Epiphanie
2017
Avouons-le franchement : ces mages nous
dérangent, car ils ont de quoi nous incommoder. D’abord qui sont-ils ?
Spontanément, on n’aime pas l’inconnu et encore moins les inconnus. Il est
écrit qu’ils viennent d’Orient, autrement dit d’on ne sait où. Il est certain
qu’ils n’étaient pas juifs. Même pas de la bonne religion ! Ils sont
présentés comme des mages, ce qui n’est pas fait pour nous rassurer, surtout de
nos jours. On fait tant de choses bizarres au nom de la magie. Il n’est pas
écrit non plus qu’ils fussent des rois, mais c’est tout comme, puisqu’ils
cherchent le roi des juifs et s’adressent au roi Hérode quand ils ont besoin de
renseignements. Leurs cadeaux de luxe indiquent bien qu’ils sont d’opulents personnages,
ce qui fait quand même un peu tache dans la misérable étable de Bethléem. Ce
style « grands bourgeois » n’a dû plaire qu’à moitié à la pauvre
famille de réfugiés de Nazareth. Mais heureusement, ils furent généreux ! De bons riches en
somme.
Voilà pour l’écorce des personnes et l’écume de
l’évènement. Et si on cherchait un peu plus loin ou plutôt un peu plus
profond ?
Que l’évangéliste Matthieu – et lui seul - ait
raconté cette visite aux premières communautés chrétiennes, ça signifie quelque
chose. Peut-être même pour nous aujourd’hui.
D’abord Jésus est bel et bien présenté comme le
sauveur de tous par un salut universel. En accueillant les bergers de Bethléem,
Jésus est d’abord montré comme le Messie d’Israël, à commencer par les pauvres
et les petits de son peuple. Si les anges leur ont annoncé « une bonne
nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple », ils ont aussi
ajouté : « Paix sur la terre aux hommes que Dieu aime ». Donc
tout le monde, comme nous l’a rappelé aussi l’apôtre Paul.
Et par l’arrivée des ces mages, on est servi.
Symboliquement, ils représentent toute
l’humanité. Ils viennent d’Orient, autrement dit d’ailleurs, des autres
civilisations et religions, de partout. Ils sont ces lointains, très différents
de nous, les habitants des périphéries, comme aime à le dire le pape François.
Au départ, ils ne sont ni juifs ni chrétiens.
Ils sont ce qu’on peut appeler des « chercheurs de Dieu ». Et ils se
sont donné beaucoup de peine. Des signes reconnus dans le ciel les ont mis en
route. La magie, qu’on pourrait comprendre comme leur religion primitive, les a
guidés sur ces chemins incertains. Du moins, ils se sont mis ensemble, car on
trouve mieux quand on cherche avec d’autres. Ils sont des philosophes curieux, des
sages persévérants, des religieux sincères.
C’est pourquoi, au terme de bien des
péripéties, ils ont fini par trouver le sauveur du monde, et sûrement pas là où
ils pensaient le rencontrer au départ de leur quête spirituelle. Ils
cherchaient le roi des juifs, sans doute dans un palais. Ils ont trouvé un
petit enfant avec Marie sa mère dans une étable ou plus probablement dans une
modeste maison de Bethléem.
Et ces cadeaux ? Parlons-en. Ils sont
symboliques de l’hommage des nations au Messie d’Israël, tels que décrits déjà
par le prophète Isaïe et dans certains psaumes. Ils se sont prosternés devant
lui en lui offrant leurs présents, signe de leur don d’eux-mêmes. Ils sont
repartis différents, en empruntant un autre chemin. Ils ont regagné leur pays,
donc retrouvé leur vie ordinaire, améliorés sans doute, mais sans être devenus
des chrétiens au sens de piliers d’Eglise. Et tout le reste appartient au
secret de Dieu.
Nous sommes dans un monde - et nous le serons
toujours davantage – qui voit les hommes se mélanger de plus en plus. La
circulation des connaissances, la facilité des transports et parfois
hélas ! la violence et la misère provoquent des brassages inédits. Des
gens venus de loin arrivent aussi chez nous. Les armées, les barrières et les
frontières peuvent provisoirement entraver ces migrations humaines. Elles ne
parviendront pas à les réprimer au point de les supprimer, du moins dans nos pays démocratiques et plus riches que beaucoup
d’autres. Il nous faut donc trouver une manière humaine, et j’ajoute ici une
façon chrétienne, de réagir à ces situations qui deviendront de plus en plus
ordinaires.
* Pour l’accueil politique, c’est à l’Etat d’en
fixer les règles et conditions, sans déroger aux valeurs qui sont à la base de
notre vivre ensemble démocratique, dans la variété des origines et des cultures.
* Pour l’accueil humain, c’est notre
responsabilité à tous, précisément celle de manifester de l’humanité à l’égard
de celles et ceux qui nous apparaissent d’abord comme très différents de nous, mais
qui sont fondamentalement nos semblables, des frères et sœurs dans notre
commune humanité. Comment allons-nous le leur montrer, en citoyens civilisés et
en personnes fraternelles ? A chacun de répondre en faisant ce qu’il peut,
mais tout ce qu’il peut.
* Et nous, les chrétiens, dans cette
conjoncture d’épiphanie ? Il nous faut rester ce que nous sommes, donc des
hommes et des femmes qui croient au Christ et à son évangile, sans honte, sans
remiser nos convictions.
Nous croyons que Dieu aime tous les hommes,
nous croyons aussi que le Christ est le sauveur de tous. Pourquoi le nier ?
nous souhaitons le leur faire connaître pour offrir cette bonne nouvelle à leur
liberté de conscience. Nous respectons les religions des autres, avec leurs
valeurs, comme nous avons le droit d’exiger qu’ils respectent la nôtre.
Dans le dialogue interreligieux, loyal et
pacifique, nous avons tous à grandir en humanité, sous la guidée - connue ou
encore inconnue - de l’Esprit de Dieu qui remplit tout l’univers. Il peut même
y avoir entre nous des échanges de cadeaux spirituels, qui valent bien l’or,
l’encens et la myrrhe des mages venus d’Orient.
Nous serons d’autant plus de vrais témoins de
notre foi que nous saurons en donner une image humaine, accueillante et
fraternelle. En un mot : un reflet du visage du Christ.
C’est ainsi que, dans les circonstances où nous
sommes - sans les avoir nécessairement choisies -, nous avons toujours la
possibilité de prolonger cette fête dans l’esprit qu’elle contient et
diffuse : « Tandis que les ténèbres couvrent la terre, voici que les nations
marchent vers la lumière du Seigneur. » Et nous avec !
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