mardi 23 décembre 2014

Homélie de Noël

Homélie de Noël

« Toutes ces religions, je ne sais pas si c’est le même Bon Dieu, mais c’est tout du même diable ! » Ainsi s’exprimait un brave homme plutôt déconcerté par les nombreuses propositions religieuses désormais disponibles dans le supermarché des religions, y compris chez nous. Il y a deux semaines, on a inauguré à Berne une « maison des religions » qui rassemble dans un même espace toutes sortes de chapelles consacrées aux principales religions du monde. Tant mieux, si ça peut servir la cause de la tolérance, du dialogue et finalement de la paix par la convivialité des croyants.

Mais ce grand bazar des religions nous invite, surtout au moment d’un Noël péniblement rescapé des déluges consuméristes, à nous poser la question fondamentale : c’est quoi, le christianisme ? quelle est son originalité qui définit son identité ?
La réponse est dans la fête liturgique de ce jour.
Si la religion consiste pour l’homme à se relier à Dieu, qui est le Dieu du christianisme ? Son secret tient en un mot : Dieu est Amour, tout amour, rien que amour. Et déjà ça change tout. Nous confessons même que ce Dieu-là est tellement amour en lui-même qu’il est communion parfaite et éternelle entre le Père, le Fils et le Saint Esprit, un seul Dieu en trois personnes. Premier mystère.

Quand il s’agit d’amour, celui qui aime le plus, c’est celui qui se fait le plus proche de celui qu’il aime, jusqu’à faire tout le chemin à sa rencontre, jusqu’à donner sa vie pour lui. Tout le contraire d’une divinité lointaine qui croirait préserver sa majesté en augmentant toujours plus la distance entre elle et nous.
Noël ! Il n’y a plus de séparation, il n’y a plus d’obstacle : le Fils de Dieu s’est fait l’un de nous par amour. L’amour infini a inventé le mystère de l’incarnation réaliste puisque le Verbe s’est fait chair pour habiter vraiment au milieu de nous.
Divinement, mais aussi humainement, c’est-à-dire en commençant dans le sein d’une femme, en naissant par un accouchement, en grandissant grâce au lait maternel.
Il a un nom : Jésus de Nazareth. Il a un visage, il aura bientôt un sourire. Toujours pour nous dire, et de plus en plus, l’amour de Dieu son Père, pour lui et pour nous, inséparablement.

Les parents, surtout les mamans, savent cela. Quand on aime vraiment, on s’adapte au plus petit, on donne priorité au plus fragile, on veille sur le plus malheureux. Et pour faire son apprentissage dans l’exercice de cet amour-là, Jésus de Nazareth a voulu expérimenter lui-même, jusque dans sa chair et dans son cœur, la condition humaine des plus nécessiteux parmi nous. Il nous a aimés d’en-bas pour nous chérir sans jamais nous humilier, en prenant, lui, d’emblée la dernière place pour nous sauver tous. Car telle est la puissance de l’amour qu’il se manifeste d’abord par la solidarité avec les plus pauvres.

* Un déraciné entre Nazareth et Bethléem, avec des parents en quête d’un gîte en urgence, qui ne trouvent pas d’accueil dans les hôtelleries.
* Un pauvre gigotant dans une étable parmi des bergers peu fréquentables, et bientôt un fuyard sur les routes menant à l’Egypte pour échapper- déjà- aux cruautés d’un despote.
* Et puis il y aura un jour la croix, le prix à payer sous nos coups de haine et de folie, pour faire triompher l’amour là où il n’y en a plus, au point de pouvoir redonner la vie aux morts dans l’expérience partagée de la résurrection glorieuse. Car jamais l’amour ne peut se laisser vaincre par le mal et la mort.
* Le Dieu Amour aura le dernier mot en Jésus, de la crèche au matin de Pâques. Finalement, c’est bel et bien pour ce matin-là qu’il est venu dans la nuit de Noël, pour le jour où se réalisera définitivement la promesse chantée par les anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes que Dieu aime ! »
Oui, la petite graine de Noël n’a donné tout son fruit qu’au moment de Pâques, ne l’oublions pas. Alors « s’est manifestée la grâce de Dieu pour le salut de tous les hommes », rappellera l’apôtre Paul, « dans la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et sauveur Jésus-Christ qui s’est donné pour nous en faisant de nous un peuple ardent à faire le bien ».
Et ce peuple, c’est nous, aujourd’hui.

Alors on peut se poser cette question : si le christianisme part du Christ –c’est évident-, dans le meltingpot des religions, qui va parfois jusqu’à la cacophonie, c’est à nous de signifier ce qu’est vraiment ce christianisme aujourd’hui.
* C’est vivre au jour le jour sous le signe de l’Amour majuscule irradiant nos amours les plus minuscules.
* Le chrétien de Noël apprécie les silences priants au lieu de s’étourdir, jusqu’à se perdre, dans les rumeurs et les fureurs des hauts parleurs tonitruants.
* C’est celui qui aime en priorité les petits et les pauvres en épousant lui-même un style de vie simple, privilégiant les qualités de l’être et la tendresse des relations plutôt que les vanités du paraître et le nombre des connexions.
* Le chrétien de Noël aime les gens, tous les gens, sans barrières ni frontières, en allant jusqu’au pardon pour construire de nouveaux ponts et renouer des alliances.

En résumé : le chrétien de Noël ne sépare jamais Dieu de notre humanité parce qu’ils se sont définitivement mariés en Jésus de Nazareth, dans le creux de la crèche, sur le bois de la croix, dans la lumière éternelle de Pâques. Dieu et nous : voilà les vrais intouchables, les vrais inséparables !
* Se laisser aimer par l’Amour trinitaire, se laisser toucher par l’Amour incarné, se laisser sauver par l’Amour crucifié, se laisser transfigurer par l’Amour ressuscité : quel magnifique programme !
* Et ensuite aimer, même les moins aimables, et trouver sa joie dans ces amours en petite monnaie, au gré des évènements de la vie ordinaire, selon cette promesse divine portée par les anges : « Je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple ».
La bonne nouvelle que Dieu est Amour, la grande joie de se avoir aimé par lui, le bonheur d’aimer à notre tour, ne serait-ce qu’un peu, comme lui.

                                                           Claude Ducarroz

samedi 13 décembre 2014

Troisième dim. de l'Avent

Homélie
Troisième dimanche de l’Avent

« Qu’est-ce qu’il fait ? qu’est-ce qu’il a ? qui c’est celui-là ? »
L’évangile de ce jour me fait penser à une chanson qui commençait ainsi.

En effet, à propos de Jean Baptiste, il semble qu’on ait affaire à une véritable commission d’enquête, car les prêtres et lévites envoyés de Jérusalem s’adonnent au jeu trouble d’un interrogatoire serré à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain.
Jean ne refuse pas de répondre, encore que ses réponses soient plutôt du genre négatif : « Je ne suis pas le Christ, je ne suis pas le prophète Elie. » On comprend que ses interlocuteurs soient restés sur leur faim. Et quand il passe au positif, l’affirmation n’est guère plus compréhensible : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert… »

En réalité, Jean Baptiste ne veut pas qu’on s’intéresse à lui. Il renvoie à celui qui, comme il le dit, se tient au milieu de nous alors même que nous ne le connaissons pas. Quant à lui, il est seulement indigne de délier la courroie de sa sandale. Tout cela n’est donc pas très clair, même si une chose est évidente : le plus important est encore un anonyme dans cette foule et il vaut la peine de chercher à mieux le connaître.

Après 2000 ans de christianisme, les choses ont-elles beaucoup changé ?
Le Christ est-il mieux connu, même chez nous ? N’est-il pas devenu ou redevenu cet anonyme inconnu ou mal connu qui circule au milieu de nous sans déranger beaucoup de monde finalement ? Même quand on évoque sa naissance, il semble avoir disparu comme étouffé sous les avalanches des productions matérialistes. Le Père Noël me paraît être mieux connu et en tous cas beaucoup plus attendu que le Jésus de Bethléem. On investit plus de publicité et de décorations pour susciter l’espérance de recevoir des cadeaux de pacotille que pour creuser la faim de rencontrer le Christ, véritable cadeau de Dieu à notre monde.
Ainsi va la civilisation de la consommation à outrance dans laquelle, pour beaucoup, le gavage sous toutes ses formes semble avoir supplanté le besoin du salut apporté par l’enfant de la crèche.

Mais trêve de jérémiades aspergées d’eau bénite. L’important, ne serait-ce pas que les chrétiens redeviennent des Jean-Baptiste en notre temps ? Oui, qu’il y ait encore des hommes et des femmes qui osent témoigner pour le Christ puisque, même s’il est très discret, il continue de se tenir au milieu de nous, lui, le ressuscité qui nous a promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Des Jean-Baptiste pour aujourd’hui. Qu’est-ce à dire ?

D’abord ne pas avoir honte d’être des résistants. Nous ne pouvons pas nous laisser aspirer –au point de finir noyés- par cette société dominée par l’avoir, le paraître, le commerce du futile plus que de l’utile, sans même parler du nécessaire. D’autant plus que nous ne pouvons ignorer la situation de la majorité de la population de notre planète qui, trop souvent, est encore à la recherche désespérée du minimum vital, pour survivre un peu plus dignement.

Oui, résister pour mieux partager. Jean-Baptiste lui-même, vêtu d’un vêtement de poils de chameau avec un pagne de peau autour des reins,  n’a-t-il pas fini par répondre à ceux qui le harcelaient de questions : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas.  Que celui qui a de quoi manger fasse de même. N’extorquez pas d’argent. » ?
Si personne n’est obligé de prendre part à son repas de sauterelles et de miel sauvage, nous ferions bien d’imiter sa capacité prophétique de ne pas vivre nécessairement comme tout le monde, pour être heureux et faire des heureux.

Résister, mais aussi attester. Car Jean-Baptiste est présenté surtout comme un témoin, venu rendre témoignage à la lumière qu’est le Christ en personne. Aujourd’hui, dans un monde brassé de mille manières par toutes sortes de philosophies et de religions -y compris les religions de celles et ceux qui disent n’en avoir aucune-, comme il est important que les chrétiens n’aient pas honte de leur foi, mais osent en témoigner courageusement.
« Ne soyez pas des chrétiens édulcorés », a rappelé récemment le pape François.

Il ne s’agit pas d’agresser les autres par nos convictions, mais plutôt de ne pas se réfugier dans un silence trop commode qui friserait la démission, voire la trahison. Dans une société qui, chez nous du moins, offre l’avantage d’une certaine liberté d’opinion et d’expression religieuses, pourquoi choisir de cacher notre foi alors que tant d’autres n’hésitent pas à proclamer la leur, y compris dans les nouveaux réseaux de communication sociale ?

Le prophète Isaïe annonce que l’Esprit répandu sur les croyants leur donne l’audace de proclamer la bonne nouvelle aux pauvres, d’annoncer la libération aux prisonniers. Et l’apôtre Paul nous supplie de ne pas éteindre l’Esprit, de ne pas mépriser les prophéties.

Baptisés dans l’Esprit de Pentecôte, nous avons en nous tout ce qu’il faut pour témoigner en faveur du Christ par la parole et par les actes, afin que le nom de Dieu soit glorifié, que la présence de Jésus soit reconnue et accueillie, que l’Eglise continue, humblement mais courageusement, de diffuser l’évangile dans notre monde tel qu’il est.
Car le Seigneur veut encore faire germer les semences de sa parole pour que retentisse sa louange devant toutes les nations.

Etre de simples jardiniers dans ce jardin, c’est sans doute un devoir. Ce doit être surtout notre joie.


                                               Claude Ducarroz

Petit commentaire 3ème dimanche de l'Avent

Troisième dimanche de l’Avent

Bon appétit !

Des sauterelles et du miel sauvage. Mais vous n’êtes pas obligés de goûter à ce menu. De même pour l’accoutrement : une tunique de poils de chameau et un pagne de peau autour des reins. Ce n’est pas très recommandable sous nos climats.
Et pourtant l’homme en question est vivement recommandé à notre méditation et à notre imitation par l’évangile de ce dimanche. Car à l’heure des illuminations tous azimuts, on a surtout besoin de rencontrer des témoins de la vraie Lumière qu’est le Christ. Pourquoi pas nous ?
La vocation, la consécration et l’envoi sont déjà garantis par le baptême, celui de Jésus Christ. Il nous reste à y aller, de toute notre foi, humblement et courageusement, comme Jean Baptiste.
Humblement. Jean ne se prenait pas pour un autre. Indigne de délier la courroie des sandales du Christ –comme il le dit-, il lui suffisait de savourer le bonheur de s’effacer devant le Sauveur, après l’avoir montré à son entourage en l’appelant l’Agneau de Dieu. Courageusement. Car rien que pour affirmer cela, il lui fallut une grande vaillance. Jusqu’au martyre.
Nous sommes dans une société –chez nous- qui nous offre la liberté de conscience et de culte. Dans le tintamarre des philosophies et religions, les chrétiens sont devenus plus humbles. Ils ne sont plus les seuls. Ils doivent respecter les autres, y compris celles et ceux qui disent ne pas croire en Dieu ou n’avoir aucune religion.
Est-ce une raison pour que nous devenions timides, muets ou honteux ? La manière d’être de Jean Baptiste étonnait. Sa façon de vivre posait question. Il y eut un grand débat autour de sa personne, ce qui lui permit de témoigner franchement, à haute voix,  pour celui qui, plus grand que lui, se tenait encore comme un inconnu au milieu de son peuple.
N’est-ce pas aussi notre situation ? Le Christ est-il mieux connu et reconnu de nos jours qu’aux temps du Baptiste ? Une conclusion s’impose : on cherche des Jean Baptiste, et les baptisés sont les premiers qui devraient se sentir concernés, appelés, envoyés.
Pour que Noël ne soit pas qu’une débauche de consommation autour du père Noël. Pour que la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth parlent encore aux hommes et femmes de notre temps. Et finalement leur disent : « Dieu est Amour. Il t’aime. Laisse-toi aimer par lui, à la suite de Jésus. Le sais-tu ? Il y a même un repas pour expérimenter tout ça : l’eucharistie. Prend et mange. C’est si bon ! »

                                               Claude Ducarroz

A paru sur le site   www.cath.ch


mardi 9 décembre 2014

Accueil au Chapitre cathédral de Saint- Nicolas

Accueil des nouveaux chanoines
8 décembre 2014

« Souvenez-vous de ceux qui vous ont dirigés : ils vous ont annoncé la parole de Dieu. Méditez sur l’aboutissement de la vie qu’ils ont menée, et imitez leur foi. Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il l’est pour l’éternité. » He 13, 7-8.

Qui a dit que l’on ne savait pas assez dire merci dans notre Eglise ? En pleine communion avec notre évêque Charles, le Chapitre cathédral est heureux de démontrer le contraire. Car ensemble, nous voulons remercier et honorer –si possible- quatre excellents serviteurs de notre Eglise et, plus largement, de toute l’Eglise, la catholica. Dans les deux sens du  mot « reconnaissance » : reconnaître et avoir de la reconnaissance.

Mgr Amédée Grab, enfant de Genève, devenu moine bénédictin à Einsiedeln, a été ordonné prêtre en 1954, il y a exactement 60 ans. Il exerça durant 4 ans le ministère de secrétaire de la conférence des évêques suisses. Ordonné évêque en 1987, il fut d’abord évêque auxiliaire à Genève durant 8 ans, puis notre évêque diocésain durant 3 ans, avant de gagner Coire comme évêque durant 9 ans. Il a présidé le Conseil des conférences épiscopales d’Europe durant 5 ans.

Mgr Jean-Claude Périsset, natif d’Estavayer-le-Lac, a été ordonné prêtre en 1964, il y a exactement 50 ans. Après un ministère de vicaire à Genève, il s’est mis au service du St-Siège dans plusieurs dicastères de la Curie romaine. Ordonné évêque par le pape Jean-Paul II en 1997, il devint nonce apostolique en Roumanie durant 9 ans avant d’exercer le même service en Allemagne durant 6 ans. Il a retrouvé Estavayer-le-Lac pour une retraite dite « bien méritée ».

Mgr Pierre Bürcher, Haut-Valaisan ayant grandi dans le canton de Vaud, a été ordonné prêtre en 1971. Il exerça d’abord son ministère dans cette paroisse, notamment comme vicaire au service de la communauté de Saint Paul. Après un temps de vicariat à Lausanne, il devint curé à Vevey durant 9 ans, avant de diriger notre séminaire diocésain. Ordonné évêque auxiliaire en 1994, avec résidence à Lausanne, il devint ensuite évêque de Reykjavik en Islande en 2007. Il a aussi présidé l’œuvre Catolica Unio au service des Eglises catholiques d’Orient.

Ces trois évêques, de par la volonté de notre évêque diocésain, nous font l’honneur d’un lien désormais encore plus étroit avec notre Chapitre cathédral qui s’en réjouit.

Mgr Nikolaus Wyrwoll est un prélat allemand qui s’est beaucoup investi au service de la cause de l’unité des chrétiens et de la communion des Eglises, notamment dans les relations avec les Eglises orthodoxes d’Orient. Fan de saint Nicolas de Myre, dont il porte le nom, il est un membre actif de l’Institut supérieur d’études œcuméniques de notre université. Nous voulons honorer sa personne et son action en le nommant chanoine honoraire de la cathédrale de Fribourg.

Cette célébration de gratitude et de fraternité se déroule au cours de la messe de l’Immaculée Conception de Marie. Elle a un goût de Magnificat. Elle prolonge aussi la fête de notre cher patron de cette cathédrale et de notre diocèse, saint Nicolas de Myre. Et, si vous me permettez cette petite publicité gratuite, elle a pour décor l’exposition des huit antiphonaires du Chapitre, datant du temps de sa fondation il y a 500 ans, que vous pouvez encore admirer cet après-midi de 12h à 20h.

Puisse cette fête largement partagée augmenter encore la fraternité des pasteurs au service de la communion des Eglises et de l’Eglise, à cause de Jésus et de l’Evangile !


Claude Ducarroz