lundi 26 décembre 2011

Homélie 4ème dim. Avent

Quatrième dimanche de l’Avent
18 décembre 2011

Il y a des rendez-vous qu’on ne peut manquer. Par exemple, à l’approche de Noël, le rendez-vous avec Marie, la mère de Jésus. Car au cours de la nuit de Noël, que virent donc les bergers ? « Ils découvrirent Marie avec le nouveau-né ». Ils sont donc inséparables.
L’Eglise aujourd’hui nous propose de remonter, une fois de plus, au commencement. Attention ! le voyage est insolite, et même parfois déconcertant, typiquement à la manière du Dieu des surprises.
N’allons pas à Jérusalem, la grande ville royale. Non. Prenons la route d’une petite bourgade de Galilée, dont on disait alors que rien de bon ne pouvait sortir d’elle.
Et là, entrons dans une modeste demeure, comme les autres. Une jeune fille habite ici. Elle est belle sans doute, car elle est jeune. Mais attention : déjà promise en mariage à un homme du même village, Joseph l’artisan charpentier. Pas de quoi en faire toute une histoire, me direz-vous.

Et soudain, c’est le coup de foudre, le coup de foudre de Dieu pour notre humanité, l’irruption du divin amoureux dans notre condition de misère. Un messager de Dieu entre, non sans surprendre la jeune fille qui est l’objet de la grâce divine. « Je te salue, comblée de grâces… » Marie ne s’attendait pas à une telle déclaration d’amour. Elle en est toute bouleversée, mais sans perdre son sang froid. Car elle demeure assez lucide pour poser des questions, intelligentes même.
Heureusement, le Dieu qui l’étonne jusque dans ses profondeurs de femme n’est pas du genre violent. Au contraire, il est tout en délicatesse, en respect. Le projet d’alliance de Dieu avec l’humanité doit se nouer en elle, tel est le souhait de Dieu sollicitant sa liberté. Oui, Dieu veut devenir plus qu’une parole dans son esprit, mieux qu’un bon sentiment dans son cœur. Dieu veut se faire quelqu’un jusque dans sa chair de femme afin d’être parmi nous, pour la première et dernière fois, l’un de nous, comme nous, au milieu de nous, pour nous. « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils. »

Et ensuite, tout explose dans le mystère. Car c’est la puissance de l’Esprit-Saint qui la prendra sous son ombre ». Et que sera cet enfant, fils de sa chair et pourtant pas tout à fait comme les autres ? « Il sera le Fils du Très-Haut, oui, le Fils de Dieu. »
Marie aurait pu s’effondrer devant des annonces et des promesses si déconcertantes, qui la conduisent à l’orée du mystère même de Dieu, bien au-delà des espérances d’Israël qu’elle partageait sans doute dans sa foi simple et profonde. Mais elle reste debout dans sa dignité, avec toute sa personnalité de femme et de croyante : « Comment ? je suis vierge ». Admirable réalisme d’une fille du peuple qui sait ce qu’elle est et veut aussi comprendre, autant que possible, même avec un ange, même avec Dieu.
Alors l’ange lui donne un signe, encore tout féminin. Sa cousine Elisabeth est enceinte, elle aussi, mais dans sa vieillesse, elle la femme qu’on appelait stérile. Alors la conclusion s’impose : « Rien n’est impossible à Dieu ».

Maintenant Marie s’incline, pas comme une vaincue par la religion, pas comme une humiliée par son Dieu, mais comme une petite servante invitée délicatement à l’extrême confiance, parce que ce Dieu-là est Amour. Un souffle de Dieu l’a effleurée en la touchant comme une subtile respiration d’en-haut. Dieu lui fait un cadeau dont elle ne mesure sans doute pas encore qu’il va changer le cours de l’histoire universelle, sauver toute l’humanité, bouleverser le cosmos, renouveler la face de la terre et des cieux.
Elle est là, toute petite devant une si grande nouvelle, émue par son Dieu qui l’interpelle et l’inspire. Elle lâche prise dans un immense abandon par liberté, ce qu’on appelle la foi : « Je suis la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. »

Et commence en elle une vie inédite ; elle est comblée par une nouvelle présence, charnelle et spirituelle à la fois ; elle est la mère du Seigneur, elle est la maman de Jésus, le Sauveur du monde. « Car le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ». Chair en elle d’abord, en croissance durant neuf mois, parce qu’il voulut naître d’une femme. Parmi nous, parce qu’il est venu pour nous, de Noël à Pâques, en passant par la croix. Et depuis ce jour-là, à Nazareth de Galilée, grâce à la féminine collaboration de Marie, la petite servante du Seigneur, Jésus demeure chaque jour avec nous, comme il nous l’a promis, jusqu’à la fin des temps.

C’est la messe. Nous allons communier. Certains parmi vous ne savent pas ce qu’est l’eucharistie…ou l’ont peut-être oublié. Je pense aussi à vous qui souvent ne pouvez pas communier parce que vous êtes malades, handicapés, âgés, mais qui espérez sûrement recevoir la communion à l’occasion de Noël, peut-être grâce à un ou une ministre laïc.
Communier, c’est participer au mystère de l’annonciation, de l’incarnation. C’est accueillir le Christ, y compris avec son corps emmailloté de pain, dans notre vie béante, telle qu’elle est, avec ses ombres et ses lumières. Si Marie fut le premier tabernacle du Verbe incarné, nous pouvons devenir des réceptacles de celui qui est à la fois le fils de Marie et le fils de Dieu. Prenez, mangez…
Le corps à corps eucharistique est une merveilleuse communion d’amour. Un peu comme Marie. L’eucharistie, la messe : c’est Noël tous les jours.

Claude Ducarroz

vendredi 23 décembre 2011

Homélie pour nos autorités cantonales

Homélie
I Rois 3,5-15


Plus vrai que nature, cet extrait du livre des Rois.

Un roi, Salomon, qui a un songe. Nous n’avons pas de roi chez nous, et nous nous vantons de n’en avoir jamais eu. Mais une autorité qui a un rêve, ça existe sûrement. Vous avez rêvé d’être candidat, puis élus. Et votre premier rêve s’est réalisé : vous êtes là ce matin, les rois et les reines -modestes certes- de notre démocratie helvétique.

Salomon, dans son rêve, s’est mis à prier, car c’est Dieu lui-même qui lui apparut dans la nuit. Dieu dans la nuit, c’est peut-être cela, la foi. On ne croit que dans une certaine obscurité, comme une victoire de la lumière intérieure sur des questions difficiles et des réponses jamais complètement évidentes.
Et Salomon pria. C’est beau, un roi qui prie. Il pria pour demander, comme il arrive encore souvent chez moi, chez vous, chez nous. Mais sa première pensée, qui est tout à son honneur, c’est de songer –c’est le cas de le dire- à ceux qui l’ont précédé. Mieux qu’une mémoire, c’est un mémorial. Bel hommage à son père David, reconnaissance pour celui qui lui a transmis un royaume de prospérité et de paix.
Le rétroviseur de la gratitude, pour le peuple et pour ses autorités antérieures, n’empêche pas d’imaginer un avenir meilleur, non pas dans des rêveries hors-sol, mais justement dans le terrain et le terreau labourés, ensemencés par celles et ceux qui ont œuvré avant nous, ici et maintenant dans le champ de notre canton, avec labeurs et fatigues, avec réussites et échecs, toujours dans la noble ambition de servir le meilleur bien de tout notre peuple.
Fidélité, justice, droiture du cœur : ne pouvons-nous pas mettre des visages sur ces qualités humaines qui font aussi la valeur, voire la grandeur de celles et ceux qui ont porté ou portent encore le poids des saisons et des jours ? Merci : c’est le minimum que nous leur devons, aux Davids des Salomons que vous êtes.

Et voici la prière. Salomon aurait pu demander, comme ce peut être encore une tentation lorsque la politique se décline en terme de combat, voire de guerres, oui demander la victoire de l’un sur l’autre, des uns sur les autres, dans le champ des batailles pour le pouvoir. Oui, solliciter de longs jours au parlement ou au gouvernement, par exemple, pour conjurer le couperet des élections, demander la richesse quand les intérêts particuliers –voire personnels- peuvent griser les ambitieux trop impatients ou trop gourmands.
Et la prière de Salomon fut exaucée, la bonne, la vraie : « Parce que tu n’as pas demandé pour toi de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, je te donnerai un coeur intelligent et sage. » Ce roi exceptionnel -mais, diront peut-être certains, pas très « politiquement correct »-, avait demandé dans sa prière un cœur attentif pour bien gouverner son peuple et savoir discerner le bien et le mal. Il avait même ajouté, réaliste ou idéaliste ? : « Comment, sans cela, pourrais-je gouverner ton peuple qui est si grand ? ».

Je trouve cette prière extraordinaire et pleine d’actualité, qu’en pensez-vous ? vous qui êtes ici comme magistrats choisis par notre peuple et dévoués désormais par serment au service de son bien.

Salomon s’éveilla, et voilà que c’était un songe. Un songe seulement ? Ou une invitation à donner chair et sang à ce beau rêve ? Mieux : une incitation à devenir, tous ensemble -peuple et magistrats- non pas des rêveurs mais des éveillés de la politique, dans le meilleur sens du mot, à savoir des serviteurs et des servantes d’une humanité qui, si elle est plus large que notre petite république, mérite, chez nous comme ailleurs, des hommes et des femmes sages, désintéressés et généreux. Je me permets d’ajouter : des visionnaires d’un avenir à construire sur des valeurs sûres. En somme le développement le plus durable, celui qui coïncide, je le crois, avec les inspirations puisées dans le christianisme et le meilleur de toutes les religions.
Et puis, la prière de Salomon finit si bien, et je crois que là-dessus, nous serons tous d’accord : « Salomon rentra à Jérusalem, il offrit des sacrifices de communion et il donna un banquet à tous ses serviteurs. » Sans oublier les dames, évidemment.

Heureuse législature, joyeux Noël, bonne année…et bon appétit !

23 décembre 2011 Claude Ducarroz, prévôt

samedi 17 décembre 2011

Voeux à mes amis

Claude Ducarroz Noël 2011 - Nouvel An 2012

A mes amis !

Les vœux semblent un rituel presque immuable, au risque de devenir conventionnel.
Croyez que ce n’est pas ainsi que je vous adresse cette lettre qui, malheureusement, a l’allure d’une circulaire. Mais croyez que mon cœur y est, et combien !

En vous redisant ma profonde reconnaissance pour votre si précieuse amitié, je vous prie de recevoir mes vœux chaleureux pour ce Noël et pour la nouvelle année 2012. Nous avons tous besoin de la lumière allumée humblement dans la nuit de Bethléem, celle qui cherche encore son chemin dans notre monde et dans nos vies, au gré de nos invitations dans nos maisons intérieures.

Les années passent. Ma vie est-elle montante ou descendante ? C’est une question que je me pose et je sais que la réponse optimiste ne peut être qu’une grâce venue de Celui qui est la lumière du monde. C’est ainsi que j’envisage l’avenir, non comme une conquête, mais comme un cadeau à recevoir « les mains ouvertes devant toi, Seigneur ».

Il m’arrive, quand je rencontre des contemporains ou même des plus jeunes, d’envier leur statut de retraité, parfois depuis longtemps. Ils en sont si contents. Et moi, dans l’institution-Eglise, je me retrouve encore « employé à plein-temps », alors que je viens d’entrer dans la 73 ème. Je mesure qu’on est prêtre pour toujours, à plein coeur si ce n’est à plein temps, « à cause de Jésus et de l’Evangile », même s’il m’arrive d’estimer qu’un peu de repos serait bienvenu. En cette fin d’année, j’ai lâché quelques tâches afin d’alléger le poids des jours. Je ne suis plus le doyen du décanat de Fribourg, je me suis retiré de certaines institutions, j’ai cessé certaines collaborations par l’écriture.

C’est vrai : l’année jubilaire des 500 ans du Chapitre cathédral risque de remplir largement les vides ainsi créés. Vous pouvez le devinez en lisant le papillon ci-joint qui pourrait même provoquer quelque rencontre entre nous, dans ou autour de notre cathédrale, si vous le souhaitez. Je serai toujours heureux de vous accueillir chez moi, car ce n’est jamais un travail que de revoir de bons amis. D’ailleurs mon rêve serait que j’aie davantage le temps de vous visiter. Je fais ce que je peux. Comprenez-moi.

A part ça, je crois que la santé est encore bonne, même si la septantaine se rappelle à mon souvenir par de petits bobos. Ma grand-mère disait parfois : « Il ne fait pas bon vieillir ». Mais on n’a pas encore trouvé d’autres solutions pour vivre plus longtemps !

Avec amour surtout, avec humour aussi, je vous redis toute mon affection en demandant au Seigneur de vous bénir, vous et les vôtres, dans la générosité de son amour à Lui.







Rue des Chanoines 13 – 1700 FRIBOURG 026 321 27 04 076 317 56 25 cl.ducarroz@bluewin.ch – www.cducarroz.blogspot.com

samedi 10 décembre 2011

Troisième dimanche de l'Avent

Homélie du 3ème dimanche de l’Avent
11 décembre 2011

Tiens, le revoilà. Revoilà Jean-Baptiste. Il était entré dans la liturgie de dimanche dernier par la porte de Marc. Le voilà qui revient par la porte de Jean, l’incontournable Jean-Baptiste.
C’est qu’il n’est pas n’importe qui, ce prédicateur vêtu de poils de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins et son menu quotidien de sauterelles et de miel sauvage.
Pas n’importe qui, selon ce que Jésus lui-même a dit de lui : « Plus qu’un prophète » (Lc 7,26), le plus grand parmi ceux qui sont nés d’une femme (Cf. Mt 11,11), « l’ami de l’époux » (Jn 3,29). Un grand monsieur de l’Evangile puisqu’il fut « envoyé par Dieu pour rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui » (Jn 1,6-7).
Et pourtant aujourd’hui, à l’écouter lui-même en personne, il ne veut surtout pas qu’on le prenne pour un autre. Il est d’abord l’homme des « non ». Ni le Messie, ni Elie, ni le grand prophète. S’il vous plaît : pas de malentendu à son sujet !

Une petite phrase explique à la fois cette touchante humilité et son immense autorité : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. » Jean-Baptiste, c’est l’homme qui n’existe que par et pour un autre qui est plus grand que lui. Il se fait tout petit devant lui puisqu’il « n’est même pas digne de défaire la courroie de sa sandale. » Mais il est pourtant utile et même nécessaire parce qu’il doit aplanir les chemins devant lui et rendre témoignage à la Lumière venue chez les siens.

Tel est le rôle de ce précurseur : ouvrir la route qui mène au Christ, le désigner aux yeux de celles et ceux qui attendaient le Messie et s’effacer devant lui. Car il faut, pour que Jésus grandisse, que son précurseur diminue, jusqu’à conduire ses disciples au seul vrai maître, jusqu’au martyre même. C’est bel et bien ce qu’a fait Jean-Baptiste, le grand témoin de Jésus le Christ.

Comment ne pas reconnaître dans cette figure exceptionnelle, mise en évidence durant ce temps de l’Avent, la mission de l’Eglise, aujourd’hui encore ? On cherche des Jean-Baptiste pour notre temps, et pourquoi ne serait-ce pas toi, moi, nous ?
Après deux mille ans d’évangélisation et de témoignage, Jésus n’est-il pas encore, et même de plus en plus chez nous, ce quelqu’un qui est au milieu de nous et que nous ne connaissons pas, le plus souvent parce que nous l’avons oublié ?

Il se tient là, certes, avec sa parole en écho par l’Eglise dans le brouhaha du monde. Il est bien au milieu de nous avec les signes de sa présence grâce aux sacrements. Discret jusqu’au silence, il palpite pourtant au cœur de celles et ceux qui, à commencer par les pauvres et les malheureux, attendent un geste de solidarité pour se sentir et se savoir aimés par l’Amour majuscule. Depuis le matin de Pâques et grâce à l’Esprit de Pentecôte, le Seigneur Jésus marche sur les sentiers de notre humanité comme un divin passant qui frappe délicatement aux portes de nos consciences et de nos cœurs, en espérance d’invitation et d’ouverture pour partager son repas de fête avec nous, chez nous.

Jésus ne manque jamais. Mais peut-être les Jean-Baptiste manquent-ils aujourd’hui. Il est temps que l’Eglise -je veux dire tous les chrétiens, et donc chacun de nous- retrouve le dynamisme de Jean-Baptiste qui accomplit sa mission en toute humilité certes, mais aussi avec un engagement total, jusqu’au don de sa vie pour Jésus, lui le chemin, la vérité et la vie.

Noël approche. Malgré la crise, qui devrait pourtant nous faire réfléchir et nous ramener à des valeurs plus humaines, nous voyons que s’étale le matérialisme d’une société obsédée par le profit et les plaisirs égoïstes, tandis qu’ailleurs, dans le village mondial d’à côté, des hommes, des femmes, des enfants crèvent de misère jusqu’à mourir de faim, de solitude, de désespoir.

Que dirait Jean-Baptiste dans ce contexte ? Où sont les Jean-Baptiste d’aujourd’hui ? C’est à l’Eglise, aux Eglises, de relever le défi. C’est à nous, les envoyés de Dieu par le baptême dans l’Esprit, de devenir ou redevenir témoins de celui qui se tient anonyme au milieu de nous, le Sauveur du monde.

* Il est la Parole. Il a besoin de porte-parole qui proclament son Evangile comme une bonne nouvelle de libération.
* Il est le Pain et le Vin à partager dans la foi. Il attend de nous que nous soyons certes des célébrants de l’eucharistie, mais d’abord des invitants chaleureux à la table où il se donne encore pour la multitude.
* Il est l’ami des pauvres, des petits, des pécheurs. Il compte sur nous pour démontrer à nos contemporains que la joie consiste en la simplicité de vie, en la satisfaction d’être solidaires et miséricordieux, dans le bonheur d’être ensemble, notamment à Noël, plutôt que dans l’illusion d’avoir beaucoup, et si possible plus que les autres.

Jean-Baptiste : le précurseur du Messie Jésus, mais aussi le précurseur de l’Eglise, l’indicateur de sa mission, l’incitateur à mettre en pratique l’Evangile, le prophète du renouveau de nos communautés chrétiennes.
Tout cela s’est passé à Béthanie de Transjordanie, là où Jean baptisait.
Tout cela peut se passer aujourd’hui, là où nous vivons, en Eglise d’Avent, parce que nous sommes les Jean-Baptiste de notre temps.
Claude Ducarroz

mercredi 7 décembre 2011

Homélie de l'Immaculée Conception

Fête de l’Immaculée Conception
8 décembre 2011

Kékaritoménè… et tout est dit.
Kékaritoménè, c’est le mot grec utilisé dans l’évangile de Luc pour exprimer la salutation de l’ange Gabriel à Marie le jour de l’Annonciation.
Comment traduire ce mot en notre langue française ?
Certains utilisent une phrase entière, par exemple « toi qui as la faveur de Dieu », dans la traduction œcuménique de la Bible.
Plus simplement dans la liturgie, on emploie l’expression « comblée de grâces » ou encore « pleine de grâces », comme dans la récitation traditionnelle du Rosaire.

Qu’est-ce à dire ?
La théologie latine, puis l’Eglise catholique ont traduit cela par le dogme de l’Immaculée Conception, la fête de ce jour, tandis qu’en Orient on préfère nommer Marie la panagia, la toute sainte, ce qui revient pratiquement au même.
La mère de Jésus est resplendissante de sainteté, de beauté, de grâce, justement parce qu’elle est la mère du Christ, le fils de Dieu fait homme.
Et laissons aux théologiens subtils le soin de fouiner dans les détails pour exprimer finalement une vérité très simple. Marie est la femme parfaite, la nouvelle Eve, celle que Dieu a préparée depuis toujours pour devenir la digne mère du Sauveur du monde. Et la première sauvée, c’est justement elle.

Alors que faut-il retenir pour nous du mystère de Marie qui, par certains côtés, est évidemment unique et exceptionnel. Jésus n’a eu qu’une seule mère, et c’est Marie de Nazareth. Encore que…
Dans les trois évangiles synoptiques, on raconte comment Marie et la famille proche de Jésus sont venues le rejoindre pour le voir et lui parler. Et Jésus répondit : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique. » (Cf. Lc 8,21). Et il promena son regard sur ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, à savoir ses disciples.

Quelque part, certes imparfaitement, nous sommes donc impliqués dans le mystère de l’Immaculée Conception, surtout si l’on utilise comme fil conducteur de notre réflexion l’évangile de l’Annonciation retenu pour la liturgie de cette fête.

Qu’est-ce à dire ?
D’abord que tout est grâce. En nous, pour nous, tout est d’abord cadeau de Dieu, sans aucun mérite préalable, sans même un désir de notre part. En effet, c’est par pure grâce de Dieu que nous recevons de lui, comme le rappelle Saint Paul, « la vie, le mouvement et l’être. » (Ac 17,28).

C’est ainsi que, en nous aussi, Dieu prépare par une grâce originelle, créatrice, gratuite l’offre de toutes les autres grâces au cours de notre vie. De quoi rendre grâces, par exemple en reprenant le cantique de Marie : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles. Saint est son Nom. » (Lc 1,49).

Et puis les grâces de Dieu –la première et toutes les autres ensuite- ne nous contraignent pas, ne nous forcent jamais, car elles sont une preuve de son amour et non pas une démonstration de sa puissance, ou alors c’est la puissance de son amour.
On le voit chez Marie. La « toute sainte » est infiniment respectée. L’ange lui fait une proposition. Elle a le droit d’être troublée, de poser des questions. Elle peut s’engager librement.

Celles et ceux qui écoutent et accueillent Dieu dans leur vie grandissent en liberté. A l’ombre de l’Esprit, ils abandonnent toute peur –« Sois sans crainte, Marie »- car ils se savent et se sentent invités au oui par l’Amour majuscule.
Celles et ceux qui ont « trouvé grâce auprès de Dieu » peuvent alors s’engager avec joie, comme des servantes et des serviteurs qui font confiance à la parole libératrice.

Leur vie, certes, n’est pas un long fleuve tranquille. Marie en est la vivante démonstration. Mais le bonheur est au bout du voyage. L’Immaculée Conception conduit à l’Assomption dans la gloire. « Toutes les générations me diront bienheureuse », prophétisa Marie.

Notre nouvel évêque nous a révélé qu’il souhaitait nous aider à trouver ou retrouver la joie d’être croyants.
Voilà une expérience mariale, corroborée par le témoignage d’innombrables autres saints.
« Heureuse toi qui as cru », dit Elisabeth à Marie. Et Jésus d’ajouter lui-même, en présence de Marie et en pensant à nous : Oui, « heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique ».
Elle… et nous !

Claude Ducarroz

mardi 6 décembre 2011

HOMéLIE DE LA SAINT-NICOLAS

Fête de saint Nicolas
6 décembre 2011

Saint Nicolas !
Il y a un nom, comme ça, qui sent les biscômes -avec ou sans son effigie-, un nom qui allume des étoiles dans les yeux des enfants de tout âge.
Il y a un nom qui suscite de longues processions ferventes dans les fumées parfumées de l’encens, avec d’émouvantes vénérations de reliques, comme j’ai pu le vivre à Minsk en Biélorussie.
Il y a un nom qui multiplie des icônes scintillantes destinées à la vénération des fidèles dans tout l’Orient chrétien.
Il y a un nom qui rassemble encore des foules, dès 5 heures du matin, sur terre et sur mer, comme je l’ai vu à Bari.
Sans compter la foule de Fribourg, une ville à lui dédiée depuis sa fondation en 1157, avec une église chère à notre cœur, augmentée du titre de collégiale dès 1512 –il y a 500 ans- et même de cathédrale depuis 1924, une cathédrale en robe de fête dans l’attente de son nouveau pasteur.

Dans la brume poétique, entre l’histoire et la légende, saint Nicolas est comme l’aimable quintessence du bon pasteur.
Il est évêque, c’est la moindre des choses quand on est si glorieux, avec tiare orientale ou mitre occidentale, c’est selon. C’est sûr, nous disent les historiens, il a participé au premier concile œcuménique, celui de Nicée en 325. Les bons évêques savent allier l’autorité personnelle avec l’esprit et la pratique collégiales.



Et puis cet homme, ce chrétien, ce pasteur a fait tellement de bien que la hotte de ses exploits évangéliques déborde de récits, tous plus touchants les uns que les autres. Oui, des prouesses qui nous impressionnent encore, justement parce qu’elles sont peut-être encore d’actualité, pour la blessure de notre conscience et pour l’incitation à l’action, aujourd’hui comme hier.

* Sauver des enfants qu’on massacre dans leur corps ou dans leur cœur, les toucher et les embrasser comme Jésus, en les respectant infiniment.
* libérer des prostituées, ces exploitées de toutes les ténébreuses et inavouables passions, dans des commerces, hélas ! encore florissants.
* multiplier la nourriture pour secourir des affamés à l’heure où la crise des riches –encore bien nourris, rassurez-vous- provoque de nouvelles misères, chez nous et surtout ailleurs, dans les pays de la faim endémique,
* guider des marins dans la tempête -pas chez nous évidemment, car on ne peut se payer à la fois l’aviation et la marine-, mais peut-être dans la tête et dans le cœur de celles et ceux –nos nouvelles autorités par exemple- qui doivent conduire la barque de notre société dans les méandres des choix difficiles, parmi les écueils des intérêts contradictoires, là où la raison du plus fort risque tellement de devenir la meilleure.

A tous ces virages dangereux, sur la route de l’Eglise comme dans l’arène de la société, nous retrouvons le brave saint Nicolas, nimbé d’histoires peut-être incertaines ou exagérées, mais tellement proche de ce que nous vivons en couleurs humaines, en profondeur chrétienne, en pesanteur ecclésiale.

Et voilà que nos biscômes ont perdu son effigie, une fois de plus pour des raisons économiques ! « Plus personne ne veut nous livrer des étiquettes de saint Nicolas », se lamente un célèbre pâtissier et paroissien d’ici. A quoi pense cette porte-parole de la Migros quand elle déclare sans se gêner : « Le biscôme est un produit vendu jusqu’à Noël. On ne peut pas avoir à la fois saint Nicolas et le Père Noël ». ? Et nous alors ? Et Fribourg ?

Après avoir protesté comme il se doit, nous allons réagir à notre manière, la chrétienne.
Avec ou sans image de notre cher patron, nous voulons le rejoindre en ce qu’il a de meilleur, en ce qu’il est, à savoir un témoin de l’évangile en son temps pour que nous soyons des témoins du même évangile en notre temps.

* En urgence, si je puis dire, nous allons prier pour notre évêque en attendant de l’accueillir dans sa cathédrale saint Nicolas, avec joie et espérance.
* Nous allons fêter les 500 ans du chapitre cathédral, sans complexe ni d’infériorité ni de supériorité, parce que ce chapitre - propriétaire et gardien de la précieuse relique de saint Nicolas depuis le 9 mai 1506- a démontré durant ces 5 siècles qu’il savait assumer ses tâches, dans les limites des humanités canoniales, au service de cette ville, de ce canton, de cette paroisse, de ce diocèse. Les commémorations programmées vont nous le rappeler, non pas pour faire dans la nostalgie, mais pour rebondir, modestement mais aussi courageusement, dans l’avenir ecclésial qui nous guette autant qu’il nous défie.

Nous allons continuer à faire Eglise dans cette ville bien-aimée dont les paroisses et communautés catholiques sont toutes les enfants ou les petits-enfants de cette collégiale et cathédrale.
Un tel fait d’histoire ne peut que nous inciter à cultiver et même à développer « l’esprit de famille », par des collaborations et des échanges accrus. Pas seulement pour répondre aux dures nécessités de l’heure, mais surtout pour manifester, au service de notre population, ce que veut dire, même dans des styles variés : « Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières…. C’est pourquoi ils avaient la faveur de tout le peuple et le Seigneur adjoignait à la communauté ceux qui seraient sauvés. »

Ce soir, dans ce rassemblement liturgique mais aussi sympathique jusqu’à la cordialité, le Seigneur lui-même se tient à notre porte et il frappe. Il nous propose d’écouter sa voix et d’ouvrir la porte, en communauté élargie. Il veut entrer pour souper avec nous, maintenant, dans cette eucharistie de fête. Car il veut être, aujourd’hui comme au temps de Nicolas de Myre, lui près de nous et nous près de lui, lui le Crucifié ressuscité.

C’est ça la communion, celle qui coule de l’eucharistie et qui irrigue notre pastorale dans la collaboration de tous, évêques, prêtres, religieux et religieuses et plus que jamais laïcs hommes et femmes. Une communion qui doit aussi arroser de valeurs évangéliques les vastes champs de notre société, surtout en ces temps de crise… et d’élections !

Saint Nicolas, aide-nous à entendre ce que l’Esprit dit aujourd’hui à notre Eglise, à nos Eglises ! A nous !

Claude Ducarroz

dimanche 4 décembre 2011

Homélie du deuxième dimanche de l'Avent

Homélie du 2ème dimanche de l’Avent
4 décembre 2011

Un petit conseil gratuit pour votre mode d’hiver : une robe en poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins. Et voici pour le menu de fête : un plat de sauterelles et du miel sauvage. Bon appétit !
La recette n’est pas de moi, mais de Jean-Baptiste dans l’évangile de ce dimanche.
Après avoir annoncé en une courte phrase « la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, le Fils de Dieu », l’évangéliste Marc pointe aussitôt sur Jean le Baptiste, le précurseur du Seigneur.
C’est pourtant cette première phrase, très brève, qu’il nous faut d’abord méditer. Pour Marc, c’est un commencement, comme au livre de la Genèse, un commencement qui conditionne tout le reste. Il y a vraiment du nouveau, du neuf, de l’originel. Et c’est une bonne nouvelle, de quoi réjouir le cœur, dilater l’esprit et même apaiser le corps. Car ce n’est pas une belle idée, même pas une déclaration d’amour. C’est quelqu’un, de chair, de cœur et d’esprit : Jésus de Nazareth, le Christ, donc le Messie et en même temps le Fils de Dieu.

Durant ce temps d’Avent, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas déjà qui est au cœur cette Bonne Nouvelle.
Certes, il nous est proposé de re-parcourir l’itinéraire du peuple hébreu en espérance du Messie puisque Marc mélange aussitôt des citations de l’Exode et des prophètes Malachie et Isaïe. Certes, il nous faut nous laisser entraîner par Jean-Baptiste depuis le désert jusqu’au bord du Jourdain et entrer dans la dynamique exigeante d’une véritable conversion, en reconnaissant nos péchés.
Certes la simplicité de vie, la pauvreté des moyens et la frugalité des plaisirs entrent dans cette phase de préparation intérieure, tout le contraire de ce que nous proposent les pubs matérialistes qui nous envahissent et nous suffoquent.

Mais si l’Avent est en effet le temps d’une espérance, nous savons déjà en qui nous avons mis notre espérance. Celui que nous attendons est déjà venu, nous n’ignorons pas entièrement celui qui vient. Jean-Baptiste, qui attendait le Messie en même temps qu’il voyait le Christ venir à lui pour le baptême, pouvait déjà s’écrier : « Voici venir derrière moi celui qui est plus grand que moi. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint ».

Telle est la spiritualité un brin paradoxale de ce temps de l’Avent : nous ne pouvons pas faire semblant d’attendre un inconnu, un anonyme, un absent. Baptisés dans l’eau et l’Esprit, nous sommes à la fois des enfants de Noël et des fils et filles de Pâque. Nous nous souvenons de sa venue, dans le sein d’une humble servante et dans la misère de la crèche. Mais nous vivons actuellement de cet Esprit qu’il nous a donné en abondance dans le mystère de sa mort et de sa résurrection, en attendant son retour dans la gloire.

Alors quel devrait être notre « état d’Esprit » durant ces semaines d’Avent ?
* La conversion, sur laquelle insiste tellement Jean-Baptiste, car nous n’en finirons jamais de nous préparer à recevoir en nous, toujours plus profondément, toujours plus intimement, celui qui est déjà venu et qui vient encore, à travers ses visites intérieures, lui qui frappe sans cesse à la porte de notre cœur, attendant patiemment que nous l’invitions librement à entrer pour partager le repas de fête avec nous.

* La conversion personnelle, certes, mais aussi l’évangélisation. Car si Jean-Baptiste eut un rôle important à jouer auprès du peuple en attente, alors que Jésus était pourtant déjà au milieu des siens, c’est que Jésus comptait sur lui pour « préparer à travers le désert le chemin du Seigneur, tracer dans les terres arides une route aplanie pour notre Dieu. » Les Jean-Baptiste d’aujourd’hui, c’est nous, qui que nous soyons. Indignes de nous courber pour défaire la courroie des sandales de Jésus ? Jean-Baptiste le premier en avait conscience. Mais ça ne l’a pas empêché d’annoncer la Bonne Nouvelle du Messie et même de baptiser, y compris Jésus lui-même. Il savait qu’il avait à diminuer pour que Jésus grandisse, mais il n’a pas dé-missionné de sa mission : être le porte-voix du Seigneur Jésus, y compris en conduisant ses propres disciples vers lui. Exactement ce que sont appelés à faire les chrétiens dans ce monde où tant d’êtres humains ne connaissent pas encore leur Seigneur… ou l’ont déjà oublié.

*Enfin, l’apôtre Pierre nous rappelle que le chrétien est toujours en attente d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, où résidera la justice. Nous savons que nous ne pouvons pas les réaliser pleinement ici-bas, même avec les meilleurs hommes et femmes politiques, même avec les meilleurs évêques ! N’empêche que nous pouvons et nous devons les préparer en rendant notre histoire humaine justement un peu plus humaine. Tous les engagements sociaux, politiques, économiques, culturels, écologiques qui vont dans le sens d’une plus grande fraternité sur cette terre déjà ont quelque chose à voir et à faire avec notre rôle de Jean-Baptiste et avec l’attente du monde nouveau dans le Royaume de Dieu.
L’Avent n’est pas le paradis des boutiques, mais le tremplin du Royaume de Dieu.


Claude Ducarroz

dimanche 27 novembre 2011

Radio romande - Homélie du 1er dimanche de l'Avent

Homélie du premier dimanche de l’Avent
27 novembre 2011

Vous connaissez. La petite lampe bleutée dans la chambre d’hôpital. On l’appelle « la veilleuse ». Elle éclaire assez pour chasser les angoissantes ténèbres de la nuit. Elle est aussi assez humble pour ne pas empêcher de dormir en paix.
Mais la veilleuse -la vraie-, c’est une personne, l’infirmière de la nuit, celle qu’on peut appeler à tout moment en cas de malaise ou de problème. Elle arrive, elle est là : ça va déjà mieux, n’est-ce pas ?

Dans l’évangile de ce premier dimanche de l’Avent, Jésus nous invite quatre fois à veiller. L’évangéliste Marc se place dans la perspective du retour du Seigneur, dont personne ne connaît ni le jour ni l’heure. Et les communautés chrétiennes auxquelles il s’adressait estimaient probablement que ce moment était proche, peut-être même imminent.
Une leçon demeure, quelle que soit la montre de notre histoire : le chrétien est un veilleur. Pas dans la panique anxieuse, mais dans la confiance sereine. Oui, parce qu’il sait d’abord que quelqu’un veille sur lui, jour et nuit, par amour.

Le grand veilleur, le premier, c’est Dieu lui-même. Et il veille sur nous, sur chacun de nous, fidèlement, amoureusement.
Il a veillé sur Israël tout au long de sa marche à travers l’immense désert (Cf. Dt 2,7). « Tu as veillé sur mon souffle », dit Job au milieu de ses épreuves (10,12). Le psaume 66 étend la vigilance de Dieu à toute l’humanité : « Les yeux sur les nations, Dieu veille. » Ps 66,7.
Oui, parce que nous sommes veillés par le Dieu d’amour, nous pouvons veiller à notre tour dans l’attente de sa venue. Nous sommes au chaud dans le nid de sa tendresse, selon cette magnifique profession de foi de Moïse juste avant sa mort : « Dieu est comme l’aigle qui veille sur sa couvée. Il plane au dessus de ses petits. Il déploie ses ailes et les porte sur son pennage. » Dt 32,11.

Alors notre veille devient une espérance, tout le contraire de la peur. Veiller, ce n’est plus une mauvaise insomnie, quand l’inquiétude nous empêche de fermer les yeux. Veiller, c’est savoir que quelqu’un est toujours là, vigilant, attentionné. Il vient toujours au moindre appel parce qu’il nous connaît et nous aime. Il fera tout pour nous sauver. Il nous donne les signes de sa proche venue, comme ces bruits apaisants dans le couloir quand s’approche la veilleuse.

L’Avent, c’est le temps de sa venue. Il est en route vers nous, le Sauveur du monde. Ecoute ! N’entends-tu pas ses pas dans le silence ? On appelle cela la méditation de sa parole. Tu sonnes à la porte de son cœur : donc tu pries. Ne perçois-tu pas l’écho de son approche ? L’Esprit remue en toi, avec ses désirs de bonté, la force de pardonner, la bienheureuse démangeaison de rendre service, la joie de faire des heureux autour de toi.
Et puis regarde : il vient, d’une certaine manière il est déjà là, puisque la table est mise. Il y a un couvert exprès pour toi. Il y a le pain, il y a le vin. Il y a une famille pour partager le repas: l’Eglise. Prends, mange : c’est moi, dit Jésus, c’est déjà moi, celui qui est, qui était et qui vient.
Tu es veillé. Pas surveillé comme le ferait un policier qui guette l’automobiliste en possible infraction. Non ! Tu es veillé par l’Amour majuscule, comme l’enfant dans son berceau, comme le malade dans son lit, comme la fiancée par celui qui l’aime, tendrement.

Et après, me direz-vous ? Il te reste une chose à faire : devenir toi-même veilleur, un veilleur pour d’autres. Car nul n’est autant veillé par Dieu son Père que celui qui devient un frère veilleur, une sœur veilleuse pour quelqu’un d’autre qui en a besoin, surtout en ce temps d’Avent.
L’apôtre Paul nous a dit que dans le Christ, « nous avons reçu toutes sortes de richesses, qu’aucun don spirituel ne nous manque, à nous qui attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ » (I Co 1,5 et 7).

Veillé, veilleurs, nous veillons sur les autres, avec la délicatesse de la charité, celle qui s’exprime, comme Marie, en services, en visites, en attention aux plus pauvres et malheureux. Celle qui s’engage aussi dans les combats pacifiques pour une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine en somme.
Veiller avec le Christ, c’est le contraire de sommeiller dans son confort égoïste, dans sa bonne conscience narcotique, dans sa richesse matérielle ou culturelle.
Veiller, c’est faire comme Jésus maintenant à cette eucharistie : dresser la table, faire de la place aux autres, inviter largement, partager l’avoir et surtout l’être, et finalement expérimenter ce bonheur : « Heureux les invités au repas du Seigneur. »

Claude Ducarroz

samedi 12 novembre 2011

Homélie In memoriam

Homélie
In memoriam 2011

Dieu serait-il un impitoyable capitaliste, comme on en trouve encore de nos jours, notamment dans le monde de la finance, si j’en crois ce qu’on dit ou ce qu’on voit ? Dans cet évangile, le propriétaire plein aux as, certes, distribue ses biens avant de partir en voyage, mais, en demandant des comptes à son retour, il attend de retrouver sa mise carrément doublée. C’est faire encore mieux que nos meilleurs gérants de fortune. Et sans pitié avec ça puisque celui qui a simplement mis à l’abri ce qu’il avait reçu, sous le coup de la peur, se voit traiter de « serviteur mauvais et paresseux », dépouillé de son bien confié désormais au trader le plus performant. Pire encore : ce bon à rien est « jeté dehors dans les ténèbres, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. » On se croirait à Zürich ou ailleurs certains jours de grounding.

Vous l’avez compris : il s’agit ici d’une parabole, à savoir un fait de vie cueilli par Jésus sur le vif, dans la société de son temps, mais pour nous dire autre chose de bien plus profond que les anecdotes utilisées. En un mot : il nous faut passer avec Jésus de l’avoir à l’être, de l’écume d’une histoire à l’essentiel d’un enseignement qui porte sur l’enjeu de nos vies.

La vie, le mouvement, l’être : nous les avons reçu de Dieu, généreusement, gratuitement. Pas pour les enfouir dans le confort de la paresse ou dans les abris bétonnés de l’égoïsme. Celui qui nous a confié les talents de notre existence veut collaborer sans cesse avec nous pour en faire quelque chose de beau, de bon, de rayonnant. Chacun tel qu’il est, avec ce qu’il a reçu, sans comparer les uns avec les autres, car dans la logique de l’amour de Dieu, ce ne sont pas les apparences ou les performances qui comptent, mais les valeurs intérieures, autrement dit la qualité de la personne, quel que soit sa place dans la société.
On sait bien que s’appliquent souvent, dans le royaume de Dieu commencé ici-bas, cet adage répété par Jésus : « Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers. » Dont acte, pour chacun de nous.

Finalement, c’est ce que l’on donne de soi-même qui compte, ou plutôt se donner soi-même, en personne, comme Jésus, qui mesure la valeur, la beauté, la qualité d’une vie. Ce pour quoi nous sommes prêts à nous donner nous-mêmes, plus encore que ce que nous avons, possédons ou savons : c’est cela qui confère un sens à notre existence.

Et là, aujourd’hui, je trouve deux exemples magnifiques.
Dans la première lecture, c’est une femme, c’est la femme. « La femme vaillante, qui donc peut la trouver ? », dit l’auteur biblique, celle qui « est infiniment plus précieuse que les perles ? »
Je crois vraiment que dans notre monde, surtout dans les contextes de misère ou de souffrances, ce sont souvent les femmes qui présentent la plus grande capacité de générosité, de don de soi, finalement d’amour. Il est temps que, dans la société mais aussi dans l’Eglise, on sache le reconnaître, l’apprécier et jose le dire à l’intention des hommes : l’imiter.
Je le dis en particulier ici en ce jour qui fait mémoire des soldats –tous des hommes en ce temps-là- qui ne doivent pas oublier tout ce que la patrie doit aux femmes restées à la maison, filles, épouses, mères et grand-mères vaillantes, que nous risquons d’ignorer sous prétexte qu’elles ne furent pas au front, comme disent les militaires.

Mais je n’oublie pas non plus ces militaires, surtout en ce jour où nous nous souvenons de ceux qui ont donné leur vie dans le service actif, même si nous avons été heureusement épargnés par les pires horreurs de la guerre. Ces hommes étaient là, prêts au sacrifice suprême, pour les valeurs de dignité, de liberté, de fraternité. Or ce qui fait la valeur la plus précieuse d’une vie, c’est ce pour quoi nous sommes disposés de tout cœur à la donner, y compris jusqu’à la perdre pour ceux qu’on aime.
C’est ce qu’a fait le Christ pour toute l’humanité.
Nous pensons avec émotion à ceux qui avaient déjà fait ce choix pour le salut de notre pays, même s’ils ne sont pas morts sous la violence d’un ennemi. Ils ont droit à notre respect, ils peuvent compter sur notre mémoire, ils méritent notre reconnaissance, et nous le leur répétons aujourd’hui.

Nous venons de choisir nos magistrats fédéraux. Nous allons bientôt élire celles et ceux qui vont diriger notre canton, après avoir déjà élu nos édiles communaux. Rude année 2011 en pays de Fribourg !
Je suis persuadé, pour ma part, qu’un vrai serviteur du peuple, au masculin ou au féminin, c’est une personne qui a la volonté –plus encore que l’indispensable capacité- de donner sa vie pour ses frères et sœurs. Pas seulement pour les siens, celles et ceux de son camp ou de son clan politique, culturel ou idéologique, mais pour tous les habitants de ce pays, quels qu’ils soient, avec une attention particulière pour les plus faibles et les plus démunis, comme le rappelle notre constitution en son préambule : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ».
Là est l’enjeu d’une société plus humaine, et donc plus chrétienne, dans l’esprit de l’évangile de ce jour. Car il nous rappelle tout ce que nous avons reçu, il nous incite ensuite à le faire fructifier au service des autres, chacun selon ses capacités. Et il nous promet ce bonheur-là : « Très bien, serviteur bon et fidèle. Tu as été fidèle en peu de choses. Je t’en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître. »


Claude Ducarroz

mardi 8 novembre 2011

Une homélie de mariage

Une homélie de mariage


Une tente de nomade.
Une maison construite sur le roc.
Et un autel bâti à Jahvé.

Il faut tout cela pour symboliser la vie.
Il faut tout cela pour réussir l'amour.

I. Notre vie est un voyage. Pour cela, une tente suffit, celle qui permet d'aller de campement en campement, comme Abraham "vers le pays que je t'indiquerai", dit Dieu.

"Quitte ton pays… Et Abraham partit. Ils se mirent en route pour le pays de Canaan… et ils y arrivèrent."

Il y a du Canaan, la terre promise, dans l'aventure de vos vies et de votre amour.
Deux voyages qui aboutissent à une rencontre.

Partis de loin, très loin, vous avez fait une longue route à la rencontre l'un de l'autre, pour transformer vos différences en attraction, puis en dialogue, enfin en amour.

Quel beau voyage que celui de la découverte réciproque, celui de l'apprivoisement respectueux, celui de la mise en alliance progressive, jusqu'à cette terre promise que vous êtes devenus l'un pour l'autre,
-promise, aujourd'hui donnée pour toujours-.
Vous voilà arrivés l'un chez l'autre, tendrement attachés l'un à l'autre par l'amours des cœurs, par la joie des corps, par le bonheur d'être des cadeaux réciproques, de toutes vos personnalités riches et partagées.

II. Et maintenant, sans quitter tout à fait les grisantes surprises des aventures amoureuses - sur les îles enchanteresses et sur les monts alpins – vous avez décidé de bâtir une maison commune, votre foyer. Construire du solide, du résistant aux tempêtes et aux torrents. Noble ambition, car vous êtes favorables à votre "développement durable". Difficile à réussir, vous le savez bien, dans le contexte de notre société.

C'est pourquoi vous avez raison de construire sur le roc et non pas sur le sable… même si les plages ont quelque chose de fascinant et de magique.

Vous avez choisi – et je vous en félicite – le rocher plus alpin d'un amour fidèle, exigeant, profond. Je pense à votre mariage encore tout jeune et beau.
Je pense aussi à celui de vos parents qui vous ont montré le chemin avec leur amour, sans vous forcer, mais en vous donnant le désir de miser sur des valeurs robustes parce que enracinées très profond. Merci à vos parents !

Les temps peuvent changer, comme la météo. Ce sont les profondeurs indestructibles des valeurs sûres qui permettront au bateau de votre couple de parcourir toute la traversée de vos vies, sans dévier du cap de l'amour vraiment humain, sans cesser de vous conduire ensemble vers le port divin.

III. La tente nomade, plus la maison sur le roc: c'est romantique et c'est solide à la fois. Mais ce n'est pas suffisant. Ne ratez surtout pas le geste d'Abraham qui bâtit un autel à Jahvé en plein voyage d'aventures vers le pays de Canaan.
Car il est bien dit dans le livre de la Genèse: " Là où Abraham dressa sa tente, là il bâtit un autel et invoqua le nom du Seigneur".

C'est tout le sens de ce sacrement, ce que nous sommes en train de vivre, dans cette chapelle qui invite encore au voyage.

Avec vous, dans une belle communauté de foi, avec la variété multicolore de nos Églises, nous bâtissons une chapelle, nous dressons un autel, nous accueillons un hôte qui est votre meilleur ami, l'ami de votre amour, le feu au cœur de votre foyer.

Il est là au milieu de nous, il veut surtout demeurer avec vous, par sa Parole à écouter, par vos prières à lui adresser, par vos silences remplis de sa présence, sans oublier la table d'une possible eucharistie. En somme, tout pour la communion !

Il sera là aussi, le moment venu, dans le cœur battant de vos enfants, créés à votre image, et à l'image de Dieu, images réunies dans un seul et même visage, merveilleux et tellement mystérieux.

Je vous souhaite d'inviter chaque jour le Seigneur dans la barque de votre aventure amoureuse comme dans le foyer lumineux et chaleureux de votre maison.

Avec lui, les plaisirs deviennent des joies, les espoirs des espérances, les amours minuscules de l'Amour majuscule, et vos succès… du bonheur.
• Ce bonheur que nous vous souhaitons de tout notre cœur,
• Ce bonheur que vous vous donnez et donnerez l'un à l'autre, et plus largement autour de vous,
• Ce bonheur que Dieu lui-même accorde aux passionnés du bel amour, parce qu'il est lui-même Amour

Bon voyage vers ce "cap heureux!"
Claude Ducarroz

lundi 17 octobre 2011

50 ans du Colloque européen des paroisses

Homélie 50 ans CEP
Lausanne 16 octobre 2011

Europe, comment vas-tu ?
Pour avoir une réponse crédible, il faudrait interroger les divers représentants des 12 pays d’Europe ici présents. J’hésite à poser la question à mes compatriotes suisses puisqu’ils souhaitent plutôt se tenir à l’écart de la dynamique européenne, comme on le remarque une fois de plus à l’occasion de la campagne électorale qui bat son plein chez nous actuellement.
Mais je devine que la réponse à la question, ici et ailleurs, doit être à peu près la même : l’Europe va mal pour les plus pessimistes, elle ne va pas très bien pour les plus réalistes et elle pourrait aller mieux pour les plus optimistes.
En 1957, par le traité de Rome, des hommes politiques européens –des visionnaires, des prophètes- ont lancé les bases de ce qui est devenu aujourd’hui l’Union européenne. On peut lui trouver beaucoup de défauts, on peut regretter ses lenteurs ou ses hésitations. N’empêche qu’elle a changé complètement le cours de l’histoire de notre continent. Après en avoir fait un espace de paix solide là où des guerres opposaient régulièrement et tragiquement nos peuples, elle a pu offrir aux nations qui avaient subi une longue oppression communiste un accueil fraternel qui renforçât à la fois la concorde, la prospérité et la solidarité entre nos populations, désormais unies par un même destin communautaire.

Et l’Europe des Eglises, me direz-vous ? L’Europe de notre Eglise ?
En 1961 déjà, soit 4 ans seulement après le traité de Rome et un an avant l’ouverture du Concile Vatican II, des visionnaires et des prophètes ont aussi surgi dans la constellation des paroisses pour lancer une initiative de rencontres, de créativité pastorale et d’encouragements fraternels au niveau de notre continent.
50 ans plus tard, dans la cité de Lausanne qui hébergea sa première réunion grâce à l’hospitalité de l’abbé François Butty, le Colloque européen des paroisses tient à faire mémoire de cette heureuse fondation.
Quelques curés de grandes paroisses s’étaient demandé, en effet, comment les paroisses pourraient mieux se soutenir mutuellement dans les différents pays européens. Ils adressèrent une lettre à de nombreux évêques pour manifester leur préoccupation. Un seul leur répondit : le cardinal Franz König, de Vienne, lequel encouragea vivement l’abbé Francis Conan, un curé de Paris, à provoquer une rencontre de curés ayant pour but « de partager des expériences et des idées de manière à collaborer à la construction d’une communauté de peuples européens ». Des curés seulement au départ –ils furent 60 provenant de 7 pays lors de la première rencontre en 1961-, puis d’autres prêtres en paroisse et enfin, dès 1973, l’accueil de laïcs toujours plus nombreux dans le cercle fraternel du Colloque européen des paroisses.
C’est ainsi que les paroisses catholiques de notre Europe battirent au sprint leurs évêques puisque ceux-ci se structurèrent seulement en 1965, avec une première rencontre du Conseil des conférences épiscopales en 1967.

Il faut d’abord rendre hommage à nos vaillants fondateurs. Ils ont eu l’audace et la foi de semer ainsi -dans le terreau de notre Europe en pleine reconstruction après une guerre fratricide et dans un contexte de tragique division jusqu’en 1989- des semences de partages féconds au service de l’Eglise, dans l’esprit de l’Evangile, à la suite du concile Vatican II, en étant attentifs aux signes des temps.
Je tiens simplement à citer les diverses villes qui ont accueilli les Colloques au cours de ces 50 ans, afin de repasser devant nos yeux reconnaissants les animateurs et les communautés qui ont contribué à faire vivre le CEP sur la durée :
Lausanne, Wien, Köln, Barcelona, Torino, Strasbourg, Heerlen, Lisboa, Namur, Marseille, Assisi, Ludwigshafen, Tarragona, Seggau, Fatima, Leuwen, Besançon, Prague, Udine, London, Girona, Fribourg, Erfurt, Porto, Mons, Nyiregyhaza.

Voilà pour le passé. Nous n’allons pas céder à la nostalgie. C’est l’avenir qui nous donne rendez-vous, ou plutôt le Seigneur Jésus, lui qui est, qui était et qui vient, dans son Eglise et au cœur de l’humanité.
Les textes liturgiques de ce dimanche nous invitent à renouveler notre engagement dans la mission confiée à nous tous par le Seigneur, d’autant plus que nous célébrerons l’année prochaine les 50 ans du Concile Vatican II dont nous voulons continuer d’être les fidèles serviteurs et servantes en nos temps très troublés.
Pour faire bref, que nous rappelle l’apôtre Paul, un grand européen, qui inaugura le Nouveau Testament en écrivant sa première lettre aux chrétiens de Thessalonique depuis sa résidence missionnaire de Corinthe en automne de l’an 50.

+ Qu’il nous faut œuvrer en communauté, en équipe dans l’Eglise de Dieu : « Nous, Paul, Sylvain et Timothée… ». Donc évêques, prêtres, diacres, religieux et laïcs tous ensemble !
+ Qu’il nous faut sans cesse rendre grâces dans nos prières à cause des merveilles que le Seigneur continue d’accomplir, avec nous et parfois malgré nous, dans son Eglise, dans toutes les Eglises et dans ce monde.
+ Que « la foi active, la charité qui se donne de la peine et l’espérance qui tient bon » doivent nous inspirer et nous stimuler sans cesse, surtout en ces temps d’interrogation, d’épreuves ou de crise. Là est le terrain solide dans lequel Dieu veut toujours enraciner nos vies, nos activités et notre être ecclésial.
+ Que l’annonce de l’évangile, en Europe aujourd’hui, ne doit pas être une collection de belles paroles, mais « puissance, action de l’Esprit Saint et certitude absolue ». Voilà qui a de quoi dynamiser nos liturgies, nos services et nos charismes, tout en transfigurant nos structures en pleine recomposition. Elles ne peuvent être qu’au service de l’évangélisation !
+ Que notre condition de « petit troupeau » ne doit ni nous effrayer ni nous décourager puisque le Seigneur, selon ce qui est dit dans le livre d’Isaïe, a même consacré le roi Cyrus « en l’appelant par son nom et en le prenant par la main ». Or il était un païen qui ne connaissait pas le vrai Dieu.
+ Parce que nous croyons que l’effigie du Dieu d’amour est imprimée sur le visage de tout être humain créé à son image, encore davantage que celle de César sur la pièce d’argent présentée à Jésus.
A nous de respecter cette dignité et de révéler autour de nous à la fois la beauté et les exigences de cette grâce d’origine, à travers nos engagements d’Eglise œcuménique et dans nos combats pacifiques pour la justice, la solidarité et la paix chez nous et jusqu’au bout du monde.

Bon anniversaire, cher Colloque européen des paroisses et longue vie à nos communautés chrétiennes au service de l’Evangile en Eglise et pour toute l’humanité !
Claude Ducarroz

mardi 11 octobre 2011

Une homélie de mariage

Une homélie de mariage

On s’aime… et on sème !
Si j’ai bien compris le message que vous nous donnez par le choix des lectures de votre mariage.
On s’aime… et on sème ! Tout est dans l’orthographe.

On s’aime… vous vous aimez… c’est la moindre des choses quand on se marie.
Aujourd’hui, on se marie par amour, par choix d’amour réciproque !

Vous vous aimez tellement fort que vous vous mariez…
Nous en sommes tous très heureux - vos parents, vos familles, vos amis… et même le prêtre célibataire que je suis. Merci pour votre bel amour.
Vous le partagez avec nous dans une église, ce qui est de plus en plus rare… et plutôt original, voire de plus en plus exotique.

Qu’est-ce à dire ?

Vous aimez, vous vous aimez parce vous avez d’abord été aimés.
Il y a une source à votre amour, c’est une façon de le reconnaître aujourd’hui.
Il y a évidemment l’amour de vos parents à qui vous redites merci.

Mais il y a aussi l’Amour majuscule, celui qui s’appelle Amour, celui qui est l’Amour.

Par la vie, il vous a faits à son image après vous avoir rêvés éternellement. Par votre amour, il vous a destinés l’un à l’autre depuis toujours.

Aujourd’hui, devant vous, il vous donne en cadeau l’un pour l’autre, il vous consacre l’un à l’autre avec la puissance de son amour. Ce don, sachez-le, il ne le reprendra jamais. Il ne peut vous aimer désormais qu’ensemble, unis, donnés et redonnés,
par vos corps,
par vos cœurs,
par vos esprits,
par toutes vos personnalités.

Bien sûr, vous restez différents, mais vous aimez la joie – vous l’avez déjà, n’est-ce pas ? – de vivre ces différences comme des richesses qu’on additionne et qu’on multiplie, comme en Dieu lui-même, par le mystère trinitaire.

Et c’est là qu’intervient l’autre verbe, celui de l’Evangile : le semeur est sorti pour semer.

Votre projet, votre avenir, votre bonheur, ici-bas et jusque dans l’éternité.
Celui qui a semé en vous son amour et sa joie, veut demeurer en vous et auprès de vous pour que vous prolongiez les divines semailles.
- Semences du bonheur que vous vous donnerez l’un à l’autre, et toujours d’avantage.
- Semailles des enfants qui seront votre plus belle moisson puisqu’ils seront en même temps, dans le même visage, dans le même regard, à votre image et à celle de Dieu.
- Semailles de vos engagements dans la société, par le travail, mais aussi par vos relations d’amitié, vos engagements sociaux et culturels.

Beau programme pour une vie que nous vous souhaitons heureuse parce que vous ferez des heureux.

Que du bonheur, me direz-vous, oui, mais encore faut-il qu’il soit durable, comme on aime à le dire aujourd’hui.

Durer en amour, avec du bonheur à la clef : c’est un grand défi, surtout de nos jours.
Je crois que c’est possible si vous acceptez la proposition du Christ, le premier ami de votre amour, et donc de votre bonheur.

C’est lui le semeur, vous êtes son terrain, imparfait certes, mais rempli de promesses fécondes.
- Il veut semer en vous des paroles qui éclairent et réconfortent : l’Evangile.
- Il veut vous nourrir de l’Eucharistie, le pain vivant qui fait vivre, en particulier les couples et les familles.
- Il veut inspirer vos prières, vos pardons, vos étreintes et vos sacrifices : ne l’oubliez jamais, celui qui jamais ne vous oubliera. C’est encore lui qui vous répète avec l’apôtre Paul : Soyez toujours dans la joie du Seigneur, gage de la nôtre.

Claude Ducarroz

dimanche 9 octobre 2011

Homélie des Céciliennes

Homélie Céciliennes
Dompierre 9 octobre 2011

Bon appétit !
Vous l’avez entendu : « Le Seigneur préparera pour tous les peuples un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés ».
Qu’en pensez-vous ? Ca ne vous met pas l’eau à la bouche ?
Bon appétit ! On devrait même ajouter « santé ! » puisqu’il y a d’excellents vins au menu du Seigneur de l’univers.
Et qu’est-ce qu’on fête avec tant de saveurs et de générosité dans le manger et le boire ? Un voile de deuil enlevé, un linceul ôté, des larmes essuyées sur tous les visages. En un mot : le salut de Dieu offert à tous les peuples. D’où cette pressante invitation : « Exultons et réjouissons-nous » qui incite à la fête et au festin, ce qui ne va jamais sans de la musique et des chants, comme l’affirment de nombreux psaumes de la Bible.
Nous avons, aujourd’hui encore, bien des raisons de nous réjouir ainsi. Car le salut de Dieu s’est manifesté pleinement et définitivement en Jésus-Christ. Et nous nous souvenons, ou plutôt nous célébrons une mémoire vive et vivante. « Nous rappelons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ». C’est une joie toujours actuelle, la joie d’être sauvés, la joie pascale, en attendant le bonheur total de la gloire auprès du Christ ressuscité dans la maison du Père.
Vous l’aurez reconnue : c’est la joie de chaque messe puisque là, donc maintenant, la mort de Jésus est commémorée, sa Pâque nous est toujours offerte en personne et son retour fait l’objet d’une promesse qui change et notre vie et notre mort.
Les exilés d’Israël rentraient chez eux tout heureux, dans la musique et les chants. A plus forte raison, les chrétiens doivent-ils rencontrer leur Sauveur tout joyeux quand ils participent au repas de sa noce avec nous.
Il faut donc que nos eucharisties –et surtout celles du dimanche, le jour pascal par excellence- soient des liturgies festives, rayonnantes, contagieuses de l’esprit d’allégresse. L’Eglise nous y invite, le concile Vatican II nous le demande.
Et c’est là que nous vous retrouvons, chères chanteuses, chers chanteurs, chers musiciens d’Eglise.
Sans doute, c’est tout le peuple de Dieu, c’est toute l’assemblée des croyants qui doit avoir l’âme en fête en chantant sa foi au Christ présent au milieu de nous à chaque messe.
Sans doute, le chant et la musique ne doivent pas devenir le monopole de quelques uns, car tous les invités doivent pouvoir exprimer leur joie au repas des noces de l’Agneau pascal.
Mais il est bon, et même nécessaire, qu’une chorale et des musiciens se mettent au service de la foi et de la joie de toute l’Eglise, soit en chantant eux-mêmes pour donner le ton de la fête à tous, soit en soutenant les chants de l’assemblée afin que se marient piété et beauté dans l’ambiance de la liturgie.
Ainsi, grâce à vous, le festin de l’eucharistie est enrichi par un menu de belles mélodies et de textes poétiques qui constituent comme un deuxième repas esthétique dans le repas mystique. Vous revêtez nos célébrations d’une robe de beauté ou, si vous préférez, vous ajoutez un dessert de culture musicale au banquet savoureux préparé par Jésus, lui qui veut régaler ses amis par sa présence donnée en nourriture de vie éternelle.
Comme dans l’évangile de ce jour, à chaque messe, le Seigneur nous dit : « Voilà, mon repas est prêt ! Tout est prêt. Venez au repas des noces. » Vous les chanteuses et chanteurs, vous devez – ou vous devriez- être les premiers à répondre à cette invitation d’amour, de toute votre foi, de toute votre joie, y compris avec des chants.
Vous l’avez entendu : il y a aussi dans la parabole des invités au festin un passage de tristesse, celle que le maître éprouve quand il voit tant d’invités trouver des excuses pour ne pas venir. Où êtes-vous dans cette histoire ? Je l’espère : parmi ses serviteurs que le maître envoie sur les routes en leur disant : « Allez aux croisées des chemins, tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce, afin que la salle soit remplie. » Et j’ajouterai : « Venez avec eux, régalez nos assemblées par la beauté de vos chants et de vos musiques, montrez-leur vous-mêmes combien il y a du bonheur à croire, à fêter Dieu, à faire Eglise dans nos églises.
Aujourd’hui, je le vois et je m’en réjouis, la salle des noces est remplie, et les convives, c’est vous. Demain, ça peut être aussi grâce à vous.
Merci d’être là, merci de persévérer dans votre beau service malgré les difficultés du moment. Merci d’augmenter en nous l’appétit de la Parole de Dieu, la saveur de l’eucharistie, le bonheur d’être une Eglise qui prie dans la joie.
Et d’abord bon appétit et santé à vous !

Claude Ducarroz

dimanche 2 octobre 2011

Homélie à la télévision romande 02.10.11.

Homélie
TSR 2 octobre 2011

Temps variable. Alternances d’éclaircies et d’averses. Orages probables, puis retour du soleil.

C’est un peu la météo des textes bibliques que vous venez d’entendre, avec cette sorte d’oscillation entre les bonnes et les mauvaises nouvelles, notamment autour de cette vigne, terrain de toutes les espérances, lieu de tous les drames, jusqu’au sang versé. Ce serait un mauvais feuilleton s’il n’y avait, à la fin de l’évangile, « une œuvre du Seigneur, merveille sous nos yeux ». Autrement dit la résurrection de Jésus après les allusions évidentes à sa passion et à sa mort. Entre les lignes de ces paraboles, vous aurez sûrement reconnu l’histoire mouvementée du peuple de Dieu, l’entrée des païens dans l’Eglise, l’écho des premières communautés chrétiennes en train de vivre un véritable accouchement : recueillir le lien avec Israël, mais aussi assumer une certaine rupture par fidélité à l’Evangile destiné à tous les peuples.

Membres de l’Eglise, plus ou moins pratiquants, nous pourrions nous estimer à l’abri de tout malheur du moment que nous sommes le nouveau peuple de Dieu, issu de Pâques et de la Pentecôte.
Nous savons bien par expérience qu’il n’en est rien.
C’est vrai : tout a été acquis, pour nous et pour toute l’humanité, dans le geste d’amour de Jésus sur la croix, là où il nous a sauvés en offrant sa vie pour nous, pour tous. Et nous sommes à la fois les enfants et les frères et sœurs de sa résurrection.
Merci, Seigneur !

Mais en même temps l’histoire de la communauté humaine, comme le cheminement de l’Eglise --et même nos existences personnelles- avancent au rythme de Jésus. Il y a ces passages inévitables par la passion- les malades, les éprouvés de toutes sortes qui nous regardent maintenant le savent mieux que les autres-. Il y aura pour chacun de nous ce rendez-vous de la mort qui suscite interrogation ou angoisse. Et il y aura -nous en avons la promesse et déjà les signes avant-coureurs- l’arrivée dans le monde de la vie éternelle auprès de Dieu avec Jésus dans la communion des saints.

L’Eglise est toujours en semaine sainte, comme Jésus, avec Jésus.
Elle partage l’eucharistie, Parole et Pain pour la route. Elle imite Jésus dans le lavement des pieds à travers les innombrables initiatives d’entraide, de visites, d’engagements pour soulager ceux qui souffrent et améliorer la société.
L’Eglise est toujours avec Marie et Jean au pied de toutes les croix, grâce à tant de bénévoles. Non seulement, ils recueillent le sang et l’eau qui coulent du côté du Christ à travers les sacrements et la liturgie, mais ils vont aussi irriguer le champ de l’humanité par leurs multiples dévouements au service des autres, proches ou lointains. Oui, merci à tous ces bénévoles, dans et autour de nos communautés chrétiennes, ces abeilles de l’Evangile, ces fourmis de la charité, actives mais aussi priantes, et surtout généreuses et désintéressées.
Ils sont cette Eglise qui avance au pas de Jésus, de sa croix et de sa Pâque.

Un homme, un prêtre, un musicien a su décrire cela dans un chant très connu, mais dont il faut mesurer la profondeur. C’est l’abbé Joseph Bovet. Dans le contexte culturel de nos Alpes, il a traduit en poème et en musique le mystère d’une résurrection qui surgit de la mort, en nous faisant passer de la tristesse d’une perte à la beauté d’une joie nouvelle. Le Vieux Chalet a été composé il y a exactement 100 ans, en 1911. Je trouve qu’il peut avoir sa place dans cette célébration eucharistique, si nous lui donnons toute sa signification pascale.
Chez vous, peut-être à l’hôpital ou dans un home, je suis sûr que vous serez nombreux à chanter avec nous le chalet de nos vies en route vers la nouveauté de Pâques.
Beau temps dans nos cœurs !

Claude Ducarroz

jeudi 22 septembre 2011

Le célibat du prêtre: une longue histoire

Le célibat du prêtre : une longue histoire

Le Nouveau Testament nous offre un double message. D’une part il exalte le mariage comme un « grand mystère » qui imite la relation d’amour du Christ et de l’Eglise (Cf. Eph 5,32). C’est pourquoi l’Eglise l’a inscrit au nombre des sacrements. D’autre part le Christ met en évidence le célibat « à cause du Royaume des cieux », en ajoutant que cette condition de vie est réservée « à ceux pour qui c’est donné » (Cf. Mt 19,12). Quand on connaît la situation des mœurs dans la société païenne, les deux propositions étaient révolutionnaires.

Le regard posé sur ces deux états de vie également saints a peu à peu évolué dans l’Eglise. Saint Paul lui-même, fort de son expérience, recommande le célibat, mais ne déprécie pas le mariage (Cf. I Co 7) puisqu’il demande aux ministres des Eglises de bien savoir gérer leur vie de famille (Cf. I Tm 3,1-13). Des philosophies ambiantes, qui méprisaient la matière et la sexualité, ont orienté l’Eglise vers un jugement plutôt négatif sur le mariage. Par ailleurs l’influence des moines, engagés librement dans leurs vœux, a accentué cette méfiance envers « l’œuvre de chair ». Alors que dans les premiers siècles chrétiens les prêtres et les évêques pouvaient avoir famille –il y eut même des évêques de père en fils-, on a considéré peu à peu qu’il y avait une certaine incompatibilité entre l’exercice du ministère sacré et l’activité sexuelle, même dans le mariage. Il faut savoir aussi que des raisons économiques ont compté : le célibat favorisait le retour des biens à l’Eglise au lieu de les voir dispersés dans la famille du prêtre.
Encore faut-il ajouter que l’évolution de la pratique a pris une direction différente en Orient et en Occident. Dans les Eglises orientales, les évêques doivent aussi être célibataires. Ils sont, pour ainsi dire, les époux de leur Eglise. Par contre les prêtres peuvent être mariés –et ils le sont souvent – pourvu qu’ils aient convolé avant leur ordination. On l’oublie parmi les catholiques : cette discipline est aussi en vigueur dans les Eglises orientales unies à Rome. Il y a donc dans l’Eglise catholique de nombreux prêtres mariés, en tout honneur.
Dans l’Eglise latine, c’est l’obligation stricte du célibat pour tous les prêtres qui s’est imposée de plus en plus. Formellement, elle fut décidée de manière solennelle et universelle au 2ème concile du Latran en 1139. Depuis lors, l’autorité de l’Eglise catholique n’est jamais revenue en arrière, même dans les époques –par exemple à la Renaissance- où cette discipline était fort peu observée, même chez les évêques et les papes. Elle estime qu’il y a une connivence spirituelle et pastorale entre le ministère du prêtre et le célibat pour le Royaume des cieux. On sait que la Réforme protestante a aussitôt réintroduit le célibat librement choisi –et non plus obligatoire- pour les évêques et les pasteurs.

Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les papes et le concile Vatican II lui-même ont réaffirmé leur attachement au célibat obligatoire pour les prêtres de l’Eglise latine. Mais devant la difficulté de certains prêtres à tenir leurs engagements et surtout face au manque de prêtres pour les communautés, beaucoup actuellement –même parmi les évêques- se posent des questions. Ils se demandent s’il ne faudrait élargir l’accès au ministère en le rendant possible pour des hommes mariés qui auraient fait la preuve d’une vie généreuse et équilibrée dans leur mariage. On les appelle les « viri probati », autrement dit des hommes « éprouvés ». Un peu partout, des synodes diocésains ou régionaux poussent dans ce sens, sans être entendus jusqu’à ce jour.
Incontestablement, le célibat du prêtre recèle de grandes valeurs évangéliques dont bénéficient les communautés chrétiennes. Mais on peut estimer que ce charisme serait encore mieux mis en valeur et mieux vécu s’il était laissé au libre choix des candidats, comme en Orient. Par ailleurs on sait bien que le mariage comporte aussi ses croix, ses échecs, ses drames même. Aucune condition n’est une panacée. C’est plutôt le besoin des communautés en attente de prêtres qui doit nous faire réfléchir et prier. Et peut-être assouplir une discipline respectable, mais certainement pas absolue.
Claude Ducarroz

dimanche 28 août 2011

Homélie de la dédicace de la cathédrale

Dédicace de la cathédrale 2011

Bon anniversaire, chère cathédrale !

La dédicace, c’est la consécration d’une église pour le culte du Seigneur et le rassemblement de la communauté chrétienne. L’histoire nous apprend que la première église, déjà dédiée à saint Nicolas de Myre, a été consacrée par l’évêque de Lausanne Roger de Vico Pisano le 6 juin 1182, soit exactement 25 ans après la fondation de Fribourg par Berthold IV de Zaehringen. C’est l’anniversaire de cette consécration que nous commémorons aujourd’hui.
La dédicace de la cathédrale St-Nicolas de Fribourg ! La cathédrale, oui, mais pas depuis très longtemps puisque cette église fut déclarée cathédrale le 17 octobre 1924 seulement, soit il y a moins d’un siècle.
Si l’on veut honorer ce sanctuaire dans la totalité de sa longue vie, il faut évoquer les trois étapes de son histoire, qui d’ailleurs se superposent au lieu de s’exclure.

I. De 1182 à 1512, cette église a d’abord été exclusivement une église paroissiale, la seule église paroissiale de Fribourg. Elle continue d’être d’abord une église de paroisse qui réunit la communauté chrétienne de ce quartier blotti autour de son clocher en forme de haute tour pointant symboliquement vers le ciel.
Il est bon de rappeler peut-être ce qu’est une paroisse ou plutôt sa mission dans le contexte d’aujourd’hui.

* La paroisse, dans et autour de son église, doit d’abord nourrir celles et ceux qui viennent, les nourrir de la parole de Dieu, les combler du pain eucharistique, les guider dans la prière.
Nous le savons bien, aujourd’hui les « pratiquants », comme on les appelle, sont moins nombreux que jadis. Mais ce doit être une raison supplémentaire pour que nos liturgies soient nourrissantes, belles et chaleureuses, d’autant plus que notre église rassemble souvent des fidèles venus d’ailleurs qui cherchent, comme nous, un aliment substantiel et si possible savoureux pour leur foi et leur espérance.
* La paroisse, c’est ensuite un lieu d’accueil pour tous les passants, et ils sont de plus en plus nombreux. Je veux parler des touristes certes, mais surtout des « passants » dans leur vie, de celles et ceux qui cherchent un sens à leur existence sans adhérer nécessairement à une Eglise ou à une religion. Dans son église et autour de son église, une paroisse doit être une station-service pour ces « passants de l’Eglise », de sorte que les chrétiens deviennent des « passeurs d’Evangile » par leur esprit d’accueil, de solidarité et de témoignage.
* Enfin, la paroisse ne doit jamais se replier sur elle-même. Ses paroissiens, réguliers ou occasionnels, elle doit sans cesse les envoyer au loin. Je veux dire au large de notre société, dans ce monde passionnant et aussi angoissant, là où le Seigneur nous donne rendez-vous avec son Esprit, pour construire avec tous les hommes de bonne volonté, quelle que soit leur religion, une humanité de fraternité, de justice et de paix.

Voilà pour l’église paroissiale, cœur de la vie chrétienne pour celles et ceux qui veulent suivre le Christ en se donnant la main.

II. Cette église est ensuite devenue- c’était le 20 décembre 1512- une collégiale, autrement dit l’église d’un chapitre de chanoines. En effet, à la demande des autorités civiles de Fribourg, le pape Jules II a érigé cette église en sanctuaire confié à un collège de prêtres –les chanoines dirigés par un prévôt- qui assureraient le ministère en toute autonomie, ce qui signifie indépendamment de l’évêque de Lausanne mais en communion avec lui, évidemment.
Notre chapitre de chanoines va donc célébrer l’an prochain les 500 ans de son existence. Ce sera l’occasion de rappeler son rôle très important dans l’histoire de notre ville et de notre canton, notamment au temps des réformes protestantes et catholique, soit au 16ème siècle. Et bien plus tard aussi, jusqu’à nos jours, dans la mesure où le chapitre de St-Nicolas a toujours vécu en symbiose avec notre peuple dans les heurs et parfois les malheurs de son histoire. Nous aurons donc bientôt l’opportunité d’en reparler et même de fêter avec vous.

III. Enfin, troisième étape de l’histoire de cette église : 1924, la collégiale devient cathédrale pour l’évêque de Lausanne, Genève… et Fribourg, un titre ajouté à ce moment -là. Dès lors, les principaux évènements de notre grand diocèse se passent dans ces murs. Nous sommes en attente d’un nouvel évêque. La dimension diocésaine va se manifester une fois de plus lors de la consécration de notre nouveau pasteur comme elle s’est vécue, par exemple, lors de la sépulture de Mgr Bernard Genoud, et dans bien d’autres circonstances de la vie du diocèse.

Nous sommes donc dans une église à trois fonctions superposées. Il faudrait ajouter que notre cathédrale abrite aussi les grands évènements de la ville et du canton parce que nous sommes en république où, sans confusion mais sans séparation non plus, les autorités de la commune et de l’état tiennent à collaborer avec les Eglises –et réciproquement- pour le meilleur bien de notre population.

A travers toutes ces fonctions, riches et variées, notre cathédrale St-Nicolas est là pour nous aider à faire Eglise tous ensemble, non pas comme un monument relique d’un passé prestigieux mais révolu, mais pour nous inciter sans cesse à incarner aujourd’hui les énergies de l’Evangile en nos vies, dans l’Eglise et dans la société. C’est de là que surgissent les sources vives du baptême, de la parole de Dieu et des autres sacrements. C’est de là aussi que doivent partir les chrétiens conscients de leurs responsabilités, d’une part pour faire vivre leur communauté d’Eglise en pierres vivantes qu’ils sont, d’autre part pour transmettre aux générations futures les trésors de l’Evangile en paroles et en actes, et enfin pour imprégner notre société des valeurs humaines que le Christ est venu apporter au monde.

Cette église, c’est donc une longue histoire. Mais c’est surtout un avenir à construire tous ensemble, dans la variété des charismes et des fonctions, avec la grâce de Dieu, pour sa gloire et le salut du monde.

Claude Ducarroz


mercredi 24 août 2011

Message d'encouragement

Fleur de vie

Courrier d’encouragement

Il faut le reconnaître : notre Eglise n’est pas à la fête, du moins chez nous. Il suffit de consulter les statistiques ou d’écouter les conversations dans le public. Les critiques fusent, les prévisions pessimistes s’accumulent. Il y a plus de prophètes de malheur que de porteurs de Bonne Nouvelle.
Je me laissais gagner par cette ambiance morose quand j’ai ouvert le courrier du jour. L’autorité de mon Eglise m’informe d’un renouveau dans la pastorale de la santé, une jeune moniale me fait part de sa prochaine profession solennelle, un couple d’amis m’invite à fêter ses 40 ans de mariage, un filleul m’annonce son mariage religieux. Tout ça dans le même courrier. Et cerise sur le gâteau évangélique : de son écriture incertaine, une adolescente me remercie personnellement pour la fête de la confirmation que j’ai présidée récemment.
Que de cadeaux ! Sans nier que le christianisme, surtout en Occident, vit des jours difficiles par indifférence, fatigue ou abandon, il nous faut continuer d’accueillir avec reconnaissance tous les signes positifs que le Seigneur ménage sur nos chemins de vie. Comme on cueille des fleurs multicolores en forme de réponses parfumées à nos questions ou déceptions intérieures. L’évangile n’a pas encore fini d’étonner, de mettre en route, de combler des existences humaines.
Nous ne sommes plus au temps des pêcheurs aux vastes filets. Nous devons souvent nous contenter d’être d’humbles pêcheurs à la ligne. Mais l’important n’est-il pas que le Maître est toujours là, qui nous dit : « Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume. » ?
1647 signes Claude Ducarroz

Commentaires sur la messe

La messe, c’est la vie

Les cloches sonnent. Vite, préparons-nous. Il ne faut pas arriver en retard à la messe. Un problème de parcage…et la messe a déjà commencé quand vous entrez dans l’église.
A propos, la messe, ça commence quand ?
Je vais vous étonner : la messe commence bien avant la messe !
Quand Jésus rejoint les disciples d’Emmaüs sur le chemin et fait route avec eux, c’était déjà la messe. Ils l’ont reconnu plus tard quand ils avouèrent après la communion : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures ?» (Lc 24,32)
La messe commence quand notre cœur brûle au-dedans, quand on se laisse rejoindre par le Seigneur sur la route de notre vie, telle qu’elle est. C’est la messe en gestation quand l’Esprit-Saint travaille en nous, quand on essaie de l’écouter, de le prier, de suivre ses inspirations à croire et à aimer.
Il faut toute une vie, toute la vie pour devenir « eucharistique », c’est-à-dire pour laisser le Seigneur commencer la messe en nous et ensuite prolonger cette messe, une fois la communion reçue. Car toute notre existence a vocation eucharistique, à savoir devenir une offrande de ce que nous sommes et de ce que nous faisons comme « sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, véritable culte spirituel ». (Rm 12,1)
Oui, toute la vie a un goût d’eucharistie. Avant, pendant et après la messe.
Mais attention ! Ce n’est pas une raison pour arriver en retard à la messe !
Bien au contraire !


Aller à l’église, c’est se rassembler

Quand on va à la messe, la première chose qu’on fait, c’est se rassembler.
Je suis toujours émerveillé de voir converger vers l’église des personnes si différentes à tant de points de vue. Des enfants et des grands-parents, des Suisses et des étrangers, des gens de toutes conditions sociales et de toutes opinions politiques : ils viennent tous là et se mélangent dans l’espace sacré qui les accueille tous à égalité.
Il n’y a pas de messe sans qu’il y ait d’abord une communauté rassemblée. D’ailleurs le mot « église » signifie « le rassemblement de ceux qui ont été appelés ».
Appelés par Dieu à partir du baptême, invités par le Christ à son eucharistie, poussés à faire communauté sous l’inspiration de l’Esprit.
Se rassembler dans une église, c’est vraiment « faire Eglise », le peuple de Dieu, le corps communautaire de Jésus, le temple de l’Esprit. Pas étonnant que le Christ ait déclaré : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20) Il y a donc une présence réelle de Jésus dans le simple fait que les chrétiens se rassemblent à son appel, en son nom.
Ce qui suppose, évidemment, que les rassemblés par lui se reconnaissent frères et sœurs les uns des autres, malgré toutes leurs différences et toutes leurs divergences. Il serait bon qu’on donne des signes de cette fraternité autour de l’église et en entrant dans le sanctuaire.
Un sourire, une main tendue, un bonjour, c’est si facile.
Et si chrétien !


Quand l’Eglise est à l’église…

Tout est dans l’orthographe. Comment écrivez-vous le mot « église » ? Avec majuscule ou avec minuscule ?
L’Eglise est l’assemblée de celles et ceux qui se sentent appelés par le Christ à « faire communauté ». Ce rassemblement est particulièrement visible quand les chrétiens célèbrent l’Eucharistie, Parole et Pain partagés. Où donc ? Justement dans une église. Mais il faut aussitôt l’ajouter : les chrétiens peuvent aussi se rassembler hors des églises, comme ce fut le cas aux premiers temps de l’Eglise. Ils se donnaient rendez-vous dans les maisons des fidèles (Cf. Col 4,15), car on peut « faire Eglise « partout, au ras de la vie.
Chez nous, les églises sont devenues le symbole même de la présence de l’Eglise en un lieu. Ces églises nous disent quelque chose d’important sur l’Eglise.
Une église, c’est d’abord la maison de toute la communauté. Mais celle-ci est aussi structurée en fonction des divers ministères liturgiques. La nef –entre le portail et le chœur- est le vaste espace qui accueille le peuple de Dieu. Le chœur est situé à l’autre extrémité de l’édifice. C’est là que se déroule, pour l’essentiel, la célébration eucharistique. C’est là que les prêtres et leurs auxiliaires évoluent pour animer la célébration. Parfois les chantres se trouvent aussi dans le chœur pour favoriser la participation active de toute l’assemblée regroupée dans la nef, un vocable qui fait allusion au bateau.
En somme, les chrétiens sont tous dans le même bateau, celui de Jésus, comme dans l’évangile. C’est ça, l’Eglise dans une église.

Un clocher avec des cloches

On imagine mal une église sans clocher…ou sans cloches ! En réalité, les clochers ne se sont généralisés chez nous qu’à partir du 11ème siècle. Ils sont le signe visible de la présence de l’Eglise dans l’espace humain, ville ou village. Quant aux cloches, elles sont des instruments plus ou moins bruyants qu’on repère à partir du 5ème siècle.
Il y a aussi des clochettes à l’intérieur de l’église. Elles sont là pour signaler aux fidèles les principaux moments de la célébration. Il faut reconnaître qu’elles ont un peu perdu de leur raison d’être maintenant que les liturgies sont célébrées dans la langue vivante des gens.
Dans le clocher, les cloches appellent le peuple de Dieu aux rassemblements liturgiques. Elles annoncent aussi au grand public les principaux évènements de la vie ecclésiale, par exemple les fêtes, les décès, les mariages, les baptêmes, etc. Mais il ne faut pas oublier que nos cloches servent aussi à faire connaître les faits et gestes de la communauté humaine, ses grands bonheurs, ses malheurs aussi. On sonne les cloches pour l’incendie, pour commémorer une victoire, pour célébrer un évènement civil important, ce qui témoigne de la solidarité des chrétiens avec toute la société.
Les cloches nous rappellent que l’évangile, à travers les chrétiens, doit résonner dans le monde, jusqu’au bout du monde. A condition que nous ne soyons pas des airains qui sonnent creux, mais des témoins contagieux de la Bonne Nouvelle.



Pas de messe sans prêtre

Les anciens parmi nous s’en souviennent : jadis le prêtre célébrait la messe et les fidèles assistaient à sa messe. A la grand’messe, seul le prêtre communiait. J’ai encore connu cela avant le concile.
Le concile justement nous a rappelé que la messe était une « concélébration » par toute la communauté rassemblée. Est-ce à dire que le prêtre n’a plus qu’un rôle secondaire?
Notre Eglise estime que le prêtre seul peut présider l’eucharistie. Elle s’appuie sur le fait que le Christ a dit aux seuls apôtres : « Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22, 19) Ces mêmes apôtres, après la Pentecôte, ont organisé les communautés en établissant des épiscopes, des presbytres et des diacres, avec des fonctions spécifiques. Toute la tradition de l’Eglise, tant en Orient qu’en Occident, a toujours réservé la présidence de l’eucharistie aux évêques et aux prêtres.
Mais ça ne signifie nullement que la messe est l’affaire du seul prêtre. S’il préside, c’est au nom du Christ qui est toujours celui qui invite et celui qui se donne. Le prêtre est aussi le représentant de la communauté qui accueille et prie le Seigneur présent au milieu des ses amis.
La présidence du prêtre comporte donc une invitation pressante à tous les autres célébrants :
« Que les fidèles participent à l’action liturgique de façon consciente, active et fructueuse », rappelle le concile Vatican II.
Et n’oublions pas de prier pour les vocations au ministère de prêtre, ça va de soi. Nous en aurons toujours besoin.


Merci à tous les autres serviteurs…et servantes !

Il arrive que le prêtre soit le seul qui prépare et célèbre la messe. C’est une misère. Car l’Eglise invite d’autres chrétiens à rendre de multiples services concrets avant, pendant et après la messe. Le Christ lui-même avait demandé à ses disciples de préparer la Pâque « dans une salle à l’étage, garnie de coussins ». (Cf. Lc 22,7-13)
Heureusement, chez nous, il y a encore de nombreuses personnes qui s’activent pour rendre nos liturgies non seulement possibles, mais aussi dignes et belles, sans que le prêtre doive s’occuper de tout. Par là, ces chrétiens mettent en pratique leur mission de baptisés et de confirmés. Pas pour se mettre en évidence, comme certaines mauvaises langues les en accusent parfois injustement, mais pour que la messe soit « bien servie » à la communauté rassemblée.
Que ferions-nous sans nos organistes, choristes, animateurs, sacristains, fleuristes, lecteurs et lectrices, servants et servantes de messe, etc.. ? Que de dévouement gratuit pour se préparer et pour accomplir au mieux leurs belles tâches !
On ne peut que les remercier et souhaiter qu’ils exercent leurs fonctions à l’église dans un esprit d’Eglise, à savoir « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».
Et pour la joie de toute la communauté qui peut ainsi mieux prier et chanter, mieux écouter la parole de Dieu, mieux accueillir la présence eucharistique.
C’est si précieux !


Pour la parole et pour le pain

Nous sommes des êtres de chair et de sang. Même les mystères les plus spirituels ont besoin de signes concrets pour toucher notre humanité. Ainsi la parole de Dieu est-elle inscrite dans des lettres, au point de constituer un livre, la bible. Pour la liturgie, on place le livre de cette parole sur un support élevé, bien visible et parfois orné. Tel est l’ambon, une sorte de pupitre d’où les ministres proclament et expliquent les Ecritures, de sorte que l’assemblée les entende bien et les comprenne au mieux.
De même pour la célébration de l’eucharistie. Jésus n’a-t-il pas pris du pain et du vin « fruits de la terre et du travail des hommes » pour signifier le don de son amour? On peut appeler ce geste son sacrifice. Le lieu de l’offrande, c’est l’autel, une table élevée où le prêtre, au nom de Jésus et dans la puissance de son Esprit, prononce les paroles de la consécration et prépare la communion au corps et sang du Seigneur.
Jadis l’autel était remisé au fond du chœur, ce qui éloignait le prêtre de l’assemblée, d’autant plus que le célébrant tournait le dos aux fidèles. Depuis le concile, l’autel est placé au plus près du peuple rassemblé, ce qui signifie que tous sont en quelque sorte « concélébrants », même si le prêtre est le seul à présider la liturgie, « face au peuple » évidemment.
Ne séparons jamais la table de la parole et la table du pain de vie. En effet, le concile nous dit : « L’Eglise a toujours vénéré les divines Ecritures comme elle l’a toujours fait aussi pour le Corps même du Seigneur ».
Deux nourritures qui se donnent la main : rien de trop pour fortifier la vie chrétienne !


Le tabernacle et sa veilleuse rouge

Spontanément, le catholique cherche dans une église où se trouve le tabernacle, avec la petite lampe rouge qui le signale. Il tient à venir faire une génuflexion ou une inclination devant ce signe de la présence réelle eucharistique.
Après la célébration, le Pain consacré est d’abord conservé pour être apporté aux malades, aux prisonniers, aux personnes âgées. Dès le 12ème siècle, du moins en Occident, on a mis cette « réserve eucharistique » dans une armoire –souvent en forme de tourelle- ou dans une niche creusée dans le mur. C’est seulement à partir du 16ème siècle qu’on a placé le tabernacle sur l’autel et bientôt derrière l’autel, au milieu du retable orné de décorations dorées, de fleurs et de cierges.
Avec la liturgie renouvelée par la Concile Vatican II, le tabernacle a retrouvé sa place à côté de l’autel et parfois même dans une chapelle latérale mieux adaptée à la prière silencieuse, surtout si le Pain de vie est exposé dans un ostensoir destiné justement à le présenter, visible, à l’adoration des fidèles.
Même si les Eglises d’Orient n’ont pas l’habitude d’un culte eucharistique hors de la messe, tous nous croyons au mémorial de la présence du Ressuscité dans l’Eucharistie. Nous pouvons nous tenir en prière devant le tabernacle, afin de prolonger ainsi la messe, en attendant la suivante.
Nos églises sont donc habitées, mais c’est pour que chacune de nos vies soit remplie de la divine et humaine présence de Jésus vivant.



Le cierge pascal et les autres

L’être humain a toujours été fasciné par la lumière, celle du soleil durant le jour, les lumières de substitution durant la nuit. C’est pourquoi toutes les religions, d’une manière ou d’une autre, utilisent et parfois vénèrent la lumière au cours de leurs rites.
Le récit de la création dans le livre de la Genèse commence par ces mots : « Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut. » (Gn 1,3)
Nous croyons que Dieu est l’auteur de toute lumière, si précieuse pour toute vie.
C’est pourquoi on peut dire, de manière symbolique, que Dieu est lumière, notre lumière.
Les chrétiens ont retenu que le prêtre Zacharie, père de Jean-Baptiste, a tenu à annoncer la venue de Jésus comme celle du « soleil levant ». (Lc 1,78)
Ce soleil qui s’est levé au milieu de la nuit de Pâques, c’est le Seigneur ressuscité, désormais entièrement absorbé avec son humanité dans la gloire divine.
Toutes les lumières utilisées dans la liturgie nous rappellent ces mystères et ces messages. Et d’abord le cierge pascal, signe de Jésus ressuscité. A partir de cette lumière, nous avons été comme « allumés » au Christ lors de notre baptême. C’est aussi au cierge pascal que l’on va chercher la lumière qui entoure le cercueil au moment des funérailles chrétiennes. Sur l’autel de l’eucharistie brûlent aussi des bougies. Tout un symbole !
Chaque cierge nous rappelle donc deux vérités complémentaires que Jésus a exprimées : « Je suis la lumière du monde… » (Jn 9,5) et « Vous êtes des fils de la lumière… » (Jn 12,36).
A condition d’être toujours reliés à la source de cette lumière, le Christ pascal.


Salut, ô croix !

Chaque religion a son signe de reconnaissance et de ralliement. Pour les chrétiens, c’est la croix, en mémoire de Jésus de Nazareth qui fut crucifié à Jérusalem sous Ponce Pilate.
C’est pourquoi on voit la croix un peu partout, sur les clochers, à la croisée des chemins, suspendue au cou des fidèles, etc… Et dans les églises évidemment. Souvent, une grande croix domine l’entrée du chœur. Elle est aussi présente sur une hampe comme croix de procession. Certains la posent au milieu de l’autel pour la célébration de la messe.
Nous sommes beaucoup trop habitués à la croix. Car il ne faut pas oublier que le supplice de la croix était une infamie réservée aux esclaves criminels. Faire de la croix un signe de reconnaissance, c’est un défi qui se justifie par autre chose. Précisément, par la résurrection. Nous croyons que la mort du Christ sur la croix n’est pas le dernier mot de son destin, mais l’antichambre douloureuse de sa résurrection glorieuse.
C’est pourquoi on peut comprendre que certains préfèrent arborer la croix sans le crucifié. La croix, pour rappeler le sacrifice du Christ par amour pour nous et pour le salut du monde, mais sans le crucifié pour signifier qu’il n’est plus sur cette croix puisqu’il est ressuscité au matin de Pâques.
L’important, c’est de ne jamais banaliser la croix, de ne pas devenir des blasés de ce signe si chargé de sens. Par exemple en traçant sur soi le signe de la croix, lentement et avec ferveur, pendant la messe mais aussi durant nos journées.



La Bible et d’autres livres

« L’Eglise a toujours vénéré les divines Ecritures, comme elle l’a toujours fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la parole de Dieu et sur celle du corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles ». Telle est la vérité de base que le Concile Vatican II nous a rappelée.
Tout cela doit se voir dans des signes. Il y a le tabernacle pour l’Eucharistie ; il y a la Bible, désormais bien mise en évidence, pour la parole de Dieu. On le manifeste encore davantage quand, durant la messe, on apporte le lectionnaire en procession, quand on l’encense, quand on le baise pieusement à la fin de la lecture. Car un lectionnaire, placé normalement sur ce pupitre qu’on appelle un ambon, contient des extraits de la Bible qui servent aux lectures adaptées à chaque célébration.
Présenté au prêtre par un servant ou placé sur l’autel, il y a aussi un autre livre, celui qu’on nomme le « missel » parce qu’on y trouve les autres prières de la messe, et notamment les prières eucharistiques à choix que le célébrant récite lentement pour accomplir le rite eucharistique.
Et si l’on se préparait à la messe en lisant à l’avance les textes bibliques –Ancien et Nouveau Testament- qui figurent dans le lectionnaire ? A moins de les méditer après la messe pour en prolonger les effets. Toutes sortes de petits missels sont à notre disposition pour cela. A nous de faire en sorte que la messe épouse et féconde toute la vie.



Des vêtements très spéciaux : liturgiques !

Le vêtement est une protection. Il est aussi un message. Paradoxalement, par mes habits, je me dévoile, je dis qui je suis ou qui je voudrais être au regard des autres. Certains vêtements, typiques de telle profession, indiquent ce que je fais.
Les ministres du culte chrétien portent des vêtements liturgiques. Ils signalent par là leur mission dans la célébration et facilitent la reconnaissance de ce rôle par toute l’assemblée.
Le prêtre est reconnaissable à trois ornements.
L’aube, comme son nom l’indique, est une longue robe blanche héritée de la toge des Romains. L’étole est une bande de toile portée comme une écharpe par-dessus l’aube. Quand elle est placée en sautoir depuis l’épaule jusque sur la hanche, elle signale un diacre. La chasuble est un ample manteau sans manche qui retombe sur les bras du prêtre et descend de chaque côté, plus bas que les genoux. Lors de solennités hors de la messe, le prêtre revêt une chape, vaste pèlerine retenue par une agraphe sur la poitrine.
Plus importante que les formes des vêtements, c’est leur couleur qui donne un message.
Le blanc, couleur de lumière, symbolise les fêtes du Seigneur et celles de Marie. Le violet est réservé aux temps de pénitence (Avent et Carême) ainsi qu’au deuil. Le rouge évoque l’Esprit de Pentecôte et le sang des martyrs. Le vert est utilisé pour les dimanches et jours du temps dit « ordinaire », sans fête particulière.
Le plus important nous est rappelé par l’apôtre Paul : « Vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ». (Ga 3,27)


Des fleurs pour la fête


Pas de fête sans fleurs ! Elles ornent les lieux de rassemblements, elles ajoutent de la poésie sur nos tables, elles constituent un beau cadeau offert à celui ou celle qu’on aime.
L’église est un lieu de rassemblement pour toute la communauté chrétienne. Pas étonnant dès lors qu’on y trouve des fleurs près des espaces sacrés, par exemple devant l’ambon ou près du tabernacle. L’autel utilisé pour l’eucharistie est vraiment la table de famille sur laquelle le Christ se redonne à nous. On y dispose volontiers des fleurs pour égrener un brin de beauté.
Des fleurs à l’église, c’est une manière d’honorer à la fois le Seigneur présent et la communauté qui l’accueille. C’est faire la fête dans l’esprit de l’évangile.
Les fleurs sont un signe de vie et de grâce qui convie la nature à venir célébrer avec nous la louange du créateur, tout en favorisant notre contemplation. Encore faut-il qu’elles soient significatives et non pas surabondantes ou désordonnées. On ne met pas des fleurs n’importe où ni n’importe comment. Un bouquet doit être un langage qui consonne avec la liturgie et en manifeste l’ambiance. Il faut méditer les textes de la célébration avant de composer un arrangement ou de placer des fleurs. Car ils ne sont pas là pour illustrer la compétence de la fleuriste mais pour renforcer l’esprit de la liturgie.
C’est très beau, une église ornée avec goût, sans surcharge, dans des couleurs et des formes qui soulignent discrètement le message évangélique au lieu de l’étouffer sous les bouquets.
Merci aux fleuristes liturgiques !


L’accueil par la croix

La communauté chrétienne n’est pas un troupeau d’anonymes. Même si nous ne nous connaissons pas tous, nous arrivons à l’église sur l’appel d’un ami commun : le Seigneur ressuscité. Il y a donc entre nous une fraternité mystérieuse, mais très profonde.
Comment peut-on entrer dans le sanctuaire –où nous allons entendre la même Parole et communier au même Pain- sans se saluer les uns les autres, comme si nous étions des étrangers ? Il vaut la peine d’arriver un peu à l’avance pour se dire bonjour, devant ou même dans l’église.
Après l’accueil convivial, laissé à l’initiative de chacun, c’est maintenant l’accueil liturgique. Un coup de sonnette, peut-être une musique ou un chant d’entrée : voici que s’avance la procession des célébrants. Quelqu’un les conduit, comme un président discret mais réel : le Christ pascal, signalé par la croix. En se signant, toute l’assemblée se place alors sous la croix du Ressuscité. C’est ce que signifie aussi la présidence par un prêtre lorsqu’il nous salue en nous souhaitant « la grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu notre Père et la communion du Saint-Esprit ».
La croix, la Trinité : nous sommes situés à notre juste place, près de l’instrument de notre salut et dans le cœur brûlant de notre Dieu. A nous de traduire tout cela dans nos attitudes de vie : nous saluer à l’entrée ou à la sortie de l’église et augmenter notre fraternité par nos démarches de solidarité et d’amour au jour le jour.
C’est simple en somme : devenir plus accueillants parce que nous avons été bien accueillis.
Par Dieu lui-même, en son Eglise.

Un temps pour la miséricorde

En entrant dans l’église, nous arrivons tels que nous sommes, sans fards, sans masque. Autrement dit « pauvres pécheurs ». Pas comme le pharisien qui remerciait le Seigneur parce qu’il s’estimait meilleur que les autres, mais comme le publicain conscient de ses faiblesses et de ses péchés. Nous savons comment Jésus accueillait les pécheurs de toutes sortes. Là est notre confiance : sa miséricorde, autrement dit son cœur ouvert sur nos misères pour les brûler dans son amour. Comme sur la croix.
Tel est le sens de la liturgie pénitentielle au début de la messe. C’est le temps d’une double vérité libératrice. Nous reconnaissons nos fautes, sans faire les malins. Mais nous avons surtout recours au pardon de celui qui est venu « non pas pour les justes mais pour les pécheurs ». Si nos péchés nous attristent, si nous désirons de tout notre cœur changer de vie –on appelle cela la conversion-, c’est pour mieux nous laisser réabsorber dans l’amour du Sauveur, toujours prompt à pardonner.
Nous ne devons pas faire de la liturgie pénitentielle un moment de déprime spirituelle, mais une expérience de réconciliation transfigurante. Nous avons tous besoin de libération intérieure. Le prêtre nous assure de cet amour-là à travers les paroles de l’absolution.
Reste à vivre comme des pauvres enrichis par la tendresse victorieuse de leur Dieu.
C’est pour après la messe, tous les jours de la semaine.


Gloria : plus qu’un air de Noël !

Le Gloria est l’un des plus anciens cantiques composés par des chrétiens. On le trouve déjà dans l’office du matin en Orient au 4ème siècle. Il donne à nos liturgies un air de Noël puisqu’il commence par citer le chant des anges à la nativité du Seigneur (Cf. Lc 2,14). En réalité, cette hymne est d’une grande richesse théologique et spirituelle, qui dépasse le romantisme dans lequel la musique l’a parfois enfermée.
La première partie s’adresse au Père que nous adorons dans toute sa gloire. La deuxième partie nous tourne vers Jésus, le Fils unique, dont nous rappelons le mystère pascal puisqu’il est cité comme Agneau de Dieu assis à la droite du Père. Nous lui demandons d’avoir pitié de nous et de recevoir nos prières. Enfin la troisième partie est explicitement trinitaire. Le Christ est associé au Saint-Esprit dans la gloire de Dieu le Père.
Ce cantique met une ambiance festive dans nos liturgies, c’est pourquoi on s’abstient de le chanter aux temps de pénitences et de deuil. Mais c’est pour mieux faire éclater sa joie, par exemple dans la nuit pascale.
Les compositeurs de musique sacrée ont mis leurs talents et parfois leur génie –il suffit de penser à Mozart- au service de cette louange liturgique. Mais il serait dommage de toujours réserver ce chant à la chorale, car il a un caractère éminemment populaire. Il met du soleil dans nos fêtes et dans nos vies, même si nous avons conscience d’avoir toujours à solliciter la douce pitié de Dieu. Le Gloria est un chant complet, comme le pain de l’Eucharistie.


On prie : les oraisons

On vient à l’église –entre autres- pour prier. Il y a bien des manières de prier durant la messe.
Les oraisons -avant les lectures, sur les offrandes et après la communion- ont un caractère particulier. Ce sont des prières brèves, exprimées par le prêtre seul, mais au nom de toute la communauté. C’est pourquoi le célébrant invite d’abord l’assemblée à se mettre en prière durant un instant de silence. Les oraisons rassemblent les prières de tous et de chacun. Normalement, elles font allusion à la fête célébrée ou aux thème de la liturgie indiqué surtout par les lectures bibliques.
Tantôt colorées par l’action de grâces, tantôt influencées par la supplication, les oraisons nous aident à recourir à Dieu dans la confiance. Toutes ces prières liturgiques ont un caractère trinitaire. Elles s’adressent au Père, par le Fils, dans l’Esprit, même quand elles font allusion à la vie ou à la prière d’un saint ou d’une sainte. L’apôtre Paul nous dit en effet que seul le Christ ou l’Esprit peut prier en nous « comme il faut », en criant au fond de notre coeur : Abba, Père » (Cf. Rm 8,15 et Ga 4,6.)
On peut souhaiter que le choix des oraisons liturgiques soit enrichi, pour des prières mieux adaptées aux lectures du jour et au langage d’aujourd’hui. Mais, quelles qu’elles soient, les oraisons liturgiques doivent nous inciter à devenir des chrétiens d’oraison, autrement dit des priants au long de nos journées, par exemple en communion avec ces grands priants que sont les moines et les moniales de nos couvents.




Ta parole est lumière

« Une lampe sur mes pas, ta parole,
une lumière sur ma route ».
Ce verset du psaume 119 nous indique pourquoi il n’y a pas de messe sans la lecture d’un passage de la Bible. Car Dieu a parlé dans notre histoire, au peuple d’Israël d’abord et surtout en son fils Jésus-Christ dont les apôtres ont retenu les gestes et les paroles pour nous les transmettre. L’Eglise se constitue autour de ces paroles, véritable nourriture pour notre foi. C’est pourquoi le Concile Vatican II nous dit cette vérité assez étonnante : « L’Eglise a toujours vénéré les divines Ecritures comme elle l’a toujours fait pour le corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles. »
Il faut donc se servir d’abord sur la table de la Parole avant d’accéder à la table de l’Eucharistie.
Depuis le Concile, l’Eglise a considérablement élargi le trésor de la Parole à la disposition des croyants. D’abord, la parole biblique est désormais proclamée dans la langue des gens. Et surtout les lectures sont beaucoup plus nombreuses, tirées de l’Ancien Testament, des actes et des lettres des apôtres, etc… Normalement, le texte choisi pour la première lecture est en relation avec l’évangile qui suit.
Ces lectures extraites des Ecritures saintes sont un message que Dieu nous adresse à travers l’Eglise. Elles méritent notre attention et notre adhésion. Pour notre éclairage et pour notre bonheur puisque la parole de Dieu, selon le prophète Ezéchiel, est « douce comme le miel ».


Le psaume en tous ses états

Parmi les lectures bibliques, les psaumes occupent une place particulière. Ce recueil de 150 poèmes est une véritable mine de prières. Car on y trouve, exprimés sans tabou, toutes les expériences humaines et tous les sentiments qui peuvent traverser l’âme des croyants. Au détour de ces textes fort variés, on découvre la louange mais aussi la colère, la confiance mais aussi les cris du désespoir, les chants de la tendresse mais aussi les appels à la vengeance, etc..
Chacun de nous, dans quelque situation qu’il se trouve, peut y puiser des paroles fortes pour sa propre prière.
C’est pourquoi l’Eglise –comme Jésus d’ailleurs- fait siens les psaumes de la Bible pour exprimer sa relation à Dieu, avec toutes les couleurs qu’elle peut revêtir. Les religieux et les prêtres récitent les psaumes en priant leur bréviaire. Aujourd’hui beaucoup de laïcs se servent aussi de ces textes pour nourrir leur vie spirituelle. Tant mieux !
Dans la liturgie, l’Eglise place toujours un psaume entre les deux lectures bibliques. Elle propose de le chanter, si possible avec l’aide d’une antienne reprise par toute l’assemblée. Le psaume nous aide à faire une pause de méditation, tout en laissant monter en nous les mots empruntés au poète croyant qui les a mis par écrit à l’intention de sa communauté.
Certains passages nous semblent dépassés, voire inadmissibles. Il nous faut les accueillir comme des témoignages d’humanité et les comprendre après les avoir fait transiter par le cœur du Christ, le sommet de la révélation biblique. Alors tout culmine dans l’action de grâces.





Debout ! Alleluia !

Pour bien écouter les lectures, il vaut mieux être assis. Et pourtant, quand il s’agit de l’évangile, le peuple chrétien est invité à se lever. C’est l’attitude des ressuscités qui veulent entendre leur Seigneur. Car nous avons conscience que c’est lui qui s’adresse directement à nous lorsque le prêtre ou le diacre proclame un extrait des quatre évangiles. L’Eglise nous demande de mettre en évidence ce beau moment qui évoque les disciples et la foule réunis autour de Jésus quand il annonçait la Bonne Nouvelle du Royaume.
Normalement, le livre des Evangiles a été porté en procession au début de la messe et placé sur l’autel pour indiquer que le Christ est le véritable président du rassemblement liturgique. C’est une acclamation pascale –l’Alleluia- qui accompagne l’évangéliaire de l’autel vers l’ambon, comme la foule chantait les louanges de Jésus le jour des Rameaux. On peut même ajouter l’encens et des flamberges pour solenniser la procession, toujours au chant de l’alleluia ou d’un autre refrain joyeux, même durant le Carême.
Cette mise en scène signifie l’importance que nous accordons à la vie et aux paroles de Jésus, que les évangélistes nous ont rapportées pour la nourriture de notre foi et l’illumination de notre vie.
Des baptisés debout, qui boivent la parole de Dieu dans la joie : c’est un témoignage très fort.


Une si bonne nouvelle !

C’est le sommet de la liturgie de la parole : on proclame, parfois en chantant, l’évangile du jour, à savoir un extrait des quatre évangiles que l’Eglise a retenus pour son édification. Comment ne pas être touché par cette « bonne nouvelle », ce que signifie le mot « évangile » ?
En honorant l’évangéliaire, en l’encensant au début de la lecture, en l’élevant à la fin, en le baisant avec respect, c’est le Christ lui-même que nous adorons et que nous aimons. Car sa parole et ses gestes, racontés dans ces textes, sont pour nous « lampe sur nos pas, lumière sur notre route » (Ps 119,105).
Nous sommes convoqués à Nazareth, quand Jésus lui-même faisait la lecture dans la synagogue de son village, en ajoutant : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Ecriture ». Et les auditeurs furent dans l’étonnement devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche (Cf Lc 4,21et 22).
Quand nous acclamons l’évangile, nous ravivons les mêmes sentiments d’admiration. Mais nous devons aussi nous souvenir de la mise en garde Jésus devant la femme enthousiasmée par ses paroles : »Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique » (Lc 11,28)
Ecouter l’évangile, c’est un émerveillement, mais c’est aussi tout un programme de vie.



On explique : l’homélie

Après les lectures bibliques, nous sommes un peu comme cet eunuque assis sur son char avec le diacre Philippe entre Jérusalem et Gaza. Il lui dit : « Comment pourrais-je comprendre les Ecritures si personne ne me guide ? » (Ac 8,31). Jésus lui-même, au soir de Pâques, prit du temps pour expliquer aux disciples d’Emmaüs « dans toutes les Ecritures ce qui le concernait » (Lc 24,27).
Telle est la fonction de l’homélie. Il s’agit d’abord d’expliquer l’un ou l’autre passage de la Bible qui vient d’être lu, car il n’est pas si simple de bien comprendre et d’interpréter juste. Même si le prêtre ou le diacre ne prétend pas tout savoir ni bénéficier de l’infaillibilité dans ses commentaires, il a reçu une formation et se trouve investi d’une mission qui lui permettent de faire mieux comprendre ce que veut dire tel ou tel texte. Il se permettra ensuite de proposer des pistes d’actualisation du message dans le contexte de la société et de l’Eglise d’aujourd’hui. Car la parole ne doit pas devenir une pure information intellectuelle. Il faut qu’elle s’incarne dans la vie concrète de chacun, y compris dans celle du prédicateur d’ailleurs.
Mais, face à l’Ecriture et aux commentaires qu’elle suscite, rien ne remplacera jamais la capacité d’écoute et d’accueil intérieur de l’auditeur lui-même, celle qui faisait dire aux disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures ? » (Lc 24,32)


Je crois…nous croyons !

La Parole de Dieu n’est qu’une divine proposition destinée à notre foi. Dieu nous parle au cœur, mais il ne force pas notre acquiescement. Chaque dimanche à nouveau, comme au jour de notre baptême, notre foi est sollicitée, pas contrainte. Ce qu’on appelle le Credo, c’est notre réponse libre au message entendu dans les lectures bibliques suivies de leur explication. C’est notre oui à Dieu, notre amen à son message d’amour.
Cette réponse est d’abord personnelle, car nul ne peut croire à notre place. Mais elle est aussi communautaire. Nous ne sommes pas les premiers à croire aux mystères révélés dans la Bible. Nous ne sommes pas non plus les seuls. C’est pourquoi l’Eglise nous invite, pour proclamer notre propre foi, à nous glisser dans des formules anciennes: le Symbole des apôtres –déjà récité au 2ème siècle- ou le Symbole de Nicée-Constantinople, en usage depuis le 4ème siècle.
Ces formules –dont le langage peut nous paraître un peu étrange- nous mettent en communion avec les chrétiens de tous les siècles antérieurs qui ont parfois donné leur vie par fidélité à ce même Evangile. Elles permettent aussi de proclamer, aujourd’hui encore, une seule et même foi partout dans le monde.
A certaines occasions, rien ne nous empêche de traduire ces paroles dans des formulations plus actualisées. Mais bien entendu le sens doit demeurer le même, à savoir professer en Eglise notre adhésion de cœur et d’esprit à la Bonne Nouvelle de Jésus, « le même hier, aujourd’hui et à jamais » (He 13,8).


Une prière de grande dimension

Avec la réintroduction de la prière universelle –dite aussi « prière des fidèles »-, le Concile Vatican II a retrouvé une tradition qui remonte aux premiers siècles du christianisme. La liturgie de la Parole s’achève ainsi par une grande et belle intercession de type litanique. Elle doit nouer deux points d’attention : le thème liturgique du jour exprimé dans les lectures bibliques, et les besoins concrets de l’Eglise et du monde, sans oublier le contexte de la communauté qui célèbre. Cette prière est justement universelle parce qu’elle porte devant Dieu les heurs et malheurs auxquels s’affrontent les êtres humains en notre temps. Mais les intentions propres de l’Eglise universelle, diocésaine et locale y ont aussi leur place. Ce n’est pas le moment de faire des allusions très personnelles, sauf si l’on célèbre dans un petit groupe. Un moment de silence avant la prière de conclusion par le prêtre permet cette expression plus individuelle.
Il serait dommage que cette prière en Eglise retombe dans des formules toutes faites. La sève biblique et les cris de l’actualité doivent se conjuguer pour animer une vraie prière communautaire qui, suivant les circonstances, sente bon la louange, l’intercession et surtout la confiance en Dieu qui veille sur chacun de ses enfants.
Et si des fidèles collaboraient davantage à la « confection » de cette prière aux dimensions du cœur du Christ et du vaste monde ?


Pas qu’une affaire d’argent !

J’ai connu le curé d’une paroisse pauvre qui annonçait sans rire « une messe toutes les deux quêtes » ! Et un autre qui recommandait des quêtes silencieuses, que des billets sans le bruit indiscret de la petite monnaie !
Nous devrions tous relire les chapitres 8 et 9 de la deuxième lettre aux Corinthiens, et comment l’apôtre Paul place la solidarité économique à un niveau hautement théologique. D’après les Actes des apôtres (2,44 et 45), les premiers chrétiens « mettaient tout en commun…en partageant le prix entre tous selon les besoins de chacun ».
Le bon sens nous dit que la communauté chrétienne doit assumer ses coûts économiques, ceux de son personnel, de ses activités et de ses bâtiments.
On peut aussi reconnaître à la collecte une valeur éminemment liturgique. N’est-ce pas une façon de participer à la grande offrande qui monte vers Dieu dans le Christ à cet instant de la liturgie ? L’argent donné devient le symbole matériel de l’offrande de nos personnes en « hostie vivante, sainte, agréable à Dieu » (Rm 12,1).
Donner signifie que l’on a d’abord reçu, c’est une manière de remercier. C’est aussi un acte de partage évangélique, surtout lorsque la collecte est destinée à une œuvre de bienfaisance, car la compassion efficace est la marque du vrai chrétien.
S’il fallait retenir un conseil lorsque passe le plateau de la quête, retenons celui-ci : « Que chacun donne selon ce qu’il a décidé dans son cœur, non d’une manière chagrine, car Dieu aime qui donne avec joie » (II Co 9,7).



« Il prit du pain…et du vin »

Ca peut paraître étonnant: Jésus est souvent en train de manger avec ses amis, selon les évangiles. Les repas, c’était très important pour lui. On comprend pourquoi il a fait l’Eucharistie, non seulement au cours d’un repas, mais sous la forme d’un repas. Prenez, mangez, prenez, buvez…
Déjà dans l’Ancien Testament, certains repas étaient sacrés parce qu’ils signifiaient l’alliance entre Dieu et son peuple. Ainsi du repas pascal.
Pour démontrer au maximum son amour en promettant de « demeurer en nous comme nous en lui », Jésus a choisi le signe visible d’un repas, moment par excellence d’une communion dans l’amour.
Pour faire son repas, Jésus a besoin de nous. Il attend de nous un peu de pain, un peu de vin, le minimum pour qu’il puisse y avoir eucharistie. Nous les apportons, parfois en procession, au moment de l’offertoire. Comme son nom l’indique, c’est une offrande de notre part. Mais c’est surtout le signe de l’offrande de nous-mêmes, nos personnes avec ces simples choses.
En vérité, le pain et le vin sont déjà plus que des choses. Car on ne les trouve pas comme tels dans la nature. Aux fruits de la terre, il faut ajouter le précieux -et parfois rude- travail des hommes et des femmes.
Ainsi, lors de l’offertoire, la nature de l’univers devient une culture humaine avant de servir au culte de la nouvelle alliance. Toute une remontée vers Dieu qui permettra bientôt au Fils de Dieu de venir habiter en nous : la pleine action de grâces « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».



Plus qu’une simple préface

Après l’oraison d’offertoire, le prêtre entonne une prière plus solennelle qu’il est invité à chanter. Ne nous fions pas au vocabulaire courant : cette « préface » inaugure la grande prière eucharistique, le cœur de la messe. Elle concentre une louange lyrique, adressée au Père par Jésus-Christ. Elle s’adapte aux circonstances et aux fêtes. Nous y détaillons les nombreuses raisons que nous avons de rendre grâces au Seigneur pour tant de grâces reçues dans le passé d’Israël, dans la vie du Christ mort et ressuscité, dans l’expérience de l’Eglise à travers les siècles. Et dans chacune de nos vies.
Pour que notre louange soit complète, nous y associons les anges et les saints qui, dans le ciel et en communion avec nous, ne cessent de chanter la gloire de Dieu. Quel immense concert !
Et que chanter avec eux ? Une louange que nous trouvons dans la Bible. Le Sanctus -3 fois- nous est fourni par le prophète Isaïe (6,3) et le Benedictus, qui fait allusion à la venue du Béni qu’est Jésus-Christ, est tiré du psaume 118, verset 26, une acclamation reprise par les foules lors de l’entrée du Christ à Jérusalem.
Oui, après la préface, le Seigneur vient, sous le signe de son repas partagé. Nous l’accueillons déjà comme le Messie, celui « qui donne le salut. » C’est le sens du mot
« Hosanna ».



Il prit la coupe…

Au cœur de chaque eucharistie, on fait mémoire de la première Cène imaginée et vécue par le Christ avec ses apôtres la veille de sa mort. C’est à ce moment-là que « Jésus prit la coupe
en disant : Prenez et buvez, ceci est la coupe de mon sang… »
Dans la tradition biblique, la coupe signifie le sacrifice, le don total de soi, jusque dans la souffrance et la mort. C’est pourquoi, au moment de son agonie, Jésus a demandé au Père que cette coupe s’éloigne de lui, tout en ajoutant qu’il la boirait, si c’était sa volonté (Cf. Mt 26,39 et 42).
Cette coupe –qu’on appelle aussi « calice »- sert à contenir le vin consacré en vue de la communion au sang du Christ. Sur l’autel, elle est accompagnée d’une autre coupe –ou patène- qui contient les hosties de pain appelé à devenir le corps du Christ. Une troisième coupe recueille, après la communion, les hosties non encore consommées. Il s’agit du ciboire que l’on place dans le tabernacle fermé à clef.
Tout cela pourrait s’apparenter à de la « vaisselle liturgique ». En réalité, Jésus s’est servi de l’image de la coupe pour interroger ses amis : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » (Mc 10,38). Et l’apôtre Paul, justement à propos de l’eucharistie, met en garde ceux qui « boivent la coupe du Seigneur indignement » (I Co 11,27) en blessant l’unité de la communauté.
Ces deux interpellations nous rappellent que, lorsque l’on communie, on s’engage à mener une vie eucharistique, en pleine solidarité avec le Christ et les frères, dans les joies et les peines de la vie, toutes offertes au Père avec Jésus lui-même.


Du pain…du vin… : Jésus !

Un peu partout, sous une forme ou sous une autre, le pain est devenu le symbole même de ce qui est nécessaire à la vie. Il suffit de songer au Notre Père : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Et à la multiplication des pains, afin que les foules épuisées aient quelque chose à manger (Cf. Jn 6). Quant au vin, il signifie la fête, le bonheur partagés. On devine pourquoi Jésus a transformé l’eau en vin aux noces de Cana.(Cf. Jn 2)
Il faut noter que ces deux nourritures allient, sous une forme simple et même populaire, le don de Dieu à ses enfants, le produit de la terre et le travail des hommes et des femmes. Nature et culture, en vue du culte.
Dans le culte nouveau, tout en reprenant les éléments essentiels du repas pascal juif, Jésus s’est servi du pain et du vin. Il veut manifester par là qu’il est lui-même « le pain vivant descendu du ciel pour que nous ayons la vie ». Il veut aussi indiquer que le vin, devenu son sang, scelle entre lui et nous une « alliance nouvelle et éternelle » qui s’épanouira dans le banquet du Royaume. Un sacrifice qui conduit au festin fraternel.
Il est bon de communier au pain et au vin consacrés, comme Jésus nous y invite. Manger et boire sa vie donnée, c’est se laisser assimiler par lui au tréfonds de notre personne. C’est aussi devenir pour les autres une nourriture d’amour et de joie, à l’image de ce qu’il signifie et donne à chaque messe. Lui qui est la vigne, dont nous sommes les sarments (Cf. Jn 15).




Le cœur de l’eucharistie I

La prière eucharistique – appelée aussi « canon de la messe »- nous transporte au Cénacle, là où Jésus a inventé la première messe. Nous faisons acte de mémoire, ou plutôt nous célébrons un mémorial. C’est bien plus qu’un souvenir. Nous sommes invités à prendre place à la table du Christ avec ses apôtres. Car le mémorial eucharistique, par la puissance de l’Esprit, ré-actualise pour nous ce que Jésus a vécu avec ses disciples.
La réforme liturgique autorise plusieurs prières eucharistiques. Mais chacune est construite sur le même modèle, qui rejoint ce que Jésus a dit et fait au soir du jeudi saint.
D’abord elle s’adresse au Père, celui de Jésus et le nôtre. Elle rappelle ce que Dieu a fait pour nous dans le mystère de la création, dans l’histoire sainte et surtout dans la vie, la mort et la résurrection du Christ. Puis vient l’invocation solennelle de l’Esprit « afin que le pain et le vin deviennent le corps et le sang de Jésus ». Le prêtre dit cela en l’accompagnant d’un geste biblique hautement symbolique, à savoir l’imposition des mains sur les dons. Une façon de dire que ces simples choses sont maintenant sous la seigneurie de l’Esprit, entièrement à sa disposition.
La suite va de soi. Le prêtre fait le mémorial de la sainte cène, avec les mêmes gestes et les mêmes paroles que nous trouvons dans les évangiles. C’est le moment émouvant de la consécration, prolongée par une élévation du pain et du vin consacrés, présentés à notre foi, car « il est grand le mystère de la foi ».
Toute l’assemblée peut alors proclamer que l’eucharistie rappelle la mort de Jésus, annonce sa résurrection, anticipe son retour dans la gloire. C’est ce qu’on nomme l’anamnèse, autrement dit l’acte de mémoire vive.
Tout est dit. Le reste est silence d’adoration.



Le cœur de l’eucharistie II

La consécration a transfiguré le pain et le vin. Ils sont désormais les supports de la présence réelle du Christ ressuscité sous ces pauvres signes. Nous pouvons adorer Jésus venu jusqu’à nous avec, au cœur, le même amour qui le fit aller jusqu’à la croix. Il a offert pour nous son sacrifice total.
L’Eglise se rassemble toute entière autour de Jésus vivant. Elle rappelle à nouveau les grands évènements du salut qui ont marqué l’humanité de Jésus, à savoir le mystère pascal, depuis sa passion jusqu’à la Pentecôte. Dès lors, toute l’Eglise est là, qui peut prier Dieu pour le peuple chrétien mais aussi pour le salut du monde entier. Nous évoquons les vivants, cette Eglise universelle conduite par le pape, les évêques et toutes celles et ceux qui ont la charge du peuple de Dieu dans les divers ministères qu’ils exercent. Nous croyons aussi que, dans la communion des saints, nos frères et sœurs aînés sont avec nous, y compris nos chers défunts pour lesquels nous demandons encore la grâce de la pleine admission au banquet du Royaume.
Toute prière eucharistique se termine par une grande action de grâces, qu’on appelle doxologie, à savoir la « droite louange ». Elle s’adresse au Père, mais par le Fils et dans l’Esprit. Tout culmine dans le mystère trinitaire en régime chrétien. C’est pourquoi, de tout notre cœur, et si possible en chantant, nous répondons aux paroles du prêtre qui élève encore une fois le pain et le vin consacrés : AMEN, oui, d’accord, nous y croyons.


Prier le Père

N’oublions pas que toutes les prières liturgiques sont adressées à Dieu le Père. Très tôt – au 4ème siècle déjà-, on a introduit le Notre Père dans la célébration de la messe, en guise de préparation à la communion. En effet, le Notre Père fait allusion au « pain de ce jour » et au pardon demandé au Seigneur et offert aux frères et sœurs avant que nous allions présenter nos offrandes à l’autel. (Cf. Mt 5,23-24)
Le Notre Père est la prière la plus belle et la plus complète. Elle nous situe en enfants de Dieu, que le Père s’apprête à nourrir de l’Eucharistie après les avoir comblés de sa Parole. Elle nous place en communion les uns avec les autres par la mention du « notre ». Elle nous rappelle que Dieu doit avoir la priorité dans nos vies, avec la sanctification de son Nom, la venue de son règne et l’accomplissement de sa volonté. Mais le Notre Père nous renvoie aussi à la vie communautaire, à commencer par celle que nous partageons avec nos frères et sœurs dans la foi, même s’ils nous ont offensés. Comment ne pas comprendre ensuite que nous demandions de pouvoir résister à la tentation et d’être délivrés du Mal ou plutôt du Malin ? Au moment de communier, nous avons conscience que nous demeurons des êtres faibles et des mendiants de l’amour divin, toujours miséricordieux.
Incontestablement, le Notre Père a une dimension œcuménique. Dire cette prière au moment d’aller communier, c’est aussi supplier le Seigneur qu’il réconcilie tous ses enfants autour de la même table.



« Délivre-nous, Seigneur… »

Cette prière, qui suit normalement le Notre Père, fait quelque problème.
Appelée savamment « embolisme », elle prolonge la fin du Notre Père en détaillant de quoi nous souhaitons être délivrés. Mais, plus positivement, elle fait aussi allusion à la paix pour notre temps et au bonheur promis lors de l’avènement du Sauveur en gloire.
Quand nous prions avec d’autres chrétiens, nous avons tendance à prolonger aussitôt le Notre Père par une louange qui se trouve déjà dans certains manuscrits primitifs de la prière du Seigneur (« Car c’est à toi qu’appartiennent… »). Dès lors, l’embolisme s’efface, même si normalement il demeure dans la liturgie actuelle, avec la mention du règne, de la puissance et de la gloire, après sa récitation par le seul prêtre.
Quelle que soit la séquence choisie, il peut être utile de profiter de l’embolisme pour actualiser la fin du Notre Père en indiquant des évènements ou des attitudes qui pèsent actuellement sur la vie des gens ou de nos communautés, afin que Dieu nous en délivre par un effet de sa tendresse pour ses enfants.
Et terminer par une brève hymne à la puissance et à la gloire de Dieu met une note optimiste dans une prière qui pourrait devenir sombre si elle se contentait de dresser la litanie de ce qui ne va pas.
Nous sommes des chrétiens éprouvés, mais nous sommes aussi des humains sauvés. Déjà en cette vie. A ne pas oublier.


Donnez-vous la paix…

Après le Notre Père, le prêtre récite une belle prière pour la paix du monde et l’unité des chrétiens. Deux missions inséparables.
Il invite ensuite les fidèles à « se donner la paix ». Ce geste manifeste concrètement ce que saint Jean rappelle : « Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. » IJn 4,20-21 Jésus lui-même nous avait avertis : « Va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis reviens et présente ton offrande. » (Mt 5,23-24).
On ne peut communier à l’amour de Dieu manifesté dans le sacrifice de Jésus si l’on garde dans son cœur de la rancune ou de la vengeance. Plus positivement, le geste de paix signifie que l’on s’offre réciproquement la paix comme des frères du même Père, qui ont envie de se souhaiter le meilleur au moment où Dieu nous donne tout en nous donnant son Fils.
Le geste, jadis réservé aux seuls prêtres concélébrants, est laissé à l’initiative des participants. Pas besoin qu’il soit spectaculaire –un sourire, une poignée de mains peuvent suffire- pourvu qu’il soit sincère, qu’il vienne du cœur, même si l’on ne connaît pas son voisin de circonstance.
Au début de l’Eglise ce geste précédait l’offertoire. Le pape Benoît XVI a proposé de le replacer à cet endroit. En effet, il arrive que ce geste provoque, juste avant la communion, un véritable remue-ménage dans l’église, qui casse l’atmosphère de recueillement qui convient au moment cette communion. Et puis l’Agnus Dei, dans lequel on demande à Dieu –souvent en chantant- de nous donner la paix, suffit à rappeler notre besoin d’amour et de paix.
Ce que Jésus vient nous offrir dans la communion justement.


Prenez…mangez…

Il est arrivé, le moment de la pleine communion avec le Christ ressuscité. Peu de paroles, mais si profondes !
Le prêtre a partagé le pain comme on le fait en famille, afin que chacun ait sa part. Et dans chaque part il y a la plénitude de la présence du Seigneur.
Une béatitude, celle des communiants : « Heureux les invités au repas du Seigneur… ». Mesurons-nous la joie d’une telle rencontre ?
Le rappel du cadeau, avec les paroles de Jean-Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu », voici le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis.
Encore l’occasion de confesser notre foi au Christ. Nous le faisons avec humilité, comme le centurion de l’évangile (Mt 8,8) : « Seigneur, je ne suis pas digne… » Mais justement, il est venu pour les pécheurs, pour sauver ce qui était perdu. Pour nous, pour tous.
C’est pourquoi nous osons approcher de la table du Seigneur, malgré notre indignité, parce que nous avons confiance en son amour, parce que c’est lui-même qui nous invite.
La communion, un rendez-vous d’amour !




Un mystère et trois questions

La communion eucharistique est un mystère de Rencontre qui se savoure dans le silence.
Arrêtons-nous à trois questions plus terre à terre, que Benoît XVI a remis sur la table de l’Eglise en donnant la communion à des fidèles à genoux sur un prie-Dieu, et sur la langue évidemment.
* La communion à genoux ? Elle exprime une attitude de profonde adoration devant la présence réelle du Christ. Mais le fait de communier debout, au terme d’une procession, manifeste pour sa part que l’Eucharistie est offerte à un peuple de pèlerins en marche, debout comme des promis à la résurrection, parce que ce Pain de vie est un « viatique », le pain pour la route.
* Sur la langue ? Une démonstration de grand respect, encore que la langue ne soit pas plus digne que la main. La manière la plus ancienne de recevoir l’Eucharistie est bel et bien celle-ci : le chrétien, comme un mendiant, accueille son Seigneur « la main tendue », en faisant de cette main un humble trône pour le venue du Roi, comme disaient les Pères de l’Eglise.
* Sous les deux espèces, soit pain et vin consacrés ? C’est la manière la plus traditionnelle puisque c’est celle…de Jésus lui-même dans l’Evangile : Prenez, mangez…prenez buvez ! Pour des raisons pratiques, la communion sous les deux espèces a été réservée au prêtre dans l’Eglise latine. Le concile a heureusement remis en vigueur la façon la plus évangélique de communier. Il faut souhaiter qu’elle se généralise, mais sans qu’elle devienne une obligation puisque le Christ est entièrement présent dans l’une et l’autre espèce.
Il y a des variantes dans les formes extérieures de la communion. Les fidèles peuvent choisir celle qui convient le mieux à leur spiritualité. N’allons pas ouvrir des guerres de religion là où il ne doit y avoir qu’amour et paix dans la rencontre de Jésus ressuscité.


Silence ! On prie.

Quand on a reçu un grand cadeau, on le savoure, mais aussi on dit merci. La communion est un cadeau merveilleux. C’est donc aussi le moment de l’action de grâce et de la joie. Pour emballer tout cela, il faut du silence. Après la communion, rien ne vaut un vrai silence plein d’intériorité. Fermer les yeux, rassembler ses pensées sur le Christ, se laisser gagner par lui : voilà ce qu’une célébration eucharistique bien équilibrée nous propose.
D’une manière générale, il n’y a pas assez de silence dans nos liturgies, même si je reconnais qu’on ne peut pas le prolonger indéfiniment parce que ce silence-là est finalement très personnel.
Pour faire un bouquet communautaire de tous ces profonds silences, le prêtre rassemble nos prières dans ce qu’on nomme « prière après la communion ». Elle a une couleur de louange pour l’eucharistie. Elle ouvre aussi notre vie à la mise en oeuvre concrète de ce que nous avons reçu, le corps du Christ. Car ce corps nous invite à « faire corps » avec l’Eglise et aussi à créer de vraies communautés humaines dans la charité. Comment ne pas répondre par un « Amen » sonore qui noue la gerbe et engage notre personne ?
Dans certaines liturgies, on place à ce moment-là les annonces paroissiales. Elles nous proposent une feuille de route –dans l’Eglise et dans la société- pour mettre en pratique la parole entendue. Après quoi, c’est à chacun de nous de jouer…l’évangile vécu !

La bénédiction finale

Bénir, au sens étymologique, c’est dire du bien. Et l’on sait que ce que Dieu dit, il le fait.
Quand le prêtre appelle sur nous la bénédiction de la Trinité, il nous rappelle que Dieu nous aime parce qu’il veut notre bien et qu’il nous le donne. Certes, nous ne voyons pas toujours immédiatement les effets de cette bénédiction. Il se peut aussi que nous imaginions des effets qui ne sont pas nécessairement les meilleurs pour nous. Placés sous son regard de tendresse, nous lui faisons confiance. Rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus (Cf. Rm 8,39).
Après avoir tracé sur nous le signe de la croix, nous pouvons repartir en paix, mais pas sans une mission à accomplir. La messe est-elle finie ? Non, elle continue autrement. Car il faut que nous devenions, à notre tour, des bénédictions pour celles et ceux que nous rencontrerons. Tout un beau programme !

Allez donc !

L’évangile est rempli de ces expressions : Va, allez ! Les chrétiens qui sortent de l’église ont été enrichis par la parole de Dieu. Ils sont comblés de la présence christique. La rencontre de leurs frères et sœurs dans la foi les a stimulés. Ils ont l’Esprit de Jésus dans leur cœur. C’est pourquoi le prêtre nous dit : « Allez dans la paix du Christ ! ». C’est une invitation à la mission, car l’eucharistie est un pain pour la route, comme la parole est une lumière sur nos chemins. Il nous reste à avancer sur les sentiers de la vie en compagnie de Celui qui reste avec nous mystérieusement, comme il accompagnait les disciple d’Emmaüs « tout en marchant ».
Le pape Benoît XVI vient d’approuver deux nouvelles façons de prendre congé des fidèles à la fin de la messe. Elles mettent en évidence cette mission. Il s’agit de : « Allez annoncer l’Evangile du Seigneur » et « Allez en paix en glorifiant le Seigneur par votre vie ».
Car la messe est une source de paix, mais aussi une invitation au voyage apostolique.
Et le dernier mot, peut-être avant l’orgue ou un chant d’envoi, sera toujours le merci : « Nous rendons grâces à Dieu. »
La messe est dite !
Claude Ducarroz