Homélie
5ème
dimanche de Carême
Il y a comme un malaise dans l’atmosphère. Tout
le monde parle d’un certain procès qui –c’est sans doute notre souhait à tous-
doit rendre justice, et plutôt sévèrement, compte tenu de l’extrême gravité des
crimes commis.
Et voici que l’évangile de ce dimanche -qui
prend aussi la forme d’un procès puisqu’il met en scène des accusateurs, une
accusée et un juge- se termine ainsi : « Moi non plus, je ne te
condamne pas. Va en paix et ne pèche plus. » Un peu facile, trop facile,
diraient les juges ou procureurs, s’il y en avait parmi nous.
Pas de besoin de faire un dessin, n’est-ce
pas ?, pour manifester la différence fondamentale entre ces deux procès.
Incontestablement, cette femme surprise en
flagrant délit d’adultère, a fauté. Elle est coupable, donc une délinquante aux
yeux de la loi, une pécheresse aux yeux de la religion.
Mais il y a plusieurs choses bizarres dans ce
procès :
* Cette femme est seule devant le peuple.
Tiens, où est l’homme avec lequel elle a péché ?
* Et puis les principaux accusateurs –les
notables scribes et pharisiens- ne sont pas des oies blanches puisque Jésus les
fera tous fuir quand il proposera aux éventuels innocents parmi eux de lui
jeter la première pierre.
* Enfin le juge Jésus de Nazareth n’a jamais
dit que cette femme n’avait rien fait de mal puisque, tout en refusant de la
condamner à la lapidation selon la loi, il lui dit : »Va en paix et
ne pèche plus. » La morale est donc sauve.
En réalité, la clef pour comprendre le sens de
cet épisode se trouve ailleurs, dans le doigt de Jésus qui écrivait sur la
terre, tandis que ces notables cherchaient surtout à mettre à l’épreuve Jésus
pour pouvoir mieux l’accuser, lui.
Qu’écrivait-il, Jésus ? Probablement les
péchés de ceux qui voulaient condamner cette pauvre femme en oubliant leurs
propres fautes.
Au delà des anecdotes, que faut-il retenir pour
nous ?
Nos vies, telles qu’elles sont, sont inscrites
dans le cœur de Dieu. Tout ce qu’elles contiennent est stocké là, le bien comme
le mal. Il ne sert à rien de le cacher, encore moins de le nier. En résumé, nous sommes tous des êtres
mélangés, ce qu’on peut appeler « de pauvres pécheurs », comme nous
le reconnaissons humblement à chaque messe.
Mais j’ai bien dit que le stockage se fait dans
un cœur, dans le cœur de Dieu. Là, même nos misères sont comme à l’abri, et
c’est la miséricorde qui fait le reste. Comme ce nom l’indique : des
misères dans un cœur, un cœur ouvert sur nos misères. Et parce que Dieu est
amour –rien que amour-, cet amour divin est infiniment plus fort que nos
misères humaines.
Il y a une rencontre électrique -et peut-être
même un choc atomique- entre la tendresse de Dieu et nos péchés. Alors s’opère
un phénomène de combustion par amour. On peut aussi appeler cela le pardon.
« Moi non plus, je ne te condamne pas », dit Jésus à la femme
adultère. En ajoutant l’ouverture d’un nouveau chemin, l’incitation à une vie
meilleure, plus belle, plus heureuse : « Va, et désormais, ne pèche
plus. »
Cette femme a compris cela à travers des signes
émis par Jésus : son regard d’amour, son écriture sur le sable, ses
paroles de libération et sans doute un geste physique, car en se redressant
lui-même, il l’a relevée pour une vie nouvelle, avec une saveur de résurrection.
Il a pascalisé cette femme, il l’a
remise debout, dans toute sa dignité recouvrée.
Sur la croix, l’icône de cette même miséricorde
a fait sa grande démonstration, dans une étonnante mise en scène. Avant de mourir, Jésus a beaucoup pardonné,
dans l’ouverture signifiée par ses bras étendus sur la vaste humanité :
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Et
pour montrer que chaque personne, dans sa situation propre, pouvait être
rejointe par cette absolution générale, c’est au bandit pendu à ses côtés qu’il
déclara : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le
Paradis. » Le premier compagnon de Jésus dans son Royaume était un bandit
de grand chemin !
Dès lors pouvaient se révéler les sacrements de
la miséricorde pour la suite des temps, pour l’Eglise et donc pour nous.
- De son côté ouvert –son cœur transpercé par la lance du soldat-
coulèrent du sang et de l’eau. L’eau du baptême pour la re-création de
l’homme sauvé, le sang de l’eucharistie pour la rémission des péchés.
- Avec un peu de patience. Le soir de Pâques vient le troisième
sacrement : « Il souffla son Esprit sur les apôtres en leur
disant : Les péchés seront remis à ceux à qui vous les
remettrez. »
Sur la croix, la porte de l’amour s’est grande
ouverte pour les pécheurs que nous sommes, encore faut-il que nous
reconnaissions notre besoin d’être sauvés, évidemment. Car Dieu offre sa
miséricorde comme un cadeau, il ne l’impose pas. Encore faut-il que nous soyons
prêts à l’entendre et à la mettre en pratique, cette déclaration
libératrice : « Va en paix, et ne pèche plus ».
Et comment donc ? En accueillant
humblement les diverses formes de miséricorde que l’Eglise nous présente toujours
gratuitement, au nom de Jésus.
Et aussi en manifestant généreusement notre
capacité de pardonner à notre tour, selon la logique rappelée par Jésus
lui-même dans la prière du Notre Père : « Pardonne-nous nos offenses
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ton offensés. » En ajoutant même une joie, selon cette
merveilleuse promesse : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront
miséricorde ».
Heureux ! C’est tout le bonheur que Jésus
nous souhaite, et le pape François avec lui, en cette année de la miséricorde.
A expérimenter sans modération. Amen !
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