samedi 17 janvier 2015

Dimanche de l'unité

Unité 2015

Le monde brûle et les Eglises chrétiennes sont encore en train de se chicaner pour savoir quelle est la plus chrétienne. Il est vrai que le mauvais exemple vient de haut : les apôtres, devant Jésus qui les tança, se disputèrent pour savoir qui était le plus grand parmi eux ! Cf. Luc 22, 34.

Aujourd’hui nous commençons, comme chaque année, la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Que nous soyons encore divisés, c’est un effet malheureux de nos héritages marqués par des concurrences, des luttes et même des guerres. On n’est pas toujours fier de notre histoire et de nos histoires.

Qu’il faille maintenant se rapprocher, jusqu’à la réconciliation, jusqu’à l’unité dans une légitime diversité : c’est un impératif que nous ne pouvons ni ne devons passer sous silence.
* Un impératif qui nous vient de Jésus lui-même, notre référence commune puisque, la veille de sa passion, il a prié le Père ainsi : « Que tous soient un afin que le monde croie… Qu’ils soient parfaitement un afin que le monde sache que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. »
* Et un impératif qui vient de notre monde, tellement labouré par les divisions, les injustices et les violences. Ce monde dans lequel les chrétiens et les Eglises doivent donner le témoignage que la convivialité est possible, dans le respect des différences et le partage de valeurs universelles.
Dès lors ce qu’on appelle l’œcuménisme n’est pas une branche à option pour quelques spécialistes marginaux, mais une dimension essentielle de la vie de nos Eglises et par conséquent un ardent devoir pour chacun de nous.
Mais finalement, c’est quoi, cet œcuménisme ?
Le pape Jean-Paul II en a donné une définition simple, mais très pertinente : c’est un échange de cadeaux.
Par nos méchantes divisions, dont nous sommes tous responsables, chaque Eglise est partie en emportant une portion de l’héritage chrétien, en se cramponnant à ce morceau, jusqu’à exagérer son importance ou à défigurer sa présentation. Par exemple les catholiques avec la papauté ou le culte marial, et les protestants avec le rôle de la Bible et la liberté d’interprétation personnelle.

Ce faisant, nous avons privé les autres d’un trésor qui, en soi, devrait être partagé par tous, une fois passé dans le bain de la conversion qu’on peut aussi bien appeler une réforme.
Il est grand temps maintenant de se rapprocher les uns des autres par notre foi commune au Christ et par des gestes de fraternité afin de remettre ensemble, sur la table de famille, les pièces précieuses d’un puzzle évangélique que nous avions dispersés aux quatre vents par nos infidélités et nos sectarismes.

C’est un travail long et difficile, qui nous remet tous en question. Il concerne nos modes de pensée, mais aussi nos traditions liturgiques et nos références morales. Il y va d’un discernement communautaire pour faire la distinction entre ce qui est exigé par le devoir intangible d’unité dans la foi et ce qui est acceptable au nom de légitimes diversités dans la manière d’exprimer cette foi et de la vivre en communautés sœurs mais pas semblables en tout.

Il y a entre nous encore des divergences séparatrices qu’il nous faut soumettre au feu de l’Esprit de l’évangile dans l’humilité et la prière. Il y a aussi –et il s’agit de le reconnaître et même de s’en réjouir- des différences qui sont des richesses dans la variété symphonique d’Eglises en voie de retrouvailles après des siècles d’ignorance, d’affrontements et de bouderies jalouses.

Des autorités d’Eglises oeuvrent sur ce chantier, comme on l’a vu récemment entre le pape François et le patriarche orthodoxe Bartholomée. Des théologiens y travaillent aussi, par exemple dans un cercle d’experts catholiques et protestants intitulé le Groupe des Dombes. Il y a aussi toutes ces prières pour l’unité qui montent vers le ciel, en particulier durant cette prochaine semaine, sans oublier des communautés comme celle de Taizé ou de Grandchamp qui s’engagent de manière prophétique, notamment parmi les jeunes, pour la pleine réconciliation des Eglises et des chrétiens.

Et nous, qu’est-ce que nous faisons ? Il serait faux de croire que tout est déjà résolu entre nous puisque nous ne nous faisons plus la guerre. Mieux : nous prions ensemble, nous nous entendons bien, nous oeuvrons de concert pour un monde meilleur, notamment au service des pauvres, des souffrants et des exclus.
Il faut admettre, sans se laisser décourager, qu’il y a encore des nœuds à dénouer dans les doctrines. Mais rien n’empêche que nous, les chrétiens de la base, nous donnions le témoignage de frères et sœurs toujours plus unis quand il s’agit de proclamer notre foi en Jésus le Christ, de dire au monde l’espérance issue de l’évangile pascal et surtout de nous aimer sans attendre d’être pleinement réconciliés.

Tous, à commencer par nos Eglises comme telles, nous avons assez de pauvretés pour avoir besoin de recevoir avec reconnaissance des autres, assez de richesses pour avoir la joie de les partager humblement avec les autres et assez d’impulsions spirituelles pour nous retrouver ensemble sur le terrain de la mission et du témoignage dans notre société.

Chrétiens et Eglises, nous avons assez souffert et fait souffrir par nos divisions. Il s’agit maintenant de procéder par additions de nos trésors purifiés dans l’essoreuse de l’évangile pour les offrir ensemble au monde. Oui, des trésors plus riches dans leurs variétés, plus transparents dans leur beauté, plus chaleureux dans leur rayonnement.

Que chacun puisse dire à l’autre, à commencer par l’autre chrétien près de lui : Tu me manques, mon frère, ma sœur. J’ai un cadeau pour toi. Je me réjouis de découvrir et de recevoir le tien. Et nous rendrons grâces ensemble à l’auteur de tous les cadeaux : Jésus notre commun Seigneur et frère, « afin que le monde sache que tu les as aimés comme tu nous as aimés ».


Claude Ducarroz

mardi 13 janvier 2015

Il était une fois...l'eucharistie

Il était une fois…l’eucharistie !

Chez nous, les statistiques de la vie sacramentelle dans l’Eglise catholique sont en berne. On peut réagir en gérant la pénurie. Le rappel d’un certain « parcours eucharistique » peut aussi déboucher sur des réponses nouvelles face aux défis actuels. Claude Ducarroz vous soumet quelques idées. Qu’en pensez-vous ?


C’était avant le concile Vatican II

Mon père était un chrétien dit « pratiquant ». Il assistait à la messe tous les dimanches mais ne communiait que trois ou quatre fois par an. Notre brave curé –très proche des gens- n’en attendait pas moins de lui, mais pas davantage non plus. Les femmes, avec leurs enfants, étaient plus pieuses, un peu bigotes, comme disaient certains hommes. Nous allions communier plus souvent. Il faut comprendre ! Pour s’approcher de la table sainte, il fallait être « en état de grâce » -comment le savoir ?- et respecter scrupuleusement le jeûne eucharistique le plus strict. Conséquence : j’allais à confesse chaque samedi -mes parents m’y envoyaient- et nous communiions au plus tard avant la messe matinale de 7h.30. Bien entendu, à la grand’messe de 9h.30, seul le prêtre communiait.

Puis vint Vatican II

Et peut-être, un peu avant lui, le renouveau liturgique. Le jeûne eucharistique fut assoupli, on commença à parler français pour les lectures, il nous était enseigné que la messe comportait deux parties également importantes : la liturgie de la parole et l’eucharistie à laquelle nous étions tous invités. Plus question de courber « l’avant-messe », ce que faisaient certains hommes en arrivant à l’église… pour l’offertoire. On comprit qu’il n’était plus nécessaire d’aller à confesse avant chaque communion. Quelques pionniers –pas très bien vus au départ- se mirent à communier durant la grand’messe, ce qui devint peu à peu la norme sociale pour les pratiquants réguliers. L’Eglise catholique, qui avait toujours insisté sur la valeur centrale de l’eucharistie, tout en rendant sa réception plutôt rare chez ses fidèles laïcs, finit par motiver de plus en plus les croyants dans le sens d’une réception fréquente, presque habituelle, de la sainte communion. On avait retrouvé le goût et l’audace de manger à la table du Seigneur. Avec cette évolution collatérale inattendue : plus de communions, mais moins de confessions !

Et maintenant ?

On ne s’attendait pas à un autre phénomène, qui nous frappe encore de plein fouet. C’est la diminution drastique du nombre des prêtres en service effectif. Cette raréfaction eut pour conséquence que les célébrations de la messe se firent de plus en plus rares, surtout dans les campagnes. Là où l’on avait une messe chaque dimanche –et parfois deux par weekend-, il n’y a plus qu’une eucharistie chaque mois. Il est vrai que la diminution conjointe des « pratiquants » conduit aussi à imposer cette relative pénurie eucharistique.
Comment gérer –un vilain mot- cette situation de nouveau « jeûne eucharistique » pour d’autres raisons ? Dans un premier temps, on peut évidemment concentrer les offres sacramentelles dans les centres les plus importants en invitant les gens des périphéries à venir se nourrir spirituellement là où il y a encore la célébration dominicale de la messe. Et puis, quand ce n’est pas possible, on peut toujours se rassembler, grâce à l’animation de célébrations par des diacres ou des laïcs bien formés, en semaine ou même le dimanche.
Dans cette conjoncture, faut-il donner la communion « hors messe » ou faut-il miser sur la seule rencontre de la communauté autour de la parole et dans la prière ? On en discute dans les chaumières catholiques. On peut estimer qu’il n’est pas théologiquement normal de promouvoir des célébrations de type eucharistique en absence de prêtre, ce qui pourrait insinuer que l’on peut se passer de prêtre du moment qu’on peut recevoir la communion sans lui. Il est vrai qu’une telle pratique, si elle venait à entrer dans les mœurs catholiques, pourrait mettre en danger l’indispensable ministère du prêtre comme rassembleur de la communauté et président des liturgies eucharistiques.
Mais par ailleurs continuer  -à juste titre- de souligner l’extrême importance de l’eucharistie dans la vie des chrétiens – l’eucharistie « source et sommet de la vie chrétienne », dixit Vatican  II- en les privant trop souvent de la communion, est-ce cohérent ? Une eucharistie sans prêtre, c’est peut-être une situation de misère. Mais un rassemblement dominical sans eucharistie, est-ce plus évangélique en contexte catholique ? Ceci dit sans diminuer la valeur des liturgies de la parole quand elles sont bien préparées et bien célébrées.

Perspectives possibles

Pour sortir de cette impasse, qui met de nouveau des obstacles à la vie eucharistique « normale », ne faudrait-il pas revoir, en parallèle, les conditions d’accès au ministère de prêtre ? Je ne crois pas que renoncer au célibat obligatoire pour accéder à l’ordination presbytérale soit une panacée. Mais je suis sûr qu’une telle évolution est une partie non négligeable de la réponse à la question eucharistique chez nous aujourd’hui. Nous connaissons tous des diacres permanents et des laïcs qui, à vue humaine et chrétienne, pourraient devenir d’excellents prêtres mariés, après discernement, formation, appel et ordination évidemment. Sans compter peut-être des femmes, mais c’est une autre question, j’en conviens. Et sur ces deux points, l’assemblée synodale suisse s’était déjà montrée favorable en… 1972 !
Tant qu’on n’aura pas rejoint nos frères et sœurs des Eglises d’Orient -y compris les Eglises unies à Rome- sur la relation optionnelle entre la prêtrise et le célibat, je crois que nous continuerons de « boiter » eucharistiquement. J’estime que la théorie et la pratique catholiques, tellement centrées sur l’eucharistie –Parole et Pain partagés- méritent bien un tel ajustement de la discipline des ministères ordonnés, sans déprécier la valeur du célibat librement choisi pour le Royaume des cieux, sans dévaloriser non plus les services indispensables des diacres et des laïcs, hommes et femmes. D’ailleurs ce sont souvent ces derniers qui demandent davantage de nourriture eucharistique. Il ne faudrait pas les décourager d’avoir faim à force de les priver, sans raison grave, du pain de la vie.

                                               Claude Ducarroz



Cette prise position a paru dans le site cath.ch sous la rubrique « blogs »

samedi 3 janvier 2015

Homélie de l'Epiphanie

Homélie 2015




Des mages ou des rois ? Pour l’évangéliste Matthieu –le seul qui en parle-, ce sont des « mages venus d’Orient ». Mais il est vrai que la qualité de leurs cadeaux –de l’or, de l’encens et de la myrrhe- pourrait leur conférer quelque dignité royale. Et puis la liturgie les met en relation avec un texte d’Isaïe (ch. 60) et avec le psaume 71 qui parlent de rois venus de loin apporter des offrandes à Jérusalem. Disons qu’ils sont des rois-mages, et tout le monde sera content.

Au-delà de l’aspect un peu folklorique, l’important est ailleurs. Quel sens avait ce débarquement plus ou moins exotique pour les premières communautés chrétiennes auxquelles on adressait cette bonne nouvelle ?

D’abord que Jésus de Nazareth, dès sa naissance à Bethléem, est bel et bien le sauveur du monde, autrement dit de tous les hommes. Le Messie des juifs certes, puisque des bergers de Bethléem sont venus les premiers reconnaître et adorer Jésus dans sa crèche, encore qu’ils étaient parmi les pauvres du peuple et non pas parmi les notables.

Et puis des mages, autrement dit des païens, sont aussi venus de loin, comme ils disaient « pour se prosterner devant le roi des juifs qui vient de naître ». C’est l’ouverture du salut à tous les peuples de la terre, et cela dès l’apparition du sauveur.

On devine combien était importante cette prise de conscience dans des communautés chrétiennes souvent agitées par un débat très sérieux : les païens peuvent-ils devenir chrétiens sans passer par le judaïsme ou faut-il qu’ils suivent la loi de Moïse pour entrer dans l’Eglise ? Dans le fond, en racontant l’épisode des rois-mages, l’évangéliste Matthieu veut répondre à cette question.

Une telle réponse a-t-elle encore un sens pour l’Eglise d’aujourd’hui ? On pourrait estimer que non puisqu’aucun baptisé n’est obligé de suivre la loi de Moïse pour faire partie de la communauté ecclésiale. Depuis belle lurette, les païens sont les bienvenus dans la communauté chrétienne s’ils adhèrent à l’évangile du salut universel. Et pourtant, au-delà des imageries sympathiques, nous avons encore des leçons à tirer de la venue des rois-mages auprès de l’enfant Jésus, avec Marie sa mère.

* L’Eglise, en faisant confiance à l’étoile intérieure qui guide chaque homme en sa conscience, doit faciliter la rencontre avec Jésus, et non pas dresser des barrières ou fulminer des exclusions. Car l’Eglise n’est pas là pour conduire à elle-même, mais pour amener maternellement au Christ, le seul sauveur de tous.
Elle doit donc sans cesse s’interroger : suis-je un écran ou suis-je une médiatrice, entre les hommes et l’évangile ? Suis-je un obstacle sur leur chemin ou suis-je un guide fraternel quand des hommes, comme les mages, sont en route vers le Christ à travers leur recherche sincère d’un sens à leur vie ?
Plus concrètement : quel Dieu révélons-nous, quel Christ annonçons-nous, quelle bonne nouvelle proclamons-nous en tant que chrétiens dans notre monde ? Est-ce le Dieu-Amour ? Est-ce le Christ de la miséricorde ? Est-ce l’évangile des béatitudes ?

Il semble –mais ça demande encore confirmation- que le pape François veuille relancer une réflexion à ce sujet en insistant sur une Eglise de la miséricorde, de l’accueil inconditionnel et de la solidarité avec tous ceux qui peinent, notamment dans la pastorale des familles. C’est un grand espoir.

* Et puis les rois-mages ne sont pas devenus les apôtres. Ils sont repartis chez eux par un autre chemin. On peut voir dans cette gratuité de la rencontre et dans le respect de leur conscience une certaine indication pour le dialogue interreligieux.

 Si nous croyons que le Christ, par son Esprit, attire au vrai Dieu tous les hommes, nous savons aussi que les chemins pour y parvenir sont multiples et tous très mystérieux.
Pour être fidèle à sa vocation propre, l’Eglise doit aussi reconnaître les valeurs qui se trouvent déjà dans les autres religions. Elle doit renoncer à toute violence qui voudrait vaincre au lieu de convaincre. Depuis le concile Vatican II surtout, sans déroger à sa mission de clair témoignage pour le Christ, elle veut entrer en dialogue fraternel avec les autres religions afin que jamais plus la diversité des croyances serve de prétexte à des affrontements meurtriers qui ôtent toute crédibilité à ceux qui s’y adonnent.

Les religions doivent servir la paix, la liberté, le respect des droits humains et finalement la convivialité entre les peuples, au lieu d’exacerber les oppositions et de provoquer des divisions sources de guerres, comme on l’a trop vu dans le passé, y compris chez nous, et comme certains essaient de le promouvoir encore aujourd’hui.
Attention au piège ! Les chrétiens ne doivent pas se laisser entraîner dans l’escalade du choc des civilisations pour des motifs religieux.

Que la venue de ces mystérieux rois-mages à la crèche de Bethléem, que l’accueil de ces étranges croyants par Jésus et Marie nous aident à élargir notre cœur de chrétiens. Nous sommes convaincus que Jésus est le sauveur de tous les hommes, mais nous sommes aussi persuadés que son Esprit travaille dans la conscience de chacun pour que, dans la variété des chemins de vie et de foi, tous puissent parvenir dans la maison de l’unique Dieu et  Père de tout amour.


                                                                         Claude Ducarroz

mardi 23 décembre 2014

Homélie de Noël

Homélie de Noël

« Toutes ces religions, je ne sais pas si c’est le même Bon Dieu, mais c’est tout du même diable ! » Ainsi s’exprimait un brave homme plutôt déconcerté par les nombreuses propositions religieuses désormais disponibles dans le supermarché des religions, y compris chez nous. Il y a deux semaines, on a inauguré à Berne une « maison des religions » qui rassemble dans un même espace toutes sortes de chapelles consacrées aux principales religions du monde. Tant mieux, si ça peut servir la cause de la tolérance, du dialogue et finalement de la paix par la convivialité des croyants.

Mais ce grand bazar des religions nous invite, surtout au moment d’un Noël péniblement rescapé des déluges consuméristes, à nous poser la question fondamentale : c’est quoi, le christianisme ? quelle est son originalité qui définit son identité ?
La réponse est dans la fête liturgique de ce jour.
Si la religion consiste pour l’homme à se relier à Dieu, qui est le Dieu du christianisme ? Son secret tient en un mot : Dieu est Amour, tout amour, rien que amour. Et déjà ça change tout. Nous confessons même que ce Dieu-là est tellement amour en lui-même qu’il est communion parfaite et éternelle entre le Père, le Fils et le Saint Esprit, un seul Dieu en trois personnes. Premier mystère.

Quand il s’agit d’amour, celui qui aime le plus, c’est celui qui se fait le plus proche de celui qu’il aime, jusqu’à faire tout le chemin à sa rencontre, jusqu’à donner sa vie pour lui. Tout le contraire d’une divinité lointaine qui croirait préserver sa majesté en augmentant toujours plus la distance entre elle et nous.
Noël ! Il n’y a plus de séparation, il n’y a plus d’obstacle : le Fils de Dieu s’est fait l’un de nous par amour. L’amour infini a inventé le mystère de l’incarnation réaliste puisque le Verbe s’est fait chair pour habiter vraiment au milieu de nous.
Divinement, mais aussi humainement, c’est-à-dire en commençant dans le sein d’une femme, en naissant par un accouchement, en grandissant grâce au lait maternel.
Il a un nom : Jésus de Nazareth. Il a un visage, il aura bientôt un sourire. Toujours pour nous dire, et de plus en plus, l’amour de Dieu son Père, pour lui et pour nous, inséparablement.

Les parents, surtout les mamans, savent cela. Quand on aime vraiment, on s’adapte au plus petit, on donne priorité au plus fragile, on veille sur le plus malheureux. Et pour faire son apprentissage dans l’exercice de cet amour-là, Jésus de Nazareth a voulu expérimenter lui-même, jusque dans sa chair et dans son cœur, la condition humaine des plus nécessiteux parmi nous. Il nous a aimés d’en-bas pour nous chérir sans jamais nous humilier, en prenant, lui, d’emblée la dernière place pour nous sauver tous. Car telle est la puissance de l’amour qu’il se manifeste d’abord par la solidarité avec les plus pauvres.

* Un déraciné entre Nazareth et Bethléem, avec des parents en quête d’un gîte en urgence, qui ne trouvent pas d’accueil dans les hôtelleries.
* Un pauvre gigotant dans une étable parmi des bergers peu fréquentables, et bientôt un fuyard sur les routes menant à l’Egypte pour échapper- déjà- aux cruautés d’un despote.
* Et puis il y aura un jour la croix, le prix à payer sous nos coups de haine et de folie, pour faire triompher l’amour là où il n’y en a plus, au point de pouvoir redonner la vie aux morts dans l’expérience partagée de la résurrection glorieuse. Car jamais l’amour ne peut se laisser vaincre par le mal et la mort.
* Le Dieu Amour aura le dernier mot en Jésus, de la crèche au matin de Pâques. Finalement, c’est bel et bien pour ce matin-là qu’il est venu dans la nuit de Noël, pour le jour où se réalisera définitivement la promesse chantée par les anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes que Dieu aime ! »
Oui, la petite graine de Noël n’a donné tout son fruit qu’au moment de Pâques, ne l’oublions pas. Alors « s’est manifestée la grâce de Dieu pour le salut de tous les hommes », rappellera l’apôtre Paul, « dans la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et sauveur Jésus-Christ qui s’est donné pour nous en faisant de nous un peuple ardent à faire le bien ».
Et ce peuple, c’est nous, aujourd’hui.

Alors on peut se poser cette question : si le christianisme part du Christ –c’est évident-, dans le meltingpot des religions, qui va parfois jusqu’à la cacophonie, c’est à nous de signifier ce qu’est vraiment ce christianisme aujourd’hui.
* C’est vivre au jour le jour sous le signe de l’Amour majuscule irradiant nos amours les plus minuscules.
* Le chrétien de Noël apprécie les silences priants au lieu de s’étourdir, jusqu’à se perdre, dans les rumeurs et les fureurs des hauts parleurs tonitruants.
* C’est celui qui aime en priorité les petits et les pauvres en épousant lui-même un style de vie simple, privilégiant les qualités de l’être et la tendresse des relations plutôt que les vanités du paraître et le nombre des connexions.
* Le chrétien de Noël aime les gens, tous les gens, sans barrières ni frontières, en allant jusqu’au pardon pour construire de nouveaux ponts et renouer des alliances.

En résumé : le chrétien de Noël ne sépare jamais Dieu de notre humanité parce qu’ils se sont définitivement mariés en Jésus de Nazareth, dans le creux de la crèche, sur le bois de la croix, dans la lumière éternelle de Pâques. Dieu et nous : voilà les vrais intouchables, les vrais inséparables !
* Se laisser aimer par l’Amour trinitaire, se laisser toucher par l’Amour incarné, se laisser sauver par l’Amour crucifié, se laisser transfigurer par l’Amour ressuscité : quel magnifique programme !
* Et ensuite aimer, même les moins aimables, et trouver sa joie dans ces amours en petite monnaie, au gré des évènements de la vie ordinaire, selon cette promesse divine portée par les anges : « Je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple ».
La bonne nouvelle que Dieu est Amour, la grande joie de se avoir aimé par lui, le bonheur d’aimer à notre tour, ne serait-ce qu’un peu, comme lui.

                                                           Claude Ducarroz

samedi 13 décembre 2014

Troisième dim. de l'Avent

Homélie
Troisième dimanche de l’Avent

« Qu’est-ce qu’il fait ? qu’est-ce qu’il a ? qui c’est celui-là ? »
L’évangile de ce jour me fait penser à une chanson qui commençait ainsi.

En effet, à propos de Jean Baptiste, il semble qu’on ait affaire à une véritable commission d’enquête, car les prêtres et lévites envoyés de Jérusalem s’adonnent au jeu trouble d’un interrogatoire serré à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain.
Jean ne refuse pas de répondre, encore que ses réponses soient plutôt du genre négatif : « Je ne suis pas le Christ, je ne suis pas le prophète Elie. » On comprend que ses interlocuteurs soient restés sur leur faim. Et quand il passe au positif, l’affirmation n’est guère plus compréhensible : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert… »

En réalité, Jean Baptiste ne veut pas qu’on s’intéresse à lui. Il renvoie à celui qui, comme il le dit, se tient au milieu de nous alors même que nous ne le connaissons pas. Quant à lui, il est seulement indigne de délier la courroie de sa sandale. Tout cela n’est donc pas très clair, même si une chose est évidente : le plus important est encore un anonyme dans cette foule et il vaut la peine de chercher à mieux le connaître.

Après 2000 ans de christianisme, les choses ont-elles beaucoup changé ?
Le Christ est-il mieux connu, même chez nous ? N’est-il pas devenu ou redevenu cet anonyme inconnu ou mal connu qui circule au milieu de nous sans déranger beaucoup de monde finalement ? Même quand on évoque sa naissance, il semble avoir disparu comme étouffé sous les avalanches des productions matérialistes. Le Père Noël me paraît être mieux connu et en tous cas beaucoup plus attendu que le Jésus de Bethléem. On investit plus de publicité et de décorations pour susciter l’espérance de recevoir des cadeaux de pacotille que pour creuser la faim de rencontrer le Christ, véritable cadeau de Dieu à notre monde.
Ainsi va la civilisation de la consommation à outrance dans laquelle, pour beaucoup, le gavage sous toutes ses formes semble avoir supplanté le besoin du salut apporté par l’enfant de la crèche.

Mais trêve de jérémiades aspergées d’eau bénite. L’important, ne serait-ce pas que les chrétiens redeviennent des Jean-Baptiste en notre temps ? Oui, qu’il y ait encore des hommes et des femmes qui osent témoigner pour le Christ puisque, même s’il est très discret, il continue de se tenir au milieu de nous, lui, le ressuscité qui nous a promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Des Jean-Baptiste pour aujourd’hui. Qu’est-ce à dire ?

D’abord ne pas avoir honte d’être des résistants. Nous ne pouvons pas nous laisser aspirer –au point de finir noyés- par cette société dominée par l’avoir, le paraître, le commerce du futile plus que de l’utile, sans même parler du nécessaire. D’autant plus que nous ne pouvons ignorer la situation de la majorité de la population de notre planète qui, trop souvent, est encore à la recherche désespérée du minimum vital, pour survivre un peu plus dignement.

Oui, résister pour mieux partager. Jean-Baptiste lui-même, vêtu d’un vêtement de poils de chameau avec un pagne de peau autour des reins,  n’a-t-il pas fini par répondre à ceux qui le harcelaient de questions : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas.  Que celui qui a de quoi manger fasse de même. N’extorquez pas d’argent. » ?
Si personne n’est obligé de prendre part à son repas de sauterelles et de miel sauvage, nous ferions bien d’imiter sa capacité prophétique de ne pas vivre nécessairement comme tout le monde, pour être heureux et faire des heureux.

Résister, mais aussi attester. Car Jean-Baptiste est présenté surtout comme un témoin, venu rendre témoignage à la lumière qu’est le Christ en personne. Aujourd’hui, dans un monde brassé de mille manières par toutes sortes de philosophies et de religions -y compris les religions de celles et ceux qui disent n’en avoir aucune-, comme il est important que les chrétiens n’aient pas honte de leur foi, mais osent en témoigner courageusement.
« Ne soyez pas des chrétiens édulcorés », a rappelé récemment le pape François.

Il ne s’agit pas d’agresser les autres par nos convictions, mais plutôt de ne pas se réfugier dans un silence trop commode qui friserait la démission, voire la trahison. Dans une société qui, chez nous du moins, offre l’avantage d’une certaine liberté d’opinion et d’expression religieuses, pourquoi choisir de cacher notre foi alors que tant d’autres n’hésitent pas à proclamer la leur, y compris dans les nouveaux réseaux de communication sociale ?

Le prophète Isaïe annonce que l’Esprit répandu sur les croyants leur donne l’audace de proclamer la bonne nouvelle aux pauvres, d’annoncer la libération aux prisonniers. Et l’apôtre Paul nous supplie de ne pas éteindre l’Esprit, de ne pas mépriser les prophéties.

Baptisés dans l’Esprit de Pentecôte, nous avons en nous tout ce qu’il faut pour témoigner en faveur du Christ par la parole et par les actes, afin que le nom de Dieu soit glorifié, que la présence de Jésus soit reconnue et accueillie, que l’Eglise continue, humblement mais courageusement, de diffuser l’évangile dans notre monde tel qu’il est.
Car le Seigneur veut encore faire germer les semences de sa parole pour que retentisse sa louange devant toutes les nations.

Etre de simples jardiniers dans ce jardin, c’est sans doute un devoir. Ce doit être surtout notre joie.


                                               Claude Ducarroz

Petit commentaire 3ème dimanche de l'Avent

Troisième dimanche de l’Avent

Bon appétit !

Des sauterelles et du miel sauvage. Mais vous n’êtes pas obligés de goûter à ce menu. De même pour l’accoutrement : une tunique de poils de chameau et un pagne de peau autour des reins. Ce n’est pas très recommandable sous nos climats.
Et pourtant l’homme en question est vivement recommandé à notre méditation et à notre imitation par l’évangile de ce dimanche. Car à l’heure des illuminations tous azimuts, on a surtout besoin de rencontrer des témoins de la vraie Lumière qu’est le Christ. Pourquoi pas nous ?
La vocation, la consécration et l’envoi sont déjà garantis par le baptême, celui de Jésus Christ. Il nous reste à y aller, de toute notre foi, humblement et courageusement, comme Jean Baptiste.
Humblement. Jean ne se prenait pas pour un autre. Indigne de délier la courroie des sandales du Christ –comme il le dit-, il lui suffisait de savourer le bonheur de s’effacer devant le Sauveur, après l’avoir montré à son entourage en l’appelant l’Agneau de Dieu. Courageusement. Car rien que pour affirmer cela, il lui fallut une grande vaillance. Jusqu’au martyre.
Nous sommes dans une société –chez nous- qui nous offre la liberté de conscience et de culte. Dans le tintamarre des philosophies et religions, les chrétiens sont devenus plus humbles. Ils ne sont plus les seuls. Ils doivent respecter les autres, y compris celles et ceux qui disent ne pas croire en Dieu ou n’avoir aucune religion.
Est-ce une raison pour que nous devenions timides, muets ou honteux ? La manière d’être de Jean Baptiste étonnait. Sa façon de vivre posait question. Il y eut un grand débat autour de sa personne, ce qui lui permit de témoigner franchement, à haute voix,  pour celui qui, plus grand que lui, se tenait encore comme un inconnu au milieu de son peuple.
N’est-ce pas aussi notre situation ? Le Christ est-il mieux connu et reconnu de nos jours qu’aux temps du Baptiste ? Une conclusion s’impose : on cherche des Jean Baptiste, et les baptisés sont les premiers qui devraient se sentir concernés, appelés, envoyés.
Pour que Noël ne soit pas qu’une débauche de consommation autour du père Noël. Pour que la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth parlent encore aux hommes et femmes de notre temps. Et finalement leur disent : « Dieu est Amour. Il t’aime. Laisse-toi aimer par lui, à la suite de Jésus. Le sais-tu ? Il y a même un repas pour expérimenter tout ça : l’eucharistie. Prend et mange. C’est si bon ! »

                                               Claude Ducarroz

A paru sur le site   www.cath.ch


mardi 9 décembre 2014

Accueil au Chapitre cathédral de Saint- Nicolas

Accueil des nouveaux chanoines
8 décembre 2014

« Souvenez-vous de ceux qui vous ont dirigés : ils vous ont annoncé la parole de Dieu. Méditez sur l’aboutissement de la vie qu’ils ont menée, et imitez leur foi. Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il l’est pour l’éternité. » He 13, 7-8.

Qui a dit que l’on ne savait pas assez dire merci dans notre Eglise ? En pleine communion avec notre évêque Charles, le Chapitre cathédral est heureux de démontrer le contraire. Car ensemble, nous voulons remercier et honorer –si possible- quatre excellents serviteurs de notre Eglise et, plus largement, de toute l’Eglise, la catholica. Dans les deux sens du  mot « reconnaissance » : reconnaître et avoir de la reconnaissance.

Mgr Amédée Grab, enfant de Genève, devenu moine bénédictin à Einsiedeln, a été ordonné prêtre en 1954, il y a exactement 60 ans. Il exerça durant 4 ans le ministère de secrétaire de la conférence des évêques suisses. Ordonné évêque en 1987, il fut d’abord évêque auxiliaire à Genève durant 8 ans, puis notre évêque diocésain durant 3 ans, avant de gagner Coire comme évêque durant 9 ans. Il a présidé le Conseil des conférences épiscopales d’Europe durant 5 ans.

Mgr Jean-Claude Périsset, natif d’Estavayer-le-Lac, a été ordonné prêtre en 1964, il y a exactement 50 ans. Après un ministère de vicaire à Genève, il s’est mis au service du St-Siège dans plusieurs dicastères de la Curie romaine. Ordonné évêque par le pape Jean-Paul II en 1997, il devint nonce apostolique en Roumanie durant 9 ans avant d’exercer le même service en Allemagne durant 6 ans. Il a retrouvé Estavayer-le-Lac pour une retraite dite « bien méritée ».

Mgr Pierre Bürcher, Haut-Valaisan ayant grandi dans le canton de Vaud, a été ordonné prêtre en 1971. Il exerça d’abord son ministère dans cette paroisse, notamment comme vicaire au service de la communauté de Saint Paul. Après un temps de vicariat à Lausanne, il devint curé à Vevey durant 9 ans, avant de diriger notre séminaire diocésain. Ordonné évêque auxiliaire en 1994, avec résidence à Lausanne, il devint ensuite évêque de Reykjavik en Islande en 2007. Il a aussi présidé l’œuvre Catolica Unio au service des Eglises catholiques d’Orient.

Ces trois évêques, de par la volonté de notre évêque diocésain, nous font l’honneur d’un lien désormais encore plus étroit avec notre Chapitre cathédral qui s’en réjouit.

Mgr Nikolaus Wyrwoll est un prélat allemand qui s’est beaucoup investi au service de la cause de l’unité des chrétiens et de la communion des Eglises, notamment dans les relations avec les Eglises orthodoxes d’Orient. Fan de saint Nicolas de Myre, dont il porte le nom, il est un membre actif de l’Institut supérieur d’études œcuméniques de notre université. Nous voulons honorer sa personne et son action en le nommant chanoine honoraire de la cathédrale de Fribourg.

Cette célébration de gratitude et de fraternité se déroule au cours de la messe de l’Immaculée Conception de Marie. Elle a un goût de Magnificat. Elle prolonge aussi la fête de notre cher patron de cette cathédrale et de notre diocèse, saint Nicolas de Myre. Et, si vous me permettez cette petite publicité gratuite, elle a pour décor l’exposition des huit antiphonaires du Chapitre, datant du temps de sa fondation il y a 500 ans, que vous pouvez encore admirer cet après-midi de 12h à 20h.

Puisse cette fête largement partagée augmenter encore la fraternité des pasteurs au service de la communion des Eglises et de l’Eglise, à cause de Jésus et de l’Evangile !


Claude Ducarroz