jeudi 16 décembre 2010

Pas le temps

Fleur de vie

Pas le temps !

Comment va l’œcuménisme ? C’est une question qu’on me pose souvent. Pour vérification, j’ai interrogé une responsable d’un centre voué, entre autres, au dialogue et à l’engagement œcuméniques. La réponse m’a étonné. L’obstacle à l’œcuménisme n’est pas la mauvaise volonté, mais le manque de temps. Et d’expliquer ! Quand on travaille avec des chrétiens de plusieurs confessions, ça exige beaucoup de temps, tandis que lorsqu’on reste entre nous, c’est plus rapide. Or les acteurs de l’oecuménisme, et notamment les prêtres et les pasteurs, sont de plus en plus surchargés. Ils parent au plus pressé et l’investissement œcuménique fait les frais de ce stress. Résultat des courses : moins d’initiatives, moins de rencontres, moins d’actions communes.
Je sais bien que tous les acteurs de la pastorale estiment que leur « spécialité » est forcément prioritaire. Mais justement. Depuis le concile Vatican II, dans la foulée du mouvement oecuménique initié par nos frères et sœurs protestants, la recherche passionnée de l’unité de l’Eglise et entre les Eglises n’est pas une spécialité qui serait l’apanage de quelques mordus de la chose. Le pape Benoît XVI ne cesse de répéter que l’œcuménisme est devenu une priorité absolue pour l’Eglise catholique en toutes ses composantes. Alors…
Il y a plusieurs manières de pousser à la roue de l’unité des chrétiens. Tous ne peuvent pas tout faire. Mais ceux qui ne font rien ou presque, sous prétexte qu’ils n’ont pas le temps, marchent sûrement à côté des chemins de l’Evangile et de l’Histoire.
Un conseil d’ami : revoir nos priorités. Et faire les bons choix.
1626 signes Claude Ducarroz

jeudi 9 décembre 2010

Noël canin

Fleur de vie

Noël canin

Les catéchistes ont toujours des histoires à raconter. Souvent édifiantes, parfois drôles et quelques fois navrantes.
Au retour des vacances, Rose-Marie demande aux enfants de son groupe de caté comment ils ont passé Noël. Le récit le plus surprenant vint de José, un garçon plein de spontanéité. « On n’a pas fêté Noël chez nous, dit-il avec un brin de candeur, parce que notre chienne a donné le jour à 9 chiots cette nuit-là. Alors on a fêté la naissance des petits chiens à la place de celle de Jésus. »
Heureusement, Jésus n’est pas jaloux ! On dit qu’il y avait un âne et un bœuf dans la crèche de Bethléem. Peut-être y avait-il aussi quelque chien qui traînait par là !
Cet épisode animalier peut être vu comme une anecdote gentille. Mais on peut aussi l’interpréter comme la parabole de notre société face aux mystères chrétiens. Il faut bien constater que la naissance de Jésus perd peu à peu de sa substance parce que la figure de Jésus lui-même s’estompe dans le cœur de nombreuses personnes, même baptisées. Qu’une chienne supplante le Sauveur à Noël, c’est évidemment un signe inquiétant pour la vitalité de la foi chrétienne. Pour beaucoup, Jésus-Christ n’est plus d’actualité.
Les bergers du premier Noël ont sûrement pris quelques animaux avec eux pour venir à la crèche. Qu’ils nous ramènent auprès du Sauveur, eux qui, en glorifiant Dieu, firent connaître partout ce qu’ils avaient vu et entendu. « Et tous ceux qui les entendaient étaient émerveillés de ce que leur racontaient les bergers. »
Une grâce qu’on souhaite à José et à sa famille. Et même aux petits chiens.
1605 signes Claude Ducarroz

mercredi 8 décembre 2010

Immaculée Conception de Marie

Immaculée Conception 2010


De Maria numquam satis.
De Marie, on ne dira jamais assez.

Le curé-doyen de mon enfance, plus tard chanoine de cette cathédrale, nous répétait souvent cette formule pour dire qu’on ne dirait jamais trop au sujet de Marie.
Il justifiait cette pieuse exagération en faisant référence au cantique de Marie, le Magnificat, dans lequel elle dit : « Désormais toutes les générations me diront bienheureuse. »
C’est vrai. La liturgie de l’Eglise et la piété du peuple chrétien, tant en Orient qu’en Occident, ont amplement répercuté cette béatitude mariale, quand on mesure la somme des prières, des pèlerinages, des églises et chapelles, des œuvres d’art dédiées à Marie, sans compter toutes les bougies qui brillent sans cesse devant ses effigies partout dans le monde.

Oui, toutes les générations la proclament « bienheureuse », et nous aussi. Mais dans nos ferveurs mariales, nous ne devons jamais oublier les deux versets du Magnificat qui entourent et expliquent la béatitude de la Mère de Jésus.
Elle est bienheureuse « parce que le Seigneur a jeté les yeux sur son humble servante »,
parce que « le Tout-Puissant a fait pour elle de grandes choses. Saint est son Nom. » Pas celui de Marie, mais celui de Dieu. C’est elle qui le dit !

Aujourd’hui, nous méditons sur l’une de ces merveilles. Elle est contenue en germe dans cette première parole adressée à Marie par l’ange Gabriel au jour de l’Annonciation :
« Je te salue, comblée de grâces. Le Seigneur est avec toi. »
Tout est dit, tout est là.
Certes Marie est une « comblée de grâces. Mais c’est parce que le Seigneur est avec elle…et elle avec Lui.

Dans sa longue méditation sur ce mystère, après des siècles de controverses et d’hésitations, l’Eglise catholique a fini par définir ce privilège dans un dogme en 1854 par le pape Pie IX. C’est l’Immaculée Conception.
Précisons aussitôt, tant le malentendu est fréquent. Il ne s’agit pas de la conception virginale de Jésus en Marie par l’opération du Saint-Esprit , comme on le dit maladroitement. Il s’agit de la sainteté originelle de Marie qui, dès sa conception, a été placée entièrement dans le monde de la grâce en échappant à tout péché.
Bien sûr, comme le rappelle le dogme lui-même, c’est par un geste de salut anticipé provenant de la croix du Christ, et pour qu’elle soit la digne mère du fils de Dieu incarné et sauveur du monde.
Marie fait donc totalement partie du peuple des sauvés, mais mieux que nous, avant nous et finalement aussi pour nous puisque sa « toute sainteté » était orientée vers la venue du Sauveur du monde, le sien, le nôtre et celui de toute l’humanité.

Il ne faudrait surtout pas que le privilège de l’Immaculée Conception éloigne Marie de nous, le peuple des pécheurs sauvés par son fils, notre frère Jésus-Christ.

Et pour mieux comprendre cette proximité, non pas malgré mais à cause de sa toute sainteté –car la sainteté n’éloigne pas mais au contraire rapproche-, contemplons l’Immaculée dans la vie réelle et même ordinaire de cette femme d’Israël.
* Une sainteté en tablier de cuisine, dans la simplicité de Nazareth. Marie l’épouse et la maman.
* Une sainteté de service par amour quand, enceinte, elle franchit les montagnes pour secourir sa cousine Elisabeth. Marie de la visite.
* Une sainteté de migrante rejetée, au point de devoir accoucher en compagnie des animaux. Marie de la crèche à Bethléem.
* Une sainteté de réfugiée quand elle doit fuir en Egypte avec son époux Joseph pour protéger leur enfant de la mort. Marie de l’exil.
* Une sainteté de joie partagée quand elle signale à Jésus que les mariés de Cana manquent de vin pour continuer la fête. Marie de la noce.
* Une sainteté de prière et de liturgie quand elle monte au temple pour accomplir ses devoirs religieux. Marie de Jérusalem.
* Une sainteté de mère douloureuse et solidaire quand elle est debout au pied de la croix sur laquelle meurt son fils, condamné à mort. Marie du Golgotha.
* Une sainteté d’Eglise et en Eglise quand elle est présente et priante avec les apôtres et les disciples de Jésus à Pentecôte pour former et lancer la première communauté chrétienne. Marie du Cénacle.

En résumé, toutes les « saintetés » de Marie Immaculée sont encore aujourd’hui partagées et imitées parce qu’elles portent fleurs et fruits au ras de la vie ordinaire, là où l’évangile est mis en pratique, tout simplement.

C’est bien cela que Marie nous rappelle sans cesse puisque ces derniers mots cités dans l’Evangile de Jean sont ceux-ci : »Faites tout ce que Jésus vous dira. »
C’est ça, être enfants de Marie. C’est ça, former l’Eglise mariale. C’est ça finalement honorer cette invitation d’humilité et de louange : « Oui, le Tout-Puissant a fait pour toi des merveilles. Bienheureuse es-tu parce que saint est son nom.
Amen.

Claude Ducarroz

dimanche 5 décembre 2010

Vers les 500 ans du Chapitre cathédral

1512-2012
Les 500 ans du Chapitre cathédral de St-Nicolas

Introduction

Vous vous souvenez ! En 2006, toute la Suisse a commémoré les 500 ans de la Garde suisse pontificale. En effet, c’est en 1506 que le pape Jules II (Giulio della Rovere) a institué la célèbre cohorte des gardes suisses, « la plus petite armée du monde », qui continue d’être à la fois la curiosité des touristes qui se rendent au Vatican et la fierté de notre pays.

Savez-vous que ce même pape a aussi fondé une autre institution qui a marqué notre canton de Fribourg tout au long de son histoire ? Par une bulle datée du 20 décembre 1512, le pape Jules II a créé le « vénérable et exempt » chapitre collégial de St-Nicolas à Fribourg, doté alors de 15 chanoines autonomes par rapport à l’évêque de Lausanne. C’est le célèbre magistrat et humaniste fribourgeois Peter Falk qui obtint cette insigne faveur, à la demande des Autorités et de la Bourgeoisie de la ville, lors d’un séjour à Rome.

Dès lors le Chapitre de St-Nicolas a accompagné de près la ville et le pays de Fribourg dans les multiples péripéties de leur histoire. Il suffit de nommer, entre autres, le fameux prévôt et vicaire général Pierre Schneuwly, qui propagea efficacement les idées de la Réforme catholique à la suite du Concile de Trente et fit venir à Fribourg les Pères Jésuites, dont saint Pierre Canisius, le fondateur du Collège St-Michel.
Jusqu’à l’installation de l’évêque de Lausanne à Fribourg (1613), on peut dire que le Chapitre cathédral a constitué l’autorité épiscopale de proximité pour notre canton. Des figures éminentes ont marqué son histoire au plan de la religion, de la culture, des arts et même de la politique. Plusieurs membres du Chapitre sont devenus évêques. Le chanoine Charles Fontaine a servi l’évolution du canton dans les années qui ont précédé et suivi la Révolution française.

Quand la collégiale de St-Nicolas est devenue la cathédrale du diocèse (1924), les privilèges du Chapitre cathédral ont été maintenus, à savoir la nomination des prévôts et chanoines par les autorités civiles. Même si actuellement ces privilèges ont été abandonnés –y compris la mitre et la crosse pour le « Révérendissime Prévôt »-, il demeure que le Chapitre de St-Nicolas continue d’exercer son office d’intercession et de pastorale au service du diocèse, de notre cité et de notre canton.

Il convient dès lors de commémorer dignement les 500 ans de son existence.

Sans céder au triomphalisme, nous souhaitons que ce jubilé apporte à notre peuple et à notre Eglise des offres de célébrations, de culture et de commémoration bienvenues. En rappelant ce passé, nous croyons que nous contribuerons à donner à notre population, toutes générations confondues, le sens de son histoire et un certain élan pour son avenir.

Fribourg, le 15 août 2010 Claude Ducarroz, prévôt

Coup de gueule

Humeurs romaines

L’Osservatore romano –journal semi-officiel du Saint-Siège- annonce dans son numéro du 26 novembre en langue allemande que le pape Benoît XVI a nommé (ernannt) l’abbé Felix Gmür évêque de Bâle. Il n’est fait aucune allusion au rôle prépondérant qu’a joué le Chapitre cathédral de Soleure dans le choix de ce jeune et sympathique prélat pour le siège épiscopal du plus grand diocèse de Suisse. Car, conformément au Concordat du 26 mars 1828 toujours en vigueur, ce sont bel et bien les chanoines du Chapitre qui élisent l’évêque tandis que le pape confirme ce choix. Ce processus, quoique rare, est prévu par le code de droit canon actuel puisqu’il est écrit au numéro 377/1 que « le Pontife suprême nomme librement les évêques ou confirme ceux qui ont été légitimement élus ». C’est exactement le cas du diocèse de Bâle. Il est spécifié en effet à l’article 12 du Concordat : « Les chanoines formant le Sénat ont le droit de nommer l’évêque parmi le clergé du diocèse. L’évêque élu recevra l’institution du Saint-Père. » Depuis 1967, les chanoines de Soleure ont fait une fleur au Vatican. Jusqu’à cette date, ils annonçaient le nom de l’heureux élu aussitôt après sa nomination. Actuellement, ils attendent sagement la confirmation du pape pour révéler le nom du nouvel évêque. Mgr Gmür, très prudent comme il se doit, a envoyé une lettre à ses futurs diocésains dans laquelle il rappelle qu’il a été « élu » par le Chapitre le 8 septembre 2010 et qu’il sera « nommé » par le pape le 23 novembre. Nuance !
J’entends l’objection. Une telle élection, démocratique à dose homéopathique, ne garantit pas contre les erreurs de casting. On se souvient que le Chapitre de Soleure avait nommé en 1994 Hansjörg Vogel qui dut démissionner l’année suivante. Mais il faut aussi reconnaître que le processus strictement canonique utilisé à Coire lorsque le Saint-Siège a cru bien faire en ignorant les droits du Chapitre lors de la nomination de Mgr Wolfgang Haas n’a pas mieux réussi puisqu’il a engendré 10 ans de grave crise dans un diocèse traumatisé.
Le silence de Rome sur le processus spécial ayant abouti à la nomination de Mgr Gmür me semble ressortir d’un manque de délicatesse à l’égard du Chapitre et du diocèse qui, à ma connaissance, tiennent tous deux à ce petit privilège modestement démocratique, sans qu’il ôte au pape un droit de regard sur ladite nomination.
Cet « oubli » est aussi un préjudice pour l’œcuménisme. Car l’excessif centralisme romain est incontestablement l’un des obstacles au progrès du rapprochement entre les Eglises. Jean-Paul II avait écrit dans son encyclique « Ut unum sint » sur l’œcuménisme (1995) qu’il souhaitait que son ministère puisse « réaliser un service d’amour reconnu par les uns et les autres ». Pour cela, il faisait humblement appel aux autres Eglises afin de chercher ensemble quelles formes il devrait prendre afin d’atteindre cet objectif. (Cf. no 95). On en est encore loin.
Quoi qu’il en soit, nous souhaitons encore à Mgr Félix Gmür toutes les grâces nécessaires pour l’accomplissement de sa rude mission dans l’esprit de l’Evangile, en communion avec son peuple, ses confrères évêques et le Saint-Père évidemment. Sans oublier la dimension œcuménique.
Notre diocèse est en attente d’un nouvel évêque. Il sera nommé sans surprise selon la procédure canonique classique après les consultations d’usage, ultrasecrètes évidemment. Nous attendons ce nouveau pasteur dans la prière et la confiance, avec l’espoir d’une grande joie. Mais ce n’est pas manquer d’esprit ecclésial que de rappeler maintenant une recommandation publiée par l’assemblée synodale suisse qui dit : « Nous demandons pour tous les diocèses que dans la nomination des évêques soit introduite et fixée juridiquement une participation des organismes des Eglises locales. Cette participation doit être au moins équivalente aux formes de codécision déjà existantes » (No 444).
C’était il y a 35 ans. Depuis lors, rien n’a bougé. Ouf ! Nous sommes (encore) catholiques !
4008 signes Claude Ducarroz

mercredi 1 décembre 2010

La remplaçante

Fleur de vie

La remplaçante

On a beau avoir encore quatre enfants, perdre le cinquième provoque une si profonde douleur. Philippe et Josiane se sont retrouvés au cœur de cette souffrance en laissant partir leur fille trisomique, la préférée de leur amour, comme vous pouvez le deviner. Bien sûr, on le leur avait dit : Sabine ne pourra pas vivre très longtemps. Mais la voir s’en aller à l’âge de 12 ans, c’est un terrible chagrin. Et puis toute la famille a bien dû faire son deuil, continuer à vivre sans ce trésor qui causait sa joie en même temps que son souci.
Sans Sabine ? Pas tout à fait, même si chaque enfant est toujours unique, irremplaçable. Après avoir réfléchi en famille, après avoir prié, Philippe et Josiane ont décidé d’adopter un nouvel enfant qui viendrait compléter la fratrie. Mais pas n’importe lequel : une petite trisomique, comme l’était Sabine.
La famille s’est ainsi re-composée, dans une configuration proche de la précédente. Personne n’oublie Sabine. Mais sa petite sœur lui ressemble tellement, par sa vitalité rayonnante mais aussi par l’exigence de tendresse patiente. Et par son sourire évidemment.
Qui dira jamais la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de l’amour dont sont capables certaines personnes, surtout devant le malheur innocent ? Voilà qui nous réconcilie avec une humanité si souvent présentée comme égoïste, indifférente, sourde et aveugle devant la souffrance des plus pauvres et des plus petits.
Reprenez courage : il y a encore des gens qui savent aimer, « non par des paroles et des discours, mais en actes et en vérité. » (I Jn 3,18).
1597 signes Claude Ducarroz