Homélie
Croire en Dieu qui surprend
Aimez-vous les aventures ? Etes-vous des
aventuriers ? Si vous êtes de braves suisses « normaux »,
j’imagine que vous direz plutôt : non ! Chez nous, on préfère ce qui
est prévu, organisé, propre en ordre, sans les désagréments causés par des
surprises qui sont généralement plutôt mauvaises. Mais je sais que dans le
Jura, on n’est pas tout à fait des Suisses comme les autres. Il y a peut-être
ici davantage d’aventuriers au mètre carré.
Et puis, ici comme ailleurs, il y a tous ces
aventuriers qui s’ignorent. Se marier, n’est-ce pas toute une aventure ?
Etre parents aussi, avec bien des surprises. La vie elle-même n’est-elle pas
remplie d’imprévus qui nous bousculent, nous réjouissent parfois, mais peuvent
aussi nous désarçonner, nous déstabiliser ?
Dans la vie humaine, il y a encore une autre
aventure possible, profonde, essentielle : c’est la foi. Les grands
croyants sont les plus grands aventuriers de notre monde. Ils suivent quelqu’un
qui surprend souvent : Dieu.
D’abord Dieu lui-même est une immense surprise,
le vrai Dieu. Durant des millénaires, les hommes l’ont imaginé multiple,
lointain, hautain, terrible, souvent le pire que ce qu’ils sont eux-mêmes, mais
poussé à l’infini.
Et voici la surprise : Dieu est Amour,
tellement d’ailleurs qu’il est à la fois unique et communion, la sainte
Trinité. Autre surprise : il s’est fait proche en Jésus-Christ, au point
qu’il est devenu l’un de nous en établissant sa tente au milieu de nous.
Depuis lors, il ne cesse de nous parler, de
nous appeler, de nous toucher, de nous rassembler en fraternité. C’est la
Parole de Dieu, ce sont les sacrements, c’est la communauté qu’est l’Eglise.
Oui, vraiment Dieu reste surprenant.
Quelqu’un a vécu cette expérience surprenante en
direct, en première ligne. Une femme, Marie de Nazareth. Une femme de province,
dans un milieu modeste, du genre « petite servante », comme elle se
définissait elle-même. Simplement, il y avait en elle la foi, autrement dit
cette disponibilité latente à s’ouvrir aux imprévus de Dieu. Et Dieu,
justement, a fait irruption dans sa vie de manière bouleversante.
Un messager d’en-haut dans sa chambre ou
peut-être sa cuisine. Une proposition étonnante : devenir la mère du Messie,
et pas n’importe lequel : celui qui sera appelé à juste titre « Fils
de Dieu, Fils du Très-Haut ». Imaginons la surprise pour cette jeune
fille : devenir enceinte en étant vierge et porter en son sein le Sauveur
du monde.
Heureusement, Dieu surprend, mais il ne force
pas. Il n’enfonce pas la porte, il frappe doucement à notre coeur, il respecte
notre liberté. La foi est une réponse libre à une proposition tendre. Et Marie
a dit un oui réfléchi à une déclaration d’amour. « Bienheureuse, toi qui
as cru à l’accomplissement de ce qui te fut dit de la part du Seigneur. »
Comme vous le savez, ce n’était que le début de
l’aventure pour cette femme bénie entre toutes. Je vous passe les autres
évènements qui mirent sa foi à l’épreuve tout au long de sa vie, de la crèche à
la croix. Et toujours, finalement, sans toujours comprendre du premier coup,
c’est la foi qui murmura son dernier mot en elle: « Je suis la
servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole. »
Il faut encore aller plus loin, jusqu’à nous.
Le Dieu qui a surpris Marie –heureusement pour nous- continue de déconcerter
les croyants d’aujourd’hui. L’apôtre Paul nous a avertis : « Ce qui
est folie de Dieu est plus sage que les hommes. » Et le résultat est
patent, chez les Corinthiens, par exemple. « Considérez votre appel. Il
n’y a pas beaucoup de sages, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens
bien nés. » Voilà qui étaient les premiers chrétiens.
On entre toujours dans le royaume de la foi qui
sauve par la porte de l’humilité. Dieu continue de se plaire, comme chantait
Marie, à élever les humbles, à combler les affamés, à faire miséricorde à ceux
qui mettent leur confiance en lui, malgré leurs fautes. Sommes-nous encore
capables de nous laisser surprendre par Dieu, par ses révélations bibliques,
par ses inspirations intérieures, par ses promesses extraordinaires ?
C’est vrai : il y a parfois dans nos vies
de croyants des épreuves qui peuvent ébranler notre foi. Pourquoi tel malheur,
telle détresse, tel échec ? Nous ne trouvons pas la réponse tout de suite
ou pas facilement. Mais nous savons une chose : Dieu n’abandonne jamais
ses enfants, Dieu ne nous laisse jamais seuls, Dieu reste à nos côtés.
Quand nous tombons, il nous relève, c’est son
pardon. Quand nous doutons, il nous éclaire, c’est sa parole. Quand nous
perdons pied, il nous soutient, dans la prière par exemple ou par la présence
fraternelle de celles et ceux qui nous donnent la main.
« Etre dans le Christ », comme le dit
saint Paul, ce n’est pas nager dans le bonheur facile, c’est savoir par
expérience qu’il y a toujours une pâque derrière nos croix, un amour qui rend
la dignité à ceux que l’on méprise et même une résurrection au-delà de notre
mort. Y croyons-nous vraiment ?
Croire, c’est se laisser surprendre par Dieu en
sachant que finalement la plus grande surprise qu’il nous offre, c’est
lui-même, déjà en ce monde à travers les signes qu’il nous adresse discrètement
entre les lignes de notre existence, et un jour quand nous le verrons face à
face dans le grand éblouissement de la gloire.
Quelle surprise ! Quel bonheur !
Claude
Ducarroz
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