vendredi 29 janvier 2016

La Parole pour tous

La Parole pour tous
Luc 4,21-30

Et si on le gardait chez nous, rien que pour nous ?
La tentation était forte. Il avait accompli des merveilles chez les voisins, à Capharnaüm.  Il venait de faire très bonne figure au culte de la synagogue, non sans quelque audace puisqu’il a même prétendu que la parole proférée se réalisait maintenant, là, au milieu d’eux, pour eux. Etonnante démonstration ! Même le fils d’un modeste charpentier peut faire une belle carrière religieuse. Et le voilà qu’il casse l’ambiance en disant qu’aucun prophète ne trouve bon accueil dans son pays. C‘est précisément ce qu’ils vont lui faire savoir en le chassant hors de sa ville.

 Que s’est-il passé ? C’est que ce Jésus de Nazareth, même s’il pouvait compter sur quelques admirateurs, ne voulait pas se laisser capter par ceux qui étaient captivés par ses paroles. Même ses proches, sa famille, ne parviendront jamais à le retenir rien que pour eux. Car il y a en lui bien plus que des paroles de grâce sortant de sa bouche pour l’édification du public. Il est la Parole, le dernier mot de Dieu en ce monde et pour ce monde. Une Parole pour tous, que rien ne peut arrêter, que personne ne peut accaparer.

Et c’est bien ce que Jésus va leur rappeler en faisant référence à leur culture biblique. Elie et Elisée furent des grands prophètes. Ils ont ouvert la voie pour le jeune Messie de Nazareth, celui que l’Esprit a investi d’une mission unique. Dans ses paroles et ses actes, il doit exposer la Parole faite chair, il doit guérir et sauver à la face de tous les peuples. Et s’il faut bien commencer par quelques uns, que ce soit les plus lointains, comme cette veuve (païenne) de Sarepta, comme ce militaire (païen) de Syrie. A ceux qui voulaient le chambrer dans le cocon de Nazareth, Jésus donne rendez vous dans les périphéries de l’humanité où bientôt il enverra ses apôtres, autrement dit jusqu’à la fin du monde et jusqu’aux extrémités de la terre (Cf. Mt 28,18-20).

Nous sommes aujourd’hui cette Eglise faite d’envoyés par Jésus depuis les sources de notre baptême. Nous risquons, nous aussi, de succomber au syndrome des Nazaréens : garder Jésus et son Evangile rien que pour nous, et parfois sous le prétexte qu’il faut évidemment respecter toutes les religions. Chacune n’a-t-elle pas quelque chose de bon ?  C’est vrai, mais il reste que le cadeau du Christ, plein de lumière et d’amour, est destiné à tous les hommes. Pourquoi faudrait-il en priver les autres ?

C’est notre témoignage qui peut contribuer à ce que d’autres aussi puissent mieux l’accueillir en le connaissant davantage. On appelle cela l’évangélisation. Ni par ruse ni par violence, mais par contagion de fraternité et rayonnement de vérité. Il y aura peut-être, comme à Nazareth, quelques furieux. Mais sois sans crainte, petit troupeau, Jésus continuera, en passant au milieu de nous, d’aller son chemin.

Claude Ducarroz

A paru sur le site  cath.ch

De quoi je me mêle

De quoi je me mêle

Je la sens venir, je l’entends déjà, cette phrase plus ou moins assassine : « De quoi se mêle l’Eglise ? Elle fait la leçon aux autres alors qu’elle ferait mieux de balayer devant sa porte ! »
Je peux comprendre. Le même jour, la Conférence des évêques suisses dit tout le mal qu’elle pense de l’initiative de l’UDC sur la mise en œuvre des mesures contre les étrangers criminels, et notre évêque tente de solder devant l’opinion publique le lamentable passé de l’orphelinat Marini où des ecclésiastiques ont sévi impunément sur des enfants et des jeunes.

Pauvre Eglise ! La voilà, une fois de plus, coincée entre le devoir de s’exprimer en prophète courageux dans la société, et la pénible obligation de confesser publiquement les forfaits commis par certains de ses ministres patentés.

Qu’est-ce à dire ? Faut-il que l’Eglise se taise et se terre en attendant qu’elle soit assez parfaite pour oser encore une parole forte et crédible ?

L’Eglise –autrement dit les chrétiens que nous sommes- sera toujours en position incon- fortable, entre deux solidarités d’inégale valeur. Composée d’hommes pécheurs, comment l’Eglise ne serait-elle pas contaminée par l’impact des  péchés du monde, a commencer par les nôtres ?  Pénitente, toujours à réformer, ainsi que le concile Vatican II nous l’a rappelé, l’Eglise ne peut que reconnaître sa part de responsabilité dans les erreurs et les horreurs qui affectent et infectent notre humanité. C’est d’autant plus vrai quand ce sont des petits et des innocents qui en subissent les conséquences. Alors l’Eglise et ses autorités ne peuvent se racheter, si possible, qu’en jouant la transparence totale et en exprimant une sincère demande de pardon à Dieu et aux victimes.

Mais en même temps, placée sous les énergies de l’Esprit, l’Eglise ne peut se soustraire à sa mission d’annoncer l’Evangile à temps et à contre-temps. Elle le fait en se laissant brûler la première par le feu purificateur de la Pentecôte. Par fidélité à ce qu’elle est par pure grâce dans le plan de Dieu, elle doit garder au cœur le courage d’attester toujours et de protester quand il le faut. Mais qu’elle le fasse avec modestie dans la manière, en esprit d’humble service, et non pas en juge arrogant et impitoyable.

Comme elle vient à point, l’année de la miséricorde !
Miséricorde pour l’Eglise elle-même, tant elle se sent et se sait imparfaite, donc à purifier par l’amour indéfectible de son Seigneur.
Miséricorde par l’Eglise qui ne doit pas se laisser paralyser par ses propres fautes, mais oser faire rayonner les lumières et les promesses de l’Evangile dans notre monde, par fidélité conjointe à Dieu et à l’humanité.
Y compris en remettant en question ceux qui, en elle et dans la société, abîment l’homme, écrasent les pauvres, désespèrent les faibles.

Miséricorde, Seigneur ! Sur nous et sur notre monde !

Claude Ducarroz





dimanche 24 janvier 2016

Homélie oecuménique

Homélie œcuménique

Les chiites et les sunnites : on les connaît un peu maintenant. Comme moi sans doute, vous ne savez pas exactement ce qui les différencie sur le fond, mais nous constatons qu’ils se regardent comme des ennemis et vont jusqu’à se faire la guerre un peu partout dans le monde, avec les cruelles conséquences que nous déplorons, même chez nous.

Il ne faut pas l’oublier : chez nous jadis –et ce n’est pas si vieux-, les catholiques et les protestants ont fait la même chose, se sont fait la même chose. Nous avons aussi eu nos réflexes d’ennemis, nous avons aussi conduit des guerres de religion. Et pourtant nous nous référions tous au même évangile, celui de Jésus Christ notre commun Seigneur, le prince de la paix.

C’est dire combien nous devons être reconnaissants pour le mouvement œcuménique qui a mis fin à ces luttes et même à ces violences fratricides, parfois justifiées par des raisons de fidélité théologale, souvent empoisonnées par des intérêts politiques où les jeux de pouvoir hégémonique fonctionnaient comme de mauvais alibis.

Notre Eglise, la catholique, est entrée tardivement dans la dynamique de ce mouvement de réconciliation entre chrétiens et entre Eglises. Après les paroles et les gestes de quelques prophètes pas toujours bien compris ni accueillis, le concile Vatican II nous a tous embarqués dans ce voyage vers l’unité, selon la prière et la promesse de Jésus : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21).

Ce n’est donc pas le moment d’abandonner le pèlerinage de l’unité ni de sauter du train de l’oecuménisme comme si nous, les catholiques, nous pouvions nous suffire à nous-mêmes avec toutes les richesses de notre tradition.
Car je crois que le premier réflexe œcuménique est celui-ci : l’autre me manque, y compris avec ses différences ; nous serions et nous serons tellement plus chrétiens si nous l’étions ensemble, comme des frères unis après une sincère réconciliation qui allierait l’unité fondamentale avec de belles diversités dans les traditions et les expressions de notre foi. Car l’œcuménisme, selon une belle définition de Jean Paul II, c’est « un échange de cadeaux » !

La liturgie de ce dimanche, avec une magnifique richesse de contenu biblique, nous permet de baliser la feuille de route vers une plus grande unité entre nous.

* D’abord l’évènement présidé par le prêtre Esdras au retour du peuple en Terre sainte après l’exil à Babylone. Cette liturgie biblique est émouvante. Tout y est : un prêtre qui lit la Loi, des lévites pour traduire et expliquer et surtout un immense peuple avide de re-fréquenter cette parole dans une ambiance de joie.

L’oecuménisme doit d’abord nous rassembler autour de la parole de Dieu, que ce soit en communauté élargie ou en petits groupes. Et comme on va à la fête, parce qu’il est écrit : « La joie du Seigneur est votre rempart. »
Avons-nous, avez-vous déjà partagé avec des chrétiens d’autres Eglises le bonheur de méditer la Bible, notre trésor commun ?


* La deuxième lecture nous ramène à l’essentiel. Les baptisés -tous les baptisés- forment un seul corps –celui du Christ- dans un même Esprit. Oui, chacun pour sa part, nous sommes les membres de ce même corps. C’est dire combien cette unité de base est forte et profonde. Mais en même temps elle se manifeste et s’épanouit dans une très grande variété, comme les divers membres qui forment ensemble un même corps humain, nous dit saint Paul.
Cette variété, quand elle prend racine dans la foi et l’amour, s’exprime aussi dans les divers ministères qui font vivre nos communautés. C’est l’Esprit Saint qui pratique l’art de l’imagination créatrice pour répondre aux besoins variables suivant les temps et les lieux.
Jadis on avait l’impression que seuls les hommes pouvaient exercer des ministères dans les communautés catholiques. Aujourd’hui on découvre que les femmes, très souvent, sont les piliers de nos communautés grâce à leurs capacités d’engagement généreux et imaginatif. On peut, on doit leur être très reconnaissant, en attendant sans doute de nouveaux développements souhaitables, surtout dans notre Eglise.
Avons-nous, avez-vous déjà œuvré avec des chrétiens ou chrétiennes d’autres confessions dans des services qui contribuent à l’animation de nos communautés ?

* Enfin dans l’évangile, Jésus nous donne rendez-vous dans la synagogue de son village à Nazareth. Nous y retrouvons la parole puisque Jésus lit et commente un texte tiré du prophète Isaïe.  Mais en même temps il nous montre ce que veut dire être chrétien dans le concret de la vie puisqu’il nous faut agir comme lui.
Il s’agit d’annoncer l’Evangile comme une bonne nouvelle avec une priorité auprès des plus pauvres. Et il s’agit ensuite de passer de la parole lue à l’église aux actes concrets et même risqués.
Aujourd’hui comme hier, s’engager pour la libération des opprimés de toutes sortes est non seulement exigeant en dévouement, mais aussi une aventure qui peut coûter cher, et parfois jusqu’à sa propre vie, comme on le voit encore maintenant dans certaines régions du monde.

Dans ces circonstances se vit l’œcuménisme du témoignage commun ou plutôt du martyre. C’est en mêlant leurs sangs pour le Christ que les chrétiens des diverses Eglises constituent ou reconstituent l’unité de l’unique Eglise de notre commun Jésus.
Avons-nous, avez-vous déjà payé de votre personne avec d’autres chrétiens pour annoncer l’Evangile dans notre société ou collaborer à des œuvres de libération, de justice et de solidarité ?

J’ai bien conscience qu’une telle feuille de route œcuménique n’est pas très populaire, même dans certains milieux d’Eglise. Retenons au moins notre devoir minimum de prier pour l’unité de l’Eglise et des Eglises comme nous le faisons au cœur de chaque messe : «  Seigneur, ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Eglise ;  pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix et conduis-la vers l’unité parfaite. »

Claude Ducarroz


samedi 9 janvier 2016

Baptême du Christ

Baptême du Christ

Etes-vous connectés ? J’espère que oui. Il y en a parmi vous qui ne sont pas connectés ? Mais comment faites-vous pour survivre en ignorant Google, Twitter, Facebook, Skype ? Avez-vous bonne conscience sans utiliser ni IPhone ni IPad ? Pouvez-vous avoir le sentiment d’habiter vraiment notre espace et notre temps sans tapoter sur une tablette ?
Regardez autour de vous, comme ils sont différents, heureux, bienheureux, ceux qui utilisent l’internet à tort et à travers ! Et je vous annonce d’ores et déjà la prochaine merveille : la montre connectée. Le paradis sur terre !

En voilà un qui est particulièrement bien connecté. Il se présente dans l’évangile de cette fête, au jour de son baptême par Jean. Jugez-en plutôt :
-          le ciel s’ouvre au dessus de lui…connexion immédiate avec le royaume des cieux
-          Dieu le Père fait entendre sa voix avec un message extraordinaire : « C’est toi mon fils. Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » Etre engendré par Dieu : quelle meilleure connexion ?
-          Et le Saint-Esprit s’y met aussi, en descendant sur Jésus sous la forme d’une colombe.
La communion trinitaire s’exprime, explose même, dans cet évènement au bord du Jourdain. Elle révèle à la fois la filiation éternelle du fils de Dieu et la vocation de Jésus de Nazareth, réaffirmée par Jean-Baptiste devant tout ce peuple en attente. Or cette mission concerne un baptême, comme il est dit, « dans l’Esprit Saint et dans le feu. »

L’Esprit Saint et le feu : voilà qui nous renvoie déjà à la Pentecôte, la fondation et l’envoi de l’Eglise. Mais auparavant, Jésus aura fait allusion à un autre baptême dont il dira qu’il provoque en lui une angoisse jusqu’à ce qu’il soit consommé (Cf. Lc 12,50). On l’aura compris : c’est le mystère pascal, le passage par le sanglant baptême de la croix avant de déboucher sur la gloire de Pâques. Inséparablement.

Jésus baptisé est venu faire des baptisés puisqu’il a aussi dit : « Le baptême dont je serai baptisé, vous en serez aussi baptisés » (Mc 10,39). Avec en plus cette mission rappelée par Jésus au moment de son ascension : « De toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les en mon nom…Car celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. »

Telle est la connexion trinitaire, comme grâce puis comme mission, qui nous est offerte dans notre propre baptême.

Branchés sur Dieu, avec en nous l’ADN intérieur des fils et filles de Dieu à l’image de Jésus, habités par l’Esprit du Père et du Fils : voilà le mystère qui nous constitue et nous anime, si nous nous laissons aimer par l’Amour majuscule.

Alors nous voyons la vie autrement. Nous l’expérimentons non pas comme un destin fatal qui mène à la tragédie de la mort, mais comme un voyage ici-bas, promis à la rencontre éternelle avec Dieu, quand il nous dira, comme à Jésus : « Toi aussi, tu es mon fils –ma fille-. En toi, j’ai mis tout mon amour. »

C’est pourquoi il nous faut bénir en même temps notre vie et notre baptême, à savoir la vie même de Dieu qui vient s’implanter au creux de notre existence quotidienne pour en faire éclore les bourgeons et les fleurs dans les jardins de toutes les fraternités, en attendant la récolte de tous ses fruits dans les vergers d’éternité.

Les fleurs, ce sont tous nos gestes d’amour, nos paroles d’encouragement, nos dons et pardons, nos efforts pour la justice et la paix, nos petits et grands services en direction des plus souffrants et des plus nécessiteux.

Y compris tout ce que nous faisons, personnellement et ensemble, pour que l’Eglise puisse continuer vaillamment d’annoncer et d’expérimenter, ne serait-ce qu’imparfaitement, la joie de croire, le courage d’espérer, le bonheur d’aimer.
Et les fruits, ce seront la gloire et le bonheur éternels partagés sans modération dans la chaleureuse lumière du Dieu vivant.

Voilà le magnifique programme de vie des baptisés d’eau et d’Esprit, des connectés trinitaires.
Il nous reste à le vivre, avec la grâce de Dieu, pour que nous puissions, là où nous sommes et comme nous sommes, faire connaître à d’autres ce mystérieux bonheur.
Et leur donner envie de le vivre aussi, en humanité fraternelle, en Eglise fervente et unie.
Et le moment venu, en communion parfaite avec la source  de la vie et de l’amour.

Oui, la meilleure connexion : Dieu tout en tout et en tous.


Claude Ducarroz

dimanche 3 janvier 2016

Homélie de l'Epiphanie

Epiphanie 2016

Il fallait que tous soient là, mais certains ne sont pas venus.

Quand on relit l’ensemble des évangiles de l’enfance, à savoir les deux premiers chapitres de Matthieu et de Luc, on devine assez rapidement l’intention des évangélistes : montrer que dès sa naissance, Jésus attire à lui tous les hommes. Il ne dit rien, mais déjà il est le sauveur du monde. Chrétiens, juifs et même païens viennent déjà le rencontrer au terme de parcours fort variés qui finissent tous auprès de lui.

Les chrétiens d’abord. Ils ne sont pas nombreux. On peut même dire qu’ils sont seulement deux. Instruits par une parole venue du ciel grâce à des messagers, Marie et Joseph ont répondu par la foi à l’annonce du mystère de Jésus, Verbe fait chair. Encore est-il mentionné qu’ils ne comprirent pas tout tout de suite. Même les meilleurs chrétiens sont toujours en voie de développement puisque Marie, la très sainte mère de Jésus, fut de ceux-là.

Jésus étant le Messie promis au peuple juif, il fallait bien que des juifs le connaissent et le reconnaissent dès le départ. Les premiers à le faire ne sont pas ceux qu’on attendait spontanément. Ces bergers de Bethléem, de pauvres marginaux peu appréciés par la bonne société juive, représentent le petit peuple des humbles, que des psaumes évoquaient en priorité pour bénéficier de la venue du Messie.
Jésus étant né pauvre parmi les pauvres, il était finalement assez logique qu’ils fussent aux premières loges, réveillés par des anges et donc invités par le ciel lui-même à se prosterner devant l’Enfant avec sa mère.

Et du côté de Jérusalem, me direz-vous ? Il y a un peu de tout.
Les plus proches, par la foi et l’amour, furent deux vieillards certes attachés au temple, mais surtout en attente ardente de la venue du Messie. Syméon et Anne représentent ce courant juif prophétique qui bientôt, dans la personne des apôtres, reconnaitra et suivra Jésus. Ils le feront non sans peine, jusqu’au mystère pascal, avant de constituer l’Eglise naissante dès l’évènement de Pentecôte, à Jérusalem précisément.

Enfin nous voilà à la fête de ce jour pour terminer la galerie des portraits. Que voyons-nous ?
D’abord des mages, à savoir des personnages qui ne sont ni juifs ni chrétiens, donc des païens venus de loin, de ce qu’on appelait alors « les nations ». Ils sont en réalité des chercheurs de Dieu à partir de signes qu’ils repèrent dans les astres, mais aussi dans les diverses rencontres sur leur chemin.
A partir de leur religion, parce qu’ils sont sincères et persévérants, ils finissent par arriver jusqu’au Christ, non pas pour devenir immédiatement des disciples ou des apôtres, mais pour repartir chez eux par un autre chemin, à savoir enrichis par la rencontre avec Jésus dans les bras de sa mère.

Quant aux notables juifs de Jérusalem, férus d’Ecriture sainte, ils sont aux abonnés absents. Les païens leur ont brûlé la politesse, signe précurseur de ce qui arrivera plus tard quand l’Eglise passera elle aussi aux païens devant la résistance de la plupart des autorités juives.

 Et Hérode, me direz-vous ? Tout un symbole, lui aussi. Les grands de ce monde, jaloux de leur pouvoir et forts de leur puissance, ne savent que réagir par la violence à la moindre alerte qui remettrait en cause leurs privilèges. Et dans ce cas, c’est toujours la même chose : les petits, les innocents sont les premiers sacrifiés sur l’autel de leur folie meurtrière. Rien de nouveau, hélas ! sous le soleil de Satan.

Où sommes-nous dans cette fresque prophétique ?
Finalement, le monde n’a pas beaucoup changé depuis la venue de Jésus. Quelques chrétiens de plus, mais toujours autant de martyrs par fidélité à leur foi. Les puissances politiques, militaires, économiques voire médiatiques  poursuivent leur chemin, parfois pour le meilleur, mais souvent pour le pire.
Et puis il y a ces innombrables païens –y compris chez nous- qui, à travers leurs religions quand elles sont correctement vécues, cherchent à tâtons le vrai Dieu. Ils sont encore en route vers la crèche où Jésus les attend patiemment.

Finalement, ce qui demeure, c’est justement ce Jésus, celui de Bethléem, celui de la croix, celui de sa Pâque. Il est encore là, debout, parfois au milieu des ruines des civilisations mortelles, avec sa Parole qui ne passera jamais, avec son Esprit qui souffle où il veut, avec son Eglise –servante et pauvre- que les puissances de l’enfer ne parviendront jamais à effacer de notre Histoire.

Nous sommes là, nous, ce matin, chrétiens d’aujourd’hui en communion avec ceux de toujours, à la suite de Marie et Joseph, et des premiers apôtres. Là, pour quoi faire ? D’abord pour apprécier dans la louange le bonheur de croire à celui qui est le sauveur du monde, par pure grâce, sans faire les malins avec notre foi. Qu’as-tu que tu n’aies reçu comme un cadeau ?

Mais cette grâce nous oblige. Elle nous convoque, non pas à la conquête, mais au témoignage, non pas à l’arrogance d’avoir raison mais à la fidélité de répondre par l’amour à celui qui nous aime toujours le premier.
Sans jamais oublier que cet amour -la meilleure définition de Dieu- est finalement destiné à tous, y compris à ceux qui sont encore loin sur le chemin de la découverte de Jésus et qui, sans le savoir, sont attirés par son Esprit dans les brumes et les nuits de leur quête intérieure.

Nous sommes peut-être les seuls, nous les chrétiens, à célébrer l’Epiphanie, la manifestation de Jésus-Sauveur, mais finalement cette fête est celle de tous, car c’est pour tous qu’il est venu naître, vivre, mourir et ressusciter.

Le savoir, c’est notre joie. Le faire savoir, c’est notre mission.


Claude Ducarroz

samedi 2 janvier 2016

Epiphanie: le grand rassemblement

Le grand rassemblement
Mt 2,1-12

Même quand il naît dans une étable à Bethléem de Judée, Jésus le Christ provoque aussitôt un grand rassemblement. C’est ce que les évangiles de l’enfance (Matthieu 1-2 et Luc 1-2) s’emploient à nous démontrer.
Venue du ciel, la foule des anges débarque en chantant « gloire aux cieux et paix sur terre ». Israël est bien représenté par le petit peuple des bergers et bientôt des mages païens venus d’Orient et guidés par un astre se prosternent devant l’enfant Jésus en lui offrant leurs présents royaux.

Cette mise en scène veut nous rappeler que Jésus, tout en étant prioritairement le Messie d’Israël, est aussi le sauveur du monde entier, païens y compris. Non sans résistance cependant : les notables religieux de Jérusalem savent tout par cœur mais ne viennent pas à Bethléem, et le roi Hérode, digne représentant des pouvoirs de ce monde, finit par persécuter le Messie et tuer des enfants innocents.
Un résumé du destin de Jésus de Nazareth et déjà, en filigrane, celui du christianisme à travers l’Histoire.

Où sommes-nous dans cette vaste liturgie biblique ?
A l’occasion de Noël, avons-nous pris place dans la cohorte des bergers, en toute simplicité, avec la seule offrande de nos pauvretés ? Avec les anges, avons-nous chanté les merveilles de Dieu qui nous a offert son fils pour le salut de tous ? Peut-être sommes-nous seulement –mais c’est déjà beaucoup- des chercheurs de Dieu grâce aux signes présents dans nos vies bousculées par les évènements. Et si nous rejoignions Marie et Joseph dans leur silence priant, plein d’amour fidèle ?

Il y a de la place pour tout le monde à la fête de l’Epiphanie. Là Dieu manifeste les dimensions de sa tendresse dans le sourire de l’Enfant avec Marie sa mère. De Jérusalem jusqu’aux périphéries de l’univers, en passant par tous les humbles Bethléem de notre société, tu peux te joindre à l’immense cortège de celles et ceux qui cherchent un salut et trouvent finalement le Sauveur. Pas besoin de lui offrir des cadeaux de riches, mais tout simplement ce que tu es, pour te laisser aimer par lui en retour. Gratuitement.

Cette année dans notre Eglise, on appelle cela la miséricorde.

Claude Ducarroz