samedi 4 janvier 2014

Homélie de l'Epiphanie

Homélie
Epiphanie 2014

La périphérie ! les périphéries !
Depuis que le pape François s’est mis à employer souvent cette expression, elle s’est acclimatée dans la vie de l’Eglise, comme un oiseau original en train de faire son nid dans l’arbre de la pastorale.

Il y a les périphéries géographiques, les gens qui vivent au loin. Il y a aussi les périphéries intérieures, celles et ceux qui se sont éloignés ou qui vivent très loin des expériences humaines proposées par le Christ et son évangile. Et ceux-là peuvent être très proches. Ils peuvent même être…nous, à tel moment de notre existence, dans tel repli secret de notre personnalité.

La fête de ce jour -la venue de ces mages énigmatiques auprès de l’enfant Jésus- résonne en plein dans le mille d’une pastorale des périphéries. Ils viennent du lointain Orient, mais ils sont surtout désorientés par la disparition de l’étoile qui les guidait. Ils ne sont pas des juifs, mais des païens, ce qui prouve combien ils sont encore loin de connaître vraiment les promesses messianiques révélées au peuple d’Israël. Ce jour-là, à Jérusalem puis à Bethléem, c’est la périphérie qui vient au centre, ce sont des païens qui cherchent assidument du côté du roi d’Israël, ce sont des mages exotiques qui aboutissent à Jésus et finissent par se prosterner devant lui pour l’adorer avec joie en lui offrant quelques cadeaux de grand prix.

Belle leçon pour l’Eglise ! Je crois que depuis l’arrivée du pape François, des hommes et des femmes venus de loin dans leur géographie intérieure se sont remis en route en se tournant d’abord avec une certaine curiosité vers une Eglise plutôt étonnante, puis en s’intéressant de plus près au message dont elle est porteuse, avec l’éventualité d’aller peut-être jusqu’à ce Jésus qui est lui seul le sauveur du monde. Il y a des signes qui vont dans ce sens. Ils doivent aussi nous interpeler, nous.

Sommes-nous prêts à accueillir, comme sans doute Marie l’a fait pour ces mages insolites, les personnes qui viennent de loin, qui sont très différentes de nous, qui cherchent à tâtons dans leur vie, qui parcourent une existence en zigzag ? Nous risquons toujours, nous les chrétiens dits pratiquants, de nous retrouver un peu trop confortablement entre nous, les mêmes avec les mêmes. Oui, de nous complaire dans un cercle certes pieux et même chaleureux, mais qui s’est peut-être refermé, au lieu de garder toujours la porte ouverte sur des nouveaux, autres, parfois dérangeants, venus des Orients de l’humanité en quête de sens et de salut.

Les chefs des prêtres et les scribes d’Israël avaient les bonnes réponses théoriques et même théologiques, mais ils n’ont pas accompagné les mages jusqu’à la crèche. Et le roi Hérode s’est muré dans sa peur de perdre son pouvoir et ses attributs au point de devenir cruel. Ce sont des tentations de toujours, et par conséquent encore d’aujourd’hui, quand débarquent des nouveaux venus déconcertants, même dans des communautés à caractère religieux.

Avec les mages, la périphérie est venue au centre, vers Jésus. A la fin de l’évangile –le même,  celui de Matthieu-, c’est encore une autre démarche qui est proposée par le Christ ressuscité.  Il s’agit pour la communauté chrétienne de ne plus seulement attendre que les lointains viennent à elle comme des mages sages, mais il lui est demandé d’aller vers les lointains, là où ils sont, ces mages, c'est-à-dire, ailleurs, loin et parfois très loin. « Allez donc », dit Jésus aux apôtres, « de toutes les nations, faites des disciples… et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » On sait comment, après de don de l’Esprit à Pentecôte, ces mêmes apôtres sont partis dans toutes les directions, ce qui explique d’ailleurs pourquoi nous sommes devenus chrétiens, nous aussi en Occident.

L’Epiphanie appelle la Pentecôte missionnaire. Il nous faut rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui, au cours de la longue histoire de l’Eglise, ont quitté leurs familles et leurs pays  pour s’en aller au loin rejoindre des frères et sœurs en humanité. Ils l’ont fait à leurs risques et périls, afin de les aider à vivre plus humainement et à découvrir la joie de rencontrer le Christ, le sauveur du monde.

Mais nous savons maintenant que les périphéries intérieures à évangéliser sont aussi parmi nous ici, et même parfois en nous. Les Eglises des pays dits de « vieille chrétienté » sont-elles assez perspicaces pour repérer les périphéries présentes dans notre société ? Sont-elles assez audacieuses pour se porter au devant des mages actuels, avec leurs valeurs certes, mais aussi avec leurs erreurs, afin de leur proposer, humblement mais clairement, le supplément d’humanité qu’offre gratuitement l’évangile de Jésus ?

Il y a des terrains nouveaux à ne pas manquer sous peine de tourner en rond avec un évangile ressassé au lieu d’être annoncé. Pensons au monde des moyens de communication modernes, aux milieux de la science de pointe, aux arènes de la politique, de l’économie et de l’écologie, jusqu’aux eaux parfois troubles des nouvelles cultures et des loisirs.

Accueillir chez nous, c’est bien. Aller vers, c’est tout aussi nécessaire. « Toutes les nations », disait Jésus, et « jusqu’au bout du monde ». Et tout cela est maintenant un peu partout, y compris chez nous. Y compris en nous.

Pour de nouvelles Epiphanies, pour de nouvelles Pentecôtes. Jusqu’à ce que tous finalement, comme les mages, en voyant l’étoile du Christ, en éprouvent une très grande joie.
Et une plus grande encore en se prosternant devant lui.


                                                                       Claude Ducarroz

mardi 24 décembre 2013

Homélie Noël 2013

Homélie
Noël 2013

« Je suis un vrai dzodzet. Je ne fête pas Noël. Mais ce soir-là, je mange une fondue ».

Voilà ce que vous avez pu lire comme moi il y a deux semaines dans un quotidien romand édité à Fribourg. Et la signature ne laissait planer aucun doute : ce monsieur est bien de chez nous. Nous lui souhaitons bon appétit !
Et vous –que vous soyez Fribourgeois ou non, peu importe-, vous êtes là pour participer à une messe, et encore à des heures insolites, pas nécessairement les plus commodes.

Alors que se passe-t-il ? ou plutôt que s’est-il passé pour justifier ce déplacement en pleine nuit, tant d’efforts fournis, tant de piété assumée ? Et pourquoi ne pas faire comme tant d’autres -de plus en plus nombreux- qui se contentent de réveillonner à Noël, avec ou sans fondue au menu ?

C’est que vous avez appris, puis compris, qu’une certaine nuit –on ne sait pas laquelle exactement-, un évènement unique s’est produit dans l’histoire de notre humanité, et par conséquent dans l’histoire de chacun de nous, et aussi dans la destinée de celles et ceux qui ne le savent pas ou qui l’ont déjà oublié : « Le Verbe de Dieu s’est fait chair, et il a habité parmi nous. » Plus concrètement : il a planté définitivement sa tente au milieu de nous.
Et ce n’est pas une belle histoire, comme celle qu’on raconte aux petits enfants sous la forme dégénérée du Père Noël : c’est une histoire vraie !
Et ce n’est pas un mythe, comme ceux que l’on invente peu à peu dans les diverses cultures pour expliquer l’inexplicable : c’est une réalité garantie.
Car Noël, c’est du concret, c’est du solide, c’est du vérifié.
Nous y croyons, et nous avons raison d’y croire. Nous ne serions pas là, ni vous ni moi, sans l’épopée merveilleuse de cette sainte nuit à Bethléem de Judée, près de Jérusalem.

Bien sûr, il y a le folklore, avec le déluge des lumières, l’abondance des cadeaux, autrement dit ce besoin humain de mettre de la clarté dans les longues nuits et de manifester une bonté plus généreuse à l’occasion de ce qu’on appelle pudiquement « les fêtes ».
Bien sûr, il y a l’imagerie romantique qui rappelle de manière si touchante les circonstances pauvres de la nativité de Jésus, avec la crèche pour le nouveau-né, les gentils bergers venus l’adorer et les anges dans nos campagnes, avec un beau concert gratuit.

Mais il y a surtout le mystère, le vrai, celui sans lequel tout le reste serait oublié depuis longtemps, celui qui seul explique pourquoi on en parle encore, même chez les non-croyants ou les non-chrétiens, le fait qui finalement a transfiguré la face de l’histoire universelle, celui qui nous fait vivre, espérer, aimer aujourd’hui encore.

Dieu est Amour, et ça a tout changé, et ça change encore chaque jour le destin du monde parce que c’est cet amour-là qui l’a créé et qui est venu le sauver.
Oui, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné et envoyé son fils… non pas pour condamner ce monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui », selon la parole de l’apôtre Jean.
Ce que l’apôtre Paul dit autrement : « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. »

Noël, c’est le début de cette manifestation, oui, seulement un début. Car si émouvante que soit la nativité de Jésus dans l’extrême dépouillement de Bethléem, il nous faut maintenant aller plus loin, afin de recueillir le fin mot de cette belle histoire. Il nous faut accompagner ce Jésus de Nazareth sur les chemins de Galilée, le voir guérir les malades, bénir les enfants, pardonner aux pécheurs, accueillir les exclus et les marginaux.
Au risque de vous choquer : nous ne sommes pas d’abord des chrétiens de sapin de Noël. Nous sommes des chrétiens pascals.  Ou alors nous ne retiendrions de Noël qu’une crèche sentimentale qui serait vite dissoute, comme du sucre dans une tisane religieuse, face aux défis de la société, face aux drames du monde, face aux questions sans réponse que posent inévitablement notre vie et notre mort humaines, et parfois inhumaines.

Le bébé de Noël, une fois trouvé, comme les bergers l’ont vu, « emmailloté et couché dans une mangeoire, avec Marie et Joseph », il nous faut le rejoindre à la croix et surtout au matin de Pâques. Il n’y aurait pas eu de Pâques sans le réalisme de l’incarnation –Jésus vrai homme et vrai Dieu-, mais surtout on ne parlerait plus de Noël s’il n’y avait pas eu la victoire de Pâques sur le mal, le péché et finalement sur la mort, toutes les morts.

D’ailleurs le récit même de la nativité nous indique déjà ce chemin. Quand l’ange annonce « la bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple », il proclame la venue aujourd’hui d’un Sauveur qui est le Messie, le Seigneur : toutes expressions qui ont un sens seulement après la traversée pascale de Jésus.

Nous en faisons l’expérience cette nuit même dans la douce ambiance de ce Noël. Tout à l’heure, nous allons venir communier. Et qui allons-nous recevoir en cadeau de Dieu ? Pas le petit Jésus de la crèche, même s’il viendra à nous emmailloté de pain comme il fut emmailloté de langes, mais le ressuscité, tel qu’il est maintenant et pour l’éternité.

Il nous offre son Esprit pour que nous prolongions l’ambiance de Noël,  pas seulement un jour ou quelques jours à l’occasion des fêtes de fin d’année. Il nous incite à maintenir la flamme de l’amour et de la paix en étant attentifs aux plus pauvres, on nous engageant pour la réconciliation, en luttant sans violence pour la justice et la liberté parmi les peuples. En un mot : en annonçant l’évangile aux pauvres, un rayonnement aux couleurs de Noël et de Pâques réunis.

N’empêche que notre vrai Noël à chacun de nous, après la laborieuse aventure nos grandes ou petites renaissances au long de notre pèlerinage terrestre, ce sera la rencontre avec le ressuscité au moment de notre entrée dans le royaume, oui, notre naissance… au ciel !

Dans la culture espagnole, on le rappelle très simplement en ne disant pas « joyeux Noël », mais « felices pascuas de navidad », oui, joyeuses pâques de la nativité.
Que j’augmente ce soir d’un alleluia de circonstance.
           
                                   Claude Ducarroz





samedi 14 décembre 2013

Homélie 3ème dimanche de l'Avent

Homélie
Troisième dimanche de l’Avent

Revoilà Jean-Baptiste ! De nouveau lui !

Dimanche dernier, il nous proposait un menu de sauterelles et de miel sauvage. Bon appétit ! Et un costume plutôt original : un vêtement de poils de chameaux et une ceinture autour des reins. Avec un discours plutôt musclé : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? »
Aujourd’hui, nous retrouvons ce même Jean-Baptiste, mais cette fois en prison. Et avec une question plutôt déconcertante pour un prophète chargé d’annoncer la venue du Messie Jésus de Nazareth : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Comme s’il hésitait.

Cette question ne rejoint-elle pas les questions de nos contemporains, et peut-être même nos propres questions, face à la foi chrétienne, face à l’Eglise ? Je rencontre tant de personnes qui cherchent un sens à leur vie et aussi à leur mort, mais qui portent davantage de questions qu’ils ne trouvent de réponses. Avec dans leur conscience bien des doutes et dans leur cœur bien des hésitations. Un peu à la manière du vaudois qui disait : « Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on a bien raison de penser ce qu’on pense. » Mais on ne saura pas quoi.

Cette perplexité fondamentale se répand de plus en plus à l’égard des religions -de toutes les religions- et même de la nôtre, notamment en face de l’Eglise, autrement dit de nous les chrétiens. Il faut bien le reconnaître : le passé ne plaide pas toujours en notre faveur et le présent comporte bien des défis à relever pour présenter un témoignage qui soit crédible aux yeux des hommes et femmes d’aujourd’hui.
Certes, ils cherchent, mais ils ne sont pas prêts à croire aveuglément, tant ils craignent que les liens de la religion deviennent des chaînes qui entravent leur  sacrosainte liberté personnelle. Alors, bien souvent, ils préfèrent se fabriquer leur petite religion à eux, au risque de l’erreur ou de l’illusion. Mais du moins c’est la leur, qu’ils ne doivent à personne d’autre qu’à eux-mêmes.

Dans ce contexte, comme elle est importante pour nous la réponse de Jésus à la question lancinante de Jean-Baptiste : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre » ?
Jésus ne fait pas une longue théorie qui voudrait prouver sa véracité par des raisonnements philosophiques ou théologiques. Il n’inaugure pas un débat d’intellectuels qui échangeraient des arguments comme on s’envoie des missiles enflammés par-dessus un rempart pour vaincre à défaut de convaincre.
Il renvoie à des signes qui sont autant de preuves offertes à notre réflexion sincère et à notre bonne volonté. Comme l’insinue Jésus quand il dit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez. »
A relire le message en profondeur, on peut repérer quatre sortes d’indices qui ne devraient tromper personne. Ils se tiennent, mais ils vont aussi toujours plus profond, toujours plus loin. Attachez vos ceintures !

1. « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent ».
Qu’est-ce à dire ? Nous ne pouvons pas faire des miracles comme Jésus, tout en remarquant que ces gestes de bonté, administrés en concentré et en raccourci, concernent les besoins humains les plus primaires, la vie quotidienne des gens : voir, marcher, entendre, être en meilleure santé.
A dose homéopathique, tout cela est à notre portée si nous aimons vraiment les personnes que nous connaissons et rencontrons. Nous pouvons tous offrir à des humains éprouvés par la vie un peu de consolation et de courage par des gestes de solidarité, des services de soutien, en un mot : des signes d’amour. Alors, c’est déjà imiter le Christ de la compassion, et donc commencer à évangéliser de manière crédible, surtout si nous le faisons « à cause de Jésus et de l’Evangile. »

2. Jésus ajoute « la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres. » Autre signe très important. On peut le faire par des bonnes paroles, par des actes concrets, en donnant la priorité aux plus pauvres, autour de nous et jusqu’au bout du monde. Tant d’appels frappent à la porte de notre cœur, surtout aux environs de Noël.
Mais peut-être faut-il aller plus en profondeur. La Bonne Nouvelle en personne, c’était Jésus lui-même, et ça le reste. Pour mieux l’annoncer, il faut creuser à la racine de nous-mêmes, jusqu’à l’être. Suis-je une bonne nouvelle pour les autres ? Suis-je moi-même, là où je suis, un petit évangile vivant qui pourrait susciter, dans le meilleur des cas, un étonnement, un questionnement, un émerveillement, une action de grâces ?

3. Il y a encore mieux dans les signes indiqués par Jésus. Trois mots surprenants, qui nous dépassent infiniment : « Les morts ressuscitent. » Il est vrai que Jésus a rendu la vie -une vie encore mortelle- au fils de la veuve de Naïm, à la fille du centurion et à son ami Lazare. Mais finalement, cette mention de la résurrection renvoie de toute évidence à la résurrection du Christ, au Ressuscité lui-même. C’est par le mystère de Pâque que le signe le plus fort, indéniable, indépassable sera donné par Dieu, scellant ainsi la vérité du Christ et de son message.
Du moins pouvons-nous, nous qui sommes encore de ce côté-ci de la mort, croire en la résurrection du Christ et par conséquent en la nôtre à venir. Et en témoigner en misant sur la vie, la lutte pour la vie et tout ce qui peut la respecter, en attendant avec confiance la vie éternelle qui nous est promise et acquise.

4. Enfin, il y a un dernier signe: « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi. » On peut le dire autrement, comme le répète le pape François : la joie de la foi, le bonheur de croire. Oui, ne pas être des chrétiens rabat-joie, mais des croyants qui savent puiser l’eau vive au fond d’eux-mêmes, là où ruisselle et murmure la source de l’Esprit Saint, celui qui inspire les prières, remplit les silences, insuffle les bonnes intentions, suscite les courages, provoque la vraie joie.

Nous connaissons celui qui doit venir puisqu’il est déjà venu, même si, par ailleurs, nous attendons aussi son retour. Nous n’avons plus besoin d’en attendre un autre ni d’en chercher un autre, même si nous pouvons et nous devons toujours continuer de le chercher, lui, au fur et à mesure que nous croyons l’avoir trouvé. Oui, lui et pas un autre.
En nous souvenant de cette promesse de Jésus : si Jean-Baptiste est le plus grand parmi les hommes, le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.

                                               Claude Ducarroz


dimanche 8 décembre 2013

Immaculée conception de marie

Homélie

Immaculée Conception 2013

Si je suis toujours heureux de célébrer les merveilles accomplies par le Seigneur en sa petite servante Marie –dans l’esprit de son Magnificat-, j’avoue qu’il ne m’est pas facile de trouver chaque année quelque chose d’un peu nouveau à exprimer dans l’homélie de circonstance. Que dire en effet d’un tel mystère dont la racine remonte à la conception même de Marie ? C’est aller chercher très haut et très loin. Qu’ajouter qui n’ait déjà été dit et redit, par d’autres et même par moi ?

Re-méditer les textes bibliques qui ne parlent pas directement de ce mystère, plutôt que spéculer sur des évènements intérieurs qui, plus que d’autres sans doute, demeurent très… mystérieux, justement.

Si vous le voulez bien, retenons trois enseignements principaux de ce dogme qui, après bien des controverses dans l’histoire de la théologie, a été proclamé par le pape seul, Pie IX, en 1854 exactement.

1. D’abord pour Marie comme pour nous –mais pour Marie d’une façon plénière et extraordinaire-, tout commence dans un geste de grâce absolument gratuite. Dans l’Immaculée conception, tout est don, tout est cadeau. Rien ne précède cette grâce, sinon le dessein d’amour de Dieu, hors de tout désir et de tout mérite de notre part.
C’est ce que saint Paul rappelle pour nous tous, et qui vaut encore davantage pour Marie : « Il nous a choisis dans le Christ avant la création du monde pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. »
C’est dans cette lumière qu’il nous faut contempler avec émerveillement la « comblée de grâce » dans sa beauté originelle exceptionnelle.
C’est dans cette même lumière qu’il nous faut apprécier les grâces que nous avons aussi reçues de Dieu, comme fils et filles en Jésus Christ, « à la louange de sa gloire ». Nous qu’il a aussi comblés en son Fils bien aimé. Et répondre par une immense action de grâces pour tant de grâces mariale et filiales. Oui, devenir de plus en plus des êtres de louange.

2. Dieu donne toujours tout gratuitement, mais il donne aussi rendez-vous avec les cadeaux qu’il a offerts.
L’Immaculée conception de Marie est orientée vers l’Annonciation, le prochain rendez-vous de la grâce de Dieu en Marie. Car toute grâce appelle tôt ou tard une réception en forme de oui libre et conscient. Les cadeaux de Dieu sont distribués sans conditions, mais Dieu ne force pas la liberté du bénéficiaire sous prétexte qu’il donne.
La « toute sainteté » de Marie est destinée à sa maternité en vue de Jésus, le sauveur du monde et le sien. Toute la scène de l’Annonciation déploie entre Dieu et Marie les énergies de l’Immaculée conception, avec un infini respect pour la liberté de cette jeune fille de Nazareth. C’est en pleine confiance en la promesse de Dieu que Marie finit par dire : « Qu’il me soit fait selon ta parole ! » Et alors le Verbe se fait chair en elle, il peut venir habiter parmi nous. C’est ainsi que Marie acquiesce à la grâce unique de sa conception immaculée, en entrant totalement, corps et âme, dans le dessein de Dieu sur elle pour le salut du monde par son fils Jésus Christ.
Une belle leçon pour nous ! A travers les grâces que Dieu nous a données, nous donne et nous donnera, quels rendez-vous nous fixe-t-il pour un accueil et une réponse à la manière de Marie : « Qu’il me soit fait selon ta parole » ?

3. Enfin, toute grâce se partage avec d’autres. Même si elle est une sorte de privilège unique, l’Immaculée conception de Marie ne fut jamais une raison de garder cette grâce pour elle toute seule. Bien au contraire. On le voit dans le mystère de la Visitation. Aussitôt après l’Annonciation, Marie traverse les montagnes pour partager le cadeau reçu. Il est même précisé qu’elle s’en alla « vite », tant elle était pressée de faire bénéficier des grâces reçues la famille de Zacharie et Elisabeth, sans oublier le petit Jean qui tressaillit de joie dans le sein de sa mère.
Il n’y a aucune grâce qui ne doive s’offrir à d’autres, d’une manière ou d’une autre, pour multiplier l’action de grâces autour de nous. Comme Marie dans son Magnificat. Sommes-nous des causes de petits Magnificat dans notre manière d’être, de vivre et de faire, avec les divers cadeaux que Dieu nous a offerts ?

Etre un chrétien marial, c’est avoir la volonté d’être missionnaire autour de soi, la meilleure manière de dire merci pour les grâces reçues, la plus belle façon de fêter l’Immaculée conception, en route avec Marie et Joseph vers un Noël de tous les jours.

Claude Ducarroz






mardi 26 novembre 2013

Lisez l'encyclique du pape François

Lisez l’encyclique sur la lumière de la foi

Benoît XVI et le pape François se sont mis ensemble pour nous offrir une belle réflexion sur la foi. Et ça vaut vraiment la peine de méditer cette encyclique « à quatre mains », comme on le dit de certaines sonates pour piano.
Ce qui frappe d’abord, c’est la prise en compte des idéologies actuelles face à la proposition de la foi. De Nietzsche à Wittgenstein, on sent que le pape allemand connaît ses classiques philosophiques. Que nous le voulions ou non, nous baignons dans cette atmosphère qui situe la foi comme une illusion (no 2) ou un saut dans le vide (no 3). La réponse papale est sereine et surtout intelligente : la foi éclaire toute l’existence humaine parce qu’elle vient de Dieu. (no 4). C’est donc du gagné pour l’homme et son passage sur cette terre.
Si la foi vient du passé (la mémoire des œuvres de Dieu dans l’histoire, d’Abraham à Jésus), elle ouvre un bel avenir puisqu’elle promet de nous conduire au-delà de la mort à cause de la résurrection du Christ. Et dans l’entre-deux, c’est l’aventure d’une communion, tant la foi est inséparable de l’amour reçu et donné. Retenons cette belle formule d’un des premiers martyrs chrétiens : « Notre vrai père, c’est le Christ et notre mère la foi en lui. » (no 5) parce que la foi chrétienne nous engendre à une vie nouvelle.
« La foi n’est jamais un fait acquis », nous rappelle le pape. Autrement dit, il faut  que ce don de Dieu soit nourri et renforcé pour qu’il continue à conduire notre marche. (no 6).
Si la foi suppose que l’homme puisse accéder à la vérité (ch. deuxième), cette même foi a besoin de réentendre les accents de la Parole qui appelle sans cesse, comme elle l’a fait tout au long de l’histoire du peuple d’Israël. Une parole d’amour évidemment, puisque l’homme ne peut croire qu’à celui qui l’aime.
C’est dire aussi qu’on ne peut croire « tout seul ». La foi se reçoit, s’exprime et se vit en communauté, dans cette Eglise ainsi décrite par Romano Guardini : « …la porteuse historique du regard plénier du Christ sur le monde. » (no 22)
C’est dans l’Eglise que la foi trouve et sa source et sa nourriture.  L’encyclique insiste sur le baptême (nos 41-43) et sur l’eucharistie (no 44), sans oublier l’importance de la confession de foi par le Credo (no 45) et l’expression de la prière, par excellence le Notre Père (no 46).
Si la foi nous offre de solides convictions, elle demeure une continuelle recherche, comme saint Augustin a si bien su nous le rappeler (nos 33-35) et comme la théologie nous y aide, avec le magistère de l’Eglise. (nos 36 et 49)
On pourrait croire que la foi est une affaire tellement personnelle qu’elle devient intimiste. Il n’en est rien. Croire au Dieu de Jésus-Christ change aussi notre regard sur le monde et influence nos pratiques dans la société, y compris dans la vie de famille et notamment dans les temps d’épreuves et de souffrances. (ch. quatrième).
Nous avons sûrement besoin de modèles et d’accompagnants pour vivre la difficile aventure de la foi. Alors, nous recommande le pape, « tournons-nous vers Marie, mère de l’Eglise et mère de notre foi » (no 60), et nous serons plus forts pour témoigner de cette foi, avec toute l’Eglise, dans le monde d’aujourd’hui.

                                                                                              Claude Ducarroz

Pape François  La lumière de la foi   Documents d’Eglise  Bayard Editions 2013


samedi 9 novembre 2013

In memoriam 2013

Homélie
In memoriam 2013

On vit une drôle d’époque ! Ou peut-être faudrait-il l’appeler tragique.

Tandis qu’une armée envahit pacifiquement une cathédrale pour y participer à une célébration religieuse en mémoire de ses soldats morts -non pas au combat, mais sans avoir eu à combattre-, voici que l’actualité de notre monde nous offre chaque jour les images insoutenables de batailles cruelles qui massacrent surtout des civils innocents. La triste galerie des horreurs humaines ou plutôt inhumaines.

Et voici que la liturgie de cette messe -celle que l’Eglise catholique prévoit pour le 32ème dimanche du temps ordinaire- en rajoute une couche : dans la torture –c’est la première lecture-, dans la méchanceté –selon l’aveu de saint Paul- et dans sept mariages successifs pour une pauvre veuve dont on dit que, finalement, elle mourut aussi. On ne sera pas très étonné.

Y a-t-il un fil rouge positif entre ces textes qui semblent nous parler des fatalités douloureuses de la mort plutôt que des élans courageux vers la vie ?
Sans tomber dans le piège des rapprochements artificiels, il me semble que l’on peut lire entre les lignes de ces récits d’apparence pessimiste, des éclairs de valeurs et de promesses qui rejoignent et le public et les circonstances qui nous rassemblent maintenant dans cette cathédrale pour la célébration traditionnelle de l’In memoriam.


Les valeurs d’abord.
Dans la première lecture, il y a cette déclaration de bravoure admirable : « Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. » Aujourd’hui encore, à cause de Jésus et de l’Evangile, des hommes et des femmes de grande foi font l’expérience de tels sacrifices à travers le monde. Sans compter le courage de celles et ceux qui, chez nous, pour ces mêmes motifs, tiennent bon dans leur fidélité chrétienne au cœur d’une société certes  libérale, mais où les pressions de l’ironie, de la publicité antireligieuse et de la déchristianisation rampante exigent autant de vaillance pour continuer à croire et à témoigner pour sa foi.

Et nous n’oublions pas celles et ceux qui, même sans religion, mais poussés par des idéaux humanistes, s’engagent dans des fidélités coûteuses pour maintenir le cap élevé de leur bel idéal humain. Celui qu’avaient sans doute les soldats et les patriotes que nous évoquons avec respect et gratitude aujourd’hui.

Dans la deuxième lecture, l’apôtre Paul demande de prier pour échapper à la méchanceté des gens qui nous veulent du mal. Oui, prier pour eux. Voilà qui ouvre un champ infini d’intercession et de charité pour faire face à l’hostilité de ceux qui ont choisi la violence pour vaincre au lieu du dialogue pour convaincre. Que peuvent faire les petits, les faibles, les pauvres qui sont victimes des violents, des puissants, des injustes de notre temps ? Nous croyons que la prière est aussi une arme, certes bien mystérieuse, mais efficace, à cause de la protection de Dieu promise à ceux qui l’invoquent avec confiance en préférant les fécondités du pardon aux fausses victoires de  la vengeance.

Dans l’évangile, derrière cette étrange histoire de la veuve mariée sept fois, c’est finalement la clef de voûte de tout l’édifice qui nous est présentée. Il n’y a rien dans ce texte qui attaque le mariage, comme si l’idéal, déjà en ce monde, était le célibat sans enfant. Jésus se situe et nous situe dans le perspective du royaume de Dieu, à savoir dans l’au-delà de la résurrection, là où le mariage, de toute évidence, ne servira plus à rien, tant la communion parfaite avec le Dieu d’amour suffira à notre plein bonheur.

Ce que Jésus veut nous dire, c’est que la destinée humaine ne s’arrête pas avec la vie sur cette terre, toujours conclue par la mort. A cause de sa Pâque à lui, une autre espérance est possible, une autre promesse est certaine. Et cette trouée vers la vie éternelle change tout dès ici-bas. Ces paroles –qui conviennent si bien aux soldats dont nous faisons mémoire aujourd’hui- sont particulièrement importantes : « Puisque nous mourons par fidélité, le Roi du  monde nous ressuscitera pour  une vie éternelle. » Et encore : « Mieux vaut mourir par la main des hommes quand on attend la résurrection promise par Dieu. »

C’est cette même foi pascale qui permet à l’apôtre Paul d’écrire aux chrétiens de Thessalonique soumis à des persécutions : « Laissez-vous réconforter par le Christ qui nous a toujours donné courage et joyeuse espérance. »
Car finalement, comme dit Jésus lui-même, « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants, car tous vivent par lui. »

Notre célébration évoque nos morts, avec émotion et reconnaissance. Mais nous sommes ici dans un lieu de foi. Nous prions pour et avec nos morts dans l’espérance de la résurrection. Nous voyons le sacrifice de ces soldats et de leurs familles –ne les oublions pas !- dans la lumière pascale. C’est pourquoi notre rassemblement est certes grave mais pas désespéré.
Déjà ici-bas, nous récoltons, comme fruits de leur sacrifice, les cadeaux de notre liberté, de notre prospérité et de notre fraternité toujours plus universelle.

Si nous venons leur dire merci dans cette cathédrale, selon une antique coutume, ce n’est pas pour céder à l’habitude d’une pieuse tradition. C’est parce que nous croyons aussi, avec tous ceux et toutes celles qui luttent, aujourd’hui encore, pour une humanité de justice, de solidarité et de paix, que la destinée humaine dépasse les aléas souvent tragiques de notre pauvre histoire pour accéder un jour aux splendeurs d’une gloire éternelle.

Alors la mémoire, tournée vers le passé, se retourne plutôt vers l’avenir, là où nous sommes attendus, mieux que dans le souvenir : dans le bonheur d’une vie qui sera éternellement cadeau.
 Enfin !


                                   Claude Ducarroz

samedi 2 novembre 2013

Homélie du 31ème dimanche du temps ordinaire

Homélie du 31ème dimanche du temps ordinaire

« Contre. Elles étaient contre. Contre tout. Et surtout contre le plaisir, la joie, la fête. Elles étaient contre la vie. »
Il y a une semaine, dans un restaurant, j’écoutais les souvenirs de jeunesse racontés par une bande de copines qui évoquaient leur temps de passage dans des pensionnats tenus par des religieuses. Je précise que c’était il y a déjà  bien longtemps et qu’il y avait d’heureuses exceptions dans ces jérémiades qui les faisaient encore rire… jaune ! Moi pas !

Car je mesurais les dégâts occasionnés par une telle image de l’Eglise que ces mamans –ou plutôt grand’mères- peuvent générer dans le cœur de leurs enfants et petits-enfants quand elles leur racontent ces histoires devenues drôles avec le temps, mais finalement navrantes quand on les entend pour la première fois, comme c’était mon cas.
Est-ce cela la religion, la religion chrétienne, la bonne odeur de l’Evangile ?

Et avec vous je viens d’entendre, heureusement, une toute autre musique. Oui, ça fait du bien d’ouïr l’auteur du livre de la Sagesse : « Seigneur, tu aimes tout ce qui existe…, tu n’aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui… Tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes la vie. »

Il nous faut d’abord annoncer ceci : Dieu est notre créateur et même notre Père. Il nous a fait  le cadeau de la vie par amour. Et il ne regrette pas ses dons. Insinuer, par une attitude qui voit le mal partout, que Dieu est l’ennemi de notre bonheur, surtout ici-bas, c’est présenter de Dieu une caricature qui provoque l’incroyance et même l’athéisme.
Au point que Nietzsche a pu dire des prêtres : « Ils ont appelé Dieu ce qui leur faisait mal… Ils ne surent aimer leur dieu qu’en clouant l’homme à la croix. »

Mais me direz-vous aussitôt : « Le mal existe. Il suffit de lire les journaux, d’écouter la télé pour savoir jusqu’où l’homme –les hommes, nous- sont capables du meilleur, mais aussi, hélas !, du pire. » Et c’est vrai. Mais contemplons ensuite la réaction de Dieu. C’est encore une affaire d’amour : « Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis… pour qu’ils se détournent du mal et qu’ils puissent croire en toi, Seigneur. »

Parce que Dieu est Amour, il ne peut cesser d’aimer, de nous aimer.  Et c’est encore un effet mystérieux de cet amour qui fait pression sur notre conscience et sur notre cœur pour que nous passions par la conversion, afin de trouver ou de retrouver les chemins du vrai bonheur, en faisant d’autres heureux autour de nous.
C’est dans cet esprit que priait saint Paul pour ses paroissiens de Thessalonique : « … afin  que notre Dieu vous trouve dignes de l’appel qu’il vous a adressé… Ainsi notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous et vous en lui. »

S’il fallait une illustration de cette vérité, on la trouve justement dans l’évangile de ce jour. Zachée n’était pas un homme malheureux, mais il n’était pas heureux non plus. Un peu comme nous, il y avait un creux au fond de son cœur et sa conscience ne le laissait pas en paix. C’est pourquoi, comme il est écrit, « il cherchait à voir qui était Jésus qui passait par là.»


Et tout le reste est une histoire d’amour, celle qui transforme une vie, celle qui rend le bonheur. C’est Jésus qui lève les yeux vers lui et l’invite à descendre de son sycomore, « car il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
Pas une leçon de morale contre le bonheur mais tout au contraire, puisque ce pécheur « reçut Jésus avec joie. » Et à ceux qui se scandalisèrent qu’il soit allé loger chez un pécheur, Jésus répondit seulement : « Lui aussi est un fils d’Abraham… car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

L’Eglise –que nous sommes, ne l’oublions pas !- doit d’abord montrer qu’elle aime l’homme, tout être humain, quel qu’il soit, parce qu’elle veut imiter son Seigneur qui est venu montrer et démontrer en ce monde l’Amour de Dieu, le Père universel.

Bien sûr, elle ne peut pas ignorer le mal, et notamment le péché, parce que cette Eglise est elle-même composée des pécheurs que nous sommes et parce que ces maux et ces péchés sont les plus graves ennemis de l’humanité, de son présent déjà et de son avenir éternel.

Mais la puissance de l’Esprit du Christ fait ensuite de nous et de tous les hommes et femmes de bonne volonté des apôtres d’une bonne nouvelle et non pas les pourfendeurs désespérants de tous les vices. « Jusque dans leurs discours, je flaire encore le vilain relent des sépulcres. », ajoutait Nietzsche.

Or c’est par une lumière de Pâques que Jésus veut illuminer le monde, par la miséricorde qu’il veut le sauver en le conduisant dans son Royaume, comme chante le psaume de ce jour : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. La bonté du Seigneur est pour tous… Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent. Il redresse tous les accablés…Que tes fidèles te bénissent…Qu’ils parlent de tes exploits. »

Je crois que le pape actuel nous invite à marcher sur ce chemin. Pas pour croire et faire croire que « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », mais pour montrer que seul l’amour est digne de foi. Et que, par conséquent, c’est en multipliant le bien que nous parviendrons à faire reculer le mal, par la puissance de l’amour de Dieu en nous, autour de nous et jusqu’au bout du monde.

Une Eglise mobilisée par et pour l’amour : voilà l’idéal que nous devons poursuivre et pour lequel nous prions, conscients que nous sommes de nos fragilités, certes, mais surtout et d’abord heureux de nous savoir aimés par l’Amour même.

Celui qui vient maintenant à notre rencontre dans cette vivante eucharistie, à partir de cette béatitude : « Heureux les invités au repas du Seigneur. »

                                   Claude Ducarroz