mardi 6 décembre 2016

Pour la saint Nicolas

                 Saint Nicolas 2016

Incroyable, mais vrai. On a encore pu le vérifier samedi dernier. Le plus grand rassemblement populaire annuel à Fribourg est celui de la Saint Nicolas. Et pour voir quoi ? Un faux évêque à longue barbe blanche, juché sur un âne, accompagné de quelques pères fouettards grossièrement grimés en noir. C’est vrai : il y a aussi une distribution de biscômes aux enfants et un discours épicé par des allusions à l’actualité. Comme on dit : ça aide !

Les traditions, surtout lorsqu’elles sont ancestrales et pourtant toujours bien vivantes, nous disent quelque chose de l’âme d’un peuple. Et les mythes, quand ils produisent encore de bons fruits, nous révèlent les secrets de la sève d’une nation.

Ainsi donc, la ville de Fribourg est placée depuis ses origines au 12ème siècle sous le patronage d’un évêque, qui plus est venu d’Orient et auréolé d’une sympathie universelle à cause de ses légendaires bontés pour les enfants et les petits de toutes sortes.

Et précisément, on pourrait en rester aux légendes qui  virevoltent autour de la figure de notre cher saint Nicolas. Le culte de ces « reliques de la mémoire » rassemble les foules. Il pourrait aussi servir d’alibi commode pour camoufler des évolutions et des comportements fort différents du message délivré par le brave évêque de Myre. Puisque saint Nicolas a tant de qualités rayonnantes, qu’il exerce généreusement une fois l’an, nous pourrions, avec sa bénédiction présumée, nous adonner à d’autres choses jusqu’au prochain rendez-vous de sa prochaine fête. En toute bonne conscience, en somme.

Notre Chapitre -et plus largement notre paroisse et notre diocèse, tous placés sous le patronage de saint Nicolas de Myre- sont peut-être là, non seulement comme les gardiens quelque peu nostalgiques d’une vénérable tradition, mais comme les héritiers d’une mission qui exhale les bonnes odeurs de l’évangile.

* Un évêque, le témoin de la foi chrétienne et le premier pasteur de l’Eglise. Une fois les embrassades de circonstance –quelque peu folkloriques- sous le porche de la cathédrale, notre évêque est entré dans le sanctuaire pour y célébrer la messe devant et pour un peuple. Nous étions à ses côtés. Le combat pacifique pour la foi chrétienne, le labeur pastoral pour la vitalité de l’Eglise, les efforts pour l’unité œcuménique de cette même Eglise doivent demeurer notre passion, dans les deux sens du mot. Et, je l’espère, notre joie. C’est cela, être, aujourd’hui encore, les enfants de saint Nicolas.

* Un évêque, mais venu de loin, de là-bas, de l’Orient. Nous savons que le culte de saint Nicolas a d’abord suivi le périlleux voyage de ses reliques jusqu’à Bari  - c’était en 1087- et jusqu’à Hauterive –en 1405-, puis jusqu’à Fribourg en 1506. Nous ne pouvons ignorer que le christianisme est né en Orient, qu’il nous a été légué comme un précieux trésor à partir de ces communautés d’Orient jusqu’à Rome. Nous portons avec nous, dans une fraternité de profonde solidarité et de fervente prière, les témoins de ces mêmes Eglises qui souffrent et prient actuellement dans une fidélité exemplaire.

* Nous gardons dans notre cathédrale quelques précieuses reliques de saint Nicolas. Mais comment accueillons-nous, non pas des reliques mais des humains bien vivants, en forme d’images de Dieu au milieu de nous ? Je pense aux réfugiés de ces mêmes régions qui sont des nouveaux « saint Nicolas » en chair et en os, même s’ils sont assez différents du premier, j’en conviens. Comme le rappelle le pape François, tous les hommes, quels qu’ils soient, ne sont-ils pas frères et sœurs ? Eux aussi.

* Enfin il y a le bon cœur de saint Nicolas, et d’abord pour les pauvres et les petits. On peut évidemment sourire de sa bonhommie de vieillard barbu. On peut aussi s’inspirer de son inaltérable compassion pour les souffrants et les oubliés de ce monde. Car ce que les gens de toute philosophie et toute religion apprécient en cette figure, n’est-ce pas l’écho qu’ils reconnaissent en lui de l’esprit de Jésus, « doux et humble de cœur », plein de tendresse et d’amour, celui qui a pu répéter : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. »

 * Nous venons d’élire nos autorités cantonales. Nous avons tous à prendre régulièrement des options politiques, sociales, culturelles, économiques et écologiques. Nos critères sont-ils évangéliques ? Nos choix prolongent-ils, ne serait qu’un peu, les préférences de saint Nicolas ? Il y a peut-être une manière de guider l’Eglise, mais aussi de gérer la cité et les affaires publiques, qui consonne  -ou détonne- avec celui que nous célébrons aujourd’hui.
Se réclamer d’un tel saint évêque, c’est sans doute une invitation à mieux suivre le Christ, premier ami des pauvres, de chez nous, d’ailleurs et jusqu’au bout du monde.

Que dure et se prolonge notre belle fête de saint Nicolas !


Claude Ducarroz

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