samedi 11 mai 2013

Les 100 ans de la naissance de l'abbé Pierre Kaelin


Homélie
+Pierre Kaelin
1913-2013

Il y avait plusieurs Abbé Pierre dans le monde. Nous avons eu le nôtre. Il s’appelait Pierre Kaelin. Certains disaient seulement : PK. On savait que c’était l’abbé.

Un prêtre original. Un musicien et compositeur fécond. Un homme engagé dans notre société. Il y avait plusieurs personnes en lui. Pierre Kaelin : un créateur, un enthousiaste, un chaleureux, un contagieux.

Prêtre, il a ouvert une voie dans sa propre famille puisque deux de ses frères ont suivi ce chemin, et nous avons espéré avoir la joie émue de compter encore l’un d’eux parmi nous: Ernest, le père Jean de la Croix Kaelin. Malheureusement, au dernier moment, il a dû s’excuser. Nous n’oublions pas non plus Jean qui fut si apprécié dans l’Eglise de Genève.

L’abbé Kaelin ! Mais Pierre fut un prêtre « à sa façon », par appel de son évêque d’abord, et par la force des évènements. En succédant à l’inoubliable abbé Bovet, il ne pouvait pas en être autrement. Prêtre, il le fut en prêtre de son temps à lui, à l’affut des mouvements et soubresauts de notre Eglise, dans la préparation du Concile Vatican II et dans la suite à lui donner, si importante, par la réforme liturgique. Personnellement, je n’ai vu qu’une seule fois l’abbé Kaelin présider la messe. C’était pour ses 25 ans de prêtrise, dans la chapelle du séminaire où il nous donnait ses cours, et bien plus que des cours : des dynamismes, des créativités, une confiance en l’avenir.
Un prêtre qui n’a pas souvent présidé l’eucharistie, mais combien de fois nous a-t-il aidés à la vivre, dans et après la liturgie ? J’en fus un témoin émerveillé comme jeune vicaire dans cette cathédrale où il était le maître de chapelle toujours présent. Je lui en garde, avec beaucoup d’autres qui furent ses précieux collaborateurs et ses pieux auditeurs, une infinie reconnaissance. Si l’on entendait et voyait surtout l’homme de la musique et du chant, on sentait ou on devinait le prêtre. Celui de la foi profonde, de l’amour de l’Eglise, de l’ardeur missionnaire, du rayonnement évangélique.

Mais Pierre Kaelin fut ce qu’il fut et fit ce qu’il fit essentiellement dans sa mission de compositeur, de directeur, de formateur et d’animateur dans les vastes domaines de la musique et du chant. Insatiable et infatigable, créateur passionné et passionnant, en même temps qu’interprète, il fut un apôtre liturgique et culturel aux multiples facettes. Je ne veux pas ici décliner ses qualités ni citer ses œuvres, innombrables toutes les deux.
D’autres sont mieux placés que moi pour le faire et ils le feront. Je pense à celles et ceux qui ont chanté et joué sous ses ordres, aux paroliers qu’il a inspirés, ainsi qu’à tant de jeunes musiciens, chanteurs et compositeurs, heureusement encore parmi nous, qui lui doivent l’éveil, le goût, la persévérance et la compétence de vouer leur existence à ces sublimes formes de beauté.
Qui que nous soyons dans ce canton, et même bien au-delà, nous sommes tous à la fois les petits enfants de Bovet et les enfants de Kaelin. Grâce à eux –et à beaucoup d’autres bien sûr-, nous formons la belle et nombreuse famille des « ravis » de la musique et du chant -qu’ils soient religieux ou populaires-, qui constituent encore l’une des caractéristiques de notre culture à Fribourg. En ce jour de mémoire, nous ne pouvons que dire merci à l’abbé Kaelin. Il n’a pas fini de nous enchanter et de nous inciter à continuer de chanter. Nous le faisons. Nous le ferons.

Evoquer l’abbé Kaelin comme prêtre extra-ordinaire et comme compositeur au riche répertoire serait injustement réducteur. Il y avait d’abord chez Pierre une explosion d’humanité qui faisait le secret de son enthousiasme contagieux. Sans doute tenait-il cette flamme intérieure de son milieu d’origine dont on sait combien il était sensible à l’art et à la communication. Pierre était un homme aux larges horizons. Sa curiosité naturelle -jusque dans les techniques de pointe-, ses relations humaines, ses voyages, ses collaborations tous azimuts prouvent qu’il mettait l’amitié et la justice au sommet de son éthique de vie.
Il était aimable, y compris avec quelques défauts évidemment, mais il avait aussi la passion de la paix et la volonté d’accompagner par son art les changements indispensables à une société plus humaine. D’un patriotisme à la mode, mais un peu étroit, il a passé rapidement à la solidarité universelle par des prises de conscience et à la faveur de rencontres qui ont bouleversé sa vie et, par lui, les nôtres aussi.

Camara, Follereau, l’abbé Pierre -l’autre-, le poète Emile Gardaz, et d’autres encore : il a su avec eux mettre en musique et en chansons une certaine vision renouvelée de la société. Il nous a aidés à ne pas seulement chanter de jolies choses, mais à œuvrer pour que ce monde soit un peu meilleur, plus fraternel, plus conforme à l’évangile, tout en célébrant en chansons, la vie, l’amour, la joie. Améliorer le monde en faisant la fête.

Dans les lectures de cette liturgie, nous voyons Etienne contemplant les cieux ouverts avant de remettre son esprit à Jésus en toute confiance. Dans l’Apocalypse, l’Esprit invite l’Eglise –qui a soif- à venir boire l’eau de la vie, gratuitement. L’évangile nous a fait entrer dans la grande prière de Jésus pour l’unité de l’Eglise et de l’humanité.

Pierre Kaelin nous a poussés sans cesse à nous tourner vers le ciel en contempl’actifs de la beauté divine. Il a ouvert pour nous des sources d’humble splendeur, et nous y avons bu avec lui et à cause de lui, joyeusement. Dans cette célébration de mémoire et de reconnaissance, nous redisons avec le Christ en pensant à PK avec émotion : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée avant même la création du monde. »

                                                                       Claude Ducarroz

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