Fête du Christ-Roi
Pas de chance ! Au cours de sa longue
histoire –depuis 1291-, la Suisse n’a jamais eu de roi. Il y a comme une
allergie toute helvétique à ce type de gouvernement. Nous avons beaucoup de
défauts, mais nous ne sommes pas monarchistes.
Avec une nuance cependant : les Suisses
–et singulièrement les Fribourgeois- furent nombreux à s’engager dans le
service militaire des royaumes environnants où certains gagnèrent quelques
quartiers de noblesse et beaucoup d’argent. D’où ce proverbe bien connu en
France : « Pas d’argent, pas de Suisse ! »
Le saviez-vous ? Dans le premier vitrail à
gauche dans le chœur de notre cathédrale, on rend hommage au service mercenaire
à l’étranger exercé par de glorieux Fribourgeois.
Et voici que la fête liturgique de ce jour nous
présente un roi : le Christ-Roi. Autant dire un roi pas tout à fait comme
les autres. C’est le mot Christ qui fait justement la différence. Nous pouvons
donc, tout en demeurant des Suisses démocrates et républicains, nous placer
sans crainte sous la bannière de ce roi-là.
Un roi quand même puisque l’évangile de cette
messe l’appelle ainsi et le présente comme tel. Souvenez-vous : « le
Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire… Toutes les nations seront
rassemblées devant lui… »
Mais là s’arrête la comparaison avec les
monarques de ce monde. Pour le reste, je vous conseille de contempler une fois
le portail d’entrée de notre cathédrale, car justement il illustre cette page
d’évangile.
Le Christ y est présenté comme un roi, assis sur
un trône surmonté d’un baldaquin à la bordure dorée. Derrière sa tête, le
rayonnement du soleil pour signifier sa couronne de gloire.
Et maintenant s’expose la différence : sur
ses mains et ses pieds, on voit encore la trace des plaies ouvertes par les
clous. Et regardez bien, c’est un peu étonnant mais combien significatif :
jusque dans son royaume, au dessus de l’arc-en-ciel, il a gardé sur sa tête la
couronne d’épines.
Tout est dit sur le règne de ce roi.
C’est un règne d’amour qui donne et se donne,
et non pas l’irruption d’une puissance qui domine et contraint. Jamais il ne
fut autant roi que sur la croix, parce qu’il mettait en pratique jusqu’à
l’extrême sa propre parole : « Il n’y a pas de plus grand amour que
de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Avec l’autre face de cette gloire
par amour : la résurrection, le crucifié glorifié par Dieu dans son
Royaume éternel comme fruit de son sacrifice.
Mais attention ! Ce n’est pas un fruit
qu’il dégusterait en divin égoïste, lui tout seul, là-haut sur son trône.
Non ! Il est en bonne et nombreuse compagnie. C’est une victoire royale
qu’il partage avec nous, en vainqueur final du mal et de la mort.
Et la preuve a été donnée déjà sur la croix, de
sorte que personne ne puisse dire « ce n’est pas pour moi, je suis trop
moche, trop mauvais, trop indigne ». Au crucifié à ses côtés qui lui
disait simplement ceci : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans
ton royaume », Jésus répondit tout aussi
brièvement : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le
paradis. » Or c’était un bandit.
Ainsi se réalisait cette prière de
Jésus: « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis,
eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire. »
Nous sommes les sujets de ce roi-là, nous
sommes les citoyens de ce royaume-là, nous sommes les promis à cette gloire-là.
« Quand tout sera achevé, dit saint Paul, le Christ remettra son pouvoir
royal à Dieu le Père. … Et Dieu sera tout en tous. »
Oui, un jour, nous entendrons le Christ-Roi
nous dire : « Venez les bénis de mon Père. Recevez en héritage le
royaume préparé pour vous depuis la création du monde. ».
Encore faut-il prendre le chemin qui y conduit
pour frapper, le moment venu, à la bonne porte. Ca ne peut être qu’un chemin
d’amour, ça ne peut être qu’une porte de miséricorde.
Un indice ne trompe pas. Il est donné par le
roi lui-même : « J’avais faim, j’avais soif, j’étais prisonnier,
j’étais étranger, j’étais malade, j’étais nu…et vous m’avez aimé en étant
solidaire, compatissant, généreux. « Car tout ce que vous faites à l’un de
ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. »
Autrement dit, le roi de gloire est déjà parmi
nous. Pas besoin de le traquer dans les nuages. Il nous donne rendez-vous dès
maintenant, car il se cache sous les traits de tous ceux qui souffrent,
espèrent une libération, ou simplement ont besoin d’un verre d’eau, dit Jésus,
pour ne pas décourager ceux qui n’auraient que ce petit peu à donner, mais de
bon cœur.
Oui, le royaume des cieux commence sur cette
terre partout où des hommes, quels qu’ils soient, inventent des gestes d’amour,
de pardon, de compassion, d’entraide, de service gratuit.
Et dans notre société si labourée par les
violences, les injustices et les misères de toutes sortes, ce ne sont pas les
occasions qui manquent, n’est-ce pas ?
N’allons pas chercher bien loin. Chacun de
nous, avec ce qu’il a et surtout ce qu’il est, peut faire un pas en avant sur
le chemin royal qui mène au paradis en donnant la main du cœur à quelqu’un
d’autre qui peine, qui tombe ou n’arrive pas à se relever tout seul.
Pour le bonheur de celui qui reçoit, mais aussi
pour la joie de celui qui donne. Car, disait encore Jésus en parlant d’un
apéritif royal partagé dès maintenant: « Il y a plus de joie à donner qu’à
recevoir. »
Oui, c’est la main des pauvres qui nous offre
les cadeaux de Dieu.
Claude
Ducarroz
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