Epiphanie 2016
Il fallait que tous
soient là, mais certains ne sont pas venus.
Quand on relit l’ensemble des évangiles de
l’enfance, à savoir les deux premiers chapitres de Matthieu et de Luc, on
devine assez rapidement l’intention des évangélistes : montrer que dès sa
naissance, Jésus attire à lui tous les hommes. Il ne dit rien, mais déjà il est
le sauveur du monde. Chrétiens, juifs et même païens viennent déjà le
rencontrer au terme de parcours fort variés qui finissent tous auprès de lui.
Les chrétiens d’abord. Ils ne sont pas
nombreux. On peut même dire qu’ils sont seulement deux. Instruits par une
parole venue du ciel grâce à des messagers, Marie et Joseph ont répondu par la
foi à l’annonce du mystère de Jésus, Verbe fait chair. Encore est-il mentionné
qu’ils ne comprirent pas tout tout de suite. Même les meilleurs chrétiens sont
toujours en voie de développement puisque Marie, la très sainte mère de Jésus,
fut de ceux-là.
Jésus étant le Messie promis au peuple juif, il
fallait bien que des juifs le connaissent et le reconnaissent dès le départ.
Les premiers à le faire ne sont pas ceux qu’on attendait spontanément. Ces
bergers de Bethléem, de pauvres marginaux peu appréciés par la bonne société
juive, représentent le petit peuple des humbles, que des psaumes évoquaient en
priorité pour bénéficier de la venue du Messie.
Jésus étant né pauvre parmi les pauvres, il
était finalement assez logique qu’ils fussent aux premières loges, réveillés
par des anges et donc invités par le ciel lui-même à se prosterner devant l’Enfant
avec sa mère.
Et du côté de
Jérusalem, me direz-vous ? Il y a un peu de tout.
Les plus proches, par la foi et l’amour, furent
deux vieillards certes attachés au temple, mais surtout en attente ardente de
la venue du Messie. Syméon et Anne représentent ce courant juif prophétique qui
bientôt, dans la personne des apôtres, reconnaitra et suivra Jésus. Ils le
feront non sans peine, jusqu’au mystère pascal, avant de constituer l’Eglise
naissante dès l’évènement de Pentecôte, à Jérusalem précisément.
Enfin nous voilà à la fête de ce jour pour
terminer la galerie des portraits. Que voyons-nous ?
D’abord des mages, à savoir des personnages qui
ne sont ni juifs ni chrétiens, donc des païens venus de loin, de ce qu’on
appelait alors « les nations ». Ils sont en réalité des chercheurs de
Dieu à partir de signes qu’ils repèrent dans les astres, mais aussi dans les
diverses rencontres sur leur chemin.
A partir de leur religion, parce qu’ils sont
sincères et persévérants, ils finissent par arriver jusqu’au Christ, non pas
pour devenir immédiatement des disciples ou des apôtres, mais pour repartir
chez eux par un autre chemin, à savoir enrichis par la rencontre avec Jésus dans
les bras de sa mère.
Quant aux notables juifs de Jérusalem, férus
d’Ecriture sainte, ils sont aux abonnés absents. Les païens leur ont brûlé la
politesse, signe précurseur de ce qui arrivera plus tard quand l’Eglise passera
elle aussi aux païens devant la résistance de la plupart des autorités juives.
Et
Hérode, me direz-vous ? Tout un symbole, lui aussi. Les grands de ce
monde, jaloux de leur pouvoir et forts de leur puissance, ne savent que réagir
par la violence à la moindre alerte qui remettrait en cause leurs privilèges.
Et dans ce cas, c’est toujours la même chose : les petits, les innocents
sont les premiers sacrifiés sur l’autel de leur folie meurtrière. Rien de
nouveau, hélas ! sous le soleil de Satan.
Où sommes-nous dans
cette fresque prophétique ?
Finalement, le monde n’a pas beaucoup changé
depuis la venue de Jésus. Quelques chrétiens de plus, mais toujours autant de
martyrs par fidélité à leur foi. Les puissances politiques, militaires, économiques
voire médiatiques poursuivent leur
chemin, parfois pour le meilleur, mais souvent pour le pire.
Et puis il y a ces innombrables païens –y
compris chez nous- qui, à travers leurs religions quand elles sont correctement
vécues, cherchent à tâtons le vrai Dieu. Ils sont encore en route vers la
crèche où Jésus les attend patiemment.
Finalement, ce qui demeure, c’est justement ce
Jésus, celui de Bethléem, celui de la croix, celui de sa Pâque. Il est encore
là, debout, parfois au milieu des ruines des civilisations mortelles, avec sa
Parole qui ne passera jamais, avec son Esprit qui souffle où il veut, avec son
Eglise –servante et pauvre- que les puissances de l’enfer ne parviendront
jamais à effacer de notre Histoire.
Nous sommes là, nous, ce matin, chrétiens
d’aujourd’hui en communion avec ceux de toujours, à la suite de Marie et
Joseph, et des premiers apôtres. Là, pour quoi faire ? D’abord pour
apprécier dans la louange le bonheur de croire à celui qui est le sauveur du
monde, par pure grâce, sans faire les malins avec notre foi. Qu’as-tu que tu
n’aies reçu comme un cadeau ?
Mais cette grâce nous oblige. Elle nous convoque,
non pas à la conquête, mais au témoignage, non pas à l’arrogance d’avoir raison
mais à la fidélité de répondre par l’amour à celui qui nous aime toujours le
premier.
Sans jamais oublier que cet amour -la meilleure
définition de Dieu- est finalement destiné à tous, y compris à ceux qui sont
encore loin sur le chemin de la découverte de Jésus et qui, sans le savoir,
sont attirés par son Esprit dans les brumes et les nuits de leur quête
intérieure.
Nous sommes peut-être les seuls, nous les
chrétiens, à célébrer l’Epiphanie, la manifestation de Jésus-Sauveur, mais
finalement cette fête est celle de tous, car c’est pour tous qu’il est venu
naître, vivre, mourir et ressusciter.
Le savoir, c’est notre
joie. Le faire savoir, c’est notre mission.
Claude Ducarroz
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