lundi 16 septembre 2013

Prédication à Notre-Dame du Vorbourg

Homélie

Croire en Dieu qui surprend

Aimez-vous les aventures ? Etes-vous des aventuriers ? Si vous êtes de braves suisses « normaux », j’imagine que vous direz plutôt : non ! Chez nous, on préfère ce qui est prévu, organisé, propre en ordre, sans les désagréments causés par des surprises qui sont généralement plutôt mauvaises. Mais je sais que dans le Jura, on n’est pas tout à fait des Suisses comme les autres. Il y a peut-être ici davantage d’aventuriers au mètre carré.

Et puis, ici comme ailleurs, il y a tous ces aventuriers qui s’ignorent. Se marier, n’est-ce pas toute une aventure ? Etre parents aussi, avec bien des surprises. La vie elle-même n’est-elle pas remplie d’imprévus qui nous bousculent, nous réjouissent parfois, mais peuvent aussi nous désarçonner, nous déstabiliser ?

Dans la vie humaine, il y a encore une autre aventure possible, profonde, essentielle : c’est la foi. Les grands croyants sont les plus grands aventuriers de notre monde. Ils suivent quelqu’un qui surprend souvent : Dieu.

D’abord Dieu lui-même est une immense surprise, le vrai Dieu. Durant des millénaires, les hommes l’ont imaginé multiple, lointain, hautain, terrible, souvent le pire que ce qu’ils sont eux-mêmes, mais poussé à l’infini.
Et voici la surprise : Dieu est Amour, tellement d’ailleurs qu’il est à la fois unique et communion, la sainte Trinité. Autre surprise : il s’est fait proche en Jésus-Christ, au point qu’il est devenu l’un de nous en établissant sa tente au milieu de nous.

Depuis lors, il ne cesse de nous parler, de nous appeler, de nous toucher, de nous rassembler en fraternité. C’est la Parole de Dieu, ce sont les sacrements, c’est la communauté qu’est l’Eglise. Oui, vraiment Dieu reste surprenant.

Quelqu’un a vécu cette expérience surprenante en direct, en première ligne. Une femme, Marie de Nazareth. Une femme de province, dans un milieu modeste, du genre « petite servante », comme elle se définissait elle-même. Simplement, il y avait en elle la foi, autrement dit cette disponibilité latente à s’ouvrir aux imprévus de Dieu. Et Dieu, justement, a fait irruption dans sa vie de manière bouleversante.
Un messager d’en-haut dans sa chambre ou peut-être sa cuisine. Une proposition étonnante : devenir la mère du Messie, et pas n’importe lequel : celui qui sera appelé à juste titre « Fils de Dieu, Fils du Très-Haut ». Imaginons la surprise pour cette jeune fille : devenir enceinte en étant vierge et porter en son sein le Sauveur du monde.

Heureusement, Dieu surprend, mais il ne force pas. Il n’enfonce pas la porte, il frappe doucement à notre coeur, il respecte notre liberté. La foi est une réponse libre à une proposition tendre. Et Marie a dit un oui réfléchi à une déclaration d’amour. « Bienheureuse, toi qui as cru à l’accomplissement de ce qui te fut dit de la part du Seigneur. »
Comme vous le savez, ce n’était que le début de l’aventure pour cette femme bénie entre toutes. Je vous passe les autres évènements qui mirent sa foi à l’épreuve tout au long de sa vie, de la crèche à la croix. Et toujours, finalement, sans toujours comprendre du premier coup, c’est la foi qui murmura son dernier mot en elle: « Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole. »
Il faut encore aller plus loin, jusqu’à nous. Le Dieu qui a surpris Marie –heureusement pour nous- continue de déconcerter les croyants d’aujourd’hui. L’apôtre Paul nous a avertis : « Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes. » Et le résultat est patent, chez les Corinthiens, par exemple. « Considérez votre appel. Il n’y a pas beaucoup de sages, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés. » Voilà qui étaient les premiers chrétiens.

On entre toujours dans le royaume de la foi qui sauve par la porte de l’humilité. Dieu continue de se plaire, comme chantait Marie, à élever les humbles, à combler les affamés, à faire miséricorde à ceux qui mettent leur confiance en lui, malgré leurs fautes. Sommes-nous encore capables de nous laisser surprendre par Dieu, par ses révélations bibliques, par ses inspirations intérieures, par ses promesses extraordinaires ?

C’est vrai : il y a parfois dans nos vies de croyants des épreuves qui peuvent ébranler notre foi. Pourquoi tel malheur, telle détresse, tel échec ? Nous ne trouvons pas la réponse tout de suite ou pas facilement. Mais nous savons une chose : Dieu n’abandonne jamais ses enfants, Dieu ne nous laisse jamais seuls, Dieu reste à nos côtés.
Quand nous tombons, il nous relève, c’est son pardon. Quand nous doutons, il nous éclaire, c’est sa parole. Quand nous perdons pied, il nous soutient, dans la prière par exemple ou par la présence fraternelle de celles et ceux qui nous donnent la main.

« Etre dans le Christ », comme le dit saint Paul, ce n’est pas nager dans le bonheur facile, c’est savoir par expérience qu’il y a toujours une pâque derrière nos croix, un amour qui rend la dignité à ceux que l’on méprise et même une résurrection au-delà de notre mort. Y croyons-nous vraiment ?

Croire, c’est se laisser surprendre par Dieu en sachant que finalement la plus grande surprise qu’il nous offre, c’est lui-même, déjà en ce monde à travers les signes qu’il nous adresse discrètement entre les lignes de notre existence, et un jour quand nous le verrons face à face dans le grand éblouissement de la gloire.
Quelle surprise ! Quel bonheur !

                                   Claude Ducarroz






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