dimanche 31 mars 2013

Les relations entre les Eglises et l'Etat en Suisse


Les relations entre les Eglises et l’Etat en Suisse
(Conférence donnée à l’Université catholique de Lyon)


Introduction
J’arrive auprès de vous en voisin et en ami reconnaissant, mais il me semble aussi que je débarque dans la volière française comme un oiseau exotique, s’agissant du thème qui nous occupe, à savoir les relations des Eglises avec l’Etat.
La Suisse, sur ce point comme sur d’autres, est un « Sonderfall », donc un cas inexportable. D’ailleurs la Suisse existe-t-elle vraiment puisqu’il y a plutôt « la Confédération helvétique » avec ses 23 cantons ou plutôt 20 cantons et 6 demi-cantons, des « états » jouissant d’une grande autonomie, justement sur les points qui concernent la culture, l’éducation, la formation et la religion ?

Le bain démocratique

Les Eglises et leurs adhérents baignent dans une société dont il faut connaître les us et coutumes pour mieux comprendre les relations qu’ils entretiennent avec l’Etat ou plutôt les Etats.
La Suisse, c’est actuellement 7,6 millions d’habitants dont  21% ne sont pas Suisses. 64% sont germanophones, 20% francophones, 6,5% italophones. Nous n’avons pas une langue à nous. Il n’y a pas une culture suisse uniforme. Par contre les mélanges linguistiques s’imposent. Par exemple, un canton est trilingue, 3 sont bilingues, 1 de langue italienne, 4 de langue française et 17 de langue allemande.
Notre culture politique est très particulière. La Suisse ne descend pas d’en haut, mais elle monte d’en bas, à savoir des communes et surtout des cantons, lesquels ont chacun leur parlement et leur gouvernement.

Nous sommes attachés au principe de subsidiarité « à la base », nous pratiquons le respect des minorités comme le prouve le fait qu’il y ait un Conseil des Etats (2 députés par canton, quelle que soit sa population) à côté du Conseil national en proportion de la population. Il faut l’accord des deux chambres pour voter une loi. Prime aux plus petits !
Nous avons le culte du compromis, comme le démontre le fait que dans les gouvernements cantonaux et fédéral les principaux partis sont représentés, de la gauche à la droite. A ces Messieurs et Dames de faire en sorte que la gouvernance soit collégiale. C’est lent, c’est parfois paralysant, mais c’est consensuel !
Quand on parle de « souverain » en Suisse, c’est le peuple. Nous pratiquons une démocratie de proximité, jusqu’à l’exagération, jusqu’à l’exacerbation. Il faut toujours convaincre une majorité du peuple puisque, très souvent, c’est lui qui a le dernier mot, même après les décisions des autorités.
Pour preuve, ces quatre droits populaires :
-          le referendum obligatoire pour chaque changement dans la constitution
-          le referendum facultatif si 50.000 citoyens demandent qu’une loi, pourtant adoptée par le parlement, soit soumise au peuple
-          l’initiative constitutionnelle si 100.000 citoyens proposent de changer un article de la constitution
-          la pétition si 100.000 personnes veulent imposer au parlement de traiter de tel ou tel sujet.
On a donc toujours quelques débats en cours en vue de la prochaine votation (au moins 4 fois par an, avec chaque fois plusieurs sujets).

La peur de perdre ces droits populaires explique en grande partie pourquoi la majorité de notre peuple, surtout en Suisse alémanique, est opposée pour le moment à l’entrée de la Suisse dans l’Union européenne, ainsi que le retard mis à entrer à l’ONU (seulement en 2002).
Nous préférons demeurer petits, seuls, mais libres, dans un pays politiquement et militairement neutre, selon les leçons retenues de notre histoire.


Les Eglises dans ce contexte socio-politique.


Notre histoire religieuse a été marquée par de nombreux drames, et d’abord par les oppositions -parfois guerrières et sanglantes- advenues lors des Réformes du 16ème siècle. La Suisse a été travaillée par les Réformateurs protestants et aussi remodelée par les conséquences du concile de Trente, notamment par les monastères, les Jésuites et les Capucins.
Les antagonismes à fondement religieux ont encore marqué le 19ème siècle, notamment lors du Sonderbund (1848) et du Kulturkampf (1870) qui ont introduit dans la législation et la pratique des discriminations à l’égard de l’Eglise catholique (articles confessionnels). La dernière a été levée en 2002 seulement (il fallait l’accord de la Confédération pour ériger de nouveaux évêchés).

Aujourd’hui, au niveau fédéral, les relations Eglises-Etat sont réglées par le préambule de la Constitution (« Au nom de Dieu tout-puissant ») et par les articles 15 et 72 qui garantissent la liberté de conscience et de croyance et précisent les rapports entre Eglise et Etat.
En résumé, ces relations sont renvoyées aux cantons. C’est à ceux-ci de régler concrètement cette « coexistence pacifique », autrement dit il y a 26 statuts différents, mais tous sont basés sur le respect des libertés religieuses, des diversités et donc des minorités. En fait trois Eglises sont reconnues officiellement : l’Eglise catholique, l’Eglise protestante et l’Eglise vieille-catholique.

Actuellement, de profondes évolutions sont en cours dans le domaine religieux.
Du point de vue démographique d’abord, et surtout à cause des phénomènes migratoires,  tant internes que externes.
En 1970, 98% des habitants de la Suisse se déclaraient chrétiens. Ils étaient seulement 80% en 2000.
A cette date, les protestants constituaient le 33% de la population (contre 47% en 1970), les catholiques 41%, soit actuellement 3,1 millions. En 1970, 10 cantons étaient en majorité protestants ; aujourd’hui un seul : Berne. On a calculé que les protestants seraient peut-être seulement 20% en 2040. Actuellement le canton de Genève (« la cité de Calvin ») compte seulement 16% de protestants. Rappelons aussi que si seulement 3,1% des protestants sont des étrangers, 21,8% sont des étrangers dans l’Eglise catholique en Suisse.



Plus significatifs encore ces phénomènes relativement nouveaux :
-          les musulmans ont passé de 0,26 % de la population en 1970 à 4,5% aujourd’hui. Ce groupe de populations est nettement plus jeune que la moyenne de la population (39% ont moins de 20 ans) et le taux de fécondité est supérieur à la moyenne suisse (2,44 contre 1,43 en moyenne suisse).

-          Les « sans appartenance religieuse » étaient 1,14% en 1970. Ils étaient en 2000 11,2% de la population. Dans la ville de Bâle, ils constituent le groupe « religieux » le plus important (31%), alors que tous les chrétiens ensemble forment à peine le 50% de la population.

Il faut ajouter une note sur le taux d’appartenance qui indique la relation plus qualitative avec l’Eglise. Ce sentiment avoué d’appartenance à une Eglise est actuellement seulement de 46% chez les catholiques et de 44% chez les protestants.
Ce relâchement (« croire mais sans appartenir ») est patent dans cette enquête :
  64% des Suisses estiment qu’on peut être chrétien sans Eglise ;
  52% des Suisses n’attendent rien des Eglises ;
  66% des catholiques estiment que l’Eglise n’a aucune influence sur le choix de leurs valeurs.
D’ailleurs le taux moyen de la « pratique religieuse » extrêmement bas (environ 10%) corrobore la constatation que la sécularisation de notre population est très générale et profonde.


Les trois systèmes principaux de relations Eglises-Etat
(tous les trois représentés dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg)


1. Le système d’union (presque du concubinage !)
L’Etat, à travers le canton et les communes, prend en charge les Eglises dans le cadre du budget ordinaire des collectivités publiques. La religion est presque un service étatique et les ministres sont quasi assimilés à des fonctionnaires. Ce fut le cas dans le canton de Vaud pour l’Eglise nationale protestante. L’Eglise catholique a été associée à ce privilège dès 1970, mais la pleine égalité de traitement, reconnue en 2009 seulement, entrera en vigueur intégrale en…2025. Les catholiques vaudois représentent 37% des catholiques du diocèse. A titre d’exemple, notre Eglise dans ce canton a reçu de l’Etat 23,7 millions de francs (+ ou – 18 millions d’euros) en 2009. Ce qui permet à notre Eglise dans ce canton de payer  en équivalant plein temps 81 prêtres et 89 laïcs en ministère d’Eglise.

2. Le système de séparation « à la française » dans les cantons de Genève (dès 1907) et Neuchâtel (dès 1941). Il y a pleine liberté pour les Eglises, mais sans soutien de l’Etat, ce qui signifie aussi une pénible pauvreté de moyens dans ces cantons. Avec une nuance : le canton assume les frais de la faculté de théologie protestante, recueille les contributions libres des citoyens pour leur Eglise (contre émoluments) et verse parfois des subsides pour les œuvres sociales des Eglises.

3. Le système de relative autonomie avec le statut reconnu de droit public, autrement dit les citoyens qui se déclarent membres d’une Eglise reconnue lors du recensement doivent s’acquitter de l’impôt obligatoire à l’Eglise, dont le taux est fixé par chaque paroisse, par exemple dans le canton de Fribourg (ce qui provoque d’ailleurs de grandes différences suivant la « richesse » des paroisses). L’impôt est perçu auprès des personnes physiques, mais aussi auprès des personnes morales (sociétés, commerces, industries, etc…)
Dans ce contexte, les Eglises ont libre accès à l’école pour la catéchèse, aux diverses aumôneries, etc…, ce qui suppose un dialogue permanent avec les autorités civiles, généralement dans un esprit de bonne collaboration.


Notons enfin que la gestion des biens des Eglises se fait de manière entièrement démocratique, avec des conseils (de laïcs) élus et contrôlés par les assemblées de paroissiens.
L’habitus démocratique va si loin que, dans certains cantons, ce sont les paroissiens qui nomment formellement leurs curés ! Rappelons aussi que dans les trois diocèses alémaniques, c’est le Chapitre cathédral qui nomme l’évêque après un va-et-vient de consultation avec le Vatican.

Actuellement, il existe un certain débat sur les points suivants :
-          les sorties d’Eglise : soit pour des raisons profondes (on quitte vraiment la communion ecclésiale), soit pour des raisons fiscales (on veut rester membre de l’Eglise mais on refuse de payer l’impôt ecclésiastique obligatoire). Pour cette dernière catégorie, les évêchés réfléchissent à une tarification des services demandés par ces personnes en « sortie partielle », non pour « vendre les sacrements », mais pour couvrir les frais occasionnés par ces demandes souvent liturgiques.
-          On doit adapter la présence des Eglises dans l’école publique. Dès 16 ans, les enfants et leurs parents peuvent choisir entre des cours de culture religieuse (sous la responsabilité de l’Etat) et une catéchèse confessionnelle (sous la responsabilité des Eglises).
-          On constate aussi une remise en cause de l’impôt sur les personnes morales de la part de certains milieux économiques.
-          Se pose aussi la question de la reconnaissance éventuelle de nouvelles religions ou communautés religieuses. Les critères suivants sont généralement retenus : une implantation historique relativement ancienne, une représentativité unique, une gestion économique transparente et contrôlée, une adhésion sans faille à notre ordre constitutionnel, à ses valeurs et pratiques.
-          Va-t-on vers la séparation des Eglises d’avec l’Etat ? C’est possible, mais jusqu’à ce jour toutes les tentatives démocratiques en ce sens ont échoué devant le peuple souverain (79% de non au plan fédéral en 1980 et de même à Zürich en 1998).


La situation concrète dans notre diocèse  (VD GE FR NE).


Nous comptons 686.000 catholiques dont 37 % sont « étrangers ».
Au service de cette Eglise, nous avons 337 prêtres, dont 58 religieux et 46 provenant d’autres diocèses (surtout étrangers). Ajoutons 23 diacres permanents, la plupart en situation professionnelle séculière.
Chez les prêtres, la moyenne d’âge est de 69 ans, soit 6 qui ont moins de 30 ans, 36 moins de 40 ans, 203 plus de 60 ans et 123 plus de 70 ans.
Heureusement, il y a les laïcs en mission (salariée) d’Eglise. Ils sont actuellement 254, dont 119 ont moins de 50 ans.

L’avenir de notre « personnel » ne repose pas sur les communautés religieuses (jadis nombreuses, mais aujourd’hui en forte diminution par manque de recrutement), mais sur les laïcs, surtout femmes. Il y a une cinquantaine de personnes en formation à l’Institut de formation aux ministères laïcs, seulement 4 séminaristes et des filières de formation pour les bénévoles dans chaque canton.
Nous vivons aussi une forte restructuration dans notre Eglise, à savoir au niveau des paroisses mais aussi dans la pastorale dite « catégorielle », sous l’impulsion intitulée « proposition de la foi et pastorale d’engendrement ». Il nous reste 20 décanats, il  y a 52 unités pastorales (mais encore 255 paroisses maintenues) et 20 missions linguistiques. La présence d’une pastorale de proximité, notamment dans les campagnes, demeure un vrai problème, et en particulier la fréquence et la présidence de l’eucharistie dans ces lieux.


Défis à relever

  1. Comment évangéliser dans un fort contexte de sécularisation, avec l’apparition de nouvelles religions et courants religieux ?
  2. Comment en particulier évangéliser le monde de la jeunesse et certains milieux, par exemple ceux de l’économie ?
  3. Comment mieux collaborer dans un contexte œcuménique qui s’impose partout ? (Cf. les familles mixtes).
  4. Comment équilibrer, dans la gestion des services ecclésiaux, les ministres salariés et l’apport des bénévoles, tous à former ?
  5. Comment prendre en compte de nouvelles pauvretés, par exemple la fragilité des familles (13% de divorces en 1967, 50% actuellement), les migrations, les nouveaux pauvres ?
  6. Comment garder, mais en les adaptant, les bonnes relations entre l’Etat et les Eglises ?


Chez nous comme ailleurs, il nous faudra toujours, avec la grâce de Dieu et dans la communion de l’Eglise, veiller à insuffler de la profondeur, à élargir les espaces et à dynamiser la vitalité communautaire.


Fribourg, Pâques 2013                                                                      Claude Ducarroz


Pour en savoir davantage :

Le paysage religieux en Suisse    Claude Bovey et Raphaël Broquet  Office fédéral de la statistique  2004
La religion visible - Pratiques et croyances en Suisse   Roland Campiche  - Le savoir suisse 2010
La nouvelle Suisse religieuse  - risques et chances de la diversité    Martin Baumann et Jörg Stolz   Labor et fides 2009
La nouvelle Suisse religieuse  in Revue Choisir  janvier 2010 pp. 35-37
Sorties d’Eglise   Eglise catholique dans le canton de Fribourg  25 mai 2010.

samedi 30 mars 2013

Homélie de Pâques


Homélie de Pâques 2013

 « Vous êtes des ressuscités ».

Avait-il toute sa tête, celui qui écrivait cela à de simples citoyens de Colosses, une ville de la province de Phrygie, dans la Turquie actuelle ? Et vous qui m’entendez maintenant, qu’est-ce que ça vous fait quand on vous redit la même chose aujourd’hui: « Vous êtes des ressuscités. » ?
En effet tout semble contredire cette pieuse affirmation trop euphorique pour être vraie. Ne sommes-nous pas tous mortels ? La maladie, le handicap ou tout simplement le grand âge nous le rappellent. Et puis il y a la situation de notre monde. Tant de forces de mort, tant de violences assassines semblent vouer notre humanité, de plus en plus, aux démons de la haine, de l’exclusion, de la destruction. Où voyez-vous de la résurrection ?, me direz-vous.

C’est qu’il nous faut aller jusqu’au bout de la phrase de l’apôtre Paul : « Vous êtes ressuscités… avec le Christ ».
Car finalement, c’est lui qui a tout changé : le sort de chaque être humain, le but de la vie ici-bas, le cours de notre tragique histoire et même la destinée de l’univers. La fête de ce jour –même si vous la prenez dans un premier temps comme une célébration du printemps ou une occasion de rencontre au goût de vacance-, cette fête nous concerne tous. Car rien n’est plus comme avant, malgré les apparences contraires. Il est arrivé quelque chose d’extraordinaire à quelqu’un de nous, un évènement inouï certes, mais –heureusement pour nous- un évènement qui nous est aussi offert en cadeau, dans une espérance formidable.
Pourquoi la résurrection serait-elle incroyable parce qu’elle nous dépasse infiniment ? Qui d’entre nous, alors même qu’il sait ne pas pouvoir l’offrir, ni à lui-même ni aux autres, n’a pas souhaité un jour conjuguer amour avec toujours, rêvé d’une vie qui serait éternelle, imaginé des relations qui soient à la fois heureuses et sans fin ?

Eh ! bien, ce qui n’est pas possible aux hommes est possible pour Dieu, le maître de la vie et le Seigneur de l’Amour. Et il a commencé par le réaliser en un homme justement, Jésus de Nazareth, le crucifié ressuscité. C’est ça, le cadeau de Pâques, à la démesure d’un Dieu qui n’est que Amour, tellement plus fort que nos plus folles espérances.
Dans ce Jésus, sur le témoignage certain de ceux qui l’avaient vu mourir sur une croix et qui l’ont retrouvé vivant après sa mort, Dieu n’accomplit pas un exploit pour se donner une belle figure ni pour assurer sa bonne réputation. Il invente le vrai sens de la vie humaine : vivre, y compris avec notre dimension physique transfigurée, au-delà de la mort, pour nous retrouver tous dans l’océan sans limites de son amour enfin vainqueur de tout mal.

Oui, en démarrant par Jésus, mais surtout pas pour le laisser tout seul jouir d’un privilège en divin égoïste, là haut, dans son ciel. Non. C’est tout le contraire : ce super généreux qu’est Jésus peut nous dire en vérité, preuve à l’appui : « Là où je suis,  vous serez aussi avec moi. » Il va même jusqu’à cette promesse extraordinaire : « Je vais vous préparer une place dans la maison de mon Père », là où il y a aussi de l’espace pour toi, car le cœur de Dieu est assez vaste pour que chacun se sente à l’aise dans le firmament de sa tendresse.

Je le sais : beaucoup pensent qu’il s’agit là d’une utopie, bien qu’ils y aspirent secrètement, sans oser se l’avouer. Pourquoi refuses-tu la bonne surprise de Pâques ? Pourquoi estimer qu’il vaut mieux faire confiance à la mort qu’à la vie, au malheur qu’au bonheur, à la haine qu’à l’amour ? Or, avec ce Christ sortant du tombeau, vivant et transfiguré par la gloire, c’est ta vie qui devient éternelle, c’est ton vrai bonheur qui t’est promis, c’est de l’amour, en réserve infinie, qui t’est offert gratuitement.

Et puis, n’oublie pas cela : ce qui t’adviendra dans l’éternité après la mort, t’aide déjà à vivre mieux dès maintenant. Et ce n’est pas négligeable, avoue-le. Quand on est des promis à la résurrection, on ne vit plus comme des morts vivants, on confère à son existence un souffle de grand large, on choisit de miser sur la bonté dans nos relations, on cherche à procurer du bonheur aux autres, on est soi-même heureux de faire des heureux. Car notre vie, désormais cachée avec celle du Ressuscité, produit des fruits révolutionnaires qui s’appellent paix, solidarité, pardon, partage. Est-ce que ça ne vaut pas la peine de construire notre société à partir du présupposé pascal au lieu de continuer à la lancer dans le mur fatal de la haine, de l’exclusion, de l’injustice et de toutes les violences meurtrières ?

La résurrection elle-même, c’est vrai, elle nous touchera pleinement après l’épreuve de la mort. Il nous faut accepter cela avec courage. Mais vivre en ressuscités, c’est déjà possible aujourd’hui, avec le souffle de l’Esprit Saint en nous. Ainsi, nous donnerons au monde un avant-goût bienfaisant de ce qui nous attend : être heureux du bonheur même de Dieu, être vivant de sa vie, être aimé par l’Amour majuscule. Car, comme l’écrivait encore ce même Paul de Tarse à ces mêmes Colossiens : « Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. »
C’est tout le bien que Dieu lui-même nous souhaite aujourd’hui parce que, en même temps, il nous le donne.

                                                                       Claude Ducarroz

vendredi 29 mars 2013


Célébrer la Parole de Dieu


« Célébrez le Seigneur, car il est bon… Ils ont cru en ses paroles, ils chantaient sa louange. » Ps 106, 1 et 12


But et sens

La Parole de Dieu nous est adressée pour que nous l’écoutions, pour que nous la mettions en pratique, mais aussi pour que nous la célébrions de toute notre foi et de tout notre cœur.
Elle suscite la prière personnelle sous toutes ses formes, mais elle provoque aussi des célébrations communautaires qui manifestent la joie et la confiance de l’Eglise en son Seigneur.

Pour bien célébrer la Parole, il faut se souvenir 

1.  Que les Ecritures sont habitées par l’Esprit, le même qui révèle Dieu dans ses paroles et inspire la réponse de l’Eglise dans ses célébrations et ses liturgies. C’est pourquoi le croyant commence à préparer une célébration en demandant les lumières de l’Esprit-Saint.

2.  Que toute célébration de la Parole est l’œuvre de tout le Corps communautaire du Christ. C’est pourquoi, même si nous sommes peu nombreux, nous vivons ces célébrations en communion avec toute l’Eglise, en mettant en œuvre la participation et les charismes du plus grand nombre possible. Pas de « one man show » !

3.  Que toute célébration vise la gloire de Dieu et le salut du monde. C’est pourquoi, autant que possible, elle prend en compte la vie des gens, que ce soit dans l’Eglise ou dans la société en général.

4.  Que la Parole de Dieu est toujours le cœur vivant et vibrant de telles célébrations. C’est elle qui préside. Nous ne sommes que ses « porte-Parole », humbles serviteurs de sa lumière pleine de vérité et d’amour.


Il y a deux  types de célébrations de la Parole

Nous pouvons partir de la Parole elle-même, à travers un texte ou des textes bibliques que nous voulons honorer, illustrer, célébrer, faire mieux comprendre et mieux accueillir.

Nous pouvons aussi partir d’une circonstance humaine ou ecclésiale, d’un thème particulier que nous voulons éclairer par la Parole de Dieu, afin qu’elle leur confère une nouvelle profondeur, un rayonnement, une meilleure application dans la vie, selon l’esprit de l’Evangile.

Feuille de route

1.  Quoi qu’il en soit du point de départ, il faut d’abord choisir ou retenir la Parole, car c’est elle qui va structurer la célébration, et c’est d’elle que nous allons partir pour construire la liturgie. C’est pourquoi il est nécessaire de lire les textes, de les creuser à partir des notes et commentaires, d’essayer de les comprendre au mieux. Ils doivent demeurer des textes –guides, et non pas devenir des prétextes plus ou moins accommodés à notre sauce.

2.  Autour du texte – respecté et bien lu-, on peut construire une célébration qui comporte les éléments suivants :

-  Le signe de la croix, ainsi que la bénédiction finale, pour donner le ton trinitaire.

-  Des chants et des musiques qui apportent des éléments lyriques en lien avec la Parole ou le thème, sans oublier le riche trésor des psaumes qui sont les chants naturels d’accompagnement de la Parole.

-  Des prières, qu’elles proviennent du trésor liturgique de l’Eglise ou de compositions plus libres, avec toutes les couleurs qu’elles peuvent comporter, suivant les circonstances (supplication, louange, actions de grâces, cris de plainte ou de confiance, etc…)

-  Des gestes variés, à saveur liturgique, qui illustrent la célébration, à commencer par la procession, l’encensement, la mise en évidence de la Bible, la venue d’icônes, les décorations florales et lumineuses, les images, des objets symboliques, etc…    

-  Des gestes plus actualisés –voire plus personnalisés- peuvent aussi prendre place dans la liturgie. Mais il faut se souvenir qu’ils doivent être en lien avec la Parole ou le thème. De même pour les objets, qui doivent rester clairement symboliques et donc lisibles dans leur signification.

Points d’attention

-  Il vaut mieux une sobriété significative et parlante, plutôt qu’une surabondance qui aboutirait à du remplissage sans relief. Toute surcharge nuit à la bonne ambiance et à l’accueil intérieur, et finit par lasser au lieu d’édifier.

 -  Les divers sens de notre humanité doivent être mis au service de la Parole dans ses expressions et ses réalisations. Il faut éviter le pur « cérébralisme ».

-  La place du silence est essentielle, surtout lorsque la célébration a été vibrante et sonore, car l’équilibre des sens et des ambiances favorise l’intériorisation, comme la juste expression. Il y a un temps pour tout.

-  Les techniques modernes multiplient les formes d’illustrations et d’expressions. Mais il ne faut pas céder au cinéma faussement liturgique. Par ailleurs, il faut bien maîtriser ces médias, les éprouver avant la célébration, afin qu’ils servent la Parole au lieu de nous distraire inutilement, surtout en cas de panne !

                                                                          Claude Ducarroz




Méditation du Vendredi Saint


Homélie du Vendredi-Saint 2013

Cette fois, c’est la fin. Encore un mince filet de force, comme les dernières goutte d’eau qui glissent sur le sable brûlant de l’aridité et de la douleur.
C’est là qu’il va puiser un extrême élan de courage pour exprimer ses dernières paroles encore audibles, avant le râle, avant l’étouffement, avant le silence.
Seulement quelques mots arrachés au fond de sa gorge sèche, pour nous délivrer son message final, son suprême testament.

1.  C’est d’abord l’Eglise qui est visée, et donc nous. C’est qu’elle est là, tout près de lui, au pied de la croix, l’Eglise dans sa concentration la plus fragile et la plus intense à la fois. Ils sont seulement quelques uns, surtout des femmes, le minimum communautaire. Entre autres un homme et une femme, la mère courage et l’ami rescapé de la peur, la toute sainte laïque et l’apôtre en ministère : la quintessence de l’Eglise au Golgotha du monde.
Et que dit Jésus ? Il les donne l’un à l’autre, il les rend définitivement solidaires, il en fait une communauté fraternelle. Femme, voici ton fils ! Marie reçoit l’Eglise en cadeau d’alliance. Voici ta mère ! L’Eglise devient mariale dans les noces de sa naissance.
Et désormais, c’est la cohabitation –plus encore, c’est la communion- qui fera l’Eglise : les vrais disciples prennent Marie chez eux. C’est dans nos maisons qu’elle se sentira à la maison. Nous serons bien avec elle, tout en étant chez nous, dans cette demeure ecclésiale, sous le regard de Jésus, avec la variété des charismes et des services tout ruisselant d’évangile pascal.


2.  Il a soif. La soif banale de l’agonisant. Mais une autre aussi,  profonde et vaste comme l’océan. Dans le miroir de son Père, Jésus contemple toute l’histoire, l’immense horizon du salut. Ses yeux de fièvre embrassent toute l’humanité. Le temps s’estompe, les siècles défilent. De la création à la parousie, c’est un seul battement de son cœur, un seul baiser d’amour pour la multitude.
Il a soif de nous, et son souffle ramène à lui et en lui tous les enfants de Dieu dispersés, dans une divine respiration. Oui, le souffle, l’Esprit, jusqu’à ce qu’il le remette dans la confiance entre les mains de son Père et le transmette à nous dans l’espérance d’un improbable accueil.
Il regarde encore. L’humanité de beautés et d’horreurs, de lumière et de ténèbres, le monde tel qu’il est -ou plutôt tel que nous l’avons fait- dans le creuset de nos merveilles et de nos tragédies mélangées.  Il est là, notre monde,  dans ceux qui regardent de loin, ceux qui rient, ceux qui hochent la tête, chez ces soldats qui s’amusent, chez ces autorités qui écrasent sous toutes les violences, aujourd’hui comme hier. Mais aussi, là, dans ces femmes qui pleurent et qui prient, dans toutes les Madeleine de toutes les conversions, dans les Simon de Cyrène de toutes les compassions, dans les centurions de toutes les confessions de foi –Vraiment celui-ci était le Fils de Dieu- . Et jusque dans le contraste de ces deux larrons, les deux faces de la liberté humaine, que seul un amour infini peut encore rattraper au bord du dernier souffle pour un premier partage : Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis. Et l’autre avec, espérons-le.
Il fallait une divine soif pour que coule d’un cœur ouvert par l’amour, sur eux et sur nous, tant d’eau baptismale et tant de sang rédempteur.

3.  Maintenant c’est la fin. Tout est accompli. Aux yeux de ceux qui ont mis en scène le cruel spectacle de la croix, c’est terminé, tout simplement. Ils sont soulagés. Jésus de Nazareth est mort, bien mort. Même pas besoin de lui briser les jambes pour achever cette œuvre d’extermination.
 Mais pour Jésus, c’est tout autre chose. Tout est accompli parce qu’il a mené jusqu’au bout sa mission de salut, celle que le Père lui avait confiée dès son entrée dans le monde. Maintenant, il a terminé sa tâche, en laissant s’échapper les dernières gouttes d’une tendresse jusqu’au boutiste. Car il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux et celles qu’on aime. Et c’était nous. Et c’est encore nous.
Tout est accompli, et pourtant il accomplit encore. Oui, dans les paroles qu’il nous adresse encore par son évangile de feu, dans ses sacrements qu’il célèbre encore pour la gloire de Dieu et le salut du monde, dans cette eucharistie qu’il nous demande de refaire en mémoire vive de lui.
Et dans toutes les rencontres aux couleurs variées de l’amour, dans les couples, dans les familles, dans les engagements sociaux, entre les Eglises, les religions, les peuples et les cultures, chaque fois que brille au firmament du monde l’arc-en-ciel de la paix, ou ne serait-ce qu’une seule étoile illuminée par le soleil de Pâques, un dernier soupir qui sorte de son corps livré.

Puis, inclinant la tête, il remit l’Esprit.



Claude Ducarroz



jeudi 28 mars 2013

Homélie du Jeudi-Saint


Homélie de Jeudi Saint 2013


Jeudi Saint : un multipack d’amour. « Car Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Un feu d’artifice de cadeaux, avec une merveilleuse concentration ce soir, la veille de sa mort.

D’abord lui-même, sa présence en personne, lui qui nous a promis d’être là au milieu de celles et ceux qui se rassemblent en son nom. Jésus, c’est le don de Dieu par excellence, le présent du Père toujours présent. Comment avec lui, se demandait l’apôtre Paul, Dieu ne nous aurait-il pas tout donné ? Il l’a fait !
Et cette grâce de Dieu faite homme nous arrive le cœur débordant et les mains pleines, aujourd’hui encore.

Il nous parle encore. Oui, il nous adresse la parole, comme un ami parle à un ami, à travers le murmure de ses confidences recueillies dans la Bible pour être sans cesse répétées à l’oreille de notre cœur. Personnellement et en communauté.

Et puis il pousse jusqu’au partage suprême, comme sur la croix bientôt. Qui pourrait aller plus loin, et surtout plus profond, que celui qui nous offre son corps livré et son sang versé pour inventer une merveilleuse communion entre lui et nous ? Dans l’eucharistie se réalise une rencontre de type conjugal puisque, en absorbant le pain et le vin consacrés dans notre pauvre corps –« Prenez, mangez, prenez, buvez… »-, Jésus nous promet qu’il demeure en nous et nous en lui. Quoi de plus intime, même si ça reste infiniment mystérieux du moment que c’est une affaire d’amour, à la mesure de Dieu lui-même ?

Il faut des personnes de service pour mettre à la disposition de tous la parole et le pain de la vie divine. Alors c’est un bouquet de ministères et de charismes.
Certains sont ordonnés, comme les évêques, les prêtres et les diacres, les premiers serviteurs de la communauté, à plein coeur et souvent à plein temps. Ces « intendants des mystères de Dieu », comme les appelle saint Paul, sont très précieux et même indispensables pour présider au partage pascal sur la table eucharistique.

Sachons remercier le Seigneur pour ceux que le Seigneur nous a envoyés et nous envoie encore, depuis le nouveau pape jusqu’au dernier vicaire en passant par notre jeune évêque. Et comme il nous faut continuer de prier pour que de tels ministres soient encore plus nombreux, peut-être par des chemins nouveaux dans leur vocation et leur formation, ainsi que l’Eglise a su l’imaginer jadis ou ailleurs.

Heureusement, au service de l’eucharistie, il n’y a pas que les prêtres.
Nous apprécions, surtout dans notre magnifique cathédrale, les hommes et les femmes qui préparent, servent et embellissent nos liturgies, assurent des accueils, maintiennent une ambiance à la fois de beauté et de recueillement.
 Il nous faut saluer et remercier celles et ceux qui, dans les lieux de souffrance et de solitude, vont apporter le réconfort de la parole de Dieu, de la  présence eucharistique et de la prière grâce à leur visite fraternelle selon l’esprit de l’évangile. Grâce à elles et à eux, les hôpitaux et les homes, les chambres des malades et même les prisons deviennent des lieux eucharistiques.

Oui, faites tout cela en mémoire de moi, redit sans cesse Jésus à celles et ceux qui servent le mystère eucharistique de toute leur foi, de tout leur amour, de toute leur disponibilité.

Mais ce soir surtout, n’oublions pas un autre trésor encore. Car Jésus emploie à son sujet presque la même formule que pour l’eucharistie elle-même : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns les autres … comme j’ai fait pour vous. »

Que serait l’eucharistie s’il n’y avait pas aussi le lavement des pieds ? Ce n’est pas un hasard si ces deux gestes sont ainsi liés l’un à l’autre dans la grande démonstration d’amour de Jésus la veille de sa mort. Ne séparons jamais ce que Jésus a si bien uni.

Tout ce qui est vécu sous la forme du service dans l’esprit du lavement des pieds, c’est l’eucharistie qui se prolonge, c’est le même amour qui se diffuse, c’est la même présence mystérieuse qui rayonne. Une autre forme de présence réelle puisque Jésus nous a dit : « Tout ce que vous faites à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. »

Et que ce soit notre bonheur, une joie à double face, selon cette promesse de Jésus juste après la première eucharistie et le premier lavement des pieds : « Sachant cela, heureux serez-vous, si vous le faites. »
 Oui, comme un cadeau reçu, comme un cadeau partagé.

                                               Claude Ducarroz

samedi 23 mars 2013

Petite homélie pour les Rameaux


Homélie des Rameaux 2013

La foule. Et dans cette foule, un homme. Très entouré mais seul : Jésus de Nazareth. Juché sur un âne, voici le roi. Du moins si l’on en croit les cris de cette foule : « Béni soit celui qui vient, notre roi. » A quoi pensent-ils, ces gens qui étendent leurs vêtements sur le chemin ? A une victoire politique ? A une libération sociale ? A une domination religieuse ? On peut les comprendre puisque leur pays est occupé par une puissance étrangère, et qui plus est, païenne.

Mais Jésus voit plus haut et plus loin. Il est venu pour sauver le monde, tout le monde, par les énergies de l’amour et non pas de la violence, par une dynamique qui conduit au Royaume de Dieu et non pas à l’impérialisme terrestre. Il est venu au nom du Seigneur de la vie, quitte à payer cette bonne nouvelle au prix de sa propre vie. Ainsi sera.

La foule, encore elle. Peut-être la même. Et Jésus devant elle, plus que jamais tout seul. Elle crie de plus belle, tout le contraire d’avant : « Crucifie-le ! Crucifie-le » ! « Et Pilate décida de satisfaire leur demande… Il livra Jésus à leur bon plaisir. » Le roi est là. Couronné d’épines, un roseau de dérision dans la main en guise de sceptre, le manteau pourpre sur ses plaies béantes.

Et soudain éclatent sa vraie royauté, l’autorité de sa
miséricorde : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Et aussi la puissance de sa confiance en Dieu : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » L’évangéliste ajoute : « Tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle s’en retournèrent en se frappant la poitrine. » Peut-être la foule a-t-elle enfin compris.

Prochain épisode, toujours la foule, au matin de Pentecôte, quand la joyeuse nouvelle de la résurrection de Jésus commencera à bouleverser l’humanité par la communauté de l’Eglise apostolique. Et Pierre debout avec les Onze, devant la foule internationale.

Et nous y voici. La foule, encore elle. Sur le balcon, là-haut, un homme seul vêtu de blanc, humblement prosterné, qui demande le silence pour prier. A cause de ce Jésus de Nazareth, celui de la croix et celui de la pâque, il se présente en serviteurs des serviteurs de Dieu. Pas dans le triomphe d’une Eglise qui serait au dessus de l’humanité, mais dans la modestie d’un homme qui veut imiter François d’Assise, le petit pauvre, ami des pauvres, pour mieux suivre Jésus et donner envie de le suivre.

Avec la croix, jusqu’à la pâque, dans les douces et fortes impulsions de l’Esprit.

                                               Claude Ducarroz




Réflexion sur la paroisse


Rôle et responsabilité dans la paroisse à la lumière du concile Vatican II


La paroisse

A- Définitions

1- Que signifie le terme "paroisse", en général?
Le mot "parokia" (paroisse) désigne ceux qui sont "proches des maisons". Ils ne sont pas dedans mais à côté, de passage mais en lien avec ceux qui sont dedans. Une paroisse, c'est un lieu où la fraternité chrétienne s'ouvre sur d'autres fraternités. On est auprès des gens. La paroisse n'est pas un château-fort, mais une présence de proximité. C'est une maison dans laquelle on peut se sentir tout à la fois un peu "étrangers" mais en même temps très proches les uns des autres. Une maison qui nous accepte à l'intérieur mais aussi à l'extérieur.

2- Comment définit-on la paroisse dans le Nouveau Testament (NT)?

Les Epitres de Paul sont très éclairantes à ce sujet. Paul s'adresse aux chrétiens de son temps:

-       Il y a d'abord la maison d'une personne: "Saluez Nympha et …l'Eglise qui se réunit dans sa maison" (Col 4,15),

-       Puis il y a ceux qui s'assemblent dans la maison, autour d'une famille: "Saluez    Prisca et Aquilas, mes collaborateurs en Jésus-Christ, saluez également  l'Eglise qui se réunit chez eux" (Rm 16,3)
On voit donc, à travers les lettres de Paul, des constellations communautaires variables, en croissance, d'où émergent peu à peu des fonctions, des services. Une personne a des capacités particulières, on la désigne, on la présente au Seigneur, parfois on l'élit. C'est une réponse aux besoins, dans l'esprit de l'Evangile. On y découvre Paul comme « pontife », celui qui crée des ponts entre les communautés.

-       Un peu plus tard, il écrira "imitez les Eglises du Christ qui sont en Judée", ça devient une région. Le caractère ecclésial s'agrandit par cercles  concentriques. Paul est l'agent de liaison qui rassemble toutes les Eglises qu'il a fondées, en un vaste réseau. Cela devient l'Eglise universelle, une Eglise faite d'Eglises. Mais toujours, il parle de: l'Eglise de Dieu ou de l'Eglise du Seigneur.
Peu à peu émerge un beau mystère qui nait tout petit au départ, devient de plus en plus vaste jusqu'à embrasser l'Eglise universelle. Et ça redescend, à l'étage inférieur, vers le Peuple de Dieu, dans un va-et-vient continu entre la tête et la base. Fondé sur l'expérience juive -"vous êtes le Peuple de Dieu“- ce "Peuple de Dieu" devient le Corps du Christ. Il y a transfert de l'Israël à l'Eglise universelle.

-       Chez Paul prédomine le souci de ne pas perdre l'Incarnation, à un niveau modeste. Chacun est un membre du corps du Christ, depuis celui qui a un rôle très visible jusqu'aux humilités les plus cachées : chacun exerce un service différent.
Dans le NT on ne parle pas d'église-bâtiment, cette notion apparaît seulement depuis Constantin. Mais la "maison" s'édifie. C'est un chantier où ça bouge, avec un architecte: Dieu, des ouvriers qui bâtissent, un fondement: la Parole de Dieu. Et le temple, c'est vous. Ce temple est sacré: c'est vous qui êtes tous "sacrés".

En résumé, on constate  toute une vitalité dans le NT.
Nympha, un individu: sa maison
Prisca et Aquilas: un couple, leur maison, une maison qui s'ouvre.
Puis, la Judée, une connexion dans une région Et ça monte en mystique, en mystère: du Peuple de Dieu au Corps du Christ et au corps mystique.
La paroisse est l'une des institutions qui "tient" dans le contexte de ce terreau, de ce mystère. Elle organise une manière de faire Eglise qui évolue, qui a un passé et un avenir.
C'est dans cette mer que nous devons nager pour faire surgir nos communautés paroissiales. Ce n'est pas un concept sociologique mais théologal! Cela nous donne de la liberté pour l’adapter, dans l'histoire, en restant fondés sur des racines. Nous sommes donc tous héritiers et acteurs d'un grand mystère ecclésial dont la paroisse est un élément important.

3. Comment définit-on la paroisse dans les documents récents de l'Eglise universelle?

Jean XXIII
C'est le poète-paysan. Il présente la paroisse comme la fontaine au milieu de la place du village, où chacun vient puiser l'eau vivifiante de l'Evangile. Une fontaine, tout le monde peut venir y puiser. Mais plus important que la fontaine, c'est l'eau, l'Evangile. On boit l'eau, on ne mange pas les tuyaux! Maintenant dans les grandes paroisses citadines, c'est plus difficile de comprendre une image aussi "villageoise".

Concile Vatican II
Le concile met l'accent sur un apostolat communautaire qui insère toutes les individualités, toutes les diversités humaines dans l'Eglise universelle. Toutes les diversités humaines, cela signifie que le tout-venant doit pouvoir se sentir à l'aise, pas d'exclusion! Il s'agit de diversités en lien, en réseau. Ce n'est pas une secte: on y pratique un accueil plus large que la petite communauté centrale, on y forge une communion.
Ça fonctionne comme le cœur: il reçoit le sang qui est ramené au centre du corps et le renvoie aux extrémités. Il faut 2 mouvements: recevoir et renvoyer, sinon c'est la mort. Dans la paroisse, il faut ce fonctionnement du cœur, un fonctionnement cordial. Mais, cette paroisse cordiale, il faut la vouloir, la préparer, l'imaginer, en donner les signes. Là où c'est cordial, on se sent bien et le cardiaque va mieux.

Paul VI
Il présente un programme aux paroisses. C'est à elles de pratiquer avec dévouement l'humble fraternité des œuvres, de créer la communauté, de favoriser la prière et la louange, de témoigner de l'Evangile en le faisant rayonner, de diffuser la parole de Dieu, de l'annoncer en la vivant. Un programme qui se retrouve dans toutes nos paroisses avec des accents différents. Attention, dès qu'on se croit Eglise, on se prend pour l'Eglise! Mais il y en a d'autres qui sont Eglise. Quand on dit que l'Eglise c'est nous, pense-t-on aussi aux autres? La paroisse n'est pas la propriété privée du curé, c'est la fontaine du village, même en ville!
D'autres images encore pour insister sur la pluralité, la diversité, car il y a pluralité des questions et pluralité des réponses: c'est l'arc-en-ciel, c'est multicolore. C'est difficile de garder le pluralisme des offres qui correspond au pluralisme des besoins. La paroisse doit pouvoir jouer avec toutes les couleurs. Il peut y avoir une couleur dominante, comme dans un vitrail, mais pas une seule couleur.
La paroisse est une famille avec plusieurs enfants, non une "paroisse-célibataire"; il faut faire de la place autour de la table pour tous.

Jean-Paul II
Il aime à répéter "la paroisse, c'est l'Eglise elle-même qui vit au milieu de ses fils et filles". Maison de famille, fraternelle et accueillante, communauté de foi. Mettre l'Eglise au milieu du village, c'est bien, mais ce doit être le signe d'une paroisse avec une pastorale de proximité. La proximité ne peut advenir que par l'engagement de plusieurs, de beaucoup. C'est nous, on en est responsable,  on en est les porteurs. L'incarnation est ce qui donne chair, ce qui donne vie. S'il n'y a pas la pluralité des services, des manières de faire, des ministères, c'est boiteux et on tombe, c'est difficile d'avancer.
Le prêtre n'est pas un homme orchestre, il doit devenir le chef d'orchestre qui vérifie que chacun puisse jouer son instrument. Il y a des chefs d'orchestre autoritaires et d'autres qui sont heureux de voir que chacun joue bien sa partition, qui sont reconnaissants à leurs musiciens de bien jouer, harmonieusement.

B- Les missions de la paroisse
On ne parle pas de monopole mais de service!

1-   Le témoignage de l'Evangile

-   rayonner l'Evangile, ce n'est pas d'abord l'Eucharistie mais d'abord l'Evangile. Paul a commencé par la parole de Dieu annoncée et diffusée.

-   annoncer la parole de Dieu, en la vivant. Ça commence par l'annonce dans la famille. Lorsque la parole de Dieu circule quelque part, la paroisse est en germe. Les mamans catéchistes, les visiteurs de malades qui lisent un petit bout de la Parole aux personnes visitées, c'est l'irrigation, la sève de la communauté chrétienne. Lorsqu'on se réunit autour d'une Parole, ça vit.

Il est probable qu'émergent bientôt des communautés qui ne pourront se rassembler régulièrement qu'autour de la Parole, en attendant que l'Eucharistie puisse être célébrée plus occasionnellement.  Sans rassemblement autour de la Parole, il n'y aurait vite plus de rassemblement du tout, car la communauté s'étiolerait. Il faut se préparer à une irrigation des paroisses par la Parole, c'est l'avenir. C'est donc une adaptation du modèle paroissial qui doit pouvoir se vivre aussi et qui n'est pas moins "chrétien".

Le Christ honore également deux tables, ou plutôt les deux côtés de la même table. Le Christ se donne, s'offre et nous nourrit par le Pain et par la Parole. Dans une messe il y a les deux côtés. On peut vivre des petits rassemblements autour de la Parole, même en famille.
C'est moins structuré mais c'est toujours l'eau de la fontaine.
A moins d'un changement de politique de l'Eglise concernant l'accès à la prêtrise, il y aura de moins en moins de prêtres. Alors nous devons tous œuvrer à garder la vitalité de l'Evangile à travers la transmission de la Parole.

2- Le beau service de la liturgie, de la célébration

La messe, c'est la Source, le Sommet. On est des privilégiés de l'Eucharistie, chez nous. Apprécions la, faisons-en une fête. Mais la réalité fait qu'on ne pourra plus exiger partout une messe par week-end. Là où ce cadeau existe, raccrochons-nous, rassemblons-nous autour. Mais ne soyons pas des "égoïstes" de l'Eucharistie, il faut pouvoir la partager. Vouloir des messes partout, c'est tuer les prêtres et tuer les communautés si elles ne savent pas se réunir autrement.
Dans la messe, l'important est de vivre aussi la fraternité, la fête de famille. Il ne s'agit pas d'un rassemblement de solitudes sacrées. Ce n'est pas la quantité des messes qui fait la beauté de l'Eglise, mais la qualité du rassemblement festif et solidaire. Il faut un minimum de préparation, de beauté, d'animation. Il ne s'agit pas d'un objet commercial, on fait du signe et on en vit!
Il y a aussi des gestes et des vies qui parlent plus que des paroles. Ce qui est beau pour un prêtre, c'est de pouvoir aller à la pêche à la sainteté chez les gens. Il admire souvent ce qui se vit autour de lui.

3- Le service de la diaconie

La paroisse n'est pas purement spirituelle, on n'est pas des anges. Elle doit être profondément enracinée dans le milieu, se manifester dans des solidarités gratuites. Le rayonnement de l'amour est gratuit, mais il faut organiser des solidarités sociales et cela peut se faire avec d'autres, pas seulement avec des catholiques ou des chrétiens.

La diaconie est une des dimensions de la paroisse, qui reconnaît le Christ dans l'autre. Les incroyants qui exercent ce service avec nous ne savent peut-être pas reconnaître le Christ, mais ils agissent et ils le reconnaîtront probablement plus tard. C'est tout un peuple qui s'organise pour "communier" dans l'amour du prochain pauvre, rejeté, souffrant; qui s'humanise, inspiré par le Christ, en collaboration avec d'autres et qui reconnaît le Christ dans l'autre. On n'a pas à choisir ses pauvres, ce sont eux qui nous choisissent et nous évangélisent.

Conclusion

En 1992, le Catéchisme de l'Eglise catholique définissait ainsi la paroisse : "La paroisse est une communauté précise de fidèles qui est constituée d'une manière stable dans une Eglise particulière, et dont la charge pastorale est confiée au curé, comme à son pasteur propre, sous l'autorité de l'évêque diocésain. Elle est le lieu où tous les fidèles peuvent être rassemblés par la célébration dominicale de l'Eucharistie. La paroisse initie le peuple chrétien à l'expression ordinaire de la vie liturgique, elle le rassemble dans cette célébration; elle enseigne la doctrine salvifique du Christ; elle pratique la charité du Seigneur dans des œuvres bonnes et fraternelles". No 2179

C'était il y a 20 ans! A cette époque, on pouvait dire en général :"chaque paroisse a son curé". Ce n'est plus le cas. Il nous incombe donc de nous adapter pour que les communautés restent vivantes.

Ausculter le village
Revisiter les maisons pour revisiter les personnes

1- Le constat

La religion semble s'effacer dans la civilisation occidentale aujourd'hui. Benoit XVI constate : "L'Europe est fatiguée du christianisme".
On sent un mouvement qui voudrait que les activités humaines volent de leurs propres ailes sans avoir le regard du "Commandeur". On veut avoir son appartement religieux à soi, comme des ados qui veulent s'émanciper de leurs parents, être libres!
Cela entraine une perte d'influence de l'Eglise et des croyants qui paraissent marginalisés, étranges, "étrangers".
Se laisser réduire au silence est une mauvaise tentation. On a le droit d'exister, de parler. On a la carte de l'Evangile à jouer, à nous de la jouer.
Plus qu'une disparition du religieux c'est une redistribution du religieux. On redistribue les cartes, on les re-brasse. Autrefois, elles étaient données au moment de la naissance.
Les institutions souffrent parce qu'on met en priorité l'individualisation de la religion. On se fabrique sa religion à soi, on remplit son caddie à volonté, à la carte, selon des circonstances variables, on prend et on laisse ce que l'on veut. On est dans le bricolage, le braconnage, le zapping… Les jeunes ont une fascination du zapping. On est auteur de son propre chemin de vie, on ne veut pas se laisser embobiner par une structure, une autorité.
On a besoin de spiritualité, de valeurs mais on veut se les faire provisoirement, plutôt que de les recevoir définitivement. La religiosité qui m'aide à me réaliser, qui me fait du bien, remplace la religion. Est vrai ce qui me fait du bien, immédiatement. "je préfère le vin d'ici à l'au-delà (l'eau de là!)" On cherche la bonne ambiance, (c'est devenu le Saint-Esprit !). Le besoin d'affectivité, d'émotions domine, loin des systèmes figés, avec des prétentions universelles. De plus il y a le climat issu du bain "électronique", les tablettes, les I-phones….

Tout va très vite

L'Eglise catholique paraît dépassée avec ses traditions morales, liturgiques anciennes et importantes, son souci de recevoir, conserver et transmettre son système hiérarchique fort, autoritaire, sa prétention à l'universel, à la vérité et sa référence à Dieu.
La société veut aujourd'hui une religion de tolérance. Le choc des mentalités, des civilisations provoque la remise en question de nos institutions religieuses.
Il ne s'agit pas de s'adapter au monde dans un sens facile, mais infidèle. Il faut être dans le monde sans être du monde.
Edifier au milieu du village et pas sur les montagnes!

2- L'action

a) Un témoignage fort

Un témoignage fort pour faire connaitre et souligner les vérités éternelles, car elles existent! Nos églises (toutes les Eglises chrétiennes) n'ont pas toujours appliqué l'Evangile, mais elles n'ont pas changé l'Evangile! Jamais!

Paul VI l'a constaté "les gens d'aujourd'hui ont besoin de maîtres mais encore plus de témoins". Les jeunes sont sensibles au vécu des gens, à leur témoignage dans leur vie. On a des saints aujourd'hui, connus ou inconnus. Nous pouvons tous être témoins, avec la force et la grâce de l'Esprit-Saint que nous devons demander pour que nos paroles soient solides et crédibles.

b) Le débat et les conditions à créer

Notre société a la culture du débat, du dialogue, de la recherche. On remet tout en question. On en parle, alors parlons-en. Il faut de la place, dans nos communautés, pour débattre, réfléchir à ce que nous croyons et oser en parler avec d'autres sans avoir peur que nos vérités se brassent avec les vérités des autres qui ont aussi le droit d'avoir leurs propres opinions.

-       Ménager des espaces où on peut exprimer sa foi (ce qu'on croit face à d'autres qui croient autrement, qui sont différents) tout en respectant leur liberté, leur conscience, leur droit à la liberté et à la liberté de conscience. C'était plus facile autrefois: il n'y avait qu'à suivre, c'était plus confortable. La conscience est un sanctuaire, un espace sacré, où chacun est en face de Dieu et en face de lui-même, en dialogue avec Dieu.
-       S'efforcer de créer des liens qui ne soient pas des chaînes! Des liens tellement bons qu'ils n'aient pas le défaut des chaînes, qui nous permettent d'être reliés (religion) et non enchaînés.
-       Offrir des références attirantes qui construisent, qui ouvrent plutôt que d'enfermer dans des appartenances, (un fichier, une cartothèque, un membre obligatoire et obligé!). Non appartenir, mais participer.

On est dans le brassage. L'internet va dans le monde entier en 1 seconde. Les héritiers (nos enfants et petits enfants) sont désormais des pèlerins avant d'être des convertis. Nous étions des héritiers, des sédentaires qui recevaient, acceptaient. Maintenant, les héritiers deviennent des pèlerins, des nomades. Ils veulent chercher, découvrir, redécouvrir, avant  de devenir des convertis, des convaincus. Tout est en mouvement!

3) Qu'est-ce qui reste, actuellement, dans notre société?

On peut distinguer 3 couches:

-                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Une "chrétienté" qui se rétrécit: le petit reste des convaincus, pratiquants qui trouvent dans l'Eglise de quoi donner un sens à leur vie.
-                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Le "christianisme", ceux qui sont plus ou moins participants, sur mesure. Ils prennent la communion, le mariage, ce qui "leur fait du bien", mais appartiennent peu à la communauté. "Croyants non pratiquants", ils sont des membres passifs qui ne veulent pas être "affiliés" à l'Eglise.
-                                                                                                                                                                                                                                                                                                      La "christianité" ceux qui sont influencés par l'Eglise et son rayonnement sans être en lien avec elle. Ils restent sur la "plage" mais la marée les atteint parfois. Ils sont encore de l'Eglise, ils en vivent sans le savoir.

Ces trois degrés sont l'œuvre du Christ qui s'accomplit. Le rayonnement du Christ a touché les foules, pas seulement les disciples et les apôtres.


Ceci nous incite à changer de regard

porter sur le monde un regard fraternel, (comme l'a fait le Concile), y compris sur ceux qui ne sont pas de notre famille, n'accepteraient pas d'y entrer formellement, mais y sont plus qu'ils ne croient.

porter sur la paroisse un regard neuf. Les conditions, en 2012, ne sont plus celles de 1992. La paroisse ne peut plus encadrer toute la vie et toutes les vies. La paroisse impérialiste: tout était en elle et passait par elle, c'est fini! C'est une communauté réduite des convaincus avec des "autres" qui peuvent continuer à bénéficier des lumières, des chaleurs de l'Evangile, même sans le savoir.




Les conditions pour réussir ces nouvelles paroisses

a ) Il faut apprendre à :

respecter la mobilité physique et intérieure des "plus ou moins détachés – reliés" (le christianisme)

miser sur des moments forts, avec de la créativité et des signes qui parlent

soigner ces points forts: liturgie, fêtes, traditions villageoises, des rendez-vous significatifs qui frappent par la beauté, la fraternité de ce qui s'y vit, pour que les "autres" (la christianité) puissent continuer à bénéficier des lumières, du bonheur, de la chaleur de l'Evangile, même s'ils ne le reconnaissent pas.

b) Reconnaître les tâches, les missions essentielles de la paroisse:

nourrir ceux qui viennent par la prière, par l'homélie soignée, solide dans la vie, basée sur l'Evangile,

accueillir ceux qui passent, par l'information, le panneau d'accueil, le bulletin paroissial, une entrée de l'église soignée et attirante,

renvoyer vers ceux qui sont au loin. C'est la dimension missionnaire, on est aussi là pour ceux qui sont loin. Continuer de venir, sans accepter d'être envoyés vers les autres, c'est tout faux!

Faire attention à ceux qui passent, si on les culpabilise, si on leur reproche leur peu de présence, c'est le contraire de ce que faisait Jésus.

c) Offrir à tous un espace dans une mentalité d'accueil.

avoir le souci de faire signe plutôt que de faire nombre

reconnaître la pluralité des ministères et des charismes.

l'Eglise est comparable à un orchestre symphonique dans lequel chacun joue sa partition dans la variété des charismes. L'Evangile est la symphonie du Christ au cœur du monde.

    Dans le petit orchestre de la paroisse, le curé est comme le chef d'orchestre ou le 1er violon qui prend en compte la pluralité des compétences de chacun et crée des liens. Chacun a sa place, son petit coin, mais il n'y a pas de "petit coin" pour l'Evangile.

Conclusion

Avec un noyau fort, intense, une vie spirituelle partagée, bien enracinée, on peut avoir des communautés parlantes (l'Evangile est transmis), rayonnantes (l'amour existe entre nous et déborde sur les autres), transparentes (à travers nous, les autres peuvent voir la personne du Christ).

Humblement parlantes, chaleureusement rayonnantes pour que les autres reconnaissent le Christ en elles.


Claude Ducarroz                                                                                    Mars 2013