Homélie
Croire en Dieu jusqu’au bout
Les dernières paroles.
Les derniers cadeaux.
Certains parmi nous ont vécu cela, lors du
départ de ce monde d’un parent proche, d’un ami. Avec quelle émotion !
Avec quel respect ! Avec quelle reconnaissance ! Car à ce moment-là,
sobrement mais de tout cœur, on donne ce qu’on a de meilleur, qu’on voudrait
laisser en héritage, le signe du plus grand amour.
Ce fut ainsi pour
Jésus sur la croix. Et c’était pour nous.
La veille de sa mort, il a déjà presque tout
donné « aux siens », comme il appelait ses amis.
* Un message d’abord, pour inviter à l’amour
fraternel et à l’unité pour son Eglise. « Aimez-vous les uns les autres
comme je vous ai aimés… Qu’ils soient un comme nous sommes un, afin que le
monde croie ! »
* Et puis deux gestes qui s’appellent et se
complètent. Le lavement des pieds pour montrer un exemple à suivre dans la
communauté chrétienne : « Ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous
aussi ». Un certain type de relations entre chrétiens.
Enfin l’eucharistie, corps livré, sang versé
par amour. « Faites cela en mémoire de moi. ».
Bientôt ce sera la finale, car il nous aima
jusqu’au bout, lui qui nous a dit : « Il n’y a pas de plus grand
amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Il l’a fait. Pour nous
aussi.
Manquait-il quelque chose à ces cadeaux
divins ? Oui, Marie, la mère de Jésus. Elle aussi, il nous l’a donnée
avant de mourir.
Elle
était là au pied de la croix, avec quelques femmes, toujours les plus fidèles
et les plus courageuses dans de telles circonstances. Et puis un disciple, un
seul, pour nous représenter tous, y compris ceux qui ont préféré s’enfuir au
moment suprême.
Quelques paroles brèves, entre deux soupirs, et
tout est dit. Tout est donné, offert jusqu’au bout : « Femme, voici
ton fils… Voici ta mère… »
Donc un double cadeau. Jésus nous donne d’abord
nous en cadeau à Marie, quelque part à sa place, puisque nous devenons, comme
disciples, les fils et les filles de Marie à qui il nous confie. Un drôle de
cadeau, puisqu’il s’agit de nous, avec nos misères, nos faiblesses et même nos
reniements. Marie, en silence, accepte ce présent des mains crucifiées de son
fils. Elle nous prend chez elle, elle nous accueille en elle, comme une immense
famille à rassembler en son sein maternel pour le faire naître à l’univers de
l’évangile. Neuf mois, elle a porté Jésus dans son sein. Pour toujours, elle
nous abrite dans son cœur.
Et l’autre cadeau suit aussitôt. Il est pour
nous, et d’une toute autre qualité : c’est Marie elle- même, sa propre
mère, qu’il nous offre, celle qui lui a donné la vie, avant de nous livrer la
sienne. Il n’a vraiment rien gardé pour lui. Il nous a remis même sa maman.
Un cadeau, même somptueux, ne s’impose pas. Il
est offert à notre liberté. C’est pourquoi il est noté dans l’évangile :
« A partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » Encore
fallait-il que Marie soit accueillie par le disciple bien-aimé, que chez lui,
ce soit aussi chez elle.
Et que chez eux désormais, le Christ ressuscité
puisse venir habiter par son Esprit après sa résurrection, lui qui a dit :
« Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu
d’eux. » Deux, trois : c’est le minimum d’Eglise pour que Jésus
puisse y venir planter sa tente et marcher avec nous, lui qui est en même temps
« le chemin, la vérité, la vie. »
Aujourd’hui, que nous soyons nombreux ou peu
nombreux, nous sommes cette Eglise qui rassemble les disciples de Jésus, qu’ils
aient été avec lui au pied de la croix, qu’ils se soient retrouvés sur le
rivage pour reconnaître le Ressuscité à la fraction du pain ou qu’ils aient été
présents au Cénacle au moment de la Pentecôte.
Cette Eglise est toujours à la fois apostolique
et mariale. Marie est avec les apôtres réunis et les vrais disciples la
prennent chez eux. Nous sommes ensemble dans l’alliance nouvelle et éternelle.
Il nous faut traduire cela aujourd’hui dans la
vie de l’Eglise et dans nos existences personnelles. Tout ici, dans cette
chapelle et par son histoire, nous invite à mettre cela en pratique jusqu’au bout.
Par notre passion pour la parole de Dieu, par notre faim et soif de
l’eucharistie, par notre engagement à faire Eglise et par notre piété mariale. Tout
ce qu’il faut pour faire Eglise !
N’allons pas séparer ce que Jésus a si bien uni
sur la croix en donnant sa vie pour nous. Ne refusons aucun de ses
cadeaux : la parole biblique, les sacrements issus de son cœur transpercé
–eau et sang-, la communauté apostolique et sa mère Marie : tous des
signes vivants de son amour infini pour nous et pour toute l’humanité.
Quoi qu’il arrive et nous arrive, que ce soit
dans la société en convulsions, dans une Eglise qui peine ou dans les
soubresauts de notre cœur, cramponnons-nous aux branches de l’évangile. Car
elles sont toute chargées de cadeaux, qui aident à vivre, qui redonnent courage
dans les épreuves et qui nous conduisent finalement jusque dans la vie
éternelle.
Sous le doux regard de Marie, sa mère et notre
mère, après avoir ouvert largement ses bras sur la croix, Jésus ressuscité les
tend maintenant vers nous pour nous presser sur son cœur.
Je viens de relire une lettre de sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus à un missionnaire en Chine, qui était un peu troublé dan son
âme. Elle lui écrit : « Cher petit frère, ne vous traînez plus
aux pieds de Notre Seigneur. Jetez-vous
plutôt dans ses bras ! ».
Laissez-vous, laissons-nous
enfin aimer.
Claude
Ducarroz
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