Vendredi Saint 2014
Le Christ est en croix. Pour y mourir ou plutôt
pour y donner sa vie.
Et si nous étions aussi là, près de lui, autour
de lui, puisqu’il meurt pour la multitude ?
Car là où il y a Jésus, surtout dans l’acte du
salut universel par amour, n’y a-t-il pas toute l’humanité à sauver ? N’y
a-t-il pas toute l’Eglise, ce germe de l’humanité nouvelle ?
En voyant Jésus, Pilate ne l’a-t-il pas annoncé
sans le savoir : « Voici l’homme ! » ? Tout homme.
Tout l’homme.
Et quand l’évangéliste note qu’au pied de la
croix de Jésus se tenaient sa mère et le disciple qu’il aimait, avec quelques
femmes, n’était-ce pas déjà l’Eglise en son commencement ?
Et nous, où sommes-nous ?
Peut-être simplement avec la foule, avec les
gens qui vont et viennent, à moitié curieux, un peu désolés, avec quelques
questions de reste, une fois consultés les médias friands de sensationnel plus
ou moins sanguinolent.
« Voici votre roi !», avait dit et
fait écrire Pilate. Mais la foule avait répondu : « Crucifie-le !».
Décidemment, on ne sait plus que penser, on ne sait plus qui croire. Surtout quand on regarde de loin, avec
certains qui rient, d’autres qui ricanent. Et dans les coulisses de l’histoire, les autorités bien en place -politiques,
militaires et même religieuses-, unies pour une fois afin de mieux éliminer
tout concurrent possible.
Finalement, un fait divers pour les médias !
Combien aujourd’hui, chez nous, ont lu le journal plutôt qu’ouvrir l’évangile
du Vendredi Saint ?
Et puis heureusement, il y a des femmes, les
plus courageuses, parce qu’elles suivent jusqu’au bout en écoutant la voix de
leur cœur, les chrétiennes de toutes les pitiés et piétés sincères. Certaines
pleurent, anonymes, à quelque distance encore, les filles de Jérusalem.
D’autres sont carrément au pied du gibet, mêlant leur compassion à la passion
de Jésus. Que ferions-nous sans les femmes de foi et de tendresse dans l’Eglise
d’aujourd’hui ?
Quatre hommes sauvent notre face, à nous les
hommes. Enfin !
* Symon de Cyrène, requis mais généreux, l’icône
de tous les hommes de bon cœur qui donnent temps, compétences et engagement
dans les causes humanitaires, au secours de tous les crucifiés dans notre
monde. Souvent sans même savoir qu’ils portent la croix du Fils de Dieu en
soulageant la souffrance des damnés de notre terre, celles et ceux qui tombent
sous les coups de la violence, de l’injustice et de l’exclusion engendrées par
d’autres humains. Ils sont là puisque « tout ce que vous faites à ces plus
petits qui sont mes frères, dit Jésus, c’est à moi que vous le faites. »
* Et puis il y a ce centurion, un soldat païen,
ni juif ni chrétien, un étranger 100%, qui finit par dire, le premier de tous,
la plus profonde vérité sur ce condamné à mort, la foi de l’Eglise, la
nôtre : « Vraiment celui-ci était le fils de Dieu. » Un porte parole inattendu, surprenant, mais si
utile, le premier évangélisateur, le premier prédicateur, le premier catéchiste.
* Enfin
Joseph d’Arimathie et Nicodème,
les hommes de l’ensevelissement. Pas très glorieux, le premier était
seulement disciple en secret. Et l’autre n’acceptait de rencontrer Jésus que de
nuit. Mais au moment décisif, leur solidarité prépare finalement la
résurrection, comme on le montre dans la chapelle du Saint-Sépulcre de notre
cathédrale. Il n’est jamais trop tard pour soigner le corps de Jésus. Ils
croyaient être les employés de la mort. Ils vont devenir les collaborateurs de
la résurrection.
Où sommes-nous ? Osons-nous nous
rapprocher encore de la croix ?
Là, tout près, sur l’une des deux autres
croix ?
* Le larron du non ou celui du oui, au dernier
moment ? Une vérité demeure, que rien ni personne ne peut nier : il
ne faut jamais désespérer de la bonté de Dieu en Jésus Christ.
Quelle leçon pour nous, quand nous nous mettons
à juger les autres ou à désespérer de nous-mêmes. Le premier canonisé, si l’on
peut dire, était un criminel : « Aujourd’hui –quelle
promptitude !, tu seras avec moi -quelle compagnie !, dans le paradis
-quel séjour !
Cette humanité du pardon, cette Eglise de la
miséricorde, là, sous la pluie d’eau et de sang coulant du côté ouvert de
Jésus : les sacrements du baptême qui donne la vie et de l’eucharistie qui
nourrit la vie. Dès ici-bas et pour l’éternité.
Enfin n’oublions pas l’Eglise la plus intense,
Marie et Jean, là, embrassant la croix. Pas en très bonne compagnie, comme il
se doit pour une communauté d’amour selon l’évangile. La Marie-Madeleine ne
faisait-elle pas un peu tache parmi tant de sainteté ? Mais elle était là,
avec les autres, elle qui sera bientôt la première témoin de la résurrection,
chargée de l’annoncer aux apôtres sceptiques. Cette pardonnée de beaucoup de
péchés, elle s’appuie sur l’Immaculée, Marie de Nazareth, la mère du crucifié.
Car dans l’Eglise, la sainteté de pureté et la sainteté de pardon doivent
toujours se donner la main. Sous la guidée de l’apôtre, celui que Jésus aimait.
Telle est l’Eglise au sommet. Elle est mariale
et apostolique –car le disciple prit Marie chez lui- ; elle est sainte et
en voie de sainteté ; elle est féminine et masculine; elle est la maison
de l’amour de Dieu, avec des bras ouverts à l’infini, comme ceux de Jésus en
croix, au moment où il dit : « Tout est accompli ».
Et alors, c’est déjà Pentecôte :
« Inclinant la tête, il remit l’Esprit. »
Claude
Ducarroz
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