mardi 19 octobre 2010

Deux homélies

Deux homélies

Saillon VS 11 septembre 2010
Lectures du 24ème dimanche C

Ca suffit ! J’en ai assez de ces slogans bêtes et méchants :
- La religion, c’est la tristesse, la foi c’est la consternation.
- L’Eglise, c’est l’austérité et le reproche perpétuels
- Etre chrétien, c’est se condamner à l’amertume et à la désolation.
J’ai compté : dans les 10 premiers versets de l’évangile de ce jour, il y a 5 fois la joie ou « réjouissez-vous ». Il y a même 4 fois une fête autour d’un repas où l’on mange et boit…comme on sait le faire en Valais. C’est Saillon sur Cana !

Et pourtant c’était mal parti et ça aurait pu mal tourner, tomber dans la dépression.
- La compagnie ? Des pécheurs pas très recommandables, ainsi que le font remarquer les scribes et les pharisiens.
- Une brebis perdue qu’il faut aller chercher, peut-être pour l’arracher à la gueule d’un loup valaisan.
- Une pièce d’argent perdue, mais surtout le 10ème de la fortune. Imaginez cela chez M. Constantin dans la caisse du FC Sion.
- Pire encore : un fils perdu qu’on croyait mort parce qu’il était parti faire la noce jusqu’à la déchéance.

Et c’est dans ce contexte que l’Evangile inscrit la fête et la joie : « mangeons et festoyons ! »
Bien sûr, il ne s’agit pas d’une fête pour nier les problèmes, fermer les yeux sur les drames, oublier les épreuves. Le contraire de notre société, avec toutes ses propositions de divertissements de consommation qui sont si souvent des drogues modernes. Il y a tant de paradis artificiels pour fuir le réel et ses contraintes, se dérober à la vie et à ses misères comme on anesthésie un malade. Et on se retrouve au petit matin blême plus malheureux, plus seul, plus désespéré qu’avant.

Alors comment faire mieux ? Il faut une transformation, un passage, une transfiguration, une résurrection, un transit de la mort à la vie.
Vous me direz que c’est bien difficile quand on est dans le deuil et le malheur. Oui, mais ce n’est pas impossible, à deux conditions.
I. Qu’il y ait quelqu’un avec nous qui continue d’aimer, d’aimer malgré tout, et même malgré nous,
quelqu’un qui donne, redonne, pardonne, comme le Christ qui fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux.
Mais ne serait-ce pas cela, la messe ?

Et puis il y a la figure du père de toute miséricorde, qui brûle dans son cœur ouvert toutes nos misères. On le voit bien : il respecte la liberté de son fils qui décide de partir, il partage ses biens avec lui, il guette son retour, il est tout remué de pitié, il court embrasser le revenant, il refait alliance avec lui en lui remettant le vêtement, les sandales et l’anneau. Il fait la fête du retour. Mais n’y a-t-il pas un sacrement pour cela : le pardon ?




II. Et puis savoir partager avec d’autres, vivre en communauté comme Jésus qui faisait toujours « table ouverte », comme le berger et la ménagère qui réunissent les voisins et amis pour la fête des retrouvailles, comme le père qui met à l’œuvre ses serviteurs pour la fête et va même chercher le fis aîné réticent afin que personne ne manque au festin pascal.
C’est ça, l’Eglise, pour moi, cette communauté chrétienne où tous sont invités, personne ne doit se sentir exclu, où on insiste pour que tous viennent tout en respectant la liberté de chacun.

Saillon sait fêter et s’apprête à le faire encore plus et mieux. Que ce soit dans l’esprit de cet évangile, en invitant aussi le Christ, celui qui sait le mieux inviter, jusqu’au pardon, jusqu’à l’eucharistie, ce Christ qui nous révèle Dieu comme un père de famille nombreuse…nous !
Et puis vous saurez partager largement, à commencer par l’attention aux plus pauvres, aux « prodigues », aux étrangers, aux solitaires, aux différents.
Je retiens ce beau geste du pain et du vin partagés, qui ont goût d’eucharistie et de solidarité.

Vous allez retourner sur votre passé, mais que ce soit pour en retenir le meilleur, à savoir la foi, l’accueil chaleureux, le partage large. Et votre avenir sera de bonheur, chrétien parce que humain, humain parce que chrétien.
Qu’il en soit ainsi ! Amen
Claude Ducarroz




Dans l’ancienne église de Montbrelloz
le 16 octobre 2010
Pour maman Marguerite
1910 – 1987 – 2010

Dans ce lieu –l’église de mon baptême-, il y a des choses et des personnes.

Il y a des choses. Elles nous parlent, elles nous racontent, par les souvenirs auxquels elles furent associées. Nous avons vécu tant d’évènements dans ce lieu. Ces choses ont fait nos histoires et notre histoire. Et puis elles sont des symboles, des ouvertures de sens, des clairières de beauté, notamment par l’art sous toutes ses formes, et maintenant ces nouveaux vitraux.

Et surtout il y a les personnes, celles qui nous ont marqués à jamais, qui ont compté et comptent encore pour nous. Comment ne pas évoquer d’abord celles qui nous ont donné la vie par amour, et toutes les autres, sources d’innombrables cadeaux dont nous vivons encore ? Dans ces lieux et autour de ces lieux, il y eut tant d’amour, de travail, de sacrifices…pour nous ! Nous avons tant reçu, donné aussi et partagé ! Dans la besace de nos vies, il y a encore ces trésors secrets dans lesquels nous puisons, comme à une source intime à laquelle nous allons nous désaltérer.

Ici, nous retrouvons le sens de la tradition et aussi de la transmission, avec la joie du rayonnement durable et du partage fraternel. Mais ici nous mesurons aussi que tout passe, les choses, lentement, et nous aussi, parfois brusquement comme on a pu le déplorer pour notre cher Jacquy.

Nous voudrions retenir, surtout les personnes aimées évidemment, mais c’est tellement au dessus de nos pauvres capacités. Nous passons, nous passerons aussi.
Et puis il y a Jésus le Christ. Alors tout change, tout est bouleversé, transfiguré. Il a passé comme nous, y compris par la mort. Et il a tout dépassé, y compris la mort, avant nous, pour nous, avec nous ou plutôt nous avec lui. C’est la perspective de Pâques. N’avons-nous pas inscrit « alleluia » sur les tombes de nos parents ? Comment cela va-t-il se faire ? Je n’en sais rien et je ne suis pas curieux. Mais je crois que c’est ainsi. Nous en avons un indice : cette communion de mémoire en nos cœurs. Et puis cette bonne nouvelle : la communion des saints.

Nos bien-aimés sont en réserve dans le cœur de Dieu pour servir de cadeau d’amour dans un revoir promis…et donc espéré.

Car Dieu est Amour, et cet amour est plus fort que la mort.

Claude Ducarroz

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