100
ans de la naissance de +Oscar Moret
Je descendais de Bonavaux quand j’ai rattrapé
Oscar Moret sur le chemin près de Grandvillard. Et nous avons continué un bon
moment à marcher ensemble. Et de quoi avons-nous parlé ? De musique
évidemment. Mais aussi de nature. Et de religion.
Bien sûr, celles et ceux qui l’ont connu encore
mieux que moi pourraient en dire bien davantage. Je pense à sa famille, à ses
amis et à celles et ceux qu’il a entraînés et enchantés dans la vie musicale.
Et ils sont très nombreux. Vous aurez la parole ou vous prendrez la plume en
d’autres circonstances.
En repensant à la rencontre de Grandvillard, je
me dis que Oscar Moret était un vrai Fribourgeois, comme on les aime et comme on
en trouve encore beaucoup heureusement.
La nature, la culture,
la foi.
1. Oscar
Moret avait les pieds sur terre, même s’il savait aussi lever son regard vers
le ciel. Il a prouvé, dans sa manière d’être et d’agir, que des racines
profondes peuvent aussi donner des ailes très larges. D’ailleurs le ciel
n’est-il pas d’abord le meilleur de la nature, la source de toute lumière, de
jour et de nuit ?
Je me souviens. Alors qu’il était déjà entré
dans le grand âge, Oscar m’avait raconté avec enthousiasme ses expériences
récentes de saut en deltaplane du côté de la Vudalla. Et c’était si beau d’entendre
ce vieil homme m’expliquer en détails une telle aventure.
Partir du sol, narguer le vaste horizon,
savourer l’espace, faire de la nature en tous ses états le début d’une épopée à
la fois audacieuse et respectueuse : c’était Oscar dans ses défis et dans
ses inspirations aussi. La Gruyère des bretzons et celle du firmament.
Fribourg, en ville, mais surtout sa chère
Gruyère natale: ce furent les paysages de sa contemplation et de ses
créations, les lieux bénis de ses joies en famille et de ses randonnées
silencieuses. La ville et la campagne comme mystères et confidentes : de
quoi susciter le goût de les étreindre en les chantant, en les sublimant par la
poésie et la musique. Oscar l’a fait, et avec quel talent !
2. Il
nous faut donc parler de la musique,
celle qui fut à la fois la source de son bonheur et le lieu de ses labeurs.
Dans la musique et dans les chants, en patois
ou en français, il a su transmettre de la beauté intérieure, qui touche encore l’âme
et émeut le cœur. Il nous faut redécouvrir le trésor créatif d’Oscar Moret, 650
œuvres à son répertoire…répertorié !
Au plus près de notre ADN fribourgeois, mais
aussi par les cris qui montent des rivages de l’histoire, il a su exprimer le
chant du monde, celui qui murmure en nos profondeurs personnelles, mais aussi celui
qui éclate en sanglots quand on écoute l’actualité des peuples. Il a chanté et
enchanté en artiste sensible, mais aussi en citoyen engagé. Mais avec cette
modestie - un autre nom de l’humilité- qui sied si bien aux couleurs de
Fribourg. Trop bien parfois.
En même
temps, Oscar avait l’art de la transmission pédagogique, autre qualité bien de
chez nous, quand on pense, entre autres, aux Bovet, Kaelin, Aeby et Chenaux, pour
ne citer que les plus célèbres. Nous ne mettons pas nos trésors dans les
vitrines clinquantes des publicités éphémères. Nous les offrons aux autres dans
des rencontres fraternelles où la musique surfe sur l’amitié, où le chant
devient une société populaire, où les instruments jouent en fanfare pour la
joie du public.
C’est trop peu d’être doué. Il faut encore
partager. Oscar Moret a vécu ainsi au milieu de nous, longuement, ardemment,
simplement. Nous lui en sommes reconnaissants. Notre mémoire de ce jour devient
un mémorial. Son rayonnement, musical et humain, doit demeurer vivant dans notre
souvenance émue comme un héritage apprécié.
3. Serait-ce
encore Fribourg s’il n’y avait la dimension de la foi ? Oscar était un
croyant, de part ses racines familiales, la famille d’où il vient, la famille
qu’il a formée. Je ne relève pas cela parce que nous sommes dans une cathédrale
–l’église de sa paroisse quand il habitait la Grand’Rue-, mais parce que c’est
la vérité.
Dans son œuvre très variée, comme le prouve la
liturgie de ce jour, il a su exprimer sa foi qui est aussi la nôtre, par des
compositions de musique sacrée qui ont défié le temps, un peu comme le chant
grégorien qui fut son principal maître.
Il y a ces messes qui transpirent la piété. Il
y a aussi des chants qui renouvellent le répertoire sans galvauder la beauté.
Il y a enfin ces compositions d’apparence plus
profane, mais où sa foi évangélique, confrontée à la vie ordinaire,
parfois tragique, a su créer des poèmes et des mélodies qui nous aident encore
à espérer malgré tout. On ferait bien, dans la crise que nous traversons, de
réécouter par exemple, le message et la rude douceur de la Berceuse pour la
paix.
La foi d’Oscar Moret, c’est aussi son état
d’esprit, une certaine rigueur dans l’ombre, une certaine humilité dans le
devoir accompli, une compétence remarquable, mais sans prétention. Une certaine
saveur évangélique à l’image des béatitudes.
Dans cette ambiance, avec sa chère épouse et sa
famille, avec ses amis musiciens, chanteurs et directeurs qui lui doivent tant,
dans cette cathédrale où repose l’abbé Bovet, où l’abbé Kaelin a œuvré durant
plus de 30 ans, nous voulons, quelque part rendre justice à notre ami Oscar
Moret. Il a bien mérité de la musique et du chant, mais aussi du pays et de
l’Eglise.
Avec lui et par lui, la nature est montée en
culture, et maintenant c’est le culte – à savoir l’eucharistie- qui intègre sa
riche vie et aussi sa mort il y a 10 ans, dans l’espérance de la résurrection.
Claude
Ducarroz
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