Homélie
Noël 2011
Je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle, mais c’est un scoop : Jésus de Nazareth est revenu à Bethléem. Il est même retourné dans sa crèche : c’est Noël ! Quelle aventure !
Il y a un peu plus de 2000 ans, c’était sa naissance. On n’en saurait pas grand-chose si l’évangéliste Luc, en bon historien, n’avait fait l’effort de se renseigner pour nous raconter l’évènement presque comme s’il y était. C’est ce qu’on appelle l’évangile de l’enfance. Mais -n’en déplaise à certains qui voudraient en rester là, un petit Jésus gentil et muet-, ce même Jésus a beaucoup grandi. Il est devenu un adulte assez déconcertant, et parfois même dérangeant. Sa famille elle-même l’a traité de fou et a cherché à l’empêcher de continuer sa mission.
Car il avait une mission : annoncer la bonne nouvelle de l’amour de Dieu aux plus pauvres, guérir de toutes sortes de maladies, libérer les prisonniers de toutes sortes d’enfermements, pardonner aux pécheurs qui voulaient s’en sortir, remettre en question les puissances de l’argent, du pouvoir, du savoir arrogant, et même de la religion quand elle devient un système sectaire au lieu d’être une invitation à l’ouverture à Dieu et aux autres, quels qu’ils soient.
En un mot : ce Jésus est venu révéler le vrai visage de Dieu : il est Amour. Et ce fut une grande surprise dans un monde de brutes ou de bonnes conscience faciles. Pour authentifier son programme, Jésus a payé de sa personne. Il a affronté l’opposition et même la haine. Il a subi la persécution jusqu’à la mort sur une croix. Il a aussi pris un grand risque : confier à des hommes, pêcheurs et surtout pécheurs, de prolonger son œuvre dans ce monde en s’inspirant de leur Maître puisqu’il leur a donné son Esprit. On appelle cela l’Eglise ou le Christ répandu et communiqué par les richesses évangéliques de ses saints et malgré les pauvretés parfois tragiques de ses pécheurs.
Mais là, me direz-vous, il manque une page, et la plus importante. Oui, rien de tout cela ne serait arrivé, on n’en parlerait plus, on ne serait pas là ce soir si cet homme de Nazareth n’était pas, en son mystère personnel, l’envoyé de Dieu comme fils, s’il n’était pas ressuscité le troisième jour en vainqueur définitif de la mort, du mal et du non-sens existentiel.
Où est ce Jésus maintenant ? C’est vrai : il a fait un long voyage dans l’humanité parce que ses disciples ont cru bon de le transporter partout pour le faire connaître, plus encore : triompher. Il a vraiment été servi, sur les plats de l’histoire, à toutes les sauces.
Les puissances cléricales l’ont parfois imposé aux autres par la violence ou l’astuce. Les puissances politiques ont voulu le mettre au service de leurs projets de domination avec l’aide de la religion. On lui a fait des arcs de triomphe en croyant l’honorer, on lui a élevé des monuments extraordinaires en pensant le glorifier. On a cherché à vaincre sous le signe de nos vérités au lieu de convaincre sous le régime de son amour.
Mais il ne s’est pas laissé faire, Jésus de Nazareth, le crucifié ressuscité, le Messie du Dieu-Amour.
Aujourd’hui, il revient à Bethléem puisque c’est Noël.
Nous qui sommes ici ce soir, nous sommes un peu ses bergers, n’est-ce pas ?, si nous avons au cœur leur capacité de reconnaître les signes du ciel, si nous sommes d’accord de bouger en nous-mêmes, si nous avons leur simplicité de vie et leur capacité de joie sereine.
Regardons autour de nous, dans notre société telle qu’elle est, du moins chez nous. Et ne cherchons pas ailleurs celui qui, en habitant pour toujours la gloire de Dieu, veut cependant rester au milieu de nous jusqu’à la fin du monde. Il est là, dans les Bethléem de notre temps plutôt que dans les Jérusalem des paraître clinquants, des avoir matérialistes, des savoirs infaillibles, des victoires gonflées à bloc au hit-parade de toutes les illusions mondaines.
C’est là qu’on le reconnaît, le vrai Jésus de l’Evangile. Il n’a pas changé.
Il peut illuminer toutes les ténèbres d’humanité, car il naît toujours à minuit.
Il vient encore se cacher dans la pauvreté d’une crèche puisqu’il veut palpiter, de son cœur transpercé, au centre intérieur de nos personnes, là, quand nous faisons silence, quand nous écoutons sa parole, quand nous prions.
Il nous donne rendez-vous dans les frères et sœurs les plus humbles, ceux que la société oublie ou néglige parce qu’ils ne sont pas rentables, les bergers marginaux de tous nos bilans économiques et même apostoliques.
Il nous sourit entre une femme et un homme du peuple -des pèlerins et bientôt des réfugiés-, une petite servante nommée Marie et un Joseph modeste artisan, car l’expérience est toujours la même : « Ils découvrirent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une mangeoire. »
Peut-être n’y avait-il pas même une table dans l’étable de Bethléem. Un luxe aujourd’hui : il y a une belle table dans cette église. La sainte Cène a passé par là, l’Eglise s’est rassemblée ici, c’est nous tous. La table, cette table, c’est un peu la crèche d’aujourd’hui. Et servi pour notre joie, il y a encore plus petit que le nouveau-né : un morceau de pain partagé. C’est lui, c’est Jésus, « ceci est mon corps, prenez, mangez. » Noël et l’eucharistie, c’est tout un. Jésus est emmailloté de pain pour que nous puissions, où que nous soyons, entendre les anges d’aujourd’hui nous répéter l’invitation : « Je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple. Aujourd’hui vous est né un Sauveur. Il est le Messie, le Seigneur. » Et que nous devenions les bergers de la crèche éternelle, celles et ceux qui « glorifient et louent Dieu pour tout ce qu’ils avaient vu et entendu. » Au point que « tout le monde s’étonnait de ce que racontaient les bergers. »
Où que nous allions, Jésus vient avec nous puisqu’il habite en nous, que nous le sachions ou non, que nous le reconnaissions ou non. Car d’une certaine manière, il ne quitte jamais Bethléem, ou il nous y ramène sans cesse. C’est là son lieu de naissance, y compris de re-naissance en nous. C’est là qu’il se plaît, qu’il se sent à la maison, qu’il se trouve bien, à la fois chez nous –chez les plus petits- et chez lui dans la gloire du Père.
Il nous reste à imiter Marie, surtout après ce temps de fête qui risque de nous avoir tellement distrait de l’essentiel par le déluge suffoquant des consommations de pacotille : « Marie retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur. »
Que ne soit pas vide la crèche de notre intériorité puisque Jésus l’habite désormais de toute son humanité, de toute sa divinité.
Bonne fête de Noël à Rossens-sur-Bethléem.
mercredi 4 janvier 2012
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