Homélie
1er dimanche de l’Avent
Dis-moi ce que tu
attends, et je te dirai qui tu es.
Peut-être faut-il aller plus en
profondeur : Dis-moi qui tu
attends, et je te dirai qui tu es.
L’être humain est une créature extraordinaire.
Il peut revenir sur son passé par la mémoire. Il peut s’investir dans le
présent par l’engagement de tout son être. Il peut aussi se projeter dans
l’avenir –dans l’à-venir- en imaginant son futur pour mieux le préparer.
Nous sommes des êtres
de souvenir, d’actualité et d’espérance.
Franchement, qu’espérons-nous, qui monte à
l’horizon de notre vie ?
Bien sûr, suivant les circonstances de notre
existence, nous avons droit à des espérances d’intensité fort diverse.
* Il y a ces petits espoirs, souvent à court
terme, qui facilitent notre bonheur. Que sais-je ? gagner à la loterie –
mais n’oubliez pas d’acheter d’abord un billet ! Ou peut-être s’offrir un
nouvel habit, partir aux sports d’hiver, changer de voiture etc… Chacun peut
faire sa liste personnelle. Ici la question est la suivante : quelle place
occupe, dans mon temps, mon esprit, mon cœur, la quête de tels biens, qui peut
devenir obsessionnelle au point d’envahir tout mon espace d’attention et de
recherche ? Et me voilà emprisonné en moi-même dans les filets du
consumérisme et du matérialisme.
* Il y a aussi heureusement des espérances plus
nobles. Recouvrer la santé, guérir une relation d’amour, revoir ses enfants ou
ses parents, retrouver un travail, réussir un examen de passage etc… Nous
n’avons pas à avoir honte de chercher à être heureux sur cette terre, à
condition de nous engager aussi pour rendre les autres plus heureux, surtout
celles et ceux qui le sont moins que nous.
Mais toutes ces espérances ne font pas encore
un être humain complet, fier de toutes les dimensions de sa riche personnalité,
respectueux de toutes ses vocations.
Il y a en nous comme une cicatrice à observer
et aussi une blessure à soigner.
* La cicatrice ? L’ombilic qui, au fond de
notre conscience, témoigne que nous sommes justement des êtres rêvés par le
Créateur, des œuvres de sa bonté pleine d’imagination, des images à sa
ressemblance, des icônes vives de sa beauté.
* Et puis il y a, du côté de l’espérance, avec
la redoutable question de la mort, cette aspiration à une vie éternelle, à des
relations affectives pleinement épanouies, à un bonheur sans nuage, que nous ne
pouvons faire autrement que souhaiter, pour nous et pour ceux que nous aimons,
alors même que personne parmi nous ne peut nous les donner vraiment.
Si nous venons du cœur de Dieu, comme une
étincelle jaillie de son amour, sommes-nous condamnés à vivre dans la nuit et à
mourir désespérés ?
Ce temps de l’Avent vient opportunément
éclairer notre route humaine, quels que soient les virages, voire les
dérapages, qu’elle comporte.
Dans l’espérance d’Israël, dans la venue de
Jésus de Nazareth -le Christ et le Seigneur-, nos trois dimensions d’existence
sont transformées et même transfigurées.
* La mémoire de nos racines en Dieu est revigorée.
Nous sommes les enfants bien-aimés d’un amour de toujours, à l’image du Fils éternel
venu en notre chair.
* Nous sommes accompagnés par son Esprit qui
nous inspire, nous console et nous encourage, surtout si nous prenons le temps
de le rejoindre dans le silence et la prière. « Prenez garde, restez
éveillés », dit l’évangile de ce jour.
* L’évangile –une si bonne nouvelle- porté et
diffusé par l’Eglise, est lampe pour nos pas, lumière sur notre chemin.
* Et déjà, à cause de la mort et de la
résurrection de Jésus -que notre vie ici-bas s’arrête à minuit,
au chant du coq, le matin ou le soir-, nous savons que le Maître nous
attend dans sa maison. Ou plutôt un Père nous accueillera, les bras grand
ouverts, dans la communion parfaite de sa miséricorde qui seule peut nous
rendre parfaitement heureux.
C’est le rappel et la leçon bienvenue du temps
de l’Avent. Voilà ce que nous attendons le plus. Voilà celui que nous espérons
vraiment.
* Il ne vient pas effacer nos petits espoirs
humains, qui tiennent à notre condition charnelle en ce monde, mais il les
situe à leur juste valeur, toujours à discerner et à vérifier, afin qu’ils
n’occupent pas toute la place, ce qui serait un grand malheur.
* Il ne vient pas soupçonner nos espérances
positives qui correspondent à nos besoins fondamentaux de trouver du bonheur honnête
dans la joie d’aimer et d’être aimé. A condition que ces délices soient
partagés au-delà de nos intérêts personnels à court terme.
* Mais surtout, en regardant de haut ou de loin
les illuminations de pacotille et surtout en résistant aux consommations qui
ont tendance à nous transformer en oies gavées par le commerce, que nous nous
préparions à retrouver, auprès du divin enfant
de la crèche, la source de notre vie, le désir d’adorer sincèrement et
de servir humblement, et l’espérance d’un destin qui dépasse notre mort pour
s’épanouir en Dieu lui-même.
Car tel est notre
véritable à-venir.
Claude Ducarroz