à donner qu’à recevoir ! » ?
On peut appeler cela la joie d’aimer, mais
aussi, plus simplement peut-être, le bonheur de faire plaisir, de donner un
coup de main, d’aider à se relever, à grandir, à retrouver un sens à la vie. A
qui, aujourd’hui, as-tu offert ne serait-ce qu’un petit supplément de
bonheur ? C’est peut-être ça la sainteté au quotidien.
* La mort des autres nous rappelle sans cesse,
et parfois douloureusement, que nous sommes tous mortels et que, par conséquent
nous devons nous tenir prêts, car nous ne connaissons ni le jour ni l’heure.
* La présence discrète des saints et saintes
nous indique la prairie du bonheur parfait dans les jardins du paradis auprès
de Dieu qui nous comblera de sa propre joie. Heureusement.
* Et le partage avec celles et ceux qui nous
entourent sur cette terre nous invite à toujours prendre les chemins de l’amour
fraternel pour semer dès maintenant des graines d’éternité qui donneront des
fruits dans le royaume des cieux.
Alors nous expérimenterons l’actualité de cette
invitation exorbitante de Jésus, la dernière béatitude. »Réjouissez-vous,
soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux »
Claude
Ducarroz
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