mercredi 20 décembre 2017

Parler de Noël ?

Et si nous parlions de Noël…

De Noël ? Non merci ! On en parle déjà depuis si longtemps, depuis deux mois au moins. C’est la saturation. L’overdose.
Jugez-en plutôt : les décorations de Noël, les biscuits de Noël, les vacances de Noël, le menu de Noël, le sapin de Noël…et le Père Noël, évidemment !
Où est Noël ? Le vrai !
Il ne sert à rien de tempêter contre la sécularisation commerciale de cette fête. Après tout, être victime d’un tel succès ne serait-ce pas un compliment ?  Et puis Noël est associé à de bonnes choses qui réjouissent le cœur…et même l’estomac. Il n’y a pas de mal à se faire du bien. Surtout si la fièvre mercantile, finalement, conduit à de sympathiques rencontres, souvent en famille. Avec quelques débordements généreux du côté de la solidarité. Tant mieux !
Reste que la question est posée : où est le vrai Noël ? que devient-il ?
Ne serait-ce pas d’abord aux chrétiens de répondre à cette question ? Si les partisans de Jésus de Nazareth se retirent dans les silences de la honte, qui va défendre et illustrer le mystère de Noël sous l’avalanche des sous-produits commerciaux qui se sont emparé de ce nom ?
Il me semble que Noël est en train de se réfugier peu à peu dans le cœur des croyants comme Marie et Joseph ont dû finalement trouver abri dans l’étable de Bethléem, faute de mieux.
Mais justement, c’est là, dans cette simplicité et cette pauvreté, que la plénitude du mystère s’est blottie et finalement révélée. Les textes bibliques racontant l’évènement disent l’essentiel. La bonne nouvelle, c’est qu’il nous est né là, cette nuit-là, un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur, pour la joie de tout le peuple. Ce Noël là, personne ne pourra jamais nous l’enlever, ni l’indifférence des foules sans religion, ni la folie des achats compulsifs.
Encore faut-il que les chrétiens -et aussi d’autres avec eux- prennent le temps de s’arrêter pour réfléchir, faire silence et peut-être prier. Oui, pousser délicatement la porte de la soupente où repose l’enfant-Dieu dans sa mangeoire, fermer les yeux pour mieux entendre nos anges intérieurs, tendre la main aux bergers rencontrés par hasard –peut-être des réfugiés en déshérence-  et sourire à Marie et Joseph, les humbles parents du petit.
Plus que jamais, Noël -le vrai- est remis entre nos mains, déposé dans notre cœur, confié à notre foi, livré à notre amour.
Déjà : joyeux Noël !
Claude Ducarroz

A paru sur le site  cath.ch

samedi 9 décembre 2017

2ème dim. Avent 2017

Fête de Saint Nicolas
2017

Qu’est-ce qu’il faut pour faire un beau St Nicolas à Fribourg ? Vous l’avez vu une fois de plus samedi soir dernier. Il  faut d’abord un faux évêque avec une crosse et une mitre, et surtout une longue barbe blanche. Il faut ensuite un âne plutôt docile pour y transporter le céleste prélat. Il faut aussi quelques pères fouettards pour faire semblant d’épouvanter les enfants pas sages. Il faut enfin une bonne réserve de biscômes pour récompenser les sages, de loin les plus nombreux à Fribourg.
A chacun, parmi nous, de jouer le rôle qu’il préfère.

Qu’est-ce qu’il a fallu pour faire un vrai saint Nicolas, en son temps, à Myre, autour de l’an 300 ?
* D’abord être un saint, autrement dit un chrétien, re-né des sources du baptême. Quelqu’un qui a entendu le Christ frapper à la porte de son cœur, comme l’a rappelé le texte de l’Apocalypse. Quelqu’un qui a ouvert  la porte et a invité ce Christ à entrer chez lui pour l’accueillir comme une bonne nouvelle en personne. Et Jésus a pris la cène avec lui, dans l’intimité de la plus profonde des communions. Quel bonheur !
Un saint ordinaire en somme, le chrétien Nicolas. Un peu comme nous, mais en mieux.

* Et puis il était évêque. Pas comme on le représente souvent chez nous en Occident, à la manière de nos épiscopes un peu baroques. Mais certainement assez proche de ce beau patriarche œcuménique que les chanoines de notre chapitre ont rencontré il y a trois semaines à Constantinople. Je l’imagine à la fois simple dans la rencontre et hiératique de prestance, un père, un pasteur. Pour tout dire : un évêque. Oui, l’humble serviteur appelé par son peuple, choisi par ses confrères, consacré par l’Esprit, avec l’imposition des mains de ses frères de ministère et sous la houle de la prière de toute l’Eglise. Nicolas, évêque de Myre.

* Quel évêque ? Tant de légendes tressent trop de couronnes pour que toutes soient vraies. Mais peu importe. Ces rumeurs vont toutes dans le même sens, et c’est bien suffisant pour accorder un solide crédit au portrait global du saint évêque Nicolas.
Il s’est investi à fond pour les plus petits et les plus pauvres, les plus malheureux et les plus menacés. Des enfants sacrifiés, mais aussi des jeunes filles en perdition. Des marins à la dérive et des frères et sœurs affamés. Il fut le chrétien de l’évangile de tout à l’heure, en Marc 10 (« Laissez venir à moi les enfants »), mais aussi celui de Matthieu 25 (« Tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites »).
Il fut l’évêque de toutes les nobles causes, pour la justice et pour la paix, car la bonne nouvelle qui mène au Royaume de Dieu ne saurait éteindre –mais plutôt raviver- les incendies d’amour que Jésus est venu allumer sur la terre pour la rendre plus fraternelle.

* Les spécialistes nous le disent : il y a au moins un évènement certain dans la vie foisonnante de Nicolas de Myre : il a participé au concile de Nicée en 325. Le Chapitre cathédral était à quelques kilomètres de ce lieu historique il y a moins d’un mois.
Tiens ! Déjà un concile œcuménique, le premier. Et pour quoi faire ?

Pour préciser et approfondir la foi trinitaire et pascale, pour soutenir une courageuse fidélité à l’évangile, pour consolider la communion des Eglises dans la koinonia de l’Eglise « catholique et apostolique », selon les propres termes du concile.

Et si nous étions tous un peu des saints Nicolas ? On peut se permettre cette bienheureuse audace à Fribourg puisque certains estiment que les Fribourgeois, qu’ils soient du dedans ou du dehors, sont d’une certaine manière les « chers enfants » de leur saint patron. Il y a donc un ADN de saint Nicolas dans les gènes de notre christianisme.
Sans faire la leçon à personne, m’est-il permis d’en dessiner quelques traits, d’en dresser un modeste portrait, à mes risques et périls ?

* Comme Nicolas, être des chrétiens des profondeurs baptismales, à égalité de grâce, de vocation et de mission, bien avant les différences confessionnelles ou institutionnelles, dans la vérité de la foi, dans l’élan de l’espérance, dans une chaleureuse charité.

* Comme Nicolas, être en service d’Eglise –même sans être évêque- par tous les engagements correspondant aux innombrables charismes, ministères et activités qui fleurissent dans la vie des chrétiens -hommes et femmes-, eux qui animent nos communautés en s’y investissant si généreusement, si évangéliquement.

* Comme Nicolas, sans mépriser personne, mais faire le choix des pauvres, des souffrants et des exclus afin que les chrétiens –et par conséquent aussi nos Eglises- donnent le témoignage de leur liberté et de leur courage d’aimer, y compris à la face des grands et des puissants de ce monde.

* Comme Nicolas, travailler avec passion, patience et impatience pour la communion des Eglises, que ce soit dans l’œcuménisme spirituel, théologique, liturgique ou tout simplement fraternel.

En chacun de nous, il y a un petit Nicolas qui sommeille peut-être. Le temps de l’Avent peut le réveiller et bientôt Noël le conduira à la crèche. L’évangile va le guider sur les chemins de sa Galilée et finalement il nous rassemblera tous au pied de la croix. Et nous serons entraînés vers la vraie vie au matin de Pâques et l’Esprit de Pentecôte va nous dynamiser pour nous envoyer comme témoins du Christ dans notre vaste monde.

Voyez comme elle est belle, l’Eglise, quand on est tous ensemble, dans le cœur du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et dans la communion des saints.

Claude Ducarroz


mercredi 6 décembre 2017

Homélie de la Saint Nicolas

Fête de Saint Nicolas
2017

Qu’est-ce qu’il faut pour faire un beau St Nicolas à Fribourg ? Vous l’avez vu une fois de plus samedi soir dernier. Il  faut d’abord un faux évêque avec une crosse et une mitre, et surtout une longue barbe blanche. Il faut ensuite un âne plutôt docile pour y transporter le céleste prélat. Il faut aussi quelques pères fouettards pour faire semblant d’épouvanter les enfants pas sages. Il faut enfin une bonne réserve de biscômes pour récompenser les sages, de loin les plus nombreux à Fribourg.
A chacun, parmi nous, de jouer le rôle qu’il préfère.

Qu’est-ce qu’il a fallu pour faire un vrai saint Nicolas, en son temps, à Myre, autour de l’an 300 ?
* D’abord être un saint, autrement dit un chrétien, re-né des sources du baptême. Quelqu’un qui a entendu le Christ frapper à la porte de son cœur, comme l’a rappelé le texte de l’Apocalypse. Quelqu’un qui a ouvert  la porte et a invité ce Christ à entrer chez lui pour l’accueillir comme une bonne nouvelle en personne. Et Jésus a pris la cène avec lui, dans l’intimité de la plus profonde des communions. Quel bonheur !
Un saint ordinaire en somme, le chrétien Nicolas. Un peu comme nous, mais en mieux.

* Et puis il était évêque. Pas comme on le représente souvent chez nous en Occident, à la manière de nos épiscopes un peu baroques. Mais certainement assez proche de ce beau patriarche œcuménique que les chanoines de notre chapitre ont rencontré il y a trois semaines à Constantinople. Je l’imagine à la fois simple dans la rencontre et hiératique de prestance, un père, un pasteur. Pour tout dire : un évêque. Oui, l’humble serviteur appelé par son peuple, choisi par ses confrères, consacré par l’Esprit, avec l’imposition des mains de ses frères de ministère et sous la houle de la prière de toute l’Eglise. Nicolas, évêque de Myre.

* Quel évêque ? Tant de légendes tressent trop de couronnes pour que toutes soient vraies. Mais peu importe. Ces rumeurs vont toutes dans le même sens, et c’est bien suffisant pour accorder un solide crédit au portrait global du saint évêque Nicolas.
Il s’est investi à fond pour les plus petits et les plus pauvres, les plus malheureux et les plus menacés. Des enfants sacrifiés, mais aussi des jeunes filles en perdition. Des marins à la dérive et des frères et sœurs affamés. Il fut le chrétien de l’évangile de tout à l’heure, en Marc 10 (« Laissez venir à moi les enfants »), mais aussi celui de Matthieu 25 (« Tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites »).
Il fut l’évêque de toutes les nobles causes, pour la justice et pour la paix, car la bonne nouvelle qui mène au Royaume de Dieu ne saurait éteindre –mais plutôt raviver- les incendies d’amour que Jésus est venu allumer sur la terre pour la rendre plus fraternelle.

* Les spécialistes nous le disent : il y a au moins un évènement certain dans la vie foisonnante de Nicolas de Myre : il a participé au concile de Nicée en 325. Le Chapitre cathédral était à quelques kilomètres de ce lieu historique il y a moins d’un mois.
Tiens ! Déjà un concile œcuménique, le premier. Et pour quoi faire ?

Pour préciser et approfondir la foi trinitaire et pascale, pour soutenir une courageuse fidélité à l’évangile, pour consolider la communion des Eglises dans la koinonia de l’Eglise « catholique et apostolique », selon les propres termes du concile.

Et si nous étions tous un peu des saints Nicolas ? On peut se permettre cette bienheureuse audace à Fribourg puisque certains estiment que les Fribourgeois, qu’ils soient du dedans ou du dehors, sont d’une certaine manière les « chers enfants » de leur saint patron. Il y a donc un ADN de saint Nicolas dans les gènes de notre christianisme.
Sans faire la leçon à personne, m’est-il permis d’en dessiner quelques traits, d’en dresser un modeste portrait, à mes risques et périls ?

* Comme Nicolas, être des chrétiens des profondeurs baptismales, à égalité de grâce, de vocation et de mission, bien avant les différences confessionnelles ou institutionnelles, dans la vérité de la foi, dans l’élan de l’espérance, dans une chaleureuse charité.

* Comme Nicolas, être en service d’Eglise –même sans être évêque- par tous les engagements correspondant aux innombrables charismes, ministères et activités qui fleurissent dans la vie des chrétiens -hommes et femmes-, eux qui animent nos communautés en s’y investissant si généreusement, si évangéliquement.

* Comme Nicolas, sans mépriser personne, mais faire le choix des pauvres, des souffrants et des exclus afin que les chrétiens –et par conséquent aussi nos Eglises- donnent le témoignage de leur liberté et de leur courage d’aimer, y compris à la face des grands et des puissants de ce monde.

* Comme Nicolas, travailler avec persévérance -et même avec une certaine passion- pour la communion des Eglises, que ce soit dans l’œcuménisme spirituel, théologique, liturgique ou tout simplement fraternel.

En chacun de nous, il y a un petit Nicolas qui sommeille peut-être. Le temps de l’Avent peut le réveiller et bientôt Noël le conduira à la crèche. L’évangile va le guider sur les chemins de sa Galilée et finalement il nous rassemblera tous au pied de la croix. Et nous serons entraînés vers la vraie vie au matin de Pâques et l’Esprit de Pentecôte va nous dynamiser pour nous envoyer comme témoins du Christ dans notre vaste monde.

Voyez comme elle est belle, l’Eglise, quand on est tous ensemble, dans le cœur du Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, et dans la communion des saints.

Claude Ducarroz


dimanche 3 décembre 2017

Immaculée Conception

Immaculée Conception 2017

L’Immaculée Conception.
Que représente pour vous cette expression ? Comment comprenez-vous ce mystère ? Que diriez-vous à quelqu’un qui vous demanderait ce que ça signifie ?
Ne soyez pas étonné par votre probable perplexité. Durant des siècles, même les plus grands théologiens, se sont affrontés autour de cette notion. Saint Thomas d’Aquin – le docteur angélique- et saint Bernard –un grand dévot de Marie- ne parvenaient pas à adhérer à cette idée, même si tous deux étaient convaincus que Marie était toute sainte. Il a fallu une lente maturation théologique et finalement la déclaration solennelle d’un pape – Pie IX en 1854- pour que cette vérité s’impose comme un dogme dans l’Eglise catholique. Mais je ne suis pas certain que tout soit actuellement clair dans l’esprit des croyants autour de cette expression.

D’abord il ne faut pas la confondre avec la conception virginale de Jésus, cette vérité rappelée plusieurs fois dans les Evangiles, selon laquelle Jésus n’est pas né dans la logique d’une relation charnelle humaine, mais bel et bien « conçu du Saint-Esprit » dans le sein virginal de sa mère Marie, et cela pour bien montrer que la venue de Jésus de Nazareth n’est pas une œuvre humaine, mais un pur cadeau de Dieu par l’envoi de son Fils éternel dans notre humanité pour la sauver gratuitement.

C’est en préparation avancée de cette venue que se situe l’immaculée conception de Marie, selon la foi catholique. Par une grâce anticipant sur celles obtenues par la mort et la résurrection de Jésus, sa mère Marie a été préservée de la tache du péché originel, lequel marque négativement dès leur conception tous les descendants d’Adam. Marie bénéficie donc d’une grâce exceptionnelle, liée à sa vocation à venir, celle de mère du sauveur Jésus, le fils de Dieu et son enfant.

Tout cela, me direz-vous, nous semble bien compliqué, et je peux vous comprendre. Rien ne nous empêche de dire les choses plus simplement, en laissant aux spécialistes le soin de s’expliquer plus subtilement.
Finalement, tout est résumé dans deux petites phrases. L’une est dans l’évangile : Marie est pleine de grâce, c’est-à-dire comblée de grâce. Et l’autre nous vient des Eglises d’Orient : Marie est la panaghia, la toute sainte. Si vous êtes d’accord là-dessus, vous avez compris l’essentiel. Ainsi soit-il.

Mais qu’est-ce que ça change pour nous aujourd’hui, me direz-vous ? Voilà une bonne question.
Jésus est le seul « homme nouveau » tel que Dieu le rêve depuis toujours dans la pleine réalisation de sa vocation au Royaume de Dieu à partir de son passage ici-bas. Quant à Marie, à cause de sa proximité extraordinaire et exceptionnelle avec Jésus, par rayonnement venu entièrement de lui, elle réalise aussi une parfaite vocation humaine, ce qu’on appelle la sainteté. Elle l’a reçue dès le départ, elle l’a vécue dans la foi, elle l’a maintenue dans les épreuves, elle l’a partagée avec les autres. Et tout cela dans les modalités propres de sa personnalité, y compris dans sa féminité et sa maternité.

En  ce sens, il ne faudrait pas que sa sainteté unique l’éloigne de nous. Bien au contraire, elle nous est d’autant plus proche que rien en elle –et surtout pas le péché qui si souvent trouble nos relations humaines- rien ne fait obstacle à sa solidarité d’amour avec nous. C’est ce qu’on constate dans la vie de l’Eglise. Plus les gens se ressentent petits et pauvres, d’une manière ou d’une autre, plus ils se sentent attirés par le doux visage maternel de Marie, au point parfois d’exagérer dans leur piété sincère, mais pas toujours bien éclairée.

Le concile Vatican II nous encourage à éprouver une profonde  communion avec Marie, mais en même temps il nous met en garde contre des dérapages possibles. Il nous dit : L’application à la Sainte Ecriture doit nous faire mettre dans une juste lumière le rôle et les privilèges de Marie, lesquels sont toujours orientés vers le Christ, source de la vérité, de la sainteté et de la piété.
Que les fidèles se gardent avec le plus grand soin de toute parole et de tout geste susceptibles d’induire en erreur, soit nos frères séparés, soit toute autre personne, sur la véritable doctrine de l’Eglise.
 Que les fidèles se souviennent qu’une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité, pas plus que dans une vaine crédulité.
La vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous conduit  à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial et surtout à poursuivre l’imitation de ses vertus.

Oui, qu’il en soit ainsi. Amen.

Claude Ducarroz


Premier dimanche de l'Avent

Homélie
1er dimanche de l’Avent

Dis-moi ce que tu attends, et je te dirai qui tu es.
Peut-être faut-il aller plus en profondeur : Dis-moi  qui tu attends, et je te dirai qui tu es.

L’être humain est une créature extraordinaire. Il peut revenir sur son passé par la mémoire. Il peut s’investir dans le présent par l’engagement de tout son être. Il peut aussi se projeter dans l’avenir –dans l’à-venir- en imaginant son futur pour mieux le préparer.
Nous sommes des êtres de souvenir, d’actualité et d’espérance.
Franchement, qu’espérons-nous, qui monte à l’horizon de notre vie ?
Bien sûr, suivant les circonstances de notre existence, nous avons droit à des espérances d’intensité fort diverse.

* Il y a ces petits espoirs, souvent à court terme, qui facilitent notre bonheur. Que sais-je ? gagner à la loterie – mais n’oubliez pas d’acheter d’abord un billet ! Ou peut-être s’offrir un nouvel habit, partir aux sports d’hiver, changer de voiture etc… Chacun peut faire sa liste personnelle. Ici la question est la suivante : quelle place occupe, dans mon temps, mon esprit, mon cœur, la quête de tels biens, qui peut devenir obsessionnelle au point d’envahir tout mon espace d’attention et de recherche ? Et me voilà emprisonné en moi-même dans les filets du consumérisme et du matérialisme.

* Il y a aussi heureusement des espérances plus nobles. Recouvrer la santé, guérir une relation d’amour, revoir ses enfants ou ses parents, retrouver un travail, réussir un examen de passage etc… Nous n’avons pas à avoir honte de chercher à être heureux sur cette terre, à condition de nous engager aussi pour rendre les autres plus heureux, surtout celles et ceux qui le sont moins que nous.

Mais toutes ces espérances ne font pas encore un être humain complet, fier de toutes les dimensions de sa riche personnalité, respectueux de toutes ses vocations.
Il y a en nous comme une cicatrice à observer et aussi une blessure à soigner.
* La cicatrice ? L’ombilic qui, au fond de notre conscience, témoigne que nous sommes justement des êtres rêvés par le Créateur, des œuvres de sa bonté pleine d’imagination, des images à sa ressemblance, des icônes vives de sa beauté.
* Et puis il y a, du côté de l’espérance, avec la redoutable question de la mort, cette aspiration à une vie éternelle, à des relations affectives pleinement épanouies, à un bonheur sans nuage, que nous ne pouvons faire autrement que souhaiter, pour nous et pour ceux que nous aimons, alors même que personne parmi nous ne peut nous les donner vraiment.

Si nous venons du cœur de Dieu, comme une étincelle jaillie de son amour, sommes-nous condamnés à vivre dans la nuit et à mourir désespérés ?
Ce temps de l’Avent vient opportunément éclairer notre route humaine, quels que soient les virages, voire les dérapages, qu’elle comporte.
Dans l’espérance d’Israël, dans la venue de Jésus de Nazareth -le Christ et le Seigneur-, nos trois dimensions d’existence sont transformées et même transfigurées.

* La mémoire de nos racines en Dieu est revigorée. Nous sommes les enfants bien-aimés d’un amour de toujours, à l’image du Fils éternel venu en notre chair.
* Nous sommes accompagnés par son Esprit qui nous inspire, nous console et nous encourage, surtout si nous prenons le temps de le rejoindre dans le silence et la prière. « Prenez garde, restez éveillés », dit l’évangile de ce jour.
* L’évangile –une si bonne nouvelle- porté et diffusé par l’Eglise, est lampe pour nos pas, lumière sur notre chemin.
* Et déjà, à cause de la mort et de la résurrection  de Jésus  -que notre vie ici-bas s’arrête  à minuit,  au chant du coq, le matin ou le soir-, nous savons que le Maître nous attend dans sa maison. Ou plutôt un Père nous accueillera, les bras grand ouverts, dans la communion parfaite de sa miséricorde qui seule peut nous rendre parfaitement heureux.

C’est le rappel et la leçon bienvenue du temps de l’Avent. Voilà ce que nous attendons le plus. Voilà celui que nous espérons vraiment.
* Il ne vient pas effacer nos petits espoirs humains, qui tiennent à notre condition charnelle en ce monde, mais il les situe à leur juste valeur, toujours à discerner et à vérifier, afin qu’ils n’occupent pas toute la place, ce qui serait un grand malheur.
* Il ne vient pas soupçonner nos espérances positives qui correspondent à nos besoins fondamentaux de trouver du bonheur honnête dans la joie d’aimer et d’être aimé. A condition que ces délices soient partagés au-delà de nos intérêts personnels à court terme.
* Mais surtout, en regardant de haut ou de loin les illuminations de pacotille et surtout en résistant aux consommations qui ont tendance à nous transformer en oies gavées par le commerce, que nous nous préparions à retrouver, auprès du divin enfant  de la crèche, la source de notre vie, le désir d’adorer sincèrement et de servir humblement, et l’espérance d’un destin qui dépasse notre mort pour s’épanouir en Dieu lui-même.

Car tel est notre véritable à-venir.

Claude Ducarroz


samedi 25 novembre 2017

Fête du Christ Roi

Homélie
Christ Roi

Nous, les Suisses, nous avons aussi nos allergies. Ainsi, tout au long de notre histoire, nous n’avons jamais vécu sous une monarchie, nous n’avons jamais eu ni voulu un roi. C’est contraire à notre culture, ce n’est pas dans notre ADN patriotique.
 Même Alain Berset et Dominique de Buman, deux chers fribourgeois qui vont devenir nos présidents au niveau Suisse, ne prétendent aucunement à une quelconque royauté !

Il demeure que notre Eglise nous propose aujourd’hui la figure du Christ comme roi. Le savez-vous ? Cette fête liturgique n’a été instituée par le pape Pie XI qu’en 1925 seulement, au temps où montaient à l’horizon de l’Europe les totalitarismes incarnés par Adolf, Benito et Joseph et leurs acolytes, pour le plus grand malheur de nos peuples.

En ramenant la chrétienté –et si possible aussi toute l’humanité- sous l’autorité d’amour du Christ, le pape a voulu donner un signal fort. Il fallait contrecarrer les prétentions hégémoniques des dictateurs -en place ou en herbe- et mobiliser les chrétiens pour établir entre les peuples et les nations des relations inspirées par les idéaux de paix dans la justice et la fraternité.
Ce qui, hélas ! n’a pas empêché la deuxième guerre mondiale, avec son tragique cortège de millions de morts et d’incalculables destructions, même si la Suisse fut miraculeusement épargnée par ces erreurs et ces horreurs.



Alors cette fête du Christ Roi n’est-elle qu’une trace résiduelle d’un temps désormais révolu puisque, du moins chez nous, règne la démocratie participative, la meilleure garantie contre les velléités de tyrannie qui pourrait encore tenter quelques esprits égarés ?
La réponse est dans l’évangile de ce jour. Et même, sous forme d’images, sur le tympan du portail principal de notre cathédrale. Je vous invite à le regarder en sortant.
Le Christ est bel et bien représenté comme roi. Il est assis sur un trône surmonté d’un baldaquin. Il domine le ciel  -l’arc-en-ciel- et la terre –les nuages.  Sa tête rayonne des éclats de sa gloire. Mais il ne faut pas se tromper. De quelle royauté s’agit-il ? Il a gardé la couronne d’épines et il montre ses plaies. Tout est dit : c’est une royauté par amour et non par violence, un pouvoir de miséricorde, même si celle-ci respecte évidemment notre redoutable liberté de choisir autrement.

Les chrétiens sont donc les disciples de ce roi-là. Plus encore : ils sont appelés par lui « ses amis ». Dans ce monde, il nous faut donc offrir à ce roi -original et même déconcertant- des espaces personnels et collectifs dans lesquels il puisse exercer, à sa manière évidemment, sa royauté d’amour et de paix.

Oui, qu’il règne d’abord dans nos cœurs par notre communion à sa présence intérieure, qui suscite notre confiance et notre joie.
Qu’il règne aussi dans nos relations, depuis l’humble voisinage jusqu’à la politique, l’économie, l’écologie, la culture, chaque fois que nous donnons priorité aux valeurs de solidarité, de justice et de paix. Dans le respect des libertés certes, mais jamais en se couchant devant les soi-disant impératifs d’une société individualiste et égoïste.

Faut-il aller davantage dans les détails ? Ce n’est pas moi qui le dis. C’est le Christ lui-même dans cet évangile.
Ceux que Christ Roi se fera une joie d’accueillir dans son royaume pour en partager d’héritage, qui sont-ils ? Même s’ils ne l’ont pas reconnu par la foi.
Celles et ceux qui auront donné à manger à ceux qui ont faim, donné à boire à ceux qui ont soif. Celles et ceux qui auront accueilli l’étranger, habillé ceux qui sont nus. Celles et ceux qui auront visité les malades et les prisonniers.
Tels sont les serviteurs princiers de notre roi.
Et pour s’exclure du royaume du Christ, c’est évidemment le contraire. Je n’insiste pas.

La règle de vie est simple, elle est aussi une feuille de route très concrète, au ras des pâquerettes, au jour le jour : « Chaque fois que vous le faites – ou pas- à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous le faites - ou pas ».
Il faut choisir. Il y a le paradis des bénis du Père par Jésus à notre arrivée. Ou d’autres faux paradis –éventuellement les « paradis papers » - qui ne peuvent que deshumaniser notre société et faire exploser notre univers.
Donc rendez-vous dans le Royaume de Dieu. C’est merveilleux : nous connaissons aussi le chemin qui mène au bonheur qu’il nous promet. « Je suis le chemin, la vérité, la vie », dit le Seigneur Jésus, notre seul Roi.  

                                                  Claude Ducarroz



samedi 11 novembre 2017

Légal ? Moral ?

Tout est légal. Circulez ! Il n’y a rien à voir. Et surtout rien à juger, rien à changer.
L’affaire des « paradise papers » vient de révéler une face très sombre de la politique et de l’économie mondialisées. Sous prétexte que « tout est légal », des riches échappent impunément au fisc alors qu’ils doivent –comme tout un chacun- payer leurs impôts, d’autant plus qu’ils peuvent s’en acquitter sans courir le risque de tomber dans la dèche. Sans vergogne, des avocats brandissent le cache-sexe de la légalité pour défendre ces privilèges inacceptables et maintenir ces graves injustices.
Car l’impôt, dans un système démocratique, ne sert pas seulement à fournir à l’Etat de quoi accomplir ses tâches. Il établit une certaine solidarité sociale sans laquelle la convivance devient impossible. Si tous contribuent à la caisse commune, chacun doit le faire selon ses moyens. Ce n’est que justice : les plus fortunés paient davantage.
Que penser alors d’un Etat qui autorise l’évasion fiscale et même couvre pudiquement des pratiques qui sont de véritables spoliations ? Que font nos politiques pour remédier à ce scandale ? Leur passivité n’est-elle pas une complicité ? Et pendant ce temps-là, la proportion des pauvres augmente parmi nous, y compris en Suisse. Que dire alors des populations vivotant dans les pays de la misère alors que leurs dirigeants, avec la collaboration « légale » de nos élites économiques, s’en mettent plein les poches ?
Je suis indigné.
Il est temps de remettre un peu de moralité dans nos légalités. Car il ne suffit pas qu’une loi existe, même par la grâce de la démocratie, pour qu’elle légitime des comportements contraires à la justice et à la solidarité. Toute conscience simplement humaine peut et doit le comprendre. A fortiori quand une telle conscience est éclairée par les lumières de l’évangile. Toute la Bible redit la colère de notre Dieu contre ceux qui oppriment les pauvres, commettent l’injustice, faussent les balances, s’enrichissent sur le dos des plus faibles. Et Jésus. N’a-t-il pas mis en garde contre l’idolâtrie de l’argent, le culte rendu à Mamon ?
J’ose espérer que nos femmes et hommes politiques, à commencer par celles et ceux qui se réfèrent plus ou moins ouvertement au christianisme, s’engageront courageusement pour changer les règles de ce mauvais jeu, y compris chez nous.
Il y va de leur crédibilité, de leur honneur, de leur foi.

Claude Ducarroz


A paru sur le site  cath.ch

vendredi 3 novembre 2017

Scribes... Pharisiens. Et nous?

Commentaire pour le 5 novembre 2017
Matthieu 23,1-12
Scribes, pharisiens… Et nous ?

Une fois de plus, l’évangile de ce dimanche présente un texte à triple détente.
D’une part, il rapporte des échos plutôt gratinés de la polémique entre Jésus et les scribes et pharisiens, ces notables d’Israël qui enseignent dans la chaire de Moïse, mais sont pleins d’hypocrisie puisqu’ils disent et ne font pas.
Par ailleurs, on devine les relations tendues entre les juifs et les premières communautés chrétiennes qui, peu à peu, occupaient le terrain dans les milieux religieux de ce temps-là. L’évangéliste ne manque pas de rappeler quelques faits et paroles de Jésus pour encourager ces chrétiens en butte à certaines contestations et même hostilités.
Mais n’oublions surtout pas que de tels messages nous concernent nous aussi, aujourd’hui, puisque l’Eglise les propose à notre méditation pour que nous en fassions bon usage dans notre vie chrétienne, qu’elle soit personnelle ou communautaire.

Car, dans la société et même dans l’Eglise, il ne manque pas de personnages qui aiment occuper les places d’honneur en se faisant appeler « Maître », « Père » ou « Docteur », des titres que Jésus remet en question. On peut évidemment considérer ces « dignités » comme des usages plus ou moins innocents portés  par de simples coutumes sociales ou ecclésiales. Mais les mots ont un sens. On sait qu’ils peuvent nous faire déraper en instillant dans la tête et le cœur de ceux qui les exigent ou les confèrent certains poisons loin d’être inoffensifs.
Jésus lui-même en est conscient. Le soi- disant maître peut abuser de son pouvoir, le père peut se prendre pour un petit dieu et le docteur écraser les autres par la superbe de sa science. Une fois de plus, nous dit l’évangile, « il ne doit pas en être ainsi parmi vous ». Les habitudes mondaines ne doivent pas contaminer les âmes et les relations chez les disciples du Christ. Car notre seul maître, c’est Dieu, notre Père. Et le docteur/enseignant, c’est le Christ. En toutes choses, la priorité est à notre maître intérieur, l’Esprit du Père et du Fils.

S’il en est ainsi, les conséquences se font immédiatement sentir. « Vous êtes tous frères ». L’Eglise est donc une vaste fraternité. Celles et ceux qui exercent les charismes de l’autorité, de l’accompagnement et de la connaissance sont d’abord au service de leurs frères et sœurs, selon ce que nous dit Jésus : « Le plus grand parmi vous  sera votre serviteur. » Dont acte.
Tout cela semble de la « petite morale » qui pourrait provoquer un haussement d’épaules. Il n’en est rien. Que de fois, dans l’histoire de l’Eglise et des Eglises, des scissions et même des divisions durables sont issues d’attitudes contraires au devoir d’humilité et à l’esprit de service qui doivent caractériser celles et ceux qui sont devenus les leaders de nos communautés. Certes, les ministères d’autorité, d’influence et de science sont utiles et même nécessaires, non seulement pour le bon ordre qui doit régner dans les communautés, mais aussi pour le plein rayonnement de l’évangile. Mais il reste la vérité de cette petite phrase de Jésus : « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé ».
Une question d’esprit.
Un état d’Esprit.
                                                                       Claude Ducarroz
A paru sur le site  www.cath.ch



                        

mardi 31 octobre 2017

Toussaint 2017

Commentaire pour le 5 novembre 2017
Matthieu 23,1-12
Scribes, pharisiens… Et nous ?

Une fois de plus, l’évangile de ce dimanche présente un texte à triple détente.
D’une part, il rapporte des échos plutôt gratinés de la polémique entre Jésus et les scribes et pharisiens, ces notables d’Israël qui enseignent dans la chaire de Moïse, mais sont pleins d’hypocrisie puisqu’ils disent et ne font pas.
Par ailleurs, on devine les relations tendues entre les juifs et les premières communautés chrétiennes qui, peu à peu, occupaient le terrain dans les milieux religieux de ce temps-là. L’évangéliste ne manque pas de rappeler quelques faits et paroles de Jésus pour encourager ces chrétiens en butte à certaines contestations et même hostilités.
Mais n’oublions surtout pas que de tels messages nous concernent nous aussi, aujourd’hui, puisque l’Eglise les propose à notre méditation pour que nous en fassions bon usage dans notre vie chrétienne, qu’elle soit personnelle ou communautaire.

Car, dans la société et même dans l’Eglise, il ne manque pas de personnages qui aiment occuper les places d’honneur en se faisant appeler « Maître », « Père » ou « Docteur », des titres que Jésus remet en question. On peut évidemment considérer ces « dignités » comme des usages plus ou moins innocents portés  par de simples coutumes sociales ou ecclésiales. Mais les mots ont un sens. On sait qu’ils peuvent nous faire déraper en instillant dans la tête et le cœur de ceux qui les exigent ou les confèrent certains poisons loin d’être inoffensifs.
Jésus lui-même en est conscient. Le soi- disant maître peut abuser de son pouvoir, le père peut se prendre pour un petit dieu et le docteur écraser les autres par la superbe de sa science. Une fois de plus, nous dit l’évangile, « il ne doit pas en être ainsi parmi vous ». Les habitudes mondaines ne doivent pas contaminer les âmes et les relations chez les disciples du Christ. Car notre seul maître, c’est Dieu, notre Père. Et le docteur/enseignant, c’est le Christ. En toutes choses, la priorité est à notre maître intérieur, l’Esprit du Père et du Fils.

S’il en est ainsi, les conséquences se font immédiatement sentir. « Vous êtes tous frères ». L’Eglise est donc une vaste fraternité. Celles et ceux qui exercent les charismes de l’autorité, de l’accompagnement et de la connaissance sont d’abord au service de leurs frères et sœurs, selon ce que nous dit Jésus : « Le plus grand parmi vous  sera votre serviteur. » Dont acte.
Tout cela semble de la « petite morale » qui pourrait provoquer un haussement d’épaules. Il n’en est rien. Que de fois, dans l’histoire de l’Eglise et des Eglises, des scissions et même des divisions durables sont issues d’attitudes contraires au devoir d’humilité et à l’esprit de service qui doivent caractériser celles et ceux qui sont devenus les leaders de nos communautés. Certes, les ministères d’autorité, d’influence et de science sont utiles et même nécessaires, non seulement pour le bon ordre qui doit régner dans les communautés, mais aussi pour le plein rayonnement de l’évangile. Mais il reste la vérité de cette petite phrase de Jésus : « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé ».

Une question d’esprit.
Un état d’Esprit.
                                                                       Claude Ducarroz


                        

samedi 21 octobre 2017

Homélie du 29ème dimanche ordinaire

Homélie
29ème dimanche ordinaire
Matthieu 22,15-21

Il fallait s’y attendre. Quand on exagère dans les compliments, c’est qu’on a une idée derrière la tête. Une demande à exprimer, quand ce n’est pas un piège habilement tendu, ce qui était le cas pour Jésus.

« Tu es toujours vrai… tu enseignes le chemin de Dieu en vérité… tu ne te laisses influencer par personne… tu ne considères pas les gens selon l’apparence, etc… » C’était beaucoup, et même trop, y compris pour le Messie Jésus de Nazareth.
Et voici le piège. Si Jésus dit qu’il ne faut pas payer l’impôt aux Romains, il se pose en opposant politique à l’autorité en place. A ses risques et périls. S’il dit le contraire, il apparaît comme un complice de ces vilains Romains oppresseurs. Quoi qu’il dise ou fasse, il se met dans de beaux draps, comme on dit vulgairement.

C’est la pièce de monnaie  qui va le sauver, si l’on peut dire. « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ?... De César !...Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Rien que cette petite phrase, citée par les trois évangélistes synoptiques, a suscité à travers les siècles toutes sortes d’interprétations contradictoires, qui ont parfois justifié des violences et même des guerres, impérialistes ou religieuses.

Lorsqu’on retient surtout la première partie de la phrase –« rendez à César ce qui est à César », en oubliant la deuxième partie –« et à Dieu ce qui est à Dieu », les pouvoirs de ce monde, qu’ils soient politiques, économiques ou militaires, sont tentés d’exiger une obéissance absolue, voire aveugle, à leurs ordres impérieux.

Que de fois, au cours de l’histoire et jusqu’à aujourd’hui, n’a-t-on pas vu des hommes ou des partis justifier leur tyrannie par la toute-puissance de César jugée parfaitement légitime en vertu de ce principe : « Rendez à César ce qui est à César ». De sorte que les chrétiens eux-mêmes se sont mis à plat ventre devant des dictateurs sanguinaires simplement parce qu’ils avaient le pouvoir, et à fortiori quand ces mêmes despotes se revendiquaient eux-mêmes comme chrétiens.

A l’inverse, on a aussi vu des hommes d’Eglise, et notamment certains papes, forcer sur l’injonction de rendre à Dieu ce qui est à Dieu pour imposer à tous, et parfois par la violence, une société dite chrétienne qui piétinait la liberté de conscience et les droits humains universels. Ils voulaient imposer Dieu au mépris de l’homme.

Heureusement, pour le témoignage de l’évangile et pour l’honneur de l’Eglise, à toutes les époques, des hommes et des femmes se sont levés courageusement pour protester contre ces excès autoritaires, que ce soit pour dire, comme les premiers apôtres : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ».  Ac 5,29, ou comme Jésus lui-même qui déclara : « Les chefs des nations vous tiennent sous leur pouvoir et domination. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. » Mc 10,42-43.
Et beaucoup ont même payé de leur vie leur résistance aux abus de pouvoir, que ce soit dans les Etats, et parfois même dans les Eglises.

Et aujourd’hui, me direz-vous. Le contexte a beaucoup changé, du moins chez nous, mais nous savons que ce n’est pas partout dans le monde. Dans l’Etat, les principes démocratiques, imparfaits mais globalement positifs, se sont peu à peu imposés, souvent d’ailleurs contre une Eglise catholique fort réticente. Nous pouvons vivre en paix, si nous respectons les droits humains, qui sont un minimum nécessaire pour cohabiter dans le respect des uns et des autres, surtout si nos sociétés sont plurielles, y compris du point de vue religieux. Les chrétiens peuvent ainsi rendre à César ce qui est à César en toute conscience, sans exclure qu’à certains moments ils doivent faire objection de conscience si des lois manifestement injustes leur étaient imposées. En assumant les conséquences, évidemment.

Notre ligne de conduite est claire : participer loyalement à la vie de la cité comme des citoyens actifs et lucides, autrement dit critiques à l’égard de toutes les tentatives de dresser l’Etat en maître absolu. Et surtout se laisser guider par les priorités et les valeurs données par l’évangile dans nos engagements politiques, économiques, culturels et écologiques.
Agir de cette façon, c’est rendre à César ce qui lui revient, et déjà rendre à Dieu ce qui est à lui, parce que rien n’est plus cher à notre Dieu que l’amour fraternel et la justice, dans nos comportements interpersonnels, mais aussi dans nos structures communautaires. Autrement dit, ce qui n’est pas chrétien, c’est de se désintéresser de la vie sociale, de bouder les invitations et incitations à construire une société plus humaine, de s’enfermer dans un certain égoïsme, parfois sous prétexte de spiritualité, comme si le vivre ensemble nous était devenu indifférent.

Après quoi, bien sûr, ou plutôt avec cela, il nous faut manifester notre passion pour le Christ et son évangile par une vie religieuse qui signifie clairement que la figure de ce monde passe et que nous sommes appelés à attendre et même à préparer le ciel nouveau et la terre nouvelle promis par le Seigneur au-delà des heurs, bonheurs et malheurs de ce monde.

Une remarque écrite vers l’an 190 déjà par un chrétien l’Alexandrie sous un régime strictement païen peut nous éclairer encore. Il dit : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes… Leur genre de vie n’a rien de singulier…. Ils s’acquittent de leurs devoirs de citoyens… Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie leur est une terre étrangère… Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel… Ils obéissent aux lois établies, mais leur manière de vivre est plus parfaite que les lois.
En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. »

Magnifique ! Tout un programme !

Claude Ducarroz

jeudi 19 octobre 2017

Deux nouveaux livres


Claude Ducarroz a collaboré à la rédaction et la publication de deux nouveaux livres.

* Bernard DUCARROZ - Avec les mots du coeur  Editions Cabédita  2017
* Pour que plus rien ne nous sépare - trois voix pour l'unité par Claude Ducarroz, Noël Ruffieux et Shafique Keshavjeee  Editions Cabédita 2017
On peut obtenir ces deux livres directement auprès de Claude Ducarroz  cl.ducarroz@bluewin.ch ou 026 321 27 04  ou 076 317 56 25

samedi 7 octobre 2017

Homélie

Homélie

Dimanche 8 octobre 2017

Mt 21,33-43


Un opéra italien. L’évangile de ce dimanche contient tous les ingrédients pour faire un bon opéra italien. Jugez plutôt : la jalousie, le complot, le sang, la vengeance. Tout y est.  Mais Jésus lui-même nous met en garde : c’est une parabole, autrement dit un récit qu’il faut interpréter, non pas à la lettre, mais en y cherchant d’utiles leçons pour la vie. Et ici : la vie selon et avec le Christ.

Qui sont les auditeurs concernés et que faut-il retenir ?

Jésus s’adresse d’abord aux grands prêtres et aux anciens du peuple, autrement dit à ses auditeurs immédiats, sur le parvis du temple de Jérusalem. Discrètement –mais ils le comprennent très bien-, le Christ leur rappelle les aléas de l’histoire d’Israël, quand la patiente fidélité de Dieu s’est souvent heurtée aux infidélités du peuple, notamment quand les prophètes/serviteurs ont été en butte non seulement à l’incompréhension, mais aussi à la persécution, jusqu’à la mort. Et maintenant que le Fils lui-même est à l’œuvre, voici que le même sort l’attend, et pire encore.
La passion et la croix pointent à l’horizon. Jésus adresse aux responsables d’Israël une sorte de dernier avertissement, dramatique. Car la pierre qu’ils vont rejeter deviendra la pierre d’angle, une merveille aux yeux de tous. C’est une allusion au mystère pascal.


En fait, les évènements se sont déroulés comme le Seigneur l’avait prévu. Les chefs du peuple élu ont, dans leur grande majorité, refusé le Messie, Jésus de Nazareth. Et après la Pentecôte, ce sont les païens, plutôt que les juifs, qui ont suivi le Christ et embrassé l’évangile, en vertu de la promesse : Le Maître du domaine louera la vigne à d’autres vignerons.

Dans les communautés chrétiennes pour lesquelles l’évangéliste Matthieu écrit cet évangile, les tensions ne manquaient pas, justement entre croyants issus du monde juif et les convertis venus du  monde païen. Il fallait leur expliquer -aux uns et aux autres- que tous les chrétiens sont désormais à égalité devant la grâce du salut obtenu par le Christ mort et ressuscité.

Les privilèges d’Israël sont passés maintenant dans une Eglise –le nouvel Israël- qui ouvre largement les portes de la foi à toute personne de bonne volonté, qu’elle soit d’origine juive ou de culture païenne.
Il y a dans cet évangile l’image et le symbole d’une Eglise vraiment catholique, universelle, pourvu que tous ses membres, avec la grâce de Dieu, donnent des fruits de foi, d’espérance et surtout d’amour.

Et nous, me direz-vous, où sommes-nous dans cette parabole, nous qui l’entendons dans la liturgie par le service de l’Eglise d’aujourd’hui ? Car ne croyons pas que nous ne sommes pas impliqués –on dit aujourd’hui « impactés » - dans ce que Jésus a raconté au titre de cette parabole.
Nous faisons partie de ces « autres vignerons » auxquels le Seigneur à remis sa vigne en faisant de nous des héritiers des trésors qu’il a laissés après lui et pour tous les hommes de tous les temps.
Il s’agit du royaume de Dieu destiné à produire ici-bas déjà toutes sortes de beaux et bons fruits, en attendant la pleine vendange dans le ciel.  Toutes les variétés humaines doivent pouvoir éclore, fleurir et donner des fruits d’évangile en Eglise et dans notre monde. A condition, bien sûr, comme le dira Jésus plus tard, que les sarments restent en communion avec le cep.

C’est le sens de notre rassemblement ce matin : écouter à nouveau la parole de Dieu, lumière sur notre route, communier à la nourriture spirituelle qu’est l’eucharistie, nous laisser  dynamiser par l’Esprit Saint, qui souffle où il veut.

Et ensuite porter des fruits dans les vastes champs du monde, fruits de justice, de solidarité, de paix, d’amour tous azimuts. Car l’Eglise ne doit pas devenir une forteresse assiégée pour chrétiens frileux qui se seraient mis à l’abri derrière ses murailles. Nous formons une communauté d’envoyés au large du monde et de l’histoire, dans le souffle de la Pentecôte. Vous vous en souvenez : cet Esprit avait fait sortir les apôtres apeurés d’un cénacle trop confortable pour les propulser sur la place publique afin de témoigner pour le Christ et l’évangile à la face de tous, dans la variété de leurs cultures.

Le pape François ne cesse de nous rappeler cela, en parlant des périphéries de notre société vers lesquelles il nous invite à aller, certes pas pour se dissoudre dans les modes ou céder aux pressions des propagandes, mais pour offrir vaillamment l’évangile toujours actuel, toujours neuf, à nos frères et sœurs en humanité, quels qu’ils soient.

Que voilà un beau programme de vie pour l’Eglise…que nous sommes tous, ne l’oublions pas.
                                                                           Claude Ducarroz



Drame vigneron

27ème dimanche du temps ordinaire
Matthieu 21, 33-43

Drame vigneron


Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus raconte une histoire qui contient tous les ingrédients susceptibles de constituer un drame palpitant, digne d’un opéra italien. De la jalousie, du sang, de la vengeance : tout y est. Mais attention ! Jésus lui-même nous avertit : il s’agit d’une parabole à interpréter avec discernement. Située entre la parabole des deux enfants (21,28-32) et la parabole du festin nuptial (22,1-14), cette allégorie pointe en deux directions.
Comme Jésus parle dans le temple en s’adressant aux grands prêtres et anciens du peuple qui remettent en question sa crédibilité (21,23), il fait une allusion assez claire à l’histoire mouvementée du peuple d’Israël dans ses relations avec son Dieu. La fidélité de Dieu et les infidélités d’un peuple qui tua ses prophètes. Et voici que ça recommence avec Jésus, le Fils, le Messie promis et advenu, que les responsables du peuple, dans leur majorité, refuseront, comme la pierre rejetée par les bâtisseurs, qui est pourtant la pierre d’angle. (v. 42)
L’avertissement vise aussi les premières communautés chrétiennes dans lesquelles il faut expliquer pourquoi les païens sont à égalité parfaite avec les juifs d’origine, du moment que les uns et les autres ont accroché leur vie au Christ Sauveur, « l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ». Les fruits du mystère pascal peuvent être produits dans toutes les nations. (v. 43) C’est l’universalité de l’Eglise.
Et nous, ici et maintenant ? Ne croyons pas trop tôt que cette parabole ne nous concerne pas puisque nous sommes l’Eglise et en Eglise. Car, au-delà des applications immédiates, Jésus met en point de mire l’entrée dans le Royaume de Dieu ( le temps de la vendange), qui nous implique tous, jusqu’à la fin des temps. Si le salut, du côté de Dieu, est acquis une fois pour toutes en Jésus le Christ, notre accueil de cette miséricorde a aussi quelque chose à faire avec notre liberté, celle qui est invitée à croire, à espérer, à aimer. Tels sont les fruits que chacun de nous peut et doit produire, avec la grâce de Dieu évidemment.
Ainsi donc, en ce temps de vendange sur nos coteaux plantureux, nous pouvons nous arrêter un instant, relire cet évangile de saison et prier le Seigneur de faire de nous de bons ouvriers à sa vigne.
Claude Ducarroz
A paru sur le site www.cath.ch






vendredi 8 septembre 2017

Eglise: problèmes et solutions

Eglise : problèmes et solutions
Matthieu 18,15-20

Il y a deux manières d’interpréter cette page de l’évangile de Matthieu. On peut retenir surtout un fidèle écho de l’enseignement de Jésus à ses disciples. Il les met en garde contre toutes sortes de dangers dans leurs relations plus ou moins fraternelles. Les méchantes tentations ne manquent pas. Une fois de plus, Jésus invite à la conversion.
On peut aussi trouver dans ces quelques lignes comme un scanner de l’état des communautés chrétiennes au temps des apôtres. A dire vrai, le diagnostic n’est pas très brillant. Même en ses débuts, l’Eglise est loin d’être parfaite. Heureusement, le recours aux paroles et aux exemples de Jésus fournit des solutions aux problèmes et même prescrit des remèdes contre les maladies ecclésiales. Aujourd’hui encore !
Constat : il y a des frères et sœurs qui pèchent. En quoi ? ce n’est pas précisé, mais c’est suffisamment grave pour nécessiter un traitement d’urgence, avec une progression dans l’application de la médecine spirituelle.
Première étape : reprendre le fautif seul à seul. Deuxième étape, si nécessaire : se faire aider par un petit groupe de personnes bienveillantes. Enfin, en cas d’échecs précédents : alerter toute la communauté. Et seulement au terme de ce processus de patience et de persévérance, il peut être justifié d’abandonner le pécheur à son sort ou  plutôt de le confier à la miséricorde de Dieu.
Pour résoudre les inévitables conflits entre frères – même dans les meilleures communautés chrétiennes-, on retiendra l’exercice recommandé par Jésus, à savoir des démarches interpersonnelles et plutôt discrètes, avant d’impliquer d’autres personnes. On remarquera que les solutions doivent être trouvées, autant que possible, dans la communauté elle-même, là où la charité constitue la loi suprême, là où le pardon doit rayonner, là où on préfère délier pour libérer plutôt que lier pour enfermer.
Cependant, il y a encore deux derniers mots à retenir, à savoir des ultimes recours tellement typiques de l’ADN des chrétiens.
D’abord la prière, celle qui doit imbiber toute la vie, surtout s’il y a des problèmes d’apparence insoluble. Même seulement à deux, surtout quand il faut supplier pour trouver un accord, la prière est toujours nécessaire et souvent suffisante.
Enfin, ne jamais perdre la conscience que la communion avec le Christ est tellement plus profonde que les conflits agitant la surface de nos relations communautaires. Cette communion n’est-elle pas fondée solidement sur la présence certaine du Christ au milieu de ceux qui sont réunis en son nom, même s’ils ne sont que deux ou trois ?
Cette prière et cette présence, encore mieux que nos démarches purement humaines, peuvent dénouer tant de situations apparemment sans issue, dans nos familles et dans nos communautés.
Puisque nous sommes tous des êtres fragiles et des chrétiens imparfaits, ne nous étonnons pas de rencontrer dans nos communautés d’Eglise des difficultés et des problèmes inhérents à cette condition humaine. Mais la mystérieuse actualité du Christ, au cœur de nos vies personnelles et dans nos relations communautaires, peut encore faire des merveilles d’amour, de pardon et de réconciliation.
Heureusement.
                                                                                  Claude Ducarroz
A paru sur le site  cath.ch


mardi 22 août 2017

Assomption de Marie



Assomption 2017

Une femme dans le ciel ! Plus encore : elle a le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.
L’Eglise catholique n’a pas la réputation d’être particulièrement féministe, et la voilà qui met en évidence, glorieusement, une femme, en l’occurrence une petite servante de Nazareth, un bled obscur de Galilée.

Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

L’explication, qui n’efface pas le mystère, se trouve en Dieu. Cette femme ordinaire était en fait extraordinaire. Car Dieu l’a choisie entre toutes les femmes pour en faire la mère de Jésus, le fils de  Dieu fait chair, par sa libre et pleine collaboration au dessein de l’incarnation et de la rédemption, de tout son cœur, de tout son corps, de toute sa foi : « Qu’il me soit fait selon ta parole. »
Dès lors, elle a pu chanter  sans se vanter : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles, saint est son nom. » Et maintenant, nous pouvons ajouter, sans déroger à la gloire de Dieu : « Marie, tu es bénie entre toutes les femmes… Oui, toutes les générations te disent bienheureuse. »

Heureuse, comme nous l’imaginons spontanément, tu le fus, mais pas toujours.
Marie a connu l’espérance de la grossesse, le bonheur de la naissance de son enfant, mais aussi l’épreuve de la pauvreté à la crèche de Bethléem, les aléas de l’exil en Egypte, l’inquiétude et même l’incompréhension à cause d’un certain Jésus qui prit ses distances pour suivre sa vocation. Et surtout, au pied de la croix, elle a porté et supporté dans son cœur de mère, la mort de son enfant qu’elle savait innocent et sacrifié.

Aujourd’hui, nous sommes à la fête à cause de Marie. Ou plutôt nous communions dans la joie avec sa communion parfaite avec son fils Jésus le ressuscité. Selon la tradition de l’Eglise, en Orient et en Occident, nous croyons que la mère a suivi son fils dans la gloire comme  elle a été associée de très près aux mystères de sa passion. L’assomption de Marie, c’est un peu la suite logique de sa maternité qui a donné un corps et un cœur humain au sauveur du monde. Et ce sauveur le lui rend bien en la prenant à ses côtés, avec son corps et son cœur à elle, dans la gloire de Pâques.

Mais attention. Que ce privilège n’éloigne pas Marie de nous, qui sommes aussi ses enfants puisque Jésus l’a confiée pour mère au disciple, à tous les disciples. Elle reste de la famille, dans la famille, humaine, très humaine. « A partir de cette heure-là, dit l’évangéliste, le disciple la prit chez lui. » Et nous aussi.

Le Christ est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Il y a 500 ans, Martin Luther nous l’a rappelé. Opportunément. Violemment.
Marie est seulement, mais c’est déjà beaucoup, la première en chemin pour aller vers Jésus. Oui, elle nous précède, mais sans nous lâcher la main, dans la communion des saints. Elle nous précède dans la foi si nous suivons son conseil : « Faites tout ce que Jésus vous dira. » Elle nous tient dans ses bras maternels quand nous traversons des épreuves, elle qui a traversé les siennes à cause de Jésus, mais surtout avec lui, jusqu’au bout. Elle nous entraîne à faire Eglise avec les apôtres et tous nos frères et sœurs selon l’évangile, comme elle l’a fait par sa présence et sa prière au Cénacle de Jérusalem, en attendant l’Esprit promis.  Aujourd’hui, elle nous montre en personne l’accomplissement de la promesse, à savoir l’entrée programmée -corps, cœur et âme- dans le royaume des cieux, auprès de Jésus ressuscité, quand nous aurons franchi les ravins de la mort.

Il est beau, il est bon que ce soit une femme, cette femme, servante et royale, humble et glorieuse, qui nous accompagne et nous entraîne sur le chemin qui mène à la pleine communion avec le Christ Jésus  pascal.

15 août 2017                                                 Claude Ducarroz                              

En eurovision 

samedi 12 août 2017

En croisière avec Jésus

19ème dimanche du temps ordinaire A
Croisière avec Jésus
Mt 14,22-33

On connaît le contexte de l’aventure. Jésus vient d’apprendre qu’Hérode a fait assassiner Jean-Baptiste (v. 1-12). Il éprouve le besoin de prendre du recul, de se retrouver seul, à l’écart, dans un lieu désert, pour y prier longuement le Père (v. 13 et 23). Et par deux fois, sa solitude est troublée par des évènements imprévus. Une foule nombreuse le rattrape, qu’il finit par nourrir en multipliant les pains (v. 13-21). Dans l’évangile de ce dimanche, c’est la tempête qui bouleverse sa traversée nocturne du lac de Gennésaret.
Dans le récit presque journalistique qu’en donne Matthieu, les paroles sont surtout à retenir, plus encore que les actes. Il y a là tout un scénario.
En voyant Jésus marcher sur les eaux, les disciples s’écrient : « C’est un fantôme.» On peut comprendre leur effroi. Pour beaucoup de nos contemporains, la religion n’est-elle pas toujours…fantomatique ?
La réponse de Jésus va droit au but…de la foi : « Confiance ! C’est moi. N’ayez plus peur ! »  Tout est dit en peu de mots. La foi, c’est la confiance en quelqu’un, en Jésus, surtout quand les évènements de la vie secouent la frêle embarcation de notre existence. C’est Pierre –on peut dire aussi l’Eglise- qui ose le premier se jeter à l’eau de la confiance. D’ailleurs, Jésus l’y invite : « Viens ! » Encore et toujours, cet appel à miser librement sur le Christ et son évangile.
Ce n’est pas évident, comme on aime à le répéter aujourd’hui. C’est bien ce qu’éprouve Pierre en se laissant gagner par la peur quand il commence à enfoncer dans les eaux. Alors, c’est le moment de la prière, humble, plus forte que le vent, profonde comme la mer : « Seigneur, sauve-moi ! » Personne ne peut faire l’économie d’une telle prière dans sa vie, même ceux qui estiment n’avoir besoin de personne, et surtout pas de Dieu. Il faut oser prier, il faut oser crier.
La réponse de Jésus est faite de douceur et d’interrogation. Pas un reproche, mais une question en forme d’incitation à croire encore davantage : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Le mot de la fin appartient à l’Eglise qui veille sur notre foi et l’appuie par tous les témoignages des saintes et des saints qui sont montés dans la barque de l’évangile avec Jésus, avant nous et autour de nous : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! » Et nos tempêtes s’apaisent.
Une belle croisière avec Jésus. Pas de tout repos, certes. Mais si proche de nos aventures humaines et de nos expériences chrétiennes.
Bon voyage !
                                                           Claude Ducarroz
A paru sur le site  cath.ch



samedi 29 juillet 2017

Tout est dit

15ème dimanche du temps ordinaire
Tout est dit
Matthieu 13, 1-23

Faut-il ajouter quelque chose à la parabole du semeur que Jésus a racontée à la foule pour parler du Royaume de Dieu  (versets 3 à 9) ? N’a-t-il pas fait lui-même le commentaire (versets 18 à 23) ? Tout semble dit… et bien dit, puisque Jésus lui-même, avec prudence, délivre à ses disciples la juste interprétation.
Retenons d’abord le cadre. On se trouve en plein air, au bord du lac, et Jésus parle depuis une barque. N’est-ce pas un encouragement, pour l’Eglise, à « sortir dehors », à prendre le risque d’une parole publique, à semer au large du monde, au lieu de rester « à la maison » ?
Et puis il y a le style. Jésus se fait paysan, en connaisseur des faits et gestes de la campagne, pour parler à des gens du crû en les rejoignant dans leur culture…et leurs cultures. Encore une invitation à annoncer, même les mystères du Royaume de Dieu, en termes simples.
Et cependant les explications demeurent nécessaires, même après une évangélisation au plus près des gens. Ici Jésus s’y emploie lui-même. A sa suite, l’Eglise se doit d’exposer la Parole, mais aussi de l’expliciter et de l’expliquer. Jésus n’a-t-il pas promis que l’Esprit Saint accompagnerait celles et ceux qui sont chargés de ce beau service ? Avec cette nuance, rappelée par le concile Vatican II, que les pasteurs patentés doivent aussi écouter « la collectivité des fidèles qui, ayant l’onction qui vient du Saint, ne peut se tromper dans la foi ». (Lumen gentium no 12)
Ne sommes-nous pas tous une terre de qualité fort variable ? Comme Jésus a raison de souligner la fragilité de nos terrains d’accueil ! Le Mauvais y sème d’autres graines. Notre cœur est parfois pierreux. Il nous arrive de trébucher à la moindre épreuve. Les ronces des passions peuvent étouffer toute croissance. Sans compter les soucis du monde et la séduction des richesses. Décidemment, Jésus connait bien l’humus humain.
Mais, avec nous tels que nous sommes, il n’est pas pessimiste, encore moins désespéré. Heureusement pour nous ! Comme un bon paysan, Jésus continue de semer, sans garantie de réussite. Il sème sa Parole de lumière, il ensemence notre vie par le Pain eucharistique. Saison après saison, il recommence sans trêve, car sa miséricorde est plus forte que toutes nos misères.
Certes, il compte aussi sur nous pour améliorer le terreau d’accueil de sa Parole, avec le secours de sa grâce. Mais il ne renonce jamais à labourer comme à semer. Jusqu’à ce que nous puissions jouir du bonheur de donner du fruit, cent, soixante ou seulement trente pour un.
Peut-être faut-il surtout retenir de cette parabole cette béatitude pleine de promesses : « Heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! »
La joie de croire, le bonheur d’être encore aimé.

Claude Ducarroz



mardi 27 juin 2017

Le grand virage euccharistique

Le grand virage eucharistique
Jean 6,51-58

On connaît le contexte. Jésus vient d’opérer un signe extraordinaire. Il a nourri une grande foule en multipliant les pains. Sa popularité est au top puisqu’on songe à le faire roi (Cf. Jn 6,1-15). Mais Jésus se méfie. Quand il retrouve tout ce petit monde dans la synagogue de Capharnaüm, il accomplit un urgent devoir de catéchèse. En résumé : le vrai pain qui descend du ciel et qui donne la vie au monde, c’est lui-même en personne, ce qui ne manque pas de provoquer déjà beaucoup de murmures sceptiques ou désapprobateurs (Cf. Jn 6, 22-50).
Et c’est là que se situe le grand virage eucharistique, en deux étapes (Cf. Jn 6, 51-58). Le pain, ce sera sa chair livrée; la boisson, ce sera son sang versé. Rendez-vous est pris au pied de la croix. Qui sera encore là pour le reconnaître et y croire ? Plus encore, ce grand mystère de la foi, que Jésus instituera précisément la veille de sa mort, il est destiné à traverser les siècles pour accompagner la marche de l’Eglise dans toute son histoire. Car il faudra « refaire cela en mémoire de lui, jusqu’à son retour ». Tel est le réalisme de l’Eucharistie. Dans les quelques versets de cet évangile, il y a huit fois le mot « manger », et il concerne le corps du Christ présenté dans le pain eucharistique. Faut-il s’étonner dès lors que beaucoup de ses disciples hochent la tête et décident de le quitter  (Cf. Jn 6,60-66) ?
Le sacrement de l’Eucharistie a été et restera toujours un cadeau « scandaleux », à savoir un mystère qui peut provoquer une chute dans la foi. Trop beau pour être vrai, disent certains, surtout si l’on prend à la lettre l’invitation de Jésus : « Ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi, je demeure en lui » (Jn 6,56).
On comprend dès lors que l’Eglise veille sur ce trésor avec un soin sacré. A travers les siècles, pasteurs et théologiens ont rappelé que l’Eucharistie fait l’Eglise tandis que l’Eglise fait l’Eucharistie. Elle est « la source et le sommet de la vie chrétienne » (Cf. Vatican II –Lumen gentium no 11).
Faut-il pour autant entretenir les polémiques autour de ce sacrement qui promet la vie éternelle et la résurrection à celles et ceux qui le reçoivent dans une foi sincère? On peut se poser la question.
 Quoi qu’il en soit, la Fête-Dieu est là pour nous rappeler à tous la beauté – et aussi l’ineffable profondeur- d’un tel mystère.

A paru sur le site  cath.ch

Claude Ducarroz