Homélie de l’Epiphanie 2012
Enigmatiques ! Ces mages venus d’Orient demeurent profondément énigmatiques dans le contexte du récit élaboré par l’évangéliste Matthieu. Plutôt que d’ajouter du « merveilleux » à un épisode qui en contient déjà beaucoup, essayons de retenir les caractéristiques de ces personnages mystérieux, parce que je crois qu’elles peuvent indiquer un chemin pour le pèlerinage de l’Eglise – que nous sommes – dans le monde d’aujourd’hui. Il est permis d’estimer, en effet, que ces héros de l’Epiphanie peuvent être de bons compagnons de voyage pour notre Eglise, 50 ans après l’ouverture du Concile Vatican II. C’était en 1962.
Ne sommes-nous pas en route dans notre humanité actuelle pour y révéler ensemble le Christ vivant en chrétiens épiphaniques, autrement dit rayonnants par transparence ?
En simplifient un peu, retenons ceci.
+ Les mages venus d’Orient étaient sensibles aux signes qu’ils scrutaient attentivement.
+ Ils se sont mis en route dans la confiance vers un horizon largement inconnu.
+ Ils se sont interrogés. Mieux encore : ils se sont renseignés auprès d’autres instances pour y voir plus clair dans leur aventure religieuse.
+ La rencontre avec Jésus et sa mère fut une source de joie et de libération, capable de donner envie à d’autres.
+ Leur religion devint adoration, mais aussi générosité puisqu’ils offrirent à l’enfant Jésus leurs plus précieux cadeaux.
+ Enfin, avertis en songe, ils regagnèrent leurs pays par un autre chemin, car la vie bouleverse souvent les plans trop bien ficelés et Dieu peut devenir le Seigneur des surprises.
Tels furent ces hommes issus d’on ne sait trop où, guidés par une étoile déconcertante, qui sont venus s’agenouiller auprès de Jésus-Enfant en lui offrant les hommages des nations païennes, avant de se fondre dans l’anonymat de l’histoire.
Etre sensibles aux signes qui nous viennent de Dieu, mais aussi du contexte dans lequel nous vivons. Jean XXIII a justifié la convocation du Concile Vatican II par son attention aux signes des temps. Que de signes nous adresse encore notre temps – et Dieu lui-même à travers eux !
La révolution informatique et médiatique, l’aspiration à la liberté chez de nouveaux peuples, la revendication de dignité, de nourriture, de soins, de culture parmi les populations encore scandaleusement prisonnières de leurs misères, l’appel aux religions comme facteurs de paix et de fraternité au lieu d’être des catalyseurs de confrontations et de guerres, la quête angoissée de « sens à la vie » chez une jeunesse qui ne se retrouve plus à la maison dans nos églises, etc. …
Autant de signes qui doivent nous mettre en route, nous faire chercher avec d’autres, nous déranger dans le bon sens de ce mot. Ce n’est pas confortable de partir en pèlerinage vers un avenir très incertain. Il est plus facile de nier les problèmes pour n’avoir pas à les affronter. On peut aussi se rabattre sur les vieilles recettes infiniment répétées et faire de nos traditions des enlisements.
En convoquant un Concile, Jean XXIII fit confiance à l’Esprit-Saint, celui dont Jésus dit qu’il souffle où il veut, qu’il peut faire toutes choses nouvelles, qu’il conduit peu à peu vers la plénitude de la vérité quand on se rassemble pour le prier, dans la communion d’une Eglise vraiment universelle, sur le vaste horizon de notre humanité dans les douleurs et les espérances de son propre enfantement, jusqu’à son entrée dans le Royaume de Dieu.
L’Eglise de l’Epiphanie, je la vois comme une barque en forme de crèche de Bethléem, avec Jésus, Marie et Joseph au milieu. Le mât de la croix tient bon dans la tempête, les voiles de l’Evangile sont déployées, le souffle de l’Esprit pascal les gonfle de courage apostolique, et l’étoile du Dieu-Amour continue de briller au firmament de notre commune humanité en voyage vers le port du Royaume de Dieu.
Cette barque, certes encore bien frêle mais pourtant assurée de ne jamais chavirer, doit oser naviguer sur la tumultueuse rivière de l’histoire, et même en haute mer, disait Jésus lui-même. Elle ne doit s’attarder que dans quelques ports pour faire le plein de prières, d’Evangile et de sacrements – ses escales spirituelles – et repartir ensuite dans l’aventure de la solidarité humaine et de l’évangélisation des peuples. Dans l’esprit des mages de l’épiphanie.
Bien sûr, elle devra parfois ramer à contre-courant, car Jésus lui rappelle « qu’il ne doit pas en être ainsi parmi vous » - pas comme les modes ou les mentalités dominantes, notamment face à l’argent-roi, au pouvoir oppressif, au savoir orgueilleux ou aux pratiques débridées de la sexualité pornographique.
N’empêche que c’est là, au milieu de leurs frères et sœurs en pleine humanité, que les chrétiens ont à voguer sur le bateau de Jésus-Christ, loin des refuges paresseux ou des ports de plaisance religieuse.
Eglise d’Epiphanie, de révélation, de rayonnement, de contagion évangélique : avance au large, jette les filets pour la pêche du salut. Fais – refais – confiance à ton divin capitaine, Jésus de Noël et de Pâques.
Claude Ducarroz
samedi 7 janvier 2012
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