vendredi 31 octobre 2014

Homélie de la Toussaint

Toussaint 2014



Heureux ! Neuf fois heureux !
Heu-reux ! C’est facile à dire, mais tellement plus difficile à faire ou plutôt à être, n’est-ce pas ?
Comment être heureux quand on a des gros ennuis de santé, quand on a perdu un être cher, quand on a des problèmes au travail, quand on a des soucis dans son couple ou avec ses enfants ? Et puis tout ce qu’on lit, voit, entend sur la situation du monde, qui ne peut pas nous laisser indifférents.

Ces déclarations de bonheur –qu’on appelle les béatitudes- sont-elles des provocations un peu trop faciles ou une feuille de route… qui tient la route, justement ? Il n’est pas si simple de répondre à cette question.

On peut évidemment tout renvoyer dans le Royaume de Dieu, la terre nouvelle promise au-delà de la mort, « car votre récompense sera grande…dans les cieux », conclut Jésus.
Nous n’allons pas cracher sur une telle promesse. Elle est garantie par le Christ ressuscité qui nous a dit : « Je vais vous préparer une place… Et là où je suis, vous serez aussi avec moi. » N’est-ce pas ce que nous demandons et espérons pour tous nos chers défunts ? En attendant que ce soit pour nous, avec tous les saints et saintes du ciel. 
Nous avons bien raison de nous cramponner à cette espérance qui, finalement, correspond à nos plus chers désirs, pour nous-mêmes et pour ceux et celles que nous aimons : être heureux pour toujours avec Dieu, la source de notre vie et l’océan de notre rivière. Oui, comme dit l’apôtre Jean : « Nous serons semblables à Dieu parce que nous le verrons enfin tel qu’il est. »
Faut-il dès lors en rester là, au risque de transformer la religion en opium du peuple, à savoir une vague promesse de consolation illusoire dans l’au-delà ? Elle peut éventuellement nous aider à supporter les maux d’ici-bas, mais sans conférer un sens à cette vie, autre que d’être la salle d’attente plus ou moins confortable en vue de la vie d’après ? Le vaudois qui préférait le vin d’ici à l’(e)au-delà aurait-il, quelque part, raison ?

Regardons ces fameuses béatitudes d’un peu plus près. Elles ouvrent une espérance de vie éternelle, mais elles tracent aussi un chemin qui devrait nous aider à marcher sur cette terre déjà, debout et non pas en rampant. Certes c’est parfois paradoxal, un peu comme la vie : « Ceux qui pleurent seront consolés, ceux qui ont faim et soif de justice seront rassasiés, les miséricordieux obtiendront miséricorde et les artisans de paix recevront la dignité de fils et filles de Dieu. » Pas seulement dans l’au-delà, mais dès maintenant.

Il y a donc une possibilité ouverte, même pour ceux qui traversent des adversités et des souffrances, d’être heureux maintenant, en attendant le bonheur parfait de l’autre côté de la mort. Un bonheur que Jésus décrit ainsi : « Que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite… Une joie que personne ne pourra vous enlever. »

Et c’est vrai. Quand on regarde la vie des saints, on se rend compte que beaucoup parmi eux ont passé par des épreuves, mais qu’ils ont su garder la joie essentielle. Pensons par exemple à saint François d’Assise. Quelle belle leçon !

Elle est double. D’abord cette joie, il faut aller la chercher dans les profondeurs, au niveau de l’être plutôt que dans le faire ou le ressentir. Je ne veux pas signifier par là qu’il n’est pas important de trouver aussi du plaisir à vivre, des petits bonheurs quotidiens, dans les expériences de l’amour, de l’amitié, des relations humaines d’apparence banale. Comme on est heureux d’avoir encore de la petite monnaie dans son porte-monnaie !
Jésus lui-même a apprécié les délices de la table entre amis, les beautés de la nature, le sourire tout neuf de celles et ceux qu’il aidait à vivre ou à revivre.
Mais quand il voulait puiser dans la nappe phréatique de la vraie joie, il se retirait sur la montagne, priait le Père dans le secret, accomplissait sa volonté et non pas nécessairement la sienne propre. Quand il exulta sous l’action de l’Esprit-Saint, c’est parce que le Père avait caché ses mystères aux sages et aux habiles et les avait révélé aux pauvres et aux petits.
Le bonheur, finalement, c’est une affaire de communion des êtres plutôt que les démonstrations du paraître ou les exploits du faire.
Et cela est possible même dans les difficultés. On pourrait dire que ce bonheur-là est offert à tous en toutes circonstances, car il est un cadeau de Dieu sans interruption. Les saints nous en donnent la preuve.

Finalement, la meilleure recette du bonheur ici et maintenant, --après avoir mangé et bu dans le bonheur même de Dieu qui est plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes-, ne serait-ce pas de contribuer à faire le bonheur des autres, selon cette parole de Jésus : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ! » ?
On peut appeler cela la joie d’aimer, mais aussi, plus simplement peut-être, le bonheur de faire plaisir, de donner un coup de main, d’aider à se relever, à grandir, à retrouver un sens à la vie. A qui, aujourd’hui, as-tu offert ne serait-ce qu’un petit supplément de bonheur ? C’est peut-être ça la sainteté au quotidien.

* La mort des autres nous rappelle sans cesse, et parfois douloureusement, que nous sommes tous mortels et que, par conséquent nous devons nous tenir prêts, car nous ne connaissons ni le jour ni l’heure.
* La présence discrète des saints et saintes nous indique la prairie du bonheur parfait dans les jardins du paradis auprès de Dieu qui nous comblera de sa propre joie. Heureusement.
* Et le partage avec celles et ceux qui nous entourent sur cette terre nous invite à toujours prendre les chemins de l’amour fraternel pour semer dès maintenant des graines d’éternité qui donneront des fruits dans le royaume des cieux.

Alors nous expérimenterons l’actualité de cette invitation exorbitante de Jésus, la dernière béatitude. »Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux »


                                   Claude Ducarroz

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