Saint Nicolas 2016
Incroyable, mais vrai. On a encore pu le
vérifier samedi dernier. Le plus grand rassemblement populaire annuel à
Fribourg est celui de la Saint Nicolas. Et pour voir quoi ? Un faux évêque
à longue barbe blanche, juché sur un âne, accompagné de quelques pères
fouettards grossièrement grimés en noir. C’est vrai : il y a aussi une
distribution de biscômes aux enfants et un discours épicé par des allusions à
l’actualité. Comme on dit : ça aide !
Les traditions, surtout lorsqu’elles sont
ancestrales et pourtant toujours bien vivantes, nous disent quelque chose de
l’âme d’un peuple. Et les mythes, quand ils produisent encore de bons fruits,
nous révèlent les secrets de la sève d’une nation.
Ainsi donc, la ville de Fribourg est placée
depuis ses origines au 12ème siècle sous le patronage d’un évêque,
qui plus est venu d’Orient et auréolé d’une sympathie universelle à cause de
ses légendaires bontés pour les enfants et les petits de toutes sortes.
Et précisément, on pourrait en rester aux
légendes qui virevoltent autour de la
figure de notre cher saint Nicolas. Le culte de ces « reliques de la
mémoire » rassemble les foules. Il pourrait aussi servir d’alibi commode
pour camoufler des évolutions et des comportements fort différents du message
délivré par le brave évêque de Myre. Puisque saint Nicolas a tant de qualités
rayonnantes, qu’il exerce généreusement une fois l’an, nous pourrions, avec sa
bénédiction présumée, nous adonner à d’autres choses jusqu’au prochain
rendez-vous de sa prochaine fête. En toute bonne conscience, en somme.
Notre Chapitre -et plus largement notre
paroisse et notre diocèse, tous placés sous le patronage de saint Nicolas de
Myre- sont peut-être là, non seulement comme les gardiens quelque peu
nostalgiques d’une vénérable tradition, mais comme les héritiers d’une mission
qui exhale les bonnes odeurs de l’évangile.
* Un évêque, le témoin de la foi chrétienne et
le premier pasteur de l’Eglise. Une fois les embrassades de circonstance
–quelque peu folkloriques- sous le porche de la cathédrale, notre évêque est
entré dans le sanctuaire pour y célébrer la messe devant et pour un peuple.
Nous étions à ses côtés. Le combat pacifique pour la foi chrétienne, le labeur
pastoral pour la vitalité de l’Eglise, les efforts pour l’unité œcuménique de
cette même Eglise doivent demeurer notre passion, dans les deux sens du mot. Et,
je l’espère, notre joie. C’est cela, être, aujourd’hui encore, les enfants de
saint Nicolas.
* Un évêque, mais venu de loin, de là-bas, de
l’Orient. Nous savons que le culte de saint Nicolas a d’abord suivi le
périlleux voyage de ses reliques jusqu’à Bari
- c’était en 1087- et jusqu’à Hauterive –en 1405-, puis jusqu’à Fribourg
en 1506. Nous ne pouvons ignorer que le christianisme est né en Orient, qu’il
nous a été légué comme un précieux trésor à partir de ces communautés d’Orient
jusqu’à Rome. Nous portons avec nous, dans une fraternité de profonde
solidarité et de fervente prière, les témoins de ces mêmes Eglises qui
souffrent et prient actuellement dans une fidélité exemplaire.
* Nous gardons dans notre cathédrale quelques
précieuses reliques de saint Nicolas. Mais comment accueillons-nous, non pas
des reliques mais des humains bien vivants, en forme d’images de Dieu au milieu
de nous ? Je pense aux réfugiés de ces mêmes régions qui sont des
nouveaux « saint Nicolas » en chair et en os, même s’ils sont assez
différents du premier, j’en conviens. Comme le rappelle le pape François, tous
les hommes, quels qu’ils soient, ne sont-ils pas frères et sœurs ? Eux
aussi.
* Enfin il y a le bon cœur de saint Nicolas, et
d’abord pour les pauvres et les petits. On peut évidemment sourire de sa
bonhommie de vieillard barbu. On peut aussi s’inspirer de son inaltérable
compassion pour les souffrants et les oubliés de ce monde. Car ce que les gens
de toute philosophie et toute religion apprécient en cette figure, n’est-ce pas
l’écho qu’ils reconnaissent en lui de l’esprit de Jésus, « doux et humble
de cœur », plein de tendresse et d’amour, celui qui a pu répéter : « Venez
à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous
soulagerai. »
* Nous
venons d’élire nos autorités cantonales. Nous avons tous à prendre régulièrement
des options politiques, sociales, culturelles, économiques et écologiques. Nos
critères sont-ils évangéliques ? Nos choix prolongent-ils, ne serait qu’un
peu, les préférences de saint Nicolas ? Il y a peut-être une manière de guider
l’Eglise, mais aussi de gérer la cité et les affaires publiques, qui
consonne -ou détonne- avec celui que
nous célébrons aujourd’hui.
Se réclamer d’un tel saint évêque, c’est sans
doute une invitation à mieux suivre le Christ, premier ami des pauvres, de chez
nous, d’ailleurs et jusqu’au bout du monde.
Que dure et se
prolonge notre belle fête de saint Nicolas !
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