Homélie du dimanche de l’unité 2012
Il s’appelait André, comme l’un des premiers apôtres de Jésus dans l’évangile de ce dimanche. Il était pasteur protestant. Je l’avais rencontré lors d’un camp biblique œcuménique. Quand je l’ai revu, quelques années plus tard, nous avons fraternisé autour de la question œcuménique. Tout à coup, André me regarde dans les yeux. Les siens étaient pleins de larmes. Et il me dit : « Vous, les catholiques, vous nous manquez. Mais nous, les protestants, je n’ai pas l’impression qu’on vous manque. » J’ai compris alors que l’œcuménisme, ça commence quand l’autre nous manque.
Sur les bords du lac de Galilée, Jésus vit deux frères, André et Simon. C’étaient des pêcheurs. Il les appela ensemble en leur disant : « Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, ils le suivirent. Et de même avec deux autres frères, Jacques et Jean. Il les appela aussi, et ils partirent derrière Jésus.
Il ne faut pas séparer ceux que Dieu a choisis ensemble. Il ne faut pas opposer ceux que Jésus a convoqués à la même fraternité. Ce qui vaut pour les apôtres individuellement vaut aussi pour les Eglises. La désunion des chrétiens est une grave infidélité à la volonté de Jésus qui a prié pour tous ses disciples en disant au Père, la veille de sa mort : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi ». La séparation des Eglises est un énorme scandale parce qu’elle empêche la réalisation de cette autre prière de Jésus : « Qu’ils soient parfaitement un afin que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. »
Dès lors, puisque notre péché a semé la division entre nous au cours de notre tragique histoire, il est essentiel que l’œcuménisme progresse et finalement réussisse parce que c’est la volonté de Dieu et parce que c’est la prière de Jésus.
L’œcuménisme n’est pas un aspect marginal de la vie de nos Eglises, une spécialité pour érudits ou le hobby de quelques passionnés de la chose. L’œcuménisme est une dimension de la vie de toute l’Eglise, que nous sommes. Après le concile Vatican II, qui a fait monter l’Eglise catholique dans le train de l’oecuménisme déjà en marche, les papes successifs, y compris Benoît XVI, ne cessent de répéter cette conviction et de répercuter cet appel. L’unité des chrétiens doit faire l’objet de notre ardente prière et de nos engagements de fraternité là où nous vivons.
Et ça commence par un changement de regard. Comment je vois les autres, les autres chrétiens, les autres Eglises ? Est-ce que je les observe avec bienveillance, prompts à me réjouir de tout ce qu’ils ou elles font de positif « à cause de Jésus et de l’Evangile » ? Il y a sûrement plusieurs manières de rendre témoignage au Christ. Alors rendons grâces pour la richesse plurielle de nos rayonnements chrétiens en ce monde.
Et puis, si nous sommes tous des baptisés disciples de Jésus, certes imparfaits mais également aimés de lui, nous pouvons déjà communier dans tout ce qui nous rassemble et nous unit. Je pense en particulier à la parole de Dieu telle qu’elle est consignée dans la Bible. En septembre 2010, à Fribourg, à travers l’initiative « FestiBible », nous avons montré que la parole biblique pouvait renforcer notre fraternité initiale quand nous la lisons, nous la scrutons, nous la prions ensemble.
Cette année, nos Eglises nous invitent à nous laisser interpeller ensemble par l’évangile de Marc grâce à la proposition « La Bible à la maison ». Avons-nous répondu à cet appel ? Avons-nous saisi cette opportunité ?
Et puis il y a tant à faire ensemble dans notre société encore tellement inhumaine. Oui, nous retrouver ensemble pour nous mettre au service des plus pauvres, des démunis, des exclus, chez nous et ailleurs dans le vaste monde. La misère n’a pas de religion. Elle est tout simplement humaine. Les chrétiens ne peuvent qu’être unis quand il s’agit de la soulager, conformément à cette parole de notre commun Jésus : « Tout ce que vous faites à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. »
Enfin il nous reste tant à œuvrer pour faire connaître l’évangile dans notre humanité qui est devenue une immense Ninive dans laquelle nous sommes immergés par la solidarité humaine. Mais nous y avons aussi le devoir prophétique de dire une autre parole que les publicités, de vivre autrement que ce que nous proposent les adorateurs de l’argent, du pouvoir ou des plaisirs égoïstes. Elle vaut aussi pour nous, les chrétiens de notre temps, cette parole adressée à Jonas : « Lève-toi ! Va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne pour elle. »
Nous regarder en frères et sœurs en voie de réconciliation, et non plus en ennemis ou en concurrents, prier et nous laisser éclairer et toucher ensemble par la Parole de Dieu, donner le témoignage d’un service de charité et de justice auprès des malheureux et des oubliés de notre terre, annoncer l’évangile à celles et ceux qui ne le connaissent pas encore ou l’ont déjà oublié : c’est une belle mission œcuménique. Pour la vivre dans l’Esprit de Jésus nous avons besoin les uns des autres, malgré ou plutôt avec nos diversités.
André, tu m’as dit que je te manquais. Je veux te le dire aujourd’hui en toute sincérité : toi aussi, tu me manques. Alors donnons-nous la main de l’œcuménisme en actes.
Car Jésus nous redit à tous : « Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. ».
Claude Ducarroz
dimanche 22 janvier 2012
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