De quoi je me mêle
Je la sens venir, je l’entends déjà, cette
phrase plus ou moins assassine : « De
quoi se mêle l’Eglise ? Elle fait la leçon aux autres alors qu’elle ferait
mieux de balayer devant sa porte ! »
Je peux comprendre. Le même jour, la Conférence
des évêques suisses dit tout le mal qu’elle pense de l’initiative de l’UDC sur
la mise en œuvre des mesures contre les étrangers criminels, et notre évêque
tente de solder devant l’opinion publique le lamentable passé de l’orphelinat
Marini où des ecclésiastiques ont sévi impunément sur des enfants et des
jeunes.
Pauvre Eglise ! La voilà, une fois de
plus, coincée entre le devoir de s’exprimer en prophète courageux dans la
société, et la pénible obligation de confesser publiquement les forfaits commis
par certains de ses ministres patentés.
Qu’est-ce à dire ? Faut-il que l’Eglise se
taise et se terre en attendant qu’elle soit assez parfaite pour oser encore une
parole forte et crédible ?
L’Eglise –autrement dit les chrétiens que nous
sommes- sera toujours en position incon- fortable, entre deux solidarités d’inégale
valeur. Composée d’hommes pécheurs, comment l’Eglise ne serait-elle pas contaminée
par l’impact des péchés du monde, a
commencer par les nôtres ? Pénitente, toujours à réformer, ainsi que le
concile Vatican II nous l’a rappelé, l’Eglise ne peut que reconnaître sa part
de responsabilité dans les erreurs et les horreurs qui affectent et infectent
notre humanité. C’est d’autant plus vrai quand ce sont des petits et des
innocents qui en subissent les conséquences. Alors l’Eglise et ses autorités ne
peuvent se racheter, si possible, qu’en jouant la transparence totale et en exprimant
une sincère demande de pardon à Dieu et aux victimes.
Mais en même temps, placée sous les énergies de
l’Esprit, l’Eglise ne peut se soustraire à sa mission d’annoncer l’Evangile à
temps et à contre-temps. Elle le fait en se laissant brûler la première par le
feu purificateur de la Pentecôte. Par fidélité à ce qu’elle est par pure grâce
dans le plan de Dieu, elle doit garder au cœur le courage d’attester toujours
et de protester quand il le faut. Mais qu’elle le fasse avec modestie dans la
manière, en esprit d’humble service, et non pas en juge arrogant et impitoyable.
Comme elle vient à
point, l’année de la miséricorde !
Miséricorde pour l’Eglise elle-même, tant elle
se sent et se sait imparfaite, donc à purifier par l’amour indéfectible de son
Seigneur.
Miséricorde par l’Eglise qui ne doit pas se
laisser paralyser par ses propres fautes, mais oser faire rayonner les lumières
et les promesses de l’Evangile dans notre monde, par fidélité conjointe à Dieu
et à l’humanité.
Y compris en remettant en question ceux qui, en
elle et dans la société, abîment l’homme, écrasent les pauvres, désespèrent les
faibles.
Miséricorde,
Seigneur ! Sur nous et sur notre monde !
Claude Ducarroz
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