mercredi 27 octobre 2010

Les kilomètres?

Fleur de vie

Une question de kilomètres ?

Joie de retrouver de bons amis qui habitent le Sud-Ouest de la France. Comme ils sont très engagés dans l’Eglise, nous parlons de la situation respective de nos communautés chrétiennes à l’heure des restructurations pastorales.
Ressemblances et dissemblances !
Nous sommes tous confrontés au même manque de prêtres qui oblige à diminuer l’offre des célébrations eucharistiques. Dans les plus petites paroisses, la messe dominicale est célébrée de plus en plus rarement. Il faut donc que les fidèles s’habituent à bouger pour participer à la messe, à moins de se résigner au « jeûne eucharistique ».
Je découvre alors la dissemblance. Là-bas, les chrétiens parcourent volontiers 20 kilomètres et plus pour retrouver une véritable communauté et partager en Eglise la rencontre du Seigneur dans sa Parole et dans son Pain. La communion eucharistique et la communion ecclésiale ne méritent-elles pas cet effort ?
Et qu’est-ce que je constate chez nous ? Les distances sont beaucoup plus réduites –car nos clochers sont très proches-, mais une certaine paresse s’est installée, qui frise l’indifférence. Des chrétiens estiment qu’ils ont congé quand l’eucharistie ne leur est pas servie « à domicile », comme si c’était trop demandé de devoir parcourir 4 ou 5 kilomètres pour faire Eglise autour de la messe le dimanche ou le samedi soir.
Mais peut-être le problème est-il ailleurs. Avons-nous vraiment faim de l’eucharistie ? Avons-nous encore besoin de vivre en Eglise ?
A chacun sa réponse !
1525 signes Claude Ducarroz

vendredi 22 octobre 2010

L'autre face des rires

Fleur de vie

L’autre face des rires

C’est bien connu, au point de devenir un argument touristique : Lausanne est la capitale romande des noctambules. Jusqu’à plus d’heure le matin, la cité lémanique bruisse des ambiances criardes ou feutrées qui montent des boîtes de nuit, discothèques, troquets, salons de jeux (ou autres). Une ville où l’on s’amuse à gogo, surtout en fin de semaine. Voilà pour la face récréative.
Mais il y a aussi l’autre, qui exhale une odeur bien différente. J’en ai pris conscience en causant avec un policier qui sait de quoi il parle. Tous les week-ends, de nombreux agents de la sécurité publique sont sur le qui-vive, affrontés à toutes sortes de débordements. Ils sont sollicités des dizaines de fois pour calmer des gens alcoolisés ou drogués, réprimer des comportements dangereux, voire empêcher des drames. Et bonjour les dégâts aux propriétés, les coups et blessures, sans compter les séquelles délétères pour la santé physique et morale, notamment parmi les jeunes. « Je vois des choses que je n’aurais jamais cru voir », avoue le brave fonctionnaire.
Notre société permissive, qui fait de sa tolérance une attraction économique, se garde bien de nous présenter les comptes des déprédations matérielles et des dépravations morales suscitées par son indulgence ultralibérale. Et c’est aux braves gens, qui savent s’amuser raisonnablement, de payer les factures !
Mettre des limites claires sans tomber dans la dictature de la vertu, c’est le rôle de nos autorités. C’est aussi notre responsabilité à tous. Afin que notre société ne périsse pas de ses propres excès, comme d’autres empires avant nous.
1629 signes Claude Ducarroz

mardi 19 octobre 2010

Deux homélies

Deux homélies

Saillon VS 11 septembre 2010
Lectures du 24ème dimanche C

Ca suffit ! J’en ai assez de ces slogans bêtes et méchants :
- La religion, c’est la tristesse, la foi c’est la consternation.
- L’Eglise, c’est l’austérité et le reproche perpétuels
- Etre chrétien, c’est se condamner à l’amertume et à la désolation.
J’ai compté : dans les 10 premiers versets de l’évangile de ce jour, il y a 5 fois la joie ou « réjouissez-vous ». Il y a même 4 fois une fête autour d’un repas où l’on mange et boit…comme on sait le faire en Valais. C’est Saillon sur Cana !

Et pourtant c’était mal parti et ça aurait pu mal tourner, tomber dans la dépression.
- La compagnie ? Des pécheurs pas très recommandables, ainsi que le font remarquer les scribes et les pharisiens.
- Une brebis perdue qu’il faut aller chercher, peut-être pour l’arracher à la gueule d’un loup valaisan.
- Une pièce d’argent perdue, mais surtout le 10ème de la fortune. Imaginez cela chez M. Constantin dans la caisse du FC Sion.
- Pire encore : un fils perdu qu’on croyait mort parce qu’il était parti faire la noce jusqu’à la déchéance.

Et c’est dans ce contexte que l’Evangile inscrit la fête et la joie : « mangeons et festoyons ! »
Bien sûr, il ne s’agit pas d’une fête pour nier les problèmes, fermer les yeux sur les drames, oublier les épreuves. Le contraire de notre société, avec toutes ses propositions de divertissements de consommation qui sont si souvent des drogues modernes. Il y a tant de paradis artificiels pour fuir le réel et ses contraintes, se dérober à la vie et à ses misères comme on anesthésie un malade. Et on se retrouve au petit matin blême plus malheureux, plus seul, plus désespéré qu’avant.

Alors comment faire mieux ? Il faut une transformation, un passage, une transfiguration, une résurrection, un transit de la mort à la vie.
Vous me direz que c’est bien difficile quand on est dans le deuil et le malheur. Oui, mais ce n’est pas impossible, à deux conditions.
I. Qu’il y ait quelqu’un avec nous qui continue d’aimer, d’aimer malgré tout, et même malgré nous,
quelqu’un qui donne, redonne, pardonne, comme le Christ qui fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux.
Mais ne serait-ce pas cela, la messe ?

Et puis il y a la figure du père de toute miséricorde, qui brûle dans son cœur ouvert toutes nos misères. On le voit bien : il respecte la liberté de son fils qui décide de partir, il partage ses biens avec lui, il guette son retour, il est tout remué de pitié, il court embrasser le revenant, il refait alliance avec lui en lui remettant le vêtement, les sandales et l’anneau. Il fait la fête du retour. Mais n’y a-t-il pas un sacrement pour cela : le pardon ?




II. Et puis savoir partager avec d’autres, vivre en communauté comme Jésus qui faisait toujours « table ouverte », comme le berger et la ménagère qui réunissent les voisins et amis pour la fête des retrouvailles, comme le père qui met à l’œuvre ses serviteurs pour la fête et va même chercher le fis aîné réticent afin que personne ne manque au festin pascal.
C’est ça, l’Eglise, pour moi, cette communauté chrétienne où tous sont invités, personne ne doit se sentir exclu, où on insiste pour que tous viennent tout en respectant la liberté de chacun.

Saillon sait fêter et s’apprête à le faire encore plus et mieux. Que ce soit dans l’esprit de cet évangile, en invitant aussi le Christ, celui qui sait le mieux inviter, jusqu’au pardon, jusqu’à l’eucharistie, ce Christ qui nous révèle Dieu comme un père de famille nombreuse…nous !
Et puis vous saurez partager largement, à commencer par l’attention aux plus pauvres, aux « prodigues », aux étrangers, aux solitaires, aux différents.
Je retiens ce beau geste du pain et du vin partagés, qui ont goût d’eucharistie et de solidarité.

Vous allez retourner sur votre passé, mais que ce soit pour en retenir le meilleur, à savoir la foi, l’accueil chaleureux, le partage large. Et votre avenir sera de bonheur, chrétien parce que humain, humain parce que chrétien.
Qu’il en soit ainsi ! Amen
Claude Ducarroz




Dans l’ancienne église de Montbrelloz
le 16 octobre 2010
Pour maman Marguerite
1910 – 1987 – 2010

Dans ce lieu –l’église de mon baptême-, il y a des choses et des personnes.

Il y a des choses. Elles nous parlent, elles nous racontent, par les souvenirs auxquels elles furent associées. Nous avons vécu tant d’évènements dans ce lieu. Ces choses ont fait nos histoires et notre histoire. Et puis elles sont des symboles, des ouvertures de sens, des clairières de beauté, notamment par l’art sous toutes ses formes, et maintenant ces nouveaux vitraux.

Et surtout il y a les personnes, celles qui nous ont marqués à jamais, qui ont compté et comptent encore pour nous. Comment ne pas évoquer d’abord celles qui nous ont donné la vie par amour, et toutes les autres, sources d’innombrables cadeaux dont nous vivons encore ? Dans ces lieux et autour de ces lieux, il y eut tant d’amour, de travail, de sacrifices…pour nous ! Nous avons tant reçu, donné aussi et partagé ! Dans la besace de nos vies, il y a encore ces trésors secrets dans lesquels nous puisons, comme à une source intime à laquelle nous allons nous désaltérer.

Ici, nous retrouvons le sens de la tradition et aussi de la transmission, avec la joie du rayonnement durable et du partage fraternel. Mais ici nous mesurons aussi que tout passe, les choses, lentement, et nous aussi, parfois brusquement comme on a pu le déplorer pour notre cher Jacquy.

Nous voudrions retenir, surtout les personnes aimées évidemment, mais c’est tellement au dessus de nos pauvres capacités. Nous passons, nous passerons aussi.
Et puis il y a Jésus le Christ. Alors tout change, tout est bouleversé, transfiguré. Il a passé comme nous, y compris par la mort. Et il a tout dépassé, y compris la mort, avant nous, pour nous, avec nous ou plutôt nous avec lui. C’est la perspective de Pâques. N’avons-nous pas inscrit « alleluia » sur les tombes de nos parents ? Comment cela va-t-il se faire ? Je n’en sais rien et je ne suis pas curieux. Mais je crois que c’est ainsi. Nous en avons un indice : cette communion de mémoire en nos cœurs. Et puis cette bonne nouvelle : la communion des saints.

Nos bien-aimés sont en réserve dans le cœur de Dieu pour servir de cadeau d’amour dans un revoir promis…et donc espéré.

Car Dieu est Amour, et cet amour est plus fort que la mort.

Claude Ducarroz

jeudi 14 octobre 2010

La faute à Jésus

Fleur de vie

La faute à Jésus

Des chrétiens « démissionnent » de leur Eglise. Certains s’en vont parce qu’ils ne veulent plus payer l’impôt ecclésiastique. D’autres entendent protester contre tel ou tel aspect de la vie de leur Eglise, qui ne leur plaît pas. D’autres enfin ont changé de religion ou sont devenus incroyants, voire athées. On peut regretter ces départs, mais on doit les respecter. Et nous devons tous nous interroger : pourquoi ?
C’est ce que fit un prêtre en rencontrant un monsieur qui venait de signer son retrait de l’Eglise. Surprise ! « Vous nous parlez trop de Jésus-Christ, c’est pour cela que je quitte l’Eglise » : telle fut la réponse de l’ex-paroissien.
Certes, il y a manière et manière de parler de Jésus-Christ. Mais vouloir une Eglise dans laquelle on parle moins de Jésus-Christ, voire plus du tout : voilà qui est étrange. C’est un peu comme si on interdisait de jouer de la musique…dans une salle de concert !
Nous demeurons tous des apprentis quand il s’agit d’annoncer l’Evangile. Et parler du Christ, c’est aussi évoquer bien d’autres choses qui intéressent Jésus de Nazareth, à commencer par l’amour du prochain. Nous savons que ça passe par le pardon, la justice, la solidarité : autant de remises en question qui peuvent nous déranger dans nos conforts ou nos habitudes. Y compris les prêtres.
« Annoncer l’Evangile n’est pas pour moi un titre de gloire. C’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! », écrivait l’apôtre Paul (cf. I Co 9,16)
Ainsi pour l’Eglise. Ou elle n’est plus l’Eglise.
1570 signes Claude Ducarroz

vendredi 8 octobre 2010

L'homme qui pleurait

Fleur de vie

L’homme qui pleurait

Il pleurait comme un gosse sur son livre dans la salle de lecture, ce jeune homme de bonne famille, fils de médecin. L’employé de la bibliothèque s’approche de lui en lui posant délicatement la question du pourquoi. Une histoire d’étudiant plus attiré par des foires ruineuses que par des études sérieuses. Résultat des courses : il devait payer d’urgence 5000 francs de retard à l’université pour pouvoir continuer ses études. Et pas question de solliciter son père, intraitable dans ce domaine. Non sans hésitation, mais ému de pitié, le brave employé a fini par remettre à ce prodigue pleureur la somme indispensable à la poursuite de sa formation. C’était magnanime, mais très risqué.
Le temps a passé. Le bon apôtre, sans illusion sur la restitution possible de sa généreuse obole, avait oublié l’incident. Et voici qu’un jour, 15 ans plus tard, un monsieur se présente devant lui exactement au même endroit, sur le lieu des pleurs, en lui tendant une enveloppe plutôt épaisse. Et d’expliquer : « Vous m’avez sauvé la vie en me prêtant 5000 francs, je viens vous les rendre avec un petit supplément puisque je suis maintenant médecin, après avoir repris le cabinet de mon père ». Il y avait 12.000 francs dans l’enveloppe. Vous devinez la surprise et l’émotion de l’imprudent donateur. Encore une précision : l’employé ne s’est pas cru autorisé de garder cet argent pour lui. Il l’a utilisé pour faire du bien à d’autres. De ce côté-là, il faut être généreux des deux côtés !
Ainsi va la charité quand elle est gratuite. Mais sans garantie que ça marche toujours !
1600 signes Claude Ducarroz

dimanche 3 octobre 2010

Le déphasé

Fleur de vie

Le déphasé

Visite dans la famille de bons amis. Je trouve leur adolescent devant son ordinateur avec un copain. Et ça y va. J’assiste à une démonstration de savoir faire avec toutes sortes de programmes informatiques. Je suis étonné, émerveillé et quelque peu humilié, je l’avoue. Car je peine avec mon ordinateur, je me bats pour et parfois contre mon Iphone, je n’entends pas grand-chose au fonctionnement de tous ces appareils qui envahissent peu à peu ma table de travail. Quand je vois l’habileté de ces ados dans la jungle de ces nouveaux moyens de communication, je suis gagné par une envie qui vire à la jalousie. Une réflexion désabusée m’envahit : ai-je encore une vraie place dans cette société ? Une certaine honte s’installe en moi. Et la crainte de vieillir comme un rameau sec parce qu’inutile, selon les critères actuels de la modernité et de l’efficacité.
Heureusement, le partage avec un ami est venu remettre de l’ordre dans mon esprit. Que les jeunes soient plus habiles que moi avec les techniques modernes, c’est normal et c’est tant mieux. Et puis ne dois-je pas admettre, avec humilité sans humiliation, que j’ai mes limites, comme ces jeunes ont aussi les leurs. Ils n’ont pas besoin de moi pour devenir compétents en ces domaines où c’est moi qui ai tout à apprendre. Mais je puis leur révéler autre chose : le sens de la vie, quelques valeurs sûres en voie d’oubli, une certaine façon de voir et d’utiliser les choses pour faire grandir les personnes et les personnalités.
On parle beaucoup aujourd’hui de dialogue intergénérationnel. Tiens, c’est moi qui étais en train de l’oublier !
1621 signes Claude Ducarroz