lundi 15 août 2011

Assomption de Marie

Assomption 2011

« Jésus, par sa mère, était de très bonne famille. » Au monsieur français qui me faisait cette remarque généalogique, j’ai répondu aussitôt : « Par son père aussi, d’autant plus qu’il en avait deux d’excellente qualité. »
Au-delà de la plaisanterie théologique, la fête de ce jour, en effet, met l’accent sur la mère de Jésus dans le point d’orgue de sa vie, l’assomption, à savoir son entrée dans la gloire à la suite de son fils ressuscité. On pourrait en rester là, contemplant Marie dans le ciel, sur des nuages vaporeux, entourée d’anges plus ou moins délurés, comme on la montre souvent dans les tableaux de l’assomption de l’âge baroque. J’en ai encore vu plusieurs durant mes escapades de cet été.
Mais ce matin, tout en accueillant pleinement ce mystère, je voudrais, si j’ose cette expression, ramener l’assomption de Marie sur la terre. Ou plutôt trouver dans la contemplation de l’évènement ce qu’il peut contenir d’encouragement pour nous qui sommes encore les pieds sur terre, en attendant notre propre immersion dans la gloire de Dieu, comme c’est aussi notre vocation finale, ne l’oublions jamais.

Trois petites phrases de l’évangile de tout à l’heure vont nous guider dans cette méditation.
Et d’abord celle-ci : « Tu es bénie entre toutes les femmes. »
Marie ne doit pas être séparée de la femme, de toutes les femmes, dont elle est l’expression la plus belle et, si l’on peut dire, la plus aboutie, jusqu’à l’aboutissement en Dieu lui-même. En Marie aujourd’hui, c’est une femme qui est transfigurée, dans toute sa personnalité, corps, cœur et âme, le tout assumé par Dieu dans sa propre gloire.
Je trouve qu’il y a dans le mystère de l’assomption de Marie la plus extraordinaire promotion de la féminité, la plus magnifique exaltation de la beauté au féminin, la plus belle réussite de la libération de la femme puisque rien en elle n’est indigne de Dieu, puisque tout chez elle convient à Dieu, puisque tout en elle est béni de Dieu.
Je vous laisse deviner tout ce que nous pourrions et devrions en tirer comme leçon pour la dignité et la place de la femme -des femmes- tant dans notre société que dans l’Eglise. Il y a encore beaucoup à faire pour que les femmes, dans les images comme dans la réalité, soient reconnues dans leur beauté plurielle, appréciées dans leurs valeurs typiques, respectées dans leurs missions irremplaçables. Par elles mêmes d’abord, évidemment, mais aussi par les hommes qui, si souvent encore, et parfois jusque dans l’Eglise, réduisent les femmes au rôle de servantes au lieu de les considérer comme des partenaires différentes mais égales, dans la symphonie humaine qui seule peut garantir le bonheur de tous.

« Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »
A travers cette exclamation d’Elisabeth, c’est la mère qui est reconnue et exaltée. En Marie, c’est une mère –toutes les mères- qui est accueillie dans la gloire de Dieu. La maternité est un mystère si profond, si émouvant, propre à la femme évidemment. Homme célibataire et sans enfant –je tiens à le préciser-, je suis de plus en plus ému devant la maternité des femmes, notamment quand je prépare un baptême, parfois dès avant la naissance de l’enfant.
Marie a attendu et porté son enfant Jésus durant 9 mois, comme n’importe quelle femme enceinte. Et désormais, c’est son fils –le fruit de ses entrailles comme le dit Elisabeth de manière fort réaliste- qui fait partager sa gloire à celle qui lui a donné sa pleine humanité de chair et de sang. Bien sûr : il n’y a pas –heureusement- que la maternité biologique qui soit possible à une femme. Il y a tant d’autres fécondités féminines, dans les vocations religieuses, mais aussi dans les diverses formes de célibat, qui illustrent la capacité d’amour extraordinaire des femmes, notamment dans les temps de crise ou à l’égard des moins aimés et des moins aimables de notre monde. Marie de l’assomption, c’est aussi la glorification de toutes les formes de maternité attachées si intimement au corps et surtout au cœur des femmes. Comment, dans notre société, ces valeurs et ces grandeurs pourraient-elles être mieux reconnues, mieux protégées, mieux récompensées ? Peut-être qu’au moment des prochaines élections, on pourrait y songer davantage.

« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.
C’est la femme de foi, la croyante, première de cordée sur le chemin de l’évangile, qui entre pleinement aujourd’hui dans le Royaume de Dieu. Nous louons Dieu pour les merveilles qu’il a accomplies en Marie, la mère de Jésus et notre mère. Mais tout en elle a été semé, a grandi, a donné du fruit, dans la foi. « Qu’il me soit fait selon ta parole » : c’est la base de toute l’aventure mariale qui trouve son couronnement dans le mystère de l’assomption.
Comment ne pas remarquer que les femmes et les mères, aujourd’hui encore, sont les premières gardiennes de la foi, dans nos familles et nos communautés ? Il suffit de regarder autour de soi dans cette assemblée. Ceux qui ont traversé l’épreuve du communisme triomphant nous le disent avec reconnaissance : ce sont surtout les femmes qui ont gardé la flamme de la foi en ces temps d’oppression et de persécution. Dans notre société qui est en train, globalement, de perdre la foi, qui semble fatiguée du christianisme : qui maintiendra le flambeau ? Surtout les femmes croyantes, j’en suis sûr.
Un parcours de formation théologique pour bénévoles, donné en soirées, vient de se terminer à Fribourg. Il y avait 30 femmes et 5 hommes. Que ferions-nous, dans nos communautés chrétiennes et dans nos services d’Eglise, sans l’apport de ces femmes de foi et de générosité, qui offrent leurs temps, leurs prières et leurs compétences afin que vivent –et parfois survivent- nos Eglises toujours plus entravées dans leur rayonnement au cœur d’un monde toujours plus indifférent ou hostile à notre religion ?
La première en chemin, Marie de l’assomption précède et entraîne le cortège de toutes ces croyantes engagées et courageuses auxquelles nous pouvons dire aujourd’hui tout simplement merci.
Ou alors, plus solennellement peut-être, avec Marie elle-même : « Mon âme exalte le Seigneur. Il s’est penché sur ses humbles servantes. Le Puissant fit pour elles des merveilles. Saint est son nom. »

Claude Ducarroz

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