dimanche 23 novembre 2014

Fête du Christ Roi

Fête du Christ-Roi



Pas de chance ! Au cours de sa longue histoire –depuis 1291-, la Suisse n’a jamais eu de roi. Il y a comme une allergie toute helvétique à ce type de gouvernement. Nous avons beaucoup de défauts, mais nous ne sommes pas monarchistes.
Avec une nuance cependant : les Suisses –et singulièrement les Fribourgeois- furent nombreux à s’engager dans le service militaire des royaumes environnants où certains gagnèrent quelques quartiers de noblesse et beaucoup d’argent. D’où ce proverbe bien connu en France : « Pas d’argent, pas de Suisse ! »
Le saviez-vous ? Dans le premier vitrail à gauche dans le chœur de notre cathédrale, on rend hommage au service mercenaire à l’étranger exercé par de glorieux Fribourgeois.

Et voici que la fête liturgique de ce jour nous présente un roi : le Christ-Roi. Autant dire un roi pas tout à fait comme les autres. C’est le mot Christ qui fait justement la différence. Nous pouvons donc, tout en demeurant des Suisses démocrates et républicains, nous placer sans crainte sous la bannière de ce roi-là.
Un roi quand même puisque l’évangile de cette messe l’appelle ainsi et le présente comme tel. Souvenez-vous : « le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire… Toutes les nations seront rassemblées devant lui… »
Mais là s’arrête la comparaison avec les monarques de ce monde. Pour le reste, je vous conseille de contempler une fois le portail d’entrée de notre cathédrale, car justement il illustre cette page d’évangile.

Le Christ y est présenté comme un roi, assis sur un trône surmonté d’un baldaquin à la bordure dorée. Derrière sa tête, le rayonnement du soleil pour signifier sa couronne de gloire.
Et maintenant s’expose la différence : sur ses mains et ses pieds, on voit encore la trace des plaies ouvertes par les clous. Et regardez bien, c’est un peu étonnant mais combien significatif : jusque dans son royaume, au dessus de l’arc-en-ciel, il a gardé sur sa tête la couronne d’épines.

Tout est dit sur le règne de ce roi.
C’est un règne d’amour qui donne et se donne, et non pas l’irruption d’une puissance qui domine et contraint. Jamais il ne fut autant roi que sur la croix, parce qu’il mettait en pratique jusqu’à l’extrême sa propre parole : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Avec l’autre face de cette gloire par amour : la résurrection, le crucifié glorifié par Dieu dans son Royaume éternel comme fruit de son sacrifice.

Mais attention ! Ce n’est pas un fruit qu’il dégusterait en divin égoïste, lui tout seul, là-haut sur son trône. Non ! Il est en bonne et nombreuse compagnie. C’est une victoire royale qu’il partage avec nous, en vainqueur final du mal et de la mort.
Et la preuve a été donnée déjà sur la croix, de sorte que personne ne puisse dire « ce n’est pas pour moi, je suis trop moche, trop mauvais, trop indigne ». Au crucifié à ses côtés qui lui disait simplement ceci : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume », Jésus répondit tout aussi brièvement : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Or c’était un bandit.
Ainsi se réalisait cette prière de Jésus: « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire. »

Nous sommes les sujets de ce roi-là, nous sommes les citoyens de ce royaume-là, nous sommes les promis à cette gloire-là. « Quand tout sera achevé, dit saint Paul, le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père. … Et Dieu sera tout en tous. »
Oui, un jour, nous entendrons le Christ-Roi nous dire : « Venez les bénis de mon Père. Recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde. ».

Encore faut-il prendre le chemin qui y conduit pour frapper, le moment venu, à la bonne porte. Ca ne peut être qu’un chemin d’amour, ça ne peut être qu’une porte de miséricorde.

Un indice ne trompe pas. Il est donné par le roi lui-même : « J’avais faim, j’avais soif, j’étais prisonnier, j’étais étranger, j’étais malade, j’étais nu…et vous m’avez aimé en étant solidaire, compatissant, généreux. « Car tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. »

Autrement dit, le roi de gloire est déjà parmi nous. Pas besoin de le traquer dans les nuages. Il nous donne rendez-vous dès maintenant, car il se cache sous les traits de tous ceux qui souffrent, espèrent une libération, ou simplement ont besoin d’un verre d’eau, dit Jésus, pour ne pas décourager ceux qui n’auraient que ce petit peu à donner, mais de bon cœur.

Oui, le royaume des cieux commence sur cette terre partout où des hommes, quels qu’ils soient, inventent des gestes d’amour, de pardon, de compassion, d’entraide, de service gratuit.
Et dans notre société si labourée par les violences, les injustices et les misères de toutes sortes, ce ne sont pas les occasions qui manquent, n’est-ce pas ?
N’allons pas chercher bien loin. Chacun de nous, avec ce qu’il a et surtout ce qu’il est, peut faire un pas en avant sur le chemin royal qui mène au paradis en donnant la main du cœur à quelqu’un d’autre qui peine, qui tombe ou n’arrive pas à se relever tout seul.
Pour le bonheur de celui qui reçoit, mais aussi pour la joie de celui qui donne. Car, disait encore Jésus en parlant d’un apéritif royal partagé dès maintenant: « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. »
Oui, c’est la main des pauvres qui nous offre les cadeaux de Dieu.

                                               Claude Ducarroz




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire