samedi 25 novembre 2017

Fête du Christ Roi

Homélie
Christ Roi

Nous, les Suisses, nous avons aussi nos allergies. Ainsi, tout au long de notre histoire, nous n’avons jamais vécu sous une monarchie, nous n’avons jamais eu ni voulu un roi. C’est contraire à notre culture, ce n’est pas dans notre ADN patriotique.
 Même Alain Berset et Dominique de Buman, deux chers fribourgeois qui vont devenir nos présidents au niveau Suisse, ne prétendent aucunement à une quelconque royauté !

Il demeure que notre Eglise nous propose aujourd’hui la figure du Christ comme roi. Le savez-vous ? Cette fête liturgique n’a été instituée par le pape Pie XI qu’en 1925 seulement, au temps où montaient à l’horizon de l’Europe les totalitarismes incarnés par Adolf, Benito et Joseph et leurs acolytes, pour le plus grand malheur de nos peuples.

En ramenant la chrétienté –et si possible aussi toute l’humanité- sous l’autorité d’amour du Christ, le pape a voulu donner un signal fort. Il fallait contrecarrer les prétentions hégémoniques des dictateurs -en place ou en herbe- et mobiliser les chrétiens pour établir entre les peuples et les nations des relations inspirées par les idéaux de paix dans la justice et la fraternité.
Ce qui, hélas ! n’a pas empêché la deuxième guerre mondiale, avec son tragique cortège de millions de morts et d’incalculables destructions, même si la Suisse fut miraculeusement épargnée par ces erreurs et ces horreurs.



Alors cette fête du Christ Roi n’est-elle qu’une trace résiduelle d’un temps désormais révolu puisque, du moins chez nous, règne la démocratie participative, la meilleure garantie contre les velléités de tyrannie qui pourrait encore tenter quelques esprits égarés ?
La réponse est dans l’évangile de ce jour. Et même, sous forme d’images, sur le tympan du portail principal de notre cathédrale. Je vous invite à le regarder en sortant.
Le Christ est bel et bien représenté comme roi. Il est assis sur un trône surmonté d’un baldaquin. Il domine le ciel  -l’arc-en-ciel- et la terre –les nuages.  Sa tête rayonne des éclats de sa gloire. Mais il ne faut pas se tromper. De quelle royauté s’agit-il ? Il a gardé la couronne d’épines et il montre ses plaies. Tout est dit : c’est une royauté par amour et non par violence, un pouvoir de miséricorde, même si celle-ci respecte évidemment notre redoutable liberté de choisir autrement.

Les chrétiens sont donc les disciples de ce roi-là. Plus encore : ils sont appelés par lui « ses amis ». Dans ce monde, il nous faut donc offrir à ce roi -original et même déconcertant- des espaces personnels et collectifs dans lesquels il puisse exercer, à sa manière évidemment, sa royauté d’amour et de paix.

Oui, qu’il règne d’abord dans nos cœurs par notre communion à sa présence intérieure, qui suscite notre confiance et notre joie.
Qu’il règne aussi dans nos relations, depuis l’humble voisinage jusqu’à la politique, l’économie, l’écologie, la culture, chaque fois que nous donnons priorité aux valeurs de solidarité, de justice et de paix. Dans le respect des libertés certes, mais jamais en se couchant devant les soi-disant impératifs d’une société individualiste et égoïste.

Faut-il aller davantage dans les détails ? Ce n’est pas moi qui le dis. C’est le Christ lui-même dans cet évangile.
Ceux que Christ Roi se fera une joie d’accueillir dans son royaume pour en partager d’héritage, qui sont-ils ? Même s’ils ne l’ont pas reconnu par la foi.
Celles et ceux qui auront donné à manger à ceux qui ont faim, donné à boire à ceux qui ont soif. Celles et ceux qui auront accueilli l’étranger, habillé ceux qui sont nus. Celles et ceux qui auront visité les malades et les prisonniers.
Tels sont les serviteurs princiers de notre roi.
Et pour s’exclure du royaume du Christ, c’est évidemment le contraire. Je n’insiste pas.

La règle de vie est simple, elle est aussi une feuille de route très concrète, au ras des pâquerettes, au jour le jour : « Chaque fois que vous le faites – ou pas- à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous le faites - ou pas ».
Il faut choisir. Il y a le paradis des bénis du Père par Jésus à notre arrivée. Ou d’autres faux paradis –éventuellement les « paradis papers » - qui ne peuvent que deshumaniser notre société et faire exploser notre univers.
Donc rendez-vous dans le Royaume de Dieu. C’est merveilleux : nous connaissons aussi le chemin qui mène au bonheur qu’il nous promet. « Je suis le chemin, la vérité, la vie », dit le Seigneur Jésus, notre seul Roi.  

                                                  Claude Ducarroz



samedi 11 novembre 2017

Légal ? Moral ?

Tout est légal. Circulez ! Il n’y a rien à voir. Et surtout rien à juger, rien à changer.
L’affaire des « paradise papers » vient de révéler une face très sombre de la politique et de l’économie mondialisées. Sous prétexte que « tout est légal », des riches échappent impunément au fisc alors qu’ils doivent –comme tout un chacun- payer leurs impôts, d’autant plus qu’ils peuvent s’en acquitter sans courir le risque de tomber dans la dèche. Sans vergogne, des avocats brandissent le cache-sexe de la légalité pour défendre ces privilèges inacceptables et maintenir ces graves injustices.
Car l’impôt, dans un système démocratique, ne sert pas seulement à fournir à l’Etat de quoi accomplir ses tâches. Il établit une certaine solidarité sociale sans laquelle la convivance devient impossible. Si tous contribuent à la caisse commune, chacun doit le faire selon ses moyens. Ce n’est que justice : les plus fortunés paient davantage.
Que penser alors d’un Etat qui autorise l’évasion fiscale et même couvre pudiquement des pratiques qui sont de véritables spoliations ? Que font nos politiques pour remédier à ce scandale ? Leur passivité n’est-elle pas une complicité ? Et pendant ce temps-là, la proportion des pauvres augmente parmi nous, y compris en Suisse. Que dire alors des populations vivotant dans les pays de la misère alors que leurs dirigeants, avec la collaboration « légale » de nos élites économiques, s’en mettent plein les poches ?
Je suis indigné.
Il est temps de remettre un peu de moralité dans nos légalités. Car il ne suffit pas qu’une loi existe, même par la grâce de la démocratie, pour qu’elle légitime des comportements contraires à la justice et à la solidarité. Toute conscience simplement humaine peut et doit le comprendre. A fortiori quand une telle conscience est éclairée par les lumières de l’évangile. Toute la Bible redit la colère de notre Dieu contre ceux qui oppriment les pauvres, commettent l’injustice, faussent les balances, s’enrichissent sur le dos des plus faibles. Et Jésus. N’a-t-il pas mis en garde contre l’idolâtrie de l’argent, le culte rendu à Mamon ?
J’ose espérer que nos femmes et hommes politiques, à commencer par celles et ceux qui se réfèrent plus ou moins ouvertement au christianisme, s’engageront courageusement pour changer les règles de ce mauvais jeu, y compris chez nous.
Il y va de leur crédibilité, de leur honneur, de leur foi.

Claude Ducarroz


A paru sur le site  cath.ch

vendredi 3 novembre 2017

Scribes... Pharisiens. Et nous?

Commentaire pour le 5 novembre 2017
Matthieu 23,1-12
Scribes, pharisiens… Et nous ?

Une fois de plus, l’évangile de ce dimanche présente un texte à triple détente.
D’une part, il rapporte des échos plutôt gratinés de la polémique entre Jésus et les scribes et pharisiens, ces notables d’Israël qui enseignent dans la chaire de Moïse, mais sont pleins d’hypocrisie puisqu’ils disent et ne font pas.
Par ailleurs, on devine les relations tendues entre les juifs et les premières communautés chrétiennes qui, peu à peu, occupaient le terrain dans les milieux religieux de ce temps-là. L’évangéliste ne manque pas de rappeler quelques faits et paroles de Jésus pour encourager ces chrétiens en butte à certaines contestations et même hostilités.
Mais n’oublions surtout pas que de tels messages nous concernent nous aussi, aujourd’hui, puisque l’Eglise les propose à notre méditation pour que nous en fassions bon usage dans notre vie chrétienne, qu’elle soit personnelle ou communautaire.

Car, dans la société et même dans l’Eglise, il ne manque pas de personnages qui aiment occuper les places d’honneur en se faisant appeler « Maître », « Père » ou « Docteur », des titres que Jésus remet en question. On peut évidemment considérer ces « dignités » comme des usages plus ou moins innocents portés  par de simples coutumes sociales ou ecclésiales. Mais les mots ont un sens. On sait qu’ils peuvent nous faire déraper en instillant dans la tête et le cœur de ceux qui les exigent ou les confèrent certains poisons loin d’être inoffensifs.
Jésus lui-même en est conscient. Le soi- disant maître peut abuser de son pouvoir, le père peut se prendre pour un petit dieu et le docteur écraser les autres par la superbe de sa science. Une fois de plus, nous dit l’évangile, « il ne doit pas en être ainsi parmi vous ». Les habitudes mondaines ne doivent pas contaminer les âmes et les relations chez les disciples du Christ. Car notre seul maître, c’est Dieu, notre Père. Et le docteur/enseignant, c’est le Christ. En toutes choses, la priorité est à notre maître intérieur, l’Esprit du Père et du Fils.

S’il en est ainsi, les conséquences se font immédiatement sentir. « Vous êtes tous frères ». L’Eglise est donc une vaste fraternité. Celles et ceux qui exercent les charismes de l’autorité, de l’accompagnement et de la connaissance sont d’abord au service de leurs frères et sœurs, selon ce que nous dit Jésus : « Le plus grand parmi vous  sera votre serviteur. » Dont acte.
Tout cela semble de la « petite morale » qui pourrait provoquer un haussement d’épaules. Il n’en est rien. Que de fois, dans l’histoire de l’Eglise et des Eglises, des scissions et même des divisions durables sont issues d’attitudes contraires au devoir d’humilité et à l’esprit de service qui doivent caractériser celles et ceux qui sont devenus les leaders de nos communautés. Certes, les ministères d’autorité, d’influence et de science sont utiles et même nécessaires, non seulement pour le bon ordre qui doit régner dans les communautés, mais aussi pour le plein rayonnement de l’évangile. Mais il reste la vérité de cette petite phrase de Jésus : « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé ».
Une question d’esprit.
Un état d’Esprit.
                                                                       Claude Ducarroz
A paru sur le site  www.cath.ch