dimanche 3 janvier 2016

Homélie de l'Epiphanie

Epiphanie 2016

Il fallait que tous soient là, mais certains ne sont pas venus.

Quand on relit l’ensemble des évangiles de l’enfance, à savoir les deux premiers chapitres de Matthieu et de Luc, on devine assez rapidement l’intention des évangélistes : montrer que dès sa naissance, Jésus attire à lui tous les hommes. Il ne dit rien, mais déjà il est le sauveur du monde. Chrétiens, juifs et même païens viennent déjà le rencontrer au terme de parcours fort variés qui finissent tous auprès de lui.

Les chrétiens d’abord. Ils ne sont pas nombreux. On peut même dire qu’ils sont seulement deux. Instruits par une parole venue du ciel grâce à des messagers, Marie et Joseph ont répondu par la foi à l’annonce du mystère de Jésus, Verbe fait chair. Encore est-il mentionné qu’ils ne comprirent pas tout tout de suite. Même les meilleurs chrétiens sont toujours en voie de développement puisque Marie, la très sainte mère de Jésus, fut de ceux-là.

Jésus étant le Messie promis au peuple juif, il fallait bien que des juifs le connaissent et le reconnaissent dès le départ. Les premiers à le faire ne sont pas ceux qu’on attendait spontanément. Ces bergers de Bethléem, de pauvres marginaux peu appréciés par la bonne société juive, représentent le petit peuple des humbles, que des psaumes évoquaient en priorité pour bénéficier de la venue du Messie.
Jésus étant né pauvre parmi les pauvres, il était finalement assez logique qu’ils fussent aux premières loges, réveillés par des anges et donc invités par le ciel lui-même à se prosterner devant l’Enfant avec sa mère.

Et du côté de Jérusalem, me direz-vous ? Il y a un peu de tout.
Les plus proches, par la foi et l’amour, furent deux vieillards certes attachés au temple, mais surtout en attente ardente de la venue du Messie. Syméon et Anne représentent ce courant juif prophétique qui bientôt, dans la personne des apôtres, reconnaitra et suivra Jésus. Ils le feront non sans peine, jusqu’au mystère pascal, avant de constituer l’Eglise naissante dès l’évènement de Pentecôte, à Jérusalem précisément.

Enfin nous voilà à la fête de ce jour pour terminer la galerie des portraits. Que voyons-nous ?
D’abord des mages, à savoir des personnages qui ne sont ni juifs ni chrétiens, donc des païens venus de loin, de ce qu’on appelait alors « les nations ». Ils sont en réalité des chercheurs de Dieu à partir de signes qu’ils repèrent dans les astres, mais aussi dans les diverses rencontres sur leur chemin.
A partir de leur religion, parce qu’ils sont sincères et persévérants, ils finissent par arriver jusqu’au Christ, non pas pour devenir immédiatement des disciples ou des apôtres, mais pour repartir chez eux par un autre chemin, à savoir enrichis par la rencontre avec Jésus dans les bras de sa mère.

Quant aux notables juifs de Jérusalem, férus d’Ecriture sainte, ils sont aux abonnés absents. Les païens leur ont brûlé la politesse, signe précurseur de ce qui arrivera plus tard quand l’Eglise passera elle aussi aux païens devant la résistance de la plupart des autorités juives.

 Et Hérode, me direz-vous ? Tout un symbole, lui aussi. Les grands de ce monde, jaloux de leur pouvoir et forts de leur puissance, ne savent que réagir par la violence à la moindre alerte qui remettrait en cause leurs privilèges. Et dans ce cas, c’est toujours la même chose : les petits, les innocents sont les premiers sacrifiés sur l’autel de leur folie meurtrière. Rien de nouveau, hélas ! sous le soleil de Satan.

Où sommes-nous dans cette fresque prophétique ?
Finalement, le monde n’a pas beaucoup changé depuis la venue de Jésus. Quelques chrétiens de plus, mais toujours autant de martyrs par fidélité à leur foi. Les puissances politiques, militaires, économiques voire médiatiques  poursuivent leur chemin, parfois pour le meilleur, mais souvent pour le pire.
Et puis il y a ces innombrables païens –y compris chez nous- qui, à travers leurs religions quand elles sont correctement vécues, cherchent à tâtons le vrai Dieu. Ils sont encore en route vers la crèche où Jésus les attend patiemment.

Finalement, ce qui demeure, c’est justement ce Jésus, celui de Bethléem, celui de la croix, celui de sa Pâque. Il est encore là, debout, parfois au milieu des ruines des civilisations mortelles, avec sa Parole qui ne passera jamais, avec son Esprit qui souffle où il veut, avec son Eglise –servante et pauvre- que les puissances de l’enfer ne parviendront jamais à effacer de notre Histoire.

Nous sommes là, nous, ce matin, chrétiens d’aujourd’hui en communion avec ceux de toujours, à la suite de Marie et Joseph, et des premiers apôtres. Là, pour quoi faire ? D’abord pour apprécier dans la louange le bonheur de croire à celui qui est le sauveur du monde, par pure grâce, sans faire les malins avec notre foi. Qu’as-tu que tu n’aies reçu comme un cadeau ?

Mais cette grâce nous oblige. Elle nous convoque, non pas à la conquête, mais au témoignage, non pas à l’arrogance d’avoir raison mais à la fidélité de répondre par l’amour à celui qui nous aime toujours le premier.
Sans jamais oublier que cet amour -la meilleure définition de Dieu- est finalement destiné à tous, y compris à ceux qui sont encore loin sur le chemin de la découverte de Jésus et qui, sans le savoir, sont attirés par son Esprit dans les brumes et les nuits de leur quête intérieure.

Nous sommes peut-être les seuls, nous les chrétiens, à célébrer l’Epiphanie, la manifestation de Jésus-Sauveur, mais finalement cette fête est celle de tous, car c’est pour tous qu’il est venu naître, vivre, mourir et ressusciter.

Le savoir, c’est notre joie. Le faire savoir, c’est notre mission.


Claude Ducarroz

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