Homélie œcuménique
Les chiites et les sunnites : on les
connaît un peu maintenant. Comme moi sans doute, vous ne savez pas exactement
ce qui les différencie sur le fond, mais nous constatons qu’ils se regardent
comme des ennemis et vont jusqu’à se faire la guerre un peu partout dans le
monde, avec les cruelles conséquences que nous déplorons, même chez nous.
Il ne faut pas l’oublier : chez nous jadis
–et ce n’est pas si vieux-, les catholiques et les protestants ont fait la même
chose, se sont fait la même chose. Nous avons aussi eu nos réflexes d’ennemis, nous
avons aussi conduit des guerres de religion. Et pourtant nous nous référions
tous au même évangile, celui de Jésus Christ notre commun Seigneur, le prince
de la paix.
C’est dire combien nous devons être
reconnaissants pour le mouvement œcuménique qui a mis fin à ces luttes et même
à ces violences fratricides, parfois justifiées par des raisons de fidélité
théologale, souvent empoisonnées par des intérêts politiques où les jeux de
pouvoir hégémonique fonctionnaient comme de mauvais alibis.
Notre Eglise, la catholique, est entrée
tardivement dans la dynamique de ce mouvement de réconciliation entre chrétiens
et entre Eglises. Après les paroles et les gestes de quelques prophètes pas
toujours bien compris ni accueillis, le concile Vatican II nous a tous
embarqués dans ce voyage vers l’unité, selon la prière et la promesse de
Jésus : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en
toi, qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as
envoyé. » (Jn 17,21).
Ce n’est donc pas le moment d’abandonner le
pèlerinage de l’unité ni de sauter du train de l’oecuménisme comme si nous, les
catholiques, nous pouvions nous suffire à nous-mêmes avec toutes les richesses
de notre tradition.
Car je crois que le premier réflexe œcuménique est
celui-ci : l’autre me manque, y compris avec ses différences ; nous
serions et nous serons tellement plus chrétiens si nous l’étions ensemble,
comme des frères unis après une sincère réconciliation qui allierait l’unité
fondamentale avec de belles diversités dans les traditions et les expressions
de notre foi. Car l’œcuménisme, selon une belle définition de Jean Paul II,
c’est « un échange de cadeaux » !
La liturgie de ce dimanche, avec une magnifique
richesse de contenu biblique, nous permet de baliser la feuille de route vers
une plus grande unité entre nous.
* D’abord l’évènement présidé par le prêtre
Esdras au retour du peuple en Terre sainte après l’exil à Babylone. Cette
liturgie biblique est émouvante. Tout y est : un prêtre qui lit la Loi,
des lévites pour traduire et expliquer et surtout un immense peuple avide de re-fréquenter
cette parole dans une ambiance de joie.
L’oecuménisme doit d’abord nous rassembler
autour de la parole de Dieu, que ce soit en communauté élargie ou en petits
groupes. Et comme on va à la fête, parce qu’il est écrit : « La joie
du Seigneur est votre rempart. »
Avons-nous, avez-vous
déjà partagé avec des chrétiens d’autres Eglises le bonheur de méditer la
Bible, notre trésor commun ?
* La deuxième lecture nous ramène à
l’essentiel. Les baptisés -tous les baptisés- forment un seul corps –celui du
Christ- dans un même Esprit. Oui, chacun pour sa part, nous sommes les membres
de ce même corps. C’est dire combien cette unité de base est forte et profonde.
Mais en même temps elle se manifeste et s’épanouit dans une très grande variété,
comme les divers membres qui forment ensemble un même corps humain, nous dit
saint Paul.
Cette variété, quand elle prend racine dans la
foi et l’amour, s’exprime aussi dans les divers ministères qui font vivre nos
communautés. C’est l’Esprit Saint qui pratique l’art de l’imagination créatrice
pour répondre aux besoins variables suivant les temps et les lieux.
Jadis on avait l’impression que seuls les
hommes pouvaient exercer des ministères dans les communautés catholiques.
Aujourd’hui on découvre que les femmes, très souvent, sont les piliers de nos
communautés grâce à leurs capacités d’engagement généreux et imaginatif. On
peut, on doit leur être très reconnaissant, en attendant sans doute de nouveaux
développements souhaitables, surtout dans notre Eglise.
Avons-nous, avez-vous
déjà œuvré avec des chrétiens ou chrétiennes d’autres confessions dans des
services qui contribuent à l’animation de nos communautés ?
* Enfin dans l’évangile, Jésus nous donne
rendez-vous dans la synagogue de son village à Nazareth. Nous y retrouvons la
parole puisque Jésus lit et commente un texte tiré du prophète Isaïe. Mais en même temps il nous montre ce que veut
dire être chrétien dans le concret de la vie puisqu’il nous faut agir comme
lui.
Il s’agit d’annoncer l’Evangile comme une bonne
nouvelle avec une priorité auprès des plus pauvres. Et il s’agit ensuite de
passer de la parole lue à l’église aux actes concrets et même risqués.
Aujourd’hui comme hier, s’engager pour la
libération des opprimés de toutes sortes est non seulement exigeant en
dévouement, mais aussi une aventure qui peut coûter cher, et parfois jusqu’à sa
propre vie, comme on le voit encore maintenant dans certaines régions du monde.
Dans ces circonstances se vit l’œcuménisme du
témoignage commun ou plutôt du martyre. C’est en mêlant leurs sangs pour le
Christ que les chrétiens des diverses Eglises constituent ou reconstituent
l’unité de l’unique Eglise de notre commun Jésus.
Avons-nous, avez-vous
déjà payé de votre personne avec d’autres chrétiens pour annoncer l’Evangile
dans notre société ou collaborer à des œuvres de libération, de justice et de
solidarité ?
J’ai bien conscience qu’une telle feuille de
route œcuménique n’est pas très populaire, même dans certains milieux d’Eglise.
Retenons au moins notre devoir minimum de prier pour l’unité de l’Eglise et des
Eglises comme nous le faisons au cœur de chaque messe : « Seigneur, ne regarde pas nos péchés mais la
foi de ton Eglise ; pour que ta
volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix et conduis-la vers l’unité
parfaite. »
Claude Ducarroz
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