Homélie
de l’Ascension 2013
« En toutes
choses, il faut considérer la fin ».
Vous connaissez ce proverbe plein de sagesse
populaire. On peut en donner deux interprétations, suivant le sens que l’on confère
au mot « fin ».
L’une est plutôt pessimiste. Il ne faut jamais
oublier que toutes choses ont une fin, à savoir qu’elles se terminent, et par
conséquent il convient d’agir en fonction de cette finitude. Voilà qui nous
ramène à une certaine humilité devant la précarité de notre propre vie.
Mais il y a une autre interprétation possible,
plus optimiste celle-là. La fin, c’est la finalité, le but ultime, ce vers quoi
nous allons et qui doit évidemment influencer le voyage qui nous y mène.
L’ascension du Seigneur s’inscrit résolument
dans cette version optimiste.
Etres humains, nous existons –c’est déjà
beaucoup-, mais nous ne maîtrisons ni notre commencement ni notre terminaison.
La vie nous a été donnée sans que nous l’ayons choisie, et la mort s’impose à
nous de manière inéluctable. Il nous appartient seulement -et encore est-ce
très imparfaitement- de donner un sens à
notre existence et d’en faire, si possible, une œuvre d’amour constructif, dans
un relatif bonheur pour nous et pour ceux que nous rencontrons. Et puis mourir
puisque nous sommes mortels.
Aujourd’hui, quelqu’un vient nous offrir un
« plus », une autre issue, une ouverture sur l’au-delà, une vie plus
forte que la mort, comme finalité à notre passage sur cette terre. Il l’a d’abord montré et démontré dans sa
résurrection d’entre les morts. L’un de nous est revenu de la mort pour
inaugurer en lui un royaume de gloire et de vie éternelles. Il est resté
quelque temps parmi nous pour permettre à des témoins crédibles de le
reconnaître en personne et de faire connaître son extraordinaire destinée. Aujourd’hui,
c’est le dernier acte de son pèlerinage pascal : il monte aux cieux, il
entre définitivement dans la gloire, il amène sa pleine humanité dans la maison
du Père pour un séjour de bonheur sans fin.
Et notre chance, notre espérance, c’est qu’il nous
promet de nous attirer, nous aussi, là où il est maintenant en fixant là -à
savoir avec lui dans le Royaume de Dieu- notre destin final, notre vocation ultime,
notre fin, je veux dire le but de notre vie humaine.
Vous devinez alors combien la fête de ce jour
est importante pour nous. Elle indique non pas le terme mais l’arrivée. Elle
ouvre une porte sur Dieu quand claquera sur nos talons la porte de notre mort.
Elle déchire le ciel offert en cadeau quand se refermera sur nous l’obscurité
de la terre.
L’ascension de Jésus est une promesse, mieux
encore : une garantie, que si la mort est le bout de la vie ici-bas, elle
n’en est pas le but. Premier né d’une multitude de frères et sœurs -que nous
sommes-, la fête finale de la grande famille humaine se prépare autour de la
table divine. Nous marchons vers un merveilleux rendez-vous dans le cœur même
de la Trinité, là où se trouve notre véritable et dernière demeure. Car ensuite
nous demeurerons pour toujours en Dieu, comme des poissons dans l’océan de la
miséricorde infinie, au chaud dans la cordiale tendresse de l’Amour majuscule.
Il faut bien le constater, même chez nous dans
les pays qu’on appelle parfois « d’ancienne chrétienté », de plus en
plus les humains ignorent cela, n’y croient pas ou l’ont oublié. C’est bien
dommage, mais heureusement Dieu continue de les aimer, de les attirer et de les
attendre. Nous qui croyons à notre destinée éternelle à la suite de Jésus
ressuscité, nous qui nous savons promis à l’ascension et héritiers du royaume
de Dieu, c’est à nous de leur faire désirer, deviner, attendre dans la
confiance ce que Dieu leur promet à eux comme à nous, à la suite de Jésus.
Comment être les témoins de cette perspective extraordinaire qui peut et même
doit changer la manière de vivre et de mourir en ce monde ?
Il ne s’agit pas de retomber dans le piège
d’une religion qui serait l’opium du peuple, comme si la probabilité du royaume
de Dieu au-delà de cette vie nous incitait à mépriser ce monde parce que nous
en attendons un autre, comme si nous n’avions rien à faire d’autre ici-bas qu’à
attendre passivement que s’arrête à la gare de notre mort le train qui nous
conduira dans l’éternité, comme si nous avions à tuer notre temps sur cette
terre en bavardages et tricotages puisque notre vraie patrie est au ciel.
Au contraire, c’est en vivant pleinement dès
maintenant - intensément, passionnément- les valeurs du royaume de Dieu, comme
Jésus et avec Jésus, que nous montrerons à nos frères et sœurs en humanité
combien notre destinée mortelle est grosse d’immortalité, combien se savoir
enfants de Dieu donne des ailes à notre existence actuelle, au point qu’elle
nous permettra un jour de nous envoler jusqu’au firmament du ciel nouveau que
Dieu réserve à ses bien-aimés.
Vivre dans la foi, l’espérance et la charité,
lutter pour la justice, la solidarité et la paix : voilà qui trace sur
cette terre, en des signaux de feu, le chemin qui mène au Royaume où nous
sommes attendus par notre frère aîné, Jésus de Nazareth le glorifié.
Que cette fête de l’arrivée au sommet du
premier de cordée nous invite à prendre place dans l’ascension vers la divine
maison de famille où nous avons tous rendez-vous pour la fête éternelle.
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