Pâques 2014
« J’ai tout pour être heureux. Mais je
n’arrive pas à être heureux ! »
Cet heureux-malheureux, c’est un ami que j’ai
rencontré il y a deux semaines.
Une belle carrière professionnelle, une épouse
magnifique à tous points de vue, quatre enfants qui vont bien, et maintenant
des petits-enfants : il pourrait –il devrait- être heureux. Il ne l’est
pas. Et c’est même tout à son honneur : il est extrêmement sensible à ce
qui se passe autour de lui, et jusque dans le vaste monde. « Je vois et
j’entends tant de violences, de guerres, d’injustices, me dit-il, que ça m’empêche d’apprécier mon bonheur
personnel. Je suis malheureux du malheur des autres. »
Je le sais, et cet ami me l’a confirmé dans la
discussion : il n’est pas croyant. D’ailleurs il m’a dit : « Qu’est-ce
qu’il fait ton bon Dieu dans tout cela ? »
Je n’ai pas de réponse facile, toute faite, à
de telles questions, que je me pose aussi comme homme et même comme chrétien.
Et pourtant je n’ai pu m’empêcher de le lui
dire : je ne vois qu’une lumière au bout du tunnel. Ce pourrait être la
réponse à la question : la résurrection du Christ.
Sur la croix de Jésus de Nazareth, apparemment,
qui a gagné ? La mort d’abord : « Et inclinant la tête, il
expira. » Et puis aussi tout ce qui a conduit à cette mort : les
mensonges, les moqueries, les lâchetés, et finalement l’injustice de la
sentence, la cruauté des mauvais traitements, le poids de la croix, et jusqu’au
coup de lance final, même après la mort, pour bien achever l’ouvrage.
Les femmes qui viennent au tombeau au lever du
jour en sont encore là. Certaines ont regardé de loin, d’autres ont pleuré au
bord du chemin, les plus proches étaient au pied de la croix. Que leur
restait-il finalement ? Des souvenirs, des larmes, une compassion triste.
Et des parfums pour le mort, selon la tradition funèbre de leur culture.
Et puis soudain tout bascule, de l’autre côté,
du côté du Dieu de la vie, du côté de l’amour vainqueur : « Il n’est
pas ici », là où gisent les feuilles mortes de la mémoire. « Il est
ressuscité », là où commence un printemps de nouvelle et invincible
espérance. « Car ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus. Sur lui la
mort n’a plus aucun pouvoir. »
Voilà le cadeau de Dieu à l’homme Jésus, « le
premier né d’entre les morts. »
On pourrait en rester là, à la limite se
réjouir pour lui parce qu’on n’est pas jaloux. C’est intéressant et même
médiatiquement croustillant: un humain est sorti vivant de son tombeau.
Pourquoi pas ? Tant mieux pour lui.
Mais nous ? Personne, croyant ou non,
devant sa propre mort et la mort de celles et ceux qu’il aime, et devant le
spectacle souvent lamentable de notre monde labouré par les forces du mal et de
la mort, personne ne peut éviter cette question cruciale: qu’en est-il de
nous si, comme certains le disent, Jésus de Nazareth est bel et bien
ressuscité ?
Une phrase résume tout : « le premier
né d’entre les morts » est aussi « l’aîné d’une multitude de frères
et sœurs »…que nous sommes. Ce
Jésus, qui est mort comme nous et pour nous, nous entraîne dans le souffle
puissant de sa résurrection, comme un tsunami de vie plus forte que toutes les
morts, comme une tornade d’amour plus intense que tout mal et tout péché.
Ce matin-là, notre tragique histoire a changé
de sens malgré les apparences : le temps remonte la pente descendante de
l’inhumain, la vie acquiert une dimension d’éternité, l’amour devient la seule
feuille de route du vrai bonheur.
Tel est le cadeau de Pâques, de la part de
Dieu, coulant du côté ouvert du Christ, sous le souffle de l’Esprit Saint.
Dans le baptême, et aussi dans chaque
eucharistie, nous accueillons à nouveau ce divin cadeau. Il est là en personne,
lui qui nous a dit à travers l’apôtre Paul : « Baptisés en
Jésus-Christ… nous vivrons une résurrection qui ressemblera à la sienne…
puisque nous sommes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ. »
Et c’est ce même Jésus que nous recevons dans
l’eucharistie, « en rappelant sa mort, en célébrant sa résurrection, en
attendant son retour dans la gloire. »
Voilà où nous sommes aujourd’hui, voilà où nous
en sommes à cause de Pâques.
Il nous reste à vivre dans cette lumière, avec
cette espérance au cœur, gratuite, merveilleuse, invincible.
Et qu’est-ce que ça signifie ?
Compter fermement sur la promesse issue du
tombeau vide de Pâques : notre vie mortelle est donc vouée à la
résurrection. Par ailleurs, notre existence ici-bas doit refléter, en nous et
autour de nous, le choix de Dieu pour la vie, l’amour, la réconciliation, la
paix, finalement la vraie fraternité pascale, à savoir universelle, pour tout
homme et tout l’homme.
Et puis il nous faut partager le cadeau avec
les autres. On ne va pas savourer la grâce de Pâques comme des égoïstes, tous
seuls dans notre coin. Vous avez entendu : avant même que les femmes aient
rencontré Jésus ressuscité, l’ange leur dit : « Allez dire à ses
disciples : Il est ressuscité d’entre les morts. » Et en direct, peu
après, Jésus leur dit la même chose : « Soyez sans crainte, allez
annoncer à mes frères… qu’ils me verront. »
Un enfant de la Pâque, ce que nous sommes,
c’est un homme qui se sait sauvé, c’est un chrétien qui espère la vie
éternelle, c’est un être humain à l’amour sans barrière et sans frontière,
c’est un baptisé qui donne envie aux autres de croire, d’aimer, d’espérer avec
Jésus ressuscité, vraiment ressuscité.
Claude Ducarroz
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