Homélie de Pâques 2013
« Vous êtes des ressuscités ».
Avait-il toute sa tête, celui qui écrivait cela
à de simples citoyens de Colosses, une ville de la province de Phrygie, dans la
Turquie actuelle ? Et vous qui m’entendez maintenant, qu’est-ce que ça
vous fait quand on vous redit la même chose aujourd’hui: « Vous êtes
des ressuscités. » ?
En effet tout semble contredire cette pieuse
affirmation trop euphorique pour être vraie. Ne sommes-nous pas tous
mortels ? La maladie, le handicap ou tout simplement le grand âge nous le
rappellent. Et puis il y a la situation de notre monde. Tant de forces de mort,
tant de violences assassines semblent vouer notre humanité, de plus en plus,
aux démons de la haine, de l’exclusion, de la destruction. Où voyez-vous de la
résurrection ?, me direz-vous.
C’est qu’il nous faut aller jusqu’au bout de la
phrase de l’apôtre Paul : « Vous êtes ressuscités… avec le
Christ ».
Car finalement, c’est lui qui a tout
changé : le sort de chaque être humain, le but de la vie ici-bas, le cours
de notre tragique histoire et même la destinée de l’univers. La fête de ce jour
–même si vous la prenez dans un premier temps comme une célébration du
printemps ou une occasion de rencontre au goût de vacance-, cette fête nous
concerne tous. Car rien n’est plus comme avant, malgré les apparences
contraires. Il est arrivé quelque chose d’extraordinaire à quelqu’un de nous,
un évènement inouï certes, mais –heureusement pour nous- un évènement qui nous
est aussi offert en cadeau, dans une espérance formidable.
Pourquoi la résurrection serait-elle incroyable
parce qu’elle nous dépasse infiniment ? Qui d’entre nous, alors même qu’il
sait ne pas pouvoir l’offrir, ni à lui-même ni aux autres, n’a pas souhaité un
jour conjuguer amour avec toujours, rêvé d’une vie qui serait éternelle,
imaginé des relations qui soient à la fois heureuses et sans fin ?
Eh ! bien, ce qui n’est pas possible aux
hommes est possible pour Dieu, le maître de la vie et le Seigneur de l’Amour.
Et il a commencé par le réaliser en un homme justement, Jésus de Nazareth, le
crucifié ressuscité. C’est ça, le cadeau de Pâques, à la démesure d’un Dieu qui
n’est que Amour, tellement plus fort que nos plus folles espérances.
Dans ce Jésus, sur le témoignage certain de
ceux qui l’avaient vu mourir sur une croix et qui l’ont retrouvé vivant après
sa mort, Dieu n’accomplit pas un exploit pour se donner une belle figure ni
pour assurer sa bonne réputation. Il invente le vrai sens de la vie
humaine : vivre, y compris avec notre dimension physique transfigurée,
au-delà de la mort, pour nous retrouver tous dans l’océan sans limites de son
amour enfin vainqueur de tout mal.
Oui, en démarrant par Jésus, mais surtout pas
pour le laisser tout seul jouir d’un privilège en divin égoïste, là haut, dans
son ciel. Non. C’est tout le contraire : ce super généreux qu’est Jésus
peut nous dire en vérité, preuve à l’appui : « Là où je suis, vous serez aussi avec moi. » Il va même
jusqu’à cette promesse extraordinaire : « Je vais vous préparer
une place dans la maison de mon Père », là où il y a aussi de l’espace
pour toi, car le cœur de Dieu est assez vaste pour que chacun se sente à l’aise
dans le firmament de sa tendresse.
Je le sais : beaucoup pensent qu’il s’agit
là d’une utopie, bien qu’ils y aspirent secrètement, sans oser se l’avouer.
Pourquoi refuses-tu la bonne surprise de Pâques ? Pourquoi estimer qu’il
vaut mieux faire confiance à la mort qu’à la vie, au malheur qu’au bonheur, à
la haine qu’à l’amour ? Or, avec ce Christ sortant du tombeau, vivant et transfiguré
par la gloire, c’est ta vie qui devient éternelle, c’est ton vrai bonheur qui
t’est promis, c’est de l’amour, en réserve infinie, qui t’est offert
gratuitement.
Et puis, n’oublie pas cela : ce qui
t’adviendra dans l’éternité après la mort, t’aide déjà à vivre mieux dès
maintenant. Et ce n’est pas négligeable, avoue-le. Quand on est des promis à la
résurrection, on ne vit plus comme des morts vivants, on confère à son
existence un souffle de grand large, on choisit de miser sur la bonté dans nos
relations, on cherche à procurer du bonheur aux autres, on est soi-même heureux
de faire des heureux. Car notre vie, désormais cachée avec celle du Ressuscité,
produit des fruits révolutionnaires qui s’appellent paix, solidarité, pardon, partage.
Est-ce que ça ne vaut pas la peine de construire notre société à partir du
présupposé pascal au lieu de continuer à la lancer dans le mur fatal de la
haine, de l’exclusion, de l’injustice et de toutes les violences meurtrières ?
La résurrection elle-même, c’est vrai, elle
nous touchera pleinement après l’épreuve de la mort. Il nous faut accepter cela
avec courage. Mais vivre en ressuscités, c’est déjà possible aujourd’hui, avec
le souffle de l’Esprit Saint en nous. Ainsi, nous donnerons au monde un
avant-goût bienfaisant de ce qui nous attend : être heureux du bonheur
même de Dieu, être vivant de sa vie, être aimé par l’Amour majuscule. Car,
comme l’écrivait encore ce même Paul de Tarse à ces mêmes Colossiens :
« Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez
avec lui en pleine gloire. »
C’est tout le bien que Dieu lui-même nous
souhaite aujourd’hui parce que, en même temps, il nous le donne.
Claude
Ducarroz
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