Homélie
Troisième dimanche de Pâques
Emmaüs
Jérusalem-Emmaüs. Deux heures de marche. Une
douzaine de kilomètres.
Un chemin. Trois
voyages. En bonne compagnie.
Le premier est presque banal. C’est celui de
tous les hommes et de tout homme. Le chemin de la vie.
Ils y avaient cru. Ce fut l’échec. Déçus,
penauds, ils rentrent à la maison. Du moins ils sont restés ensemble, ils se
parlent, ils marchent, ça bouge encore dans leurs pieds et dans leur cœur.
Quelqu’un les rattrape et marche à leur côté.
Mais eux, ils ont la tête trop basse pour le voir en face et le reconnaître.
Jésus ne s’impose pas. Longtemps, il chemine
avec eux, en silence. Et puis seulement quelques questions, pour éveiller leur
conscience, leur rendre le goût de la recherche intérieure, les préparer à une
éventuelle -quoique improbable- reconnaissance.
Longtemps, les arguments religieux n’auront
aucune prise sur eux. C’est l’amour qui provoquera le déclic. Au soir tombant,
ils invitent l’inconnu à demeurer avec eux. L’hospitalité provoque un
miracle : « Il entra pour demeurer avec eux. » Tellement avec
que Jésus se révèle enfin.
Il y a tant d’hommes et de femmes en ce monde,
sceptiques ou même résistants aux religions, pour qui le Christ est seulement un
compagnon anonyme, mais bien présent, parce qu’ils ont ouvert une porte devant
lui, sans savoir qui il était : la porte de l’amour solidaire et généreux.
Ce fut un beau voyage, tellement humain qu’il en est devenu divin. Il y a de la
Pâque dans tout amour vrai.
Entre nos Jérusalem et nos Emmaüs, il y a aussi
un autre voyage possible, sur cette même route, tout en donnant la main aux
premiers voyageurs. C’est l’aventure des pèlerins de la foi. Car croire est
souvent un itinéraire, qui commence dans la nuit, qui passe par des étapes, qui
traverse des questions et des remises en
questions.
Devenir croyant, devenir chrétien, ce n’est pas
une navigation de tout repos, surtout de nos jours. Il ne faut pas s’étonner
que ça puisse tanguer parfois, entre les critiques venues de l’extérieur et les
déceptions issues de l’intérieur.
Mais la feuille de route est bien tracée par le
Christ ressuscité qui fait tout le voyage avec nous, même quand nous
ralentissons la marche sous les effets de la fatigue ou du handicap.
Puisqu’il est ressuscité, il ne nous lâche pas,
même quand nous ne sentons plus le rayonnement de sa présence. Nous continuons
de marcher ensemble, en communauté, en Eglise.
Car là, nous entendons l’écho de ses paroles
–de si bonnes nouvelles !-, le récit de sa mort, l’annonce de sa Pâque. Notre
prière l’invite encore : « Reste avec nous, car il se fait
tard ». Nous pouvons alors entrer avec lui dans l’auberge ecclésiale,
prendre place à sa table qui est aussi la nôtre, partager le repas, le reconnaître
et le connaître à la fraction du pain.
Nous ne sommes pas des disciples parfaits, mais
nous sommes des frères et sœurs réjouis par la présence réelle de Jésus, avec
un cœur tout brûlant, heureux de partager ensuite cette joie avec d’autres autour
de nous.
Enfin, il y a dans cet évangile, un voyage
eucharistique. La pérégrinée Jérusalem-Emmaüs, aller et retour, c’est une belle
eucharistie, c’est la messe. Tout y est, et surtout Jésus avec les marcheurs de
la foi. Car il est grand, et si beau, ce mystère-là.
Il y a d’abord le rassemblement, pas immédiatement
dans une église, mais déjà sur le chemin humain, avec tant d’autres, y compris avec
celles et ceux qui ne pensent pas ou ne croient pas comme nous.
Il y a une remise en question
pénitentielle : « Cœur lents à croire… ». Il y a toute une catéchèse,
à partir des Ecritures, avec des explications conduisant au mystère pascal de
Jésus.
Il y a la prière, très courte, mais si
profonde : « Reste avec nous, Seigneur… »
Et surtout, il y a cette invitation au repas du
Seigneur, qui fait des heureux. C’est Jésus qui sert et c’est encore lui qui
est servi. Un peu de pain, un peu de vin : c’est mon corps, c’est mon
sang. Comme au jeudi-saint. « Et ils le reconnurent à la fraction du pain. »
Il était devant. Il est maintenant dedans.
Il y a un point commun entre ces trois voyages
qui empruntent le même itinéraire et qui, finalement, se donnent la main: c’est
le cœur brûlant, parce que Jésus, reconnu ou non, était là avec eux, et il
réchauffe toujours. Et maintenant encore.
Comme il est avec nous, les croyants présents
dans cette basilique ; comme il est avec vous, qui prenez part à cette
messe de là où vous êtes, peut-être dans un contexte de solitude ou de
souffrance ; comme il est avec vous, j’ose vous le dire, avec vous qui
cherchez sans trouver encore, qui rayonnez d’amour sans avoir la foi, qui êtes
simplement des humains en route, comme nous le sommes tous.
Puisque nous sommes si bien accompagnés, je
vous, je nous souhaite fraternellement : bon voyage !
TSR Messe du 30 avril 2017 Notre-Dame Lausanne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire