dimanche 19 mai 2013

Lourdes 2013 Méditation d'accueil


Lourdes 2013
Méditation d’entrée

Une porte s’ouvre. La naissance à la fois violente et tendre. Maternelle. La vie commence en ce monde. Bienvenue au club des vivants. Tu es né à l’existence. Quelle merveille ! Bravo et merci !

Deux portes s’ouvrent, la famille. Des portes larges comme l’amour. Les bras de maman et ceux de papa. Tu étais attendu. Te voilà accueilli. Tu es au chaud dans leurs cœurs. Il fait si bon se savoir chéri par ceux qui nous ont donné la vie ou qui nous ont accueillis dans la vie.

Une porte s’ouvre – le baptême - au firmament de Dieu. L’Amour majuscule -trois cœurs en un- te fait une trinité de tendresse pour te dire « mon enfant ». Tu es baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. La porte de ce Dieu-là  ne se refermera jamais. Tu fais partie de la maisonnée divine.

Une porte s’est ouverte, la Foi. Essaie de ne jamais la refermer. La porte de la confiance, qu’on appelle la foi. Croire, ce n’est pas lire les affiches des vérités sur une porte fermée qu’il faudrait enfoncer à coup de mérites. C’est frapper en douceur, comme un humble mendiant certes, mais qui sait qu’il y a quelqu’un derrière, impatient de lui ouvrir, de faire sa connaissance, de tout partager. Croire, c’est explorer la maison d’amour qu’est Dieu lui-même, avec notre intelligence, avec notre cœur, avec nos prières, avec nos richesses et nos pauvretés. Les mains nues mais toutes tendues vers le Père, à la suite de Jésus, dans le vent de l’Esprit.

Une porte s’ouvre encore, c’est  l’Eglise. Pas celle du bâtiment, mais celle de la communauté, là où il fait bon se retrouver en famille parce que, qui que nous soyons, nous sommes tous les enfants  d’un même Père, les frères et sœurs d’un même grand frère aîné, tous traversés du même Souffle, celui de l’Esprit-Saint.

Une porte s’ouvre, la Bible  en forme de livre débordant de bonnes nouvelles. Car la parole de Dieu est en forme de bras quand nous la prenons dans nos mains, quand nous l’invitons à éclairer notre intelligence, quand nous la laissons descendre dans nos cœurs. L’évangile : une trouée de lumière dans l’obscurité du monde et dans le brouillard de nos vies.

Une porte s’ouvre, le pardon. Tu l’avais fermée par le mal toléré ou le péché commis. Heureusement, quelqu’un est venu frapper à la porte de notre conscience. Il tourne en notre cœur endurci la clé de sa miséricorde, et son amour est plus fort que notre prison. Nous avions dit non. Il nous offre son pardon. Il y a même de la joie au bout de nos tunnels. Il fait jour dans notre minuit.

Une porte s’ouvre.  L’eucharistie. Celui qui a dit « Je suis la porte » nous a invités à entrer. Dans la chambre de son hospitalité, la table est dressée. Tout est prêt pour le banquet. Le pain, le vin : prenez, mangez, prenez, buvez. Goûtez ! C’est pour vous : le corps et le sang du Seigneur, pour vous qui avez faim, pour vous qui avez soif. Tout est gratuit. Et tout est si bon !

Une porte s’ouvre. Il y a des blessés devant  la maison. Et peut-être même sur la rue. Tous les cabossés de la vie, que nous sommes tous, à un moment ou l’autre de l’existence. Qui va ouvrir -ou plutôt s’ouvrir- pour donner la main aux plus faibles, pour relever avec douceur ceux qui sont encore par terre, pour consoler ceux qui pleurent, pour encourager ceux qui souffrent ? Il faut tant de bons cœurs pour transfigurer tant de misères en miracles de compassion qui re-suscite, qui ressuscite.  Et il y en a tellement ici, à Lourdes.

Aujourd’hui, et durant toute cette semaine, il y a Lourdes, dans la forêt des dévouements, des sourires, des services, des petits et grands gestes d’amour. Et puis toutes ces prières qui déchirent le ciel, toutes ces liturgies qui chassent les nuages, tous ces cierges allumés qui convoquent le soleil de Dieu en nous. Et toutes ces processions qui frappent à la porte même d’un Dieu qui n’attendait que cela pour répondre, pour ouvrir, pour marcher à nos côtés, pour tout partager en ami. Ce qu’il a ou plutôt ce qu’il est : Amour, porte d’amour.

Et puis regarde dans la grotte de ton cœur : le sourire de Notre-Dame, le clin d’œil de la maman, celle qui tient « portes ouvertes » au restaurant du paradis.

                                                                                 


Claude Ducarroz

Lourdes 2013 Messe du mardi


Lourdes 2013                                                                                            1

Messe du mardi 14 mai

« Tu causes, tu causes…. Mais tu ne causes rien »-
Je me souviens avoir été remis en question par un confrère qui me voulait du bien en me rappelant qu’il ne suffit pas de parler… il faut aussi agir !
Dieu cause et même beaucoup. Mais lui, le fait dans les deux sens du mot. Il n’est pas un Dieu muet. Il parle, il s’exprime, il communique. Mais sa parole agit, elle n’est pas sans effet, comme l’a rappelé la première lecture. Dieu ne parle pas pour ne rien dire. Dieu cause … en causant.
Nous le voyons déjà en contemplant l’univers, car le ciel et la terre recontent la gloire de Dieu. Et au sommet de la création, l’homme, la femme, l’enfant sont la plus belle icône de sa splendeur puisqu’ils sont façonnés à son image. Et justement c’est dans le secret de leur conscience éveillée – un véritable sanctuaire - que Dieu continue de leur parler, là au cœur intime de tout humain, quel qu’il soit. Un mystérieux dialogue.
Et puis Dieu a choisi un petit peuple pour confident privilégié de ses mystères à connaître et à mettre en pratique : Israël, avec ses prophètes et ses poètes, qui ont entendu ses paroles et mis par écrit le premier testament. La Sainte Bible !
Enfin Dieu a dit son dernier mot en devenant lui-même la parole en personne par la venue de Jésus-Christ, son fils, notre Seigneur et notre frère. Même s’il n’a rien écrit, tout a été dit de
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la part de son Père - et le nôtre - dans  l’aventure de Jésus de Nazareth - paroles et actes –, depuis le silence de Noël jusqu’au dernier cri sur la croix, sans oublier sa résurrection et l’envoi de l’Esprit évidemment.
Dès lors, la divine parole – lumière et vie – assume un double risque. Elle est confiée à l’Eglise à travers le Nouveau testament qui recueille le témoignage varié des apôtres et de leurs compagnons. Et surtout, cette parole de feu est proposée aux oreilles de notre conscience et de notre cœur. L’Esprit continue de murmurer en nous, entre les lignes de l’Evangile, la musique d’amour de Dieu pour le salut du monde.
C’est donc à  nous de l’écouter pour l’entendre, de l’entendre pour la répandre, de la répandre en la mettant en pratique.
Tel est le chemin risqué que la Parole de Dieu veut emprunter, aujourd’hui encore, en nous et dans le monde, par nous et pour le monde.
On le voit dans la figure de Pierre, celui de l’Evangile d’aujourd’hui.
Il avait dit juste « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ». Il fallait encore que la parole pénètre en lui par la porte de l’amour : «Pierre, m’aimes-tu ? » et même trois fois.
Pas pour un copinage confortable, mais pour une mission difficile : « Sois le berger de mes agneaux et de mes brebis ». Et finalement pour une merveilleuse et périlleuse aventure : « Suis-moi ! »
La même Parole faite chair continue de nous être offerte par l’Eglise d’aujourd’hui, la communauté devient la « porte-parole » du Verbe de Dieu. 
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Dans la Bible, servie sur l’unique table de la liturgie à côté de l’eucharistie, c’est toujours la même invitation : prends, lis, mange… et tu seras bien nourri pour affronter les combats de la vie.
Tant d’efforts personnels, en petits groupes ou en communauté, nous sont proposés pour écouter, comprendre, savourer la parole de Dieu afin qu’elle féconde tous nos terrains humains, notamment avec les encouragements du concile Vatican II, de nos évêques, et dans un esprit œcuménique.
N’allons pas passer à côté d’un si grand bonheur promis par la Parole en personne :
« Heureux ceux et celles qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique ».
Oui, bien du bonheur !



Claude Ducarroz

Lourdes 2013 Célébration du pardon


                                                                                        


Lourdes 2013                                                                                          1

Célébration pénitentielle

Et vlan !
Avez-vous déjà fait cette expérience ?
Quelqu’un vous claque la porte au nez. Ça ne vous fait pas plaisir.
Et vous avez envie de dire au malotru – peut être l’avez-vous-même dit – « Vous ne pourriez pas faire attention, avoir un peu de respect ?... Un peu de politesse voyons ! »

Souvent ce n’était pourtant qu’un péché véniel. Passons !

Mais parfois, le bruit sec de la porte contient un message qui veut dire : « Non, pas vous ! Je ne veux plus vous voir ni vous rencontrer ».
On appelle cela l’évitement – comme le prêtre et le lévite entre Jérusalem et Jéricho – vous vous souvenez !
On peut aussi nommer cela l’exclusion, le rejet, le mépris de l’autre.
Si nous en avons été victimes, le bruit de cette porte qui claque habite peut-être encore notre mémoire. Ça saigne encore de temps en temps, là, en dedans.

Un jour, Jésus a eu l’imprudence de dire à ses amis : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par cette porte, il sera sauvé. Il trouvera de quoi se nourrir ». Bel optimisme !
Jésus voulait jouer totalement à « portes- ouvertes », et voici que Pierre - un bon ami pourtant - lui claque la porte au nez, dans l’évangile de ce jour, au moment même de la suprême épreuve. Faire  ça à Jésus !
« Je ne connais pas cet homme ! »

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Qui d’entre nous peut dire qu’il n’a jamais été ce Pierre-là, celui de la porte qui claque dans un non à Dieu ?
Refuser d’aimer Dieu…. ou de se laisser aimer par Lui, ce Dieu qui est un pauvre infiniment vulnérable puisqu’il souffre de cette divine limite : parce qu’il est Amour, Il ne peut jamais cesser d’aimer, même ceux qui ne l’aiment pas.
Mais ça ne nous empêche pas de résister aux courants d’air de son Esprit lorsque nous refusons de prendre du temps pour l’écouter dans sa parole, pour goûter au repas eucharistique de son fils, pour lui murmurer « papa-Abba » dans la prière. Et le Bien-Aimé devient en nous le Grand-Oublié.
Et puis il y a toutes ces portes qu’on fait claquer à la figure des autres, dans le soft ou dans le hard rock de nos manques d’amour, la danse pitoyable des crocs-en-jambe tendus aux autres –dire sans faire par exemple – jusqu’à avoir plus de plaisir à leur faire du mal que de joie à leur faire du bien.
Mais maintenant, peu importe. Nous sommes à Lourdes, près des sources qui purifient. Nous n’allons pas refaire tous les comptes, car nous ne sommes pas l’UBS de l’évangile. Dieu est le dernier en mathématiques parce qu’il est le premier en amour.
Il nous dit maintenant : « présentez-vous devant moi, tels que vous êtes avant la douche. Voyez ! une porte est grande ouverte. Elle a la forme d’un cœur, celui de mon fils transpercé sur la croix. C’est Lui à la fois la porte et le portier de mon amour majuscule. »
Au lieu de nous mettre à la porte de son amour, il nous redit : « entre, vois, bois ».
Entre puisque son côté est ouvert, et le reste éternellement.
Vois jusqu’où peut aller une vie donnée par amour, y compris l’amour de ses ennemis.
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Bois : c’est pour toi qu’ont coulé le sang et l’eau, et que coulent encore l’eau du pardon et le sang de la Cène, que l’Eglise refait en mémoire de Jésus pour la rémission des péchés. Les tiens, les miens et ceux de la multitude.
Un cœur ouvert sur une misère, la tienne et toutes les autres : on appelle ça la miséricorde. Elle a même un sacrement pour se dire et pour se faire : la réconciliation.
Peut-être dis tu : ce n’est pas pour moi. Je suis trop misérable. Ou je ne sais que dire ni que faire. Non ! Accroche toutes tes misères à ce cœur là.
Et viens te glisser au milieu de celles et ceux qui se trouvaient là, aux sources de la première miséricorde « à cœur ouvert ». Il y avait l’Immaculée, évidemment, pas parce qu’elle n’avait pas besoin du salut, mais  parce qu’elle fut plus sauvée que les autres. Prends place entre les larrons et Marie-Madeleine, dans la pauvre compagnie des pécheurs pardonnés, celles et ceux qui se sont trouvés tellement mieux en entrant dans la maison de l’amour crucifié et ressuscité, par la sublime porte de la miséricorde.
 Humblement….. joyeusement ! Comme les larmes de Pierre.
« Père, pardonne-leur.
Aujourd’hui, tu seras avec moi, dans le paradis. »


Claude Ducarroz


Lourdes 2013 Onction des malades


Lourdes 2013                                                                                          1

Onction des malades

Tout le monde – vous et moi – a été, est ou sera malade, handicapé, vieux. Il parait qu’on doit dire maintenant âgé, aîné ou sénior !
On le dit, on le lit et surtout on le voit : les malades sont au cœur de notre pèlerinage à Lourdes. Un cœur qui souffre, qui lutte, qui espère, qui prie. Un cœur qui bat, qui vit, vous ! Avec vos questions :
Pourquoi ?
Pourquoi ça ?
Pourquoi moi ?
Merci à vous d’être venus. Merci d’être là. Pour faire Eglise tous ensemble.
Il manquerait tant de pages à notre Evangile, il y aurait une porte de moins à notre pèlerinage si vous n’étiez pas là, avec nous et nous avec vous.
La maladie n’est pas un choix, même s’il nous arrive de prendre des risques. La maladie n’est pas un bien, même si nous pouvons en tirer du bien, par un supplément d’amour donné et reçu, dans le tourbillon de l’épreuve.
Amour donné, par vous les malades et handicapés, par votre courage, par vos sourires entre deux larmes, par votre confiance dans la prière, par votre offrande jusqu’à l’ultime abandon : « Père je
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remets ma vie entre tes mains ». Avec Jésus, comme Jésus.
Amour donné ; mais aussi amour reçu par vous. Depuis vos familles et vos visiteurs restés à la maison jusqu’aux hospitalier(e)s ici à Lourdes, c’est l’ardent chapelet des services et dévouements, anonymes, gratuits comme un bouquet de fleurs des champs.
Mais peut être ne faut-il pas oublier celles et ceux qui, sans cesse, luttent contre les maladies par respect et amour des malades : les chercheurs, les médecins et autres soignants, les décideurs et autres acteurs de ce qu’on appelle un peu froidement : la politique de la santé. En un mot : le combat quotidien pour la vie, plus humaine, plus heureuse. Merci aussi à vous.
Chers malades, vous êtes venus ici, en donnant la main à Marie, vers le meilleur lutteur, vers le seul vainqueur : Jésus, le crucifié ressuscité. Quand on médite l’Evangile, on le voit si souvent avec les malades, qu’ils soient physiques ou psychiques, sans compter ces grands handicapés de l’âme que sont les pécheurs, et tant de souffrants par l’exclusion ou le mépris auxquels l’Evangile vient de faire allusion, en en donnant la liste. Avec cette phrase bouleversante : « Tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites » !
Jésus a guéri, mais pas tous. Il a consolé, il a encouragé. Iil a réconcilié, il a pardonné. Il a remis debout. Comme à Lourdes en somme. Et surtout, sans esquiver la mort - qui fait partie de notre condition humaine - il l’a traversée, il l’a transpercée, il en est sorti ressuscité. Pâques, notre unique et merveilleuse espérance, pour les vivants et pour les morts. Pour nous tous.
Aujourd’hui, ici, l’Eglise va puiser la compassion dans le trésor de l’Evangile de Jésus, pour vous et avec vous, chers malades.
Des paroles en forme de prière pour votre guérison ou du moins pour votre mieux-être. Mais aussi des gestes, tout droit venus de notre ami commun, Jésus notre Seigneur et notre frère.
·                                                                                                                                                                                                                                    L’imposition des mains : une caresse de Dieu pour vous assurer de son amour de préférence
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·      L’onction d’huile : comme le Samaritain pour le blessé au bord de la route. Et dans ce sacrement, notre bon samaritain à tous, c’est Jésus en personne.
Tout cela, de la part du Christ, pour vous dire qu’il vous aime, le montrer et le démontrer !
De la part de l’Eglise aussi, car elle aussi vous aime. Nous en sommes la preuve.
Et de même les prêtres, ministres émus de ce beau sacrement.
Car dans la maladie comme dans la santé, toujours provisoire, quoi qu’il arrive et quoi qu’il nous arrive, il nous restera toujours le plus précieux : l’amour.
Vous connaissez, n’est-ce-pas ? l’amour plus fort que la mort.




Claude Ducarroz

Lourdes 2013 Méditation d'envoi


Lourdes 2013                                                                                          1

Messe d’envoi

Voilà ! c’est notre dernière célébration tous ensemble. Nous allons bientôt nous quitter. On ferme !
Eh ! bien, justement pas. On ouvre ! Car notre pèlerinage ne fut pas une séance de cinéma religieux, avec un « ouvreur », comme il s’appelle, qui aurait le devoir de bien refermer les portes quand tout le monde aura quitté la salle.
Avec Jésus et la complicité de sa mère Marie, tout reste ouvert. Ils ne craignent pas les cambriolages !
Depuis que le cœur du Christ s’est ouvert à deux battants sur la croix pour laisser couler le sang et l’eau, le réservoir de la miséricorde de Dieu est demeuré entièrement disponible pour les assoiffés de son amour. Et nous le sommes tous, n’est-ce-pas ?
Depuis que le tombeau du crucifié s’est ouvert un matin de Pâques, c’est la vie – et même la vie éternelle – qui est définitivement victorieuse sur toutes les froides clôtures du mal et de la mort.
Par la puissance de son Esprit, qui ouvrit violemment les portes de l’Eglise sur le monde au jour de Pentecôte, avec nous, Jésus ne joue pas à guichets fermés mais à « portes ouvertes », larges et universelles, comme les bras du Seigneur sur la croix.


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Vous vous souvenez sans doute des premières paroles du pape Jean-Paul II  après son élection : « N’ayez pas peur, ouvrez largement les portes au Christ ».
Depuis notre entrée dans la vie, depuis notre baptême, Dieu  tient « portes ouvertes » dans la maison toujours accueillante de son infinie tendresse. Revisitons sans cesse le palais de son amour. Oui, tout est ouvert, transparent, pour nous, pour tous.
La porte de sa parole dans la Bible de tous les partages, que ce soit à la maison ou dans la liturgie.
La table de l’Eucharistie où retentit sans cesse cette merveilleuse et pressante invitation : « Heureux les invités au repas du Seigneur ».
La chambre du pardon pour retrouver l’intimité d’une profonde communion avec notre meilleur ami, que nous avions oublié ou offensé.
Et ce dialogue de tous les possibles – n’importe où, n’importe quand – que l’on appelle la prière, toute simple, comme on se sent, comme on est.
Au livre de l’apocalypse, il est écrit cette proposition de Jésus ressuscité : « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai la Cène avec lui et lui avec moi. »
Voilà le programme de l’après-pèlerinage.
A vous d’ouvrir à celui qui frappe sans cesse avec patience et délicatesse, à la porte de notre cœur.
Et pour vérifier si nous lui ouvrons vraiment, laissons-nous guider par Marie. La méthode est simple, telle qu’elle est écrite dans l’Evangile de cette messe : faire de nos visites… des visitations.
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Car l’ouverture à Dieu se joue aussi dans nos ouvertures aux autres, dans la variété des rencontres - programmées ou provoquées – là où nous vivons au jour le jour.
Ouvrir d’abord les portes de notre amour fraternel, surtout aux souffrants, aux nécessiteux, aux exclus, tout près ou au loin, dans l’esprit du Magnificat.
Frapper humblement à la porte de nos proches et  prochains pour leur proposer la foi chrétienne, en leur donnant envie de croire, d’espérer et d’aimer, dans l’Eglise et avec l’Eglise.
Que de visites « à portes ouvertes » nous attendent ! Visites reçues, visites rendues.
Et toujours, là où il y a de l’amour, la présence mystérieuse de Jésus, pour faire Visitation avec Marie enceinte de Lui et de l’Eglise.
A cœur ouvert, comme Dieu.



Claude Ducarroz

samedi 11 mai 2013

Les 100 ans de la naissance de l'abbé Pierre Kaelin


Homélie
+Pierre Kaelin
1913-2013

Il y avait plusieurs Abbé Pierre dans le monde. Nous avons eu le nôtre. Il s’appelait Pierre Kaelin. Certains disaient seulement : PK. On savait que c’était l’abbé.

Un prêtre original. Un musicien et compositeur fécond. Un homme engagé dans notre société. Il y avait plusieurs personnes en lui. Pierre Kaelin : un créateur, un enthousiaste, un chaleureux, un contagieux.

Prêtre, il a ouvert une voie dans sa propre famille puisque deux de ses frères ont suivi ce chemin, et nous avons espéré avoir la joie émue de compter encore l’un d’eux parmi nous: Ernest, le père Jean de la Croix Kaelin. Malheureusement, au dernier moment, il a dû s’excuser. Nous n’oublions pas non plus Jean qui fut si apprécié dans l’Eglise de Genève.

L’abbé Kaelin ! Mais Pierre fut un prêtre « à sa façon », par appel de son évêque d’abord, et par la force des évènements. En succédant à l’inoubliable abbé Bovet, il ne pouvait pas en être autrement. Prêtre, il le fut en prêtre de son temps à lui, à l’affut des mouvements et soubresauts de notre Eglise, dans la préparation du Concile Vatican II et dans la suite à lui donner, si importante, par la réforme liturgique. Personnellement, je n’ai vu qu’une seule fois l’abbé Kaelin présider la messe. C’était pour ses 25 ans de prêtrise, dans la chapelle du séminaire où il nous donnait ses cours, et bien plus que des cours : des dynamismes, des créativités, une confiance en l’avenir.
Un prêtre qui n’a pas souvent présidé l’eucharistie, mais combien de fois nous a-t-il aidés à la vivre, dans et après la liturgie ? J’en fus un témoin émerveillé comme jeune vicaire dans cette cathédrale où il était le maître de chapelle toujours présent. Je lui en garde, avec beaucoup d’autres qui furent ses précieux collaborateurs et ses pieux auditeurs, une infinie reconnaissance. Si l’on entendait et voyait surtout l’homme de la musique et du chant, on sentait ou on devinait le prêtre. Celui de la foi profonde, de l’amour de l’Eglise, de l’ardeur missionnaire, du rayonnement évangélique.

Mais Pierre Kaelin fut ce qu’il fut et fit ce qu’il fit essentiellement dans sa mission de compositeur, de directeur, de formateur et d’animateur dans les vastes domaines de la musique et du chant. Insatiable et infatigable, créateur passionné et passionnant, en même temps qu’interprète, il fut un apôtre liturgique et culturel aux multiples facettes. Je ne veux pas ici décliner ses qualités ni citer ses œuvres, innombrables toutes les deux.
D’autres sont mieux placés que moi pour le faire et ils le feront. Je pense à celles et ceux qui ont chanté et joué sous ses ordres, aux paroliers qu’il a inspirés, ainsi qu’à tant de jeunes musiciens, chanteurs et compositeurs, heureusement encore parmi nous, qui lui doivent l’éveil, le goût, la persévérance et la compétence de vouer leur existence à ces sublimes formes de beauté.
Qui que nous soyons dans ce canton, et même bien au-delà, nous sommes tous à la fois les petits enfants de Bovet et les enfants de Kaelin. Grâce à eux –et à beaucoup d’autres bien sûr-, nous formons la belle et nombreuse famille des « ravis » de la musique et du chant -qu’ils soient religieux ou populaires-, qui constituent encore l’une des caractéristiques de notre culture à Fribourg. En ce jour de mémoire, nous ne pouvons que dire merci à l’abbé Kaelin. Il n’a pas fini de nous enchanter et de nous inciter à continuer de chanter. Nous le faisons. Nous le ferons.

Evoquer l’abbé Kaelin comme prêtre extra-ordinaire et comme compositeur au riche répertoire serait injustement réducteur. Il y avait d’abord chez Pierre une explosion d’humanité qui faisait le secret de son enthousiasme contagieux. Sans doute tenait-il cette flamme intérieure de son milieu d’origine dont on sait combien il était sensible à l’art et à la communication. Pierre était un homme aux larges horizons. Sa curiosité naturelle -jusque dans les techniques de pointe-, ses relations humaines, ses voyages, ses collaborations tous azimuts prouvent qu’il mettait l’amitié et la justice au sommet de son éthique de vie.
Il était aimable, y compris avec quelques défauts évidemment, mais il avait aussi la passion de la paix et la volonté d’accompagner par son art les changements indispensables à une société plus humaine. D’un patriotisme à la mode, mais un peu étroit, il a passé rapidement à la solidarité universelle par des prises de conscience et à la faveur de rencontres qui ont bouleversé sa vie et, par lui, les nôtres aussi.

Camara, Follereau, l’abbé Pierre -l’autre-, le poète Emile Gardaz, et d’autres encore : il a su avec eux mettre en musique et en chansons une certaine vision renouvelée de la société. Il nous a aidés à ne pas seulement chanter de jolies choses, mais à œuvrer pour que ce monde soit un peu meilleur, plus fraternel, plus conforme à l’évangile, tout en célébrant en chansons, la vie, l’amour, la joie. Améliorer le monde en faisant la fête.

Dans les lectures de cette liturgie, nous voyons Etienne contemplant les cieux ouverts avant de remettre son esprit à Jésus en toute confiance. Dans l’Apocalypse, l’Esprit invite l’Eglise –qui a soif- à venir boire l’eau de la vie, gratuitement. L’évangile nous a fait entrer dans la grande prière de Jésus pour l’unité de l’Eglise et de l’humanité.

Pierre Kaelin nous a poussés sans cesse à nous tourner vers le ciel en contempl’actifs de la beauté divine. Il a ouvert pour nous des sources d’humble splendeur, et nous y avons bu avec lui et à cause de lui, joyeusement. Dans cette célébration de mémoire et de reconnaissance, nous redisons avec le Christ en pensant à PK avec émotion : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée avant même la création du monde. »

                                                                       Claude Ducarroz

mercredi 8 mai 2013

Homélie de l'Ascension


Homélie de l’Ascension 2013

« En toutes choses, il faut considérer la fin ».
Vous connaissez ce proverbe plein de sagesse populaire. On peut en donner deux interprétations, suivant le sens que l’on confère au mot « fin ».
L’une est plutôt pessimiste. Il ne faut jamais oublier que toutes choses ont une fin, à savoir qu’elles se terminent, et par conséquent il convient d’agir en fonction de cette finitude. Voilà qui nous ramène à une certaine humilité devant la précarité de notre propre vie.
Mais il y a une autre interprétation possible, plus optimiste celle-là. La fin, c’est la finalité, le but ultime, ce vers quoi nous allons et qui doit évidemment influencer le voyage qui nous y mène.
L’ascension du Seigneur s’inscrit résolument dans cette version optimiste.
Etres humains, nous existons –c’est déjà beaucoup-, mais nous ne maîtrisons ni notre commencement ni notre terminaison. La vie nous a été donnée sans que nous l’ayons choisie, et la mort s’impose à nous de manière inéluctable. Il nous appartient seulement -et encore est-ce très imparfaitement-  de donner un sens à notre existence et d’en faire, si possible, une œuvre d’amour constructif, dans un relatif bonheur pour nous et pour ceux que nous rencontrons. Et puis mourir puisque nous sommes mortels.

Aujourd’hui, quelqu’un vient nous offrir un « plus », une autre issue, une ouverture sur l’au-delà, une vie plus forte que la mort, comme finalité à notre passage sur cette terre.  Il l’a d’abord montré et démontré dans sa résurrection d’entre les morts. L’un de nous est revenu de la mort pour inaugurer en lui un royaume de gloire et de vie éternelles. Il est resté quelque temps parmi nous pour permettre à des témoins crédibles de le reconnaître en personne et de faire connaître son extraordinaire destinée. Aujourd’hui, c’est le dernier acte de son pèlerinage pascal : il monte aux cieux, il entre définitivement dans la gloire, il amène sa pleine humanité dans la maison du Père pour un séjour de bonheur sans fin.
Et notre chance, notre espérance, c’est qu’il nous promet de nous attirer, nous aussi, là où il est maintenant en fixant là -à savoir avec lui dans le Royaume de Dieu-  notre destin final, notre vocation ultime, notre fin, je veux dire le but de notre vie humaine.
Vous devinez alors combien la fête de ce jour est importante pour nous. Elle indique non pas le terme mais l’arrivée. Elle ouvre une porte sur Dieu quand claquera sur nos talons la porte de notre mort. Elle déchire le ciel offert en cadeau quand se refermera sur nous l’obscurité de la terre.

L’ascension de Jésus est une promesse, mieux encore : une garantie, que si la mort est le bout de la vie ici-bas, elle n’en est pas le but. Premier né d’une multitude de frères et sœurs -que nous sommes-, la fête finale de la grande famille humaine se prépare autour de la table divine. Nous marchons vers un merveilleux rendez-vous dans le cœur même de la Trinité, là où se trouve notre véritable et dernière demeure. Car ensuite nous demeurerons pour toujours en Dieu, comme des poissons dans l’océan de la miséricorde infinie, au chaud dans la cordiale tendresse de l’Amour majuscule.

Il faut bien le constater, même chez nous dans les pays qu’on appelle parfois « d’ancienne chrétienté », de plus en plus les humains ignorent cela, n’y croient pas ou l’ont oublié. C’est bien dommage, mais heureusement Dieu continue de les aimer, de les attirer et de les attendre. Nous qui croyons à notre destinée éternelle à la suite de Jésus ressuscité, nous qui nous savons promis à l’ascension et héritiers du royaume de Dieu, c’est à nous de leur faire désirer, deviner, attendre dans la confiance ce que Dieu leur promet à eux comme à nous, à la suite de Jésus. Comment être les témoins de cette perspective extraordinaire qui peut et même doit changer la manière de vivre et de mourir en ce monde ?
Il ne s’agit pas de retomber dans le piège d’une religion qui serait l’opium du peuple, comme si la probabilité du royaume de Dieu au-delà de cette vie nous incitait à mépriser ce monde parce que nous en attendons un autre, comme si nous n’avions rien à faire d’autre ici-bas qu’à attendre passivement que s’arrête à la gare de notre mort le train qui nous conduira dans l’éternité, comme si nous avions à tuer notre temps sur cette terre en bavardages et tricotages puisque notre vraie patrie est au ciel.

Au contraire, c’est en vivant pleinement dès maintenant - intensément, passionnément- les valeurs du royaume de Dieu, comme Jésus et avec Jésus, que nous montrerons à nos frères et sœurs en humanité combien notre destinée mortelle est grosse d’immortalité, combien se savoir enfants de Dieu donne des ailes à notre existence actuelle, au point qu’elle nous permettra un jour de nous envoler jusqu’au firmament du ciel nouveau que Dieu réserve à ses bien-aimés.

Vivre dans la foi, l’espérance et la charité, lutter pour la justice, la solidarité et la paix : voilà qui trace sur cette terre, en des signaux de feu, le chemin qui mène au Royaume où nous sommes attendus par notre frère aîné, Jésus de Nazareth le glorifié.
Que cette fête de l’arrivée au sommet du premier de cordée nous invite à prendre place dans l’ascension vers la divine maison de famille où nous avons tous rendez-vous pour la fête éternelle.