Jeudi Saint 2014
On cherche des heureux ! Oui, il nous
manque des heureux. Et pourtant il y aurait deux belles occasions de l’être.
Elles nous sont rappelées justement ce soir.
D’abord « Heureux les invités au repas du
Seigneur ». A chaque eucharistie, depuis ce soir du premier jeudi saint,
cet appel retentit sans cesse, en écho à ce verset de
l’Apocalypse (19,9) : « Heureux les invités au festin de noces
de l’Agneau ! »
Car c’est cela l’eucharistie : l’Agneau
pascal, la veille de sa mort, a institué un repas de fête partagée dans lequel,
en anticipant son sacrifice sur la croix, il se donne déjà lui-même pour le
salut du monde. Avec cette recommandation qui vient solliciter notre liberté
puisqu’il s’agit d’un cadeau offert gratuitement et non pas imposé comme un
commandement pesant: « Refaites cela en mémoire de moi. »
Les 15 et 16 juin dernier, une enquête de
fréquentation des messes dans le décanat de Fribourg a montré qu’environ 10%
des catholiques ont répondu présents à cette invitation eucharistique ce
week-end-là, avec une nette majorité de femmes et fort peu de jeunes. Tous les
autres, avec de bonnes ou mauvaises raisons, ont renoncé au « bonheur
eucharistique » ce dimanche-là. C’est bien dommage pour eux.
Mais ceux et surtout celles qui ont répondu oui
à l’invitation du Seigneur étaient-ils vraiment heureux ? Ont-ils
manifesté ce bonheur durant la célébration ? En rentrant chez eux, ont-ils
donné envie à d’autres de vivre une telle joie en Eglise ?
Ce sont des questions que nous devons nous poser
de temps en temps, pas pour briser notre élan eucharistique vers ce « grand
mystère de la foi », mais pour reprendre conscience qu’un tel rendez-vous
donné par le Seigneur lui-même, dans la communion à son corps livré et à son
sang versé pour nous et pour la multitude, doit être source d’une joie toujours
plus contagieuse.
Au soir du jeudi saint, le mémorial de la mort
et de la résurrection du Seigneur a certes un caractère de gravité, mais il
doit être surtout une fontaine d’allégresse intérieure qui nous pousse, plus
que jamais, à l’action de grâces, autrement dit, selon le sens exact du mot, à
devenir à notre tour « eucharistiques ».
Et puis comme un cadeau n’arrive jamais seul,
voici un deuxième bonheur rappelé dans l’évangile de ce soir sous la forme
biblique d’une béatitude : « Heureux serez-vous si vous le
faites », presque la même formule que pour la sainte Cène. De quoi
s’agit-il ? Du lavement des pieds.
Oui, Jésus a aussi associé une déclaration et
une promesse de bonheur à ce geste très simple, très humble, symbole en acte
concret de toutes les postures de vraie charité, notamment à l’égard de celles
et ceux qui ont le plus besoin d’être aimés et servis, même s’ils ne sont pas
toujours aimables.
Car ce n’est pas assez d’aimer ceux qui nous
aiment, il faut aussi aimer les autres, jusqu’au pardon. Et ce n’est pas assez
d’aimer par devoir triste, il faut se donner de bon cœur, avec la joie de
servir. Comme Jésus a montré l’un et l’autre, jusque sur la croix.
Ce soir, dans le rite du lavement des pieds,
nous voulons accueillir et recueillir tous les engagements de solidarité, de
compassion, de service généreux, en un mot d’amour, qui soulèvent notre
humanité vers Dieu au dessus de l’océan des haines, guerres, exclusions et
autres violences.
Heureusement, dans toutes les religions et même
parmi les gens qui n’en ont aucune, il y a encore des hommes et des femmes
capables d’attention, de tendresse, d’amitié. Par la grâce de Dieu.
Deux fois heureux ! Deux bonheurs qui ne
demandent qu’une chose : faire alliance, et puisqu’il s’agit de
noces : se marier. L’eucharistie conduit au service des frères et sœurs en
humanité, à tous les lavements des pieds, plus que jamais nécessaires dans un
monde encore si inhumain, parfois jusqu’à la cruauté.
Et comme on voudrait que les artisans de paix,
de solidarité et de justice puissent découvrir la joie de venir rencontrer dans
l’eucharistie le premier Serviteur de l’être humain, celui qui a tellement aimé
le monde qu’il a donné sa vie pour nous, pour eux, pour tous.
Tous les chrétiens dits
« pratiquants » sont les apôtres des deux bonheurs promis par le
Christ dans l’évangile de ce jeudi saint. Parmi eux, il y a les évêques,
prêtres et diacres, consacrés au ministère de la parole, des sacrements, de la
communion dans l’amour. Eux les premiers, ils doivent –ils devraient- être des
serviteurs heureux, même si, par les temps qui courent, ce n’est pas toujours
facile.
Aidez-nous à être heureux dans notre mission,
vous qui avez compris comme nous et avec nous –et parfois un peu à cause de
nous- combien le Seigneur est bon pour tous, dans son eucharistie et dans sa
diaconie, ces deux mains que le Seigneur nous tend pour nous serrer sur son
cœur qui embrasse amoureusement toute
l’humanité.
Claude
Ducarroz
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