dimanche 5 février 2012

Homélie du 5 février 2012

Homélie du 5 février 2012

La bougeotte. D’après les dictionnaires, c’est une manie, celle de bouger sans cesse. On sait que chez certaines personnes, ça peut devenir une sorte de maladie.
J’en connais un qui avait la bougeotte, du moins si j’en crois l’évangile de ce dimanche : c’est Jésus de Nazareth.
Jugez-en vous-mêmes, si vous parvenez à le suivre. A Capharnaüm, il quitte la synagogue pour aller dans la maison de Pierre. Puis il sort de cette maison pour s’arrêter sur la place. Le lendemain, bien avant l’aube, il sort pour gagner un endroit désert. Puis il décide d’aller ailleurs, dans les villages voisins. Enfin il parcourt toute la Galilée.

Il faut ajouter une petite note mystérieuse : « C’est pour cela que je suis sorti », dit-il. Encore un voyage ? En réalité, le grand voyage qui explique tous les autres. Il est sorti du sein du Père sans le quitter, pour accomplir ce grand pèlerinage d’amour qu’est l’incarnation, comme le dira saint Jean : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique dans le monde afin que ce monde soit sauvé par lui. » L’aventure du salut !
Et c’est bien cette mission originelle qui explique tous les autres voyages de Jésus.

Il y a les guérisons physiques, psychiques et spirituelles parce que Jésus aime tous les hommes et tout l’homme.
Tous les hommes, à commencer par les plus pauvres, les plus souffrants, les plus nécessiteux.
Et tout l’homme, y compris les corps, car c’est ainsi –corps, cœur, esprit et âme- que nous avons été créés à l’image de Dieu, celle qu’il est venu rétablir dans sa dignité et dans sa beauté.


Et puis c’est la rupture, mais non pas une fuite.
Jésus s’en va tout seul dans la montagne et, comme le note l’évangéliste, c’est pour prier dans un endroit désert. Oui, retrouver le contact intime avec son Père, dans les avenues infinies de l’amour essentiel. Que voilà un beau voyage intérieur, une plongée savoureuse dans les abîmes de l’espace trinitaire, comme pour recharger les batteries de son courage, avant de repartir sur les vastes chemins de sa mission.
Car ses apôtres se chargent de le ramener sur terre. Quand ils finissent par le retrouver, ils lui disent simplement : « Tout le monde te cherche ». Et tout est dit. Jésus se remet en route, plus que jamais pressé d’aller partout « proclamer la Bonne Nouvelle et chasser les esprits mauvais. »

Cette hâte de Jésus, cette course d’Evangile, cette impatience à l’annoncer et à le mettre en œuvre, Jésus les a transmises à ses apôtres auxquels il a donné cette consigne avant de quitter ce monde visible pour retourner au Père : « Allez dans le monde entier, faites des disciples… »

Quelqu’un a mis en pratique cette invitation pressante, et pourtant il n’a jamais rencontré Jésus durant sa vie terrestre : c’est saint Paul. Il est vrai que tout avait commencé entre eux d’une manière particulièrement dynamique : se faire renverser par l’irruption du Christ ressuscité au cours d’un voyage sur le chemin de Damas. Et les conséquences sont écrites par l’apôtre des nations dans l’épître de ce jour : « Annoncer l’Evangile est pour moi une nécessité qui s’impose. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ».


Et la bougeotte, il connaît. Il a sillonné la Méditerranée de Jérusalem à Rome en passant par l’Asie mineure et Athènes, toujours « à cause de Jésus et de l’Evangile », « libre à l’égard de tous, comme il l’écrit, pour être au service de tous. » Magnifique exemple de chrétien toujours en route pour son Seigneur !

Notre Eglise consacre le 2 février, fête de la présentation du Seigneur, à une réflexion sur la vie religieuse, à savoir la vocation de celles et ceux qui s’engagent au service du Christ dans l’Eglise avec le charisme des vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. Nous sommes bien placés, dans notre ville et notre canton notamment, pour reconnaître tout ce que nous devons -pour la vie spirituelle, pour l’éducation, pour les services de santé et de présence auprès des plus pauvres- aux religieux et religieuses qui ont tant apporté à notre Eglise et à notre population. Nous rendons grâces au Seigneur en évoquant le passé très riche et le présent plus pauvre, c’est vrai, de ces communautés religieuses, tant actives que contemplatives.

Est-ce un signe ? Notre Eglise nous propose aussi, au premier dimanche de février, de tourner nos regards vers l’apostolat des laïcs, à savoir ces hommes et ces femmes -les femmes en bien plus grand nombre- qui s’engagent tantôt dans des services d’Eglise, tantôt dans les structures de la société, au nom de leur baptême et dans l’esprit de l’Evangile. Que ferions-nous sans ces apôtres d’aujourd’hui ?

Je pense à celles et ceux qui animent nos communautés d’Eglise avec leurs compétences et leur dévouement, le plus souvent gratuit. Je songe aussi à celles et ceux qui s’investissent, avec les lumières et le courage de l’Esprit du Christ, dans les champs de la politique, de l’économie, de la culture, de l’écologie, des médias, comme des levains dans la pâte humaine, pour élever un peu le niveau de notre humanité, chez nous et jusqu’au bout du monde. Grâce à eux, en donnant la main à d’autres personnes de bonne volonté, ils réchauffent un peu notre société dans le sens de la solidarité, de la justice et de la paix. Merci aussi à elles et à eux.

Les religieux et les religieuse, les laïcs en apostolat organisé ou non : que notre Eglise est riche de ses spiritualités multicolores, de ces vocations variées, de ces initiatives généreuses, de ces charismes toujours jaillissants sous le dynamisme de l’Esprit.
Et comme on prie le Seigneur de multiplier encore les appels à l’engagement, de susciter des réponses adaptées aux signes des temps. Oui, que le Seigneur ne cesse de toujours guider les apôtres d’aujourd’hui sur les chemins de l’humanité en marche, avec au cœur l’esprit de l’Evangile et la joie de suivre le Christ, en le désignant aux autres pour ce qu’il est : le Sauveur du monde par amour.
A chacun de nous finalement, peut-être justement aujourd’hui, le Seigneur dit ou redit : « Venez avec moi. Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » !

Claude Ducarroz

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