Homélie
Croire
en Dieu en Eglise
Faut-il être un peu dingue -et peut-être même
beaucoup- pour être chrétien ? La question vous paraît sans doute bizarre
et même un peu provocante. Et pourtant elle n’a rien d’original puisque, selon
l’évangile que vous venez d’entendre, cette question a été posée publiquement à
propos de Jésus : « Sa famille vint pour se saisir de lui, car ils
affirmaient : Il a perdu la tête ! »
Oui,
Jésus a passé pour un fou aux yeux de ses proches. Alors les disciples de ce
Jésus-là, qui l’ont suivi et le suivent encore, ne seraient-ils pas, eux aussi,
de doux cinglés ? Je ne serais pas étonné qu’on vous ait dit cela un jour.
Je suis sûr que certains l’ont pensé, même s’ils n’ont pas osé ou voulu vous le
dire.
Croire en Dieu, c’est déjà un saut qui ne va
pas de soi. Ca se discute, comme on dit. Et même de plus en plus.
Croire au Christ, fils de la Vierge Marie et
fils de Dieu, mort et ressuscité, c’est encore plus étonnant. On le conteste toujours
plus, même chez nous..
Mais alors croire en l’Eglise, au point de lui accorder
sa confiance et de faire partie de cette famille : ça, c’est devenu
incompréhensible aux yeux de beaucoup.
Heureusement quelqu’un –précisément de la
famille de Jésus- vient nous accompagner dans l’aventure de la foi. C’est la
mère de Jésus, celle qui le connaissait le mieux –sa maman-, celle qui l’a
suivi jusqu’au bout, autrement dit jusqu’à la croix. Et justement, elle a
continué sa mission avec l’Eglise, elle qui était là après la résurrection et
l’ascension, avec les disciples et les apôtres, quand l’Eglise a démarré sous
le souffle de l’Esprit.
Il y a dans la figure de Marie tout le chemin
de la foi.
* Marie, fille de Sion, la juive croyante, qui
méditait la parole de Dieu en y adhérant de tout son cœur humble et priant.
* Marie, mère de Jésus, la première chrétienne,
qui accueillit et fit grandir en elle le Verbe fait chair de sa chair, pour
mieux le donner au monde en tant que Sauveur universel.
* Marie, mère de l’Eglise, présente à Pentecôte
avec quelques femmes et les nouveaux frères et sœurs de Jésus. Comme la maman
qui surveille les premiers pas de son enfant.
* Par sa foi en Dieu, Marie nous met en
relation avec tous les croyants du monde, quelle que soit leur religion. Il y a
tant d’hommes et de femmes sincères qui lèvent leurs yeux vers le ciel et
prient le Dieu unique, encore largement inconnu, qui les aime aussi.
* Par sa foi dans le Christ de la croix et de
la pâque, Marie nous met en communion avec tous les chrétiens du monde, dans
les diverses Eglises, malgré leurs malheureuses divisions, parce que ce qui
nous unit déjà est bien plus grand que ce qui nous sépare encore.
* Par sa présence à l’Eglise des origines,
Marie nous invite à nous engager dans notre Eglise pour recevoir avec
reconnaissance tout ce que le Seigneur veut nous donner en passant par cette
communauté une, sainte, catholique et apostolique.
Mais attention ! Recevoir sans rien lui
donner en retour, ce n’est pas marial, ce n’est pas chrétien.
Bien sûr, comme pour les apôtres, nous sommes
les enfants de la grâce du Christ. Comme eux, dans la prière, il nous a choisis
pour être avec lui, appelés et consacrés par le baptême, notre source. Mais,
comme eux encore, il nous a aussi envoyés et il ne cesse de le faire, afin
d’annoncer sa parole, de témoigner pour l’évangile, de faire passer la bonne
nouvelle aux générations à venir, jusqu’aux extrémités du monde.
Dans cette communauté, chacun a sa place parce
que tous sont invités et par conséquent impliqués. Voyez ceux qu’il a choisis
en premier. Pas des gens parfaits ou surdoués, mais d’humbles pêcheurs de
Galilée, des humains pleins de faiblesses et de défauts, y compris Judas, celui
qui allait le livrer. Ce fut eux, c’était ça, la première Eglise fondée par
Jésus lui-même.
Dès lors nous n’avons plus aucune excuse. Avec
la grâce de Dieu, avec sa miséricorde, nous pouvons, nous devons constituer
l’Eglise d’aujourd’hui, chacun avec ce qu’il a et surtout ce qu’il est, à
condition de ne pas le garder rien que pour soi. Il suffit de le partager avec d’autres
pour que vive cette Eglise de la foi, de l’espérance et de l’amour.
Comme la première Eglise, l’Eglise
d’aujourd’hui peut passer par des épreuves. Nous connaissons la feuille de
route de son histoire : écouter la parole, prier l’Esprit Saint, se
rassembler avec les apôtres et leurs successeurs, chercher ensemble les
meilleurs voies pour une plus grande fidélité à la fois à l’évangile et aux
signes que le Seigneur nous adresse dans les circonstances de notre temps.
Comme le fit il y a 50 ans le concile Vatican
II. Comme nous y invite encore aujourd’hui le pape François et nos évêques.
Il ne faut pas aller chercher trop loin. Chacun
de nous, là où il vit, est un disciple choisi, appelé, envoyé. Donc c’est là
que le Seigneur compte sur nous et que Marie nous donne la main. Là, en
famille, dans le milieu de travail, dans son village ou son quartier, jusque
dans les engagements sociaux, politiques, écologiques, culturels. Et bien sûr
tout simplement dans sa paroisse, au moment où nous avons besoin de l’apport de
tous pour faire vivre –et parfois survivre- nos communautés chrétiennes
devenues de petits troupeaux. Mais Jésus n’a-t-il pas dit aux apôtres, ce qu’il
nous redit à nous aujourd’hui : « Ne crains pas, petit troupeau, car
votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » Lc 12,32.
Vous le voyez : être des dingues de Jésus,
avec Marie et les apôtres, tous ensemble, c’est une belle vocation !
Claude
Ducarroz
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