Homélie
Jn 11
Jésus rend la vie à Lazare
Dans le grand bric-à-brac des philosophies et des
religions actuelles, il y a au moins deux vérités de base qui font
l’unanimité : nous sommes des vivants et nous allons mourir.
Et après commence le débat de fond qui nous
plonge dans la plus déroutante des perplexités : y a-t-il encore quelque
chose –ou peut-être quelqu’un- après la mort ? Finalement, toutes les
religions essaient de répondre à cette question lancinante, y compris la
religion chrétienne ou plutôt le Christ lui-même, en personne.
Il y a justement un début de réponse dans
l’évangile d’aujourd’hui. Mais attention : seulement un début. Car
finalement, ce Lazare qui a été arraché à la mort est re-mort ensuite, comme
tout le monde. Certains disent même : ça valait bien la peine de
ressusciter pour re-mourir ensuite !
Pour être plus exact, à propos de Lazare de
Béthanie, il vaudrait peut-être mieux parler de réanimation que de
résurrection, si l’on définit la résurrection comme l’entrée définitive dans la
vie éternelle au-delà de la mort. Ce qui, convenons-en, est encore tout autre
chose.
Alors que veut nous apprendre ce long récit de
ce qu’on appelle encore souvent « la résurrection de Lazare » ?
Certes la vie humaine est un cadeau mortel, et
Jésus n’a rien voulu faire pour empêcher Lazare de trépasser au terme de sa
maladie. Telle est la condition humaine
universelle.
Mais quelqu’un est venu nous ouvrir une
espérance plus forte que le drame de notre finitude. Il l’a seulement annoncée
en ramenant Lazare d’au-delà de sa mort, lui qui dut ensuite bel et bien mourir
à nouveau.
Cette espérance, le Christ l’a ensuite réalisée en lui pour l’offrir aussi à
nous et à tous : c’est l’expérience pascale, c’est la résurrection
« une fois pour toutes », l’entrée dans la parfaite communion du Dieu
vivant avec toutes les dimensions de notre humanité.
La résurrection de Lazare, c’est une aurore
prometteuse, mais le plein soleil de midi, c’est la résurrection de Jésus lui-même
au matin de Pâques. Avec cette affirmation qui change le sens de notre vie et
surtout l’issue de notre mort : « Là où je suis, vous serez aussi
avec moi ».
Lazare, c’est du provisoire ; Jésus de
Pâques, c’est du définitif. Lazare, c’est encore imparfait ; avec Jésus
ressuscité, c’est la vie éternelle.
Notre monde est-il prêt à accueillir une telle
nouvelle en la considérant comme bonne ? Sommes-nous disposés à entrer
dans un tel mystère, car c’en est un ?
D’une part, on cherche à faire reculer la
fatalité de la mort naturelle. Certains nous parlent même d’une possible
immortalité par le trans-humanisme que les progrès de la science et de la
technique devraient pouvoir nous octroyer un jour.
Ces rêves fous prouvent au moins qu’il y a dans
l’homme une forte résistance à la nécessité de mourir. Malgré une destinée qui
semble inéluctable, nous ne nous résignons pas si facilement à devoir mourir,
si c’est une dissolution dans le néant.
D’ailleurs, quelles que soient nos croyances ou
même nos incroyances, qui de nous, au moins dans les meilleurs moments de nos
bonheurs ici-bas, n’a pas désiré, si possible, qu’ils soient éternisés, ne
serait-ce que pour les partager avec celles et ceux que nous aimons et qui nous
aiment ? Pourquoi faisons-nous rimer amour avec toujours, en y croyant ou
en faisant semblant d’y croire ? Car aimer vraiment, n’est-ce pas exprimer
à l’aimé ce souhait à la fois irrépressible et impuissant : « je ne
veux pas que tu meures » ?
Et voici quelqu’un qui osa dire à Marthe :
« Ton frère ressuscitera. » Le même a ensuite ajouté :
« Moi, je suis la résurrection et la vie.
Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » Bien sûr, dans un
premier temps, ce pourrait être de belles paroles en l’air, des promesses trop
faciles pour être authentiques.
Sauf que ce même Jésus de Nazareth a dit à
Lazare : « Lazare, viens dehors », et le mort sortit, et Jésus
leur dit : »Laissez-le aller. »
Mais surtout Jésus lui-même, après sa mort
ignoble sur la croix, est sorti vivant de son tombeau le troisième jour. Pas
seulement pour prouver la vérité de ses paroles et rendre crédibles ses
merveilleuses promesses. Surtout pour nous inviter à le suivre dans son royaume
en mettant nos pas dans les siens ici-bas par la foi et l’amour, et finalement
en partageant son destin de gloire après notre mort, oui, grâce à lui, avec
lui, comme lui.
J’ai parfois l’impression que le cadeau est
jugé trop beau pour être vrai, alors qu’il déborde seulement tous nos désirs et
toutes nos prières. Ou alors serait-il suspect parce que nous ne pouvons pas
nous le donner à nous-mêmes ? Serait-ce humiliant que la vie éternelle,
comme la vie tout court d’ailleurs, nous soit offerte gratuitement par
Dieu ? Préférons-nous mourir sans espérance plutôt que de vivre
éternellement dans la maison de Dieu-Amour, où il y a de la place pour beaucoup
de monde ?
Seigneur, devant le tombeau de nos proches et
amis, comme devant la perspective de notre propre mort, redis très fort aux
oreilles de notre intelligence et de notre cœur : « Quiconque vit et
croit en moi, ne mourra pas pour toujours. »
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