samedi 17 décembre 2016

En marche vers l'incarnation

La marche vers l’incarnation
He 1,1-3.

L’incarnation, c’est la rencontre de communion parfaite entre Dieu et la « chair » (humaine), Dieu demeurant un mystère « incompréhensible » (Cf. Jn 1,18) et l’humanité étant assumée dans le réalisme de sa faiblesse, de son imperfection et de sa caducité.

Une marche, c’est une dynamique progressive, avec des étapes qui peuvent se superposer, selon des intensités variables.

On peut discerner six étapes :
-          la communion par l’existence dans le rapport de création
-          les diverses quêtes religieuses
-          l’alliance avec Israël
-          le Verbe incarné
-          le temps de l’Eglise
-          la récapitulation eschatologique

1. L’Existant fait exister par un contact et une rencontre entre le divin Donateur et l’humain receveur. (Cf. Ps 139,13-15). Cette dépendance crée une certaine solidarité essentielle. La liberté de Dieu s’engage dans le don de l’être, surtout quand il s’agit de créer un être « à l’image et ressemblance » de Dieu. (Gn 1,27).

2. Toutes les religions manifestent et mettent en « culture » cette  mystérieuse liaison entre Dieu et l’humanité, dans l’interaction avec le vaste univers, écrin de cette Histoire dans la variété des civilisations.

3. Israël est un témoin privilégié de cette « incarnation » par création à travers le livre de la Genèse qui présente un Dieu unique (Cf. Dt 32,39), maître de tout, qui cependant ne craint pas de se révéler comme un artisan créateur. (Cf. Gn 2). Plus encore, Dieu déroule un plan secret à travers l’alliance avec le peuple, dans tous les aléas de cette fréquentation. Dans cette histoire sainte, il montre proximité et accompagnement, avec un dévoilement progressif de son mystère jusqu’à l’expression de son nom. (Cf. Ex 3,13-16).
 Si les vocables Parole, Sagesse, Esprit, Seigneur, Eternel, Très-Haut, etc.. maintiennent l’idée de transcendance, d’autres expressions utilisent des images et des comparaisons très humaines (Cf. père, pasteur, mère, roi, époux etc..) et même matérielles (Cf. rocher, bouclier, forteresse, lumière, etc..), tout en mettant en garde contre une divinité qui serait simplement à la ressemblance de l’homme.
Les prophètes, plus encore que le culte, veillent sur la pureté et l’originalité de la foi juive, tout en continuant d’orienter les croyants vers une relation faite d’adoration, mais aussi d’amour, face à un Dieu de tendresse et de miséricorde. (Cf. les psaumes).

4. Et puis vint Jésus de Nazareth, le « Verbe fait chair » (Jn 1,14), assumant en lui la parfaite rencontre entre le Fils éternel de Dieu et la pleine humanité du fils de Marie. La découverte de cette mystérieuse communion s’est faite progressivement. Les témoins ont d’abord rencontré un homme, dans la pauvreté de sa naissance et l’humilité de sa condition historique. Ils ont été impressionnés par l’homme de Dieu (Cf. Jn,1,35-51) dont les paroles et les actions conduisaient à son mystère.
Le mystère pascal leur a ouvert les yeux de la foi. (Cf. Lc 24,13-35). Une relecture de sa vie devenait possible, qui changea la vie de ses disciples et fonda la communauté Eglise.
Du compagnonnage avec Jésus durant son existence terrestre, les apôtres ont pu remonter à la préexistence du Christ dans sa relation éternelle avec le Père qui l’a envoyé. (Cf. Jn 17).
L’Esprit Saint a permis que les chrétiens  tiennent bon dans la confession du mystère du Verbe incarné, en affirmant la divinité du Christ sans jamais occulter son humanité. (Cf. les épîtres de Paul).
Cette humanité du Sauveur a été amplement recueillie et racontée dans les Evangiles. On y voit Jésus partager entièrement la condition humaine (joies et peines, succès et échecs), dans les manifestations de la vie courante, dans la culture de son milieu et surtout dans l’affrontement avec la mort, prélude à la résurrection.
Toutes les rencontres de Jésus, avant ou après la Pâque, sont là pour témoigner à la fois de la pleine humanité du Sauveur et de sa parfaite divinité, en communion trinitaire assumée en ce monde.

5. D’une certaine façon, l’Eglise prolonge le mystère de l’incarnation en témoignant pour le Christ mort et ressuscité et en diffusant dans le monde les énergies humanisantes de l’Esprit.

6. Mais nous attendons encore la parfaite révélation de toutes les dimensions du mystère de l’incarnation (Cf. Ep 3) quand, à la fin de l’histoire terrestre, le Christ récapitulera toutes choses en lui pour que, enfin, « Dieu soit tout en tous. » (ICo 15,28).

                                                           Claude Ducarroz


jeudi 15 décembre 2016

Pour nos autorités cantonales

Reconstitution des autorités cantonales
16 décembre 2016     HOMELIE              Jn 13, 3-5 et 12-17

Rassurez-vous ! Après cette page de l’évangile de Jean, il me semble que je n’ai plus rien à dire. Tout a été démontré concrètement par le Christ Jésus lui-même dans l’émouvant récit du lavement des pieds.
Personnellement, j’aurais plutôt envie de vous montrer quelque chose. Et c’est le portail sud de notre cathédrale, celui qui est maintenant offert à la contemplation de tous, notamment grâce à la générosité et à l’activité de nos autorités cantonales. Il peut constituer en effet comme un autre commentaire de la juste attitude prônée par Jésus dans l’évangile, en particulier pour les autorités de ce monde. Si vous n’avez pas encore apprécié ce chef d’œuvre, je vous conseille vivement de ne pas tarder à venir méditer devant sa beauté.

Le Christ est au sommet de l’ogive supérieure. Il domine certes, mais il ne menace pas. Il parle pour dire une parole de lumière. Il bénit pour accorder un esprit de vie. On le retrouve au centre du portail, là encore, non pas dans l’arrogance d’un pouvoir, mais dans la douce proximité d’un enfant sur les genoux de sa mère. Certes, il n’est plus un bébé puisqu’il est debout et fait un premier pas vers l’avenir, vers sa liberté, vers sa mission.

Et vous –si vous me pardonnez cette audace-, je vous vois dans la figure des trois mages/rois qui s’approchent de ce trône un peu solennel, mais très avenant. Tous les trois obéissent à la même attraction intérieure, celle qui les conduit tous, à la lumière d’une étoile mystérieuse, vers le petit roi qui les regarde en étendant ses bras.
Ils sont très différents –peut-être même par les orientations politiques-, certainement par l’âge. * Le premier est dans la soixantaine, bien velu et barbu, déjà comblé par une longue expérience.
* Le deuxième, qui désigne l’enfant, est dans la quarantaine, avec une barbe bien taillée et sans doute un programme ripoliné.
* Quant au troisième, c’est un jeune homme imberbe, mais certainement plein d’ambition.
En résumé : tout ce qu’il faut pour constituer un bon Grand Conseil et un Conseil d’Etat équilibré. A condition d’y ajouter des femmes évidemment !
Tous les trois apportent au Seigneur le cadeau de ce qu’ils ont, mais surtout l’offrande de ce qu’ils sont. Et ce n’est pas rien puisqu’ils portent tous une couronne, signe ostentatoire de leur autorité reconnue et respectée. Sauf le premier. Non pas qu’il ait renoncé à son pouvoir puisqu’il a placé sa couronne au coin de son genou gauche, en pleine génuflexion.
Il a conscience de se trouver, lui un roi, devant plus roi que lui, même s’il s’agit encore d’un enfant. Il le manifeste clairement: son autorité vient d’ailleurs. Il s’incline pour être à sa juste grandeur. Il est premier serviteur pour exprimer sa vraie valeur. A fortiori, dans un système démocratique, la force du pouvoir jaillit de l’humilité de celui ou celle qui l’exerce, et l’on sait que l’attention aux plus petits et aux plus faibles est la marque des grands magistrats.

C’est la leçon du premier roi du portail sud. Il rejoint à l’avance l’esprit de l’évangile de tout à l’heure. Servir les autres, voilà la vérité de tout pouvoir qui veut s’exercer à l’imitation de celui qui a lavé les pieds de ses amis avant de donner sa vie pour eux : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Mais surtout, pour terminer, je ne voudrais pas que vous oubliiez la phrase suivante, car c’est une si belle promesse, et c’est bien ce que nous vous souhaitons du fond de notre prière, pour vous, nos autorités, hommes et femmes élus ou réélus : la joie de servir ainsi.
« Sachant cela, dit Jésus, heureux serez-vous si vous le faites ». Bien du bonheur !
                                                                                                          Claude Ducarroz, prévôt



jeudi 8 décembre 2016

Pour l'Immaculée Conception

Immaculée Conception

Faut-il le redire en préambule ? Je le crois, tant ce mystère reste sans doute fort « mystérieux » pour certains chrétiens, même parmi ceux qu’on appelle les « pratiquants réguliers ». Que dire alors des autres, de loin les plus nombreux ?

Comment comprendre l’immaculée conception de Marie ?

D’abord ce n’est pas à confondre avec la conception virginale de Jésus, à savoir le fait que le Seigneur-Messie ait été engendré en Marie sans l’intervention biologique d’un homme. Et cela, non pas par méfiance ou mépris à l’égard de la sexualité, l’une des plus belles inventions de Dieu selon le livre de la Genèse puisque, après la création « de l’homme et de la femme à son image et ressemblance …, Dieu vit et dit que tout cela était très bon ».
Le mode de conception « extraordinaire » de Jésus signifie seulement que le cadeau du Sauveur est 100% le fruit d’une miséricorde totalement gratuite de Dieu, et non pas le résultat d’une initiative humaine, si belle et pure soit-elle. On ne produit pas le Sauveur, on le reçoit.

L’Eglise, peu à peu, a pris conscience que le premier instrument de l’incarnation du Fils de Dieu en notre chair, Marie de Nazareth, était et fut entièrement dévouée à sa mission exceptionnelle, autrement dit « toute sainte » comme on dit en Orient, « immaculée », comme on dit en Occident, donc « sans péché ». Finalement, l’immaculée conception de Marie, c’est le commentaire théologique de l’Eglise au sujet de la célèbre phrase de l’ange Gabriel lors de l’annonciation : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. »
Dans l’Eglise catholique, on a perçu une certaine confirmation de cette vérité dans le fait que Marie se soit présentée elle-même ainsi lors des apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous à Lourdes en 1858.

Mais revenons plutôt à l’évangile, celui de cette fête. Que de belles leçons à contempler et à retenir, y compris par l’Eglise d’aujourd’hui, et donc par nous qui sommes cette Eglise !

* D’abord Dieu commence l’œuvre de la rédemption, à savoir la nouvelle création, en recourant à une femme, celle qu’on peut appeler la nouvelle Eve. Alors que si souvent encore dans certaines sociétés, les femmes sont considérées comme des humains secondaires, voire inférieurs, Dieu vient à nous dans le Christ en appelant une femme comme première et principale collaboratrice de ses desseins de salut universel. Il faut aussi l’avouer : alors que dans notre Eglise les femmes ne sont pas toujours appréciées à leur vraie valeur ni accueillies à leur juste place, l’attitude libre de Jésus à l’égard des femmes de l’Evangile nous interroge encore sur l’avenir de leurs précieux services dans nos communautés.

* Mais il ne faut pas non plus oublier Joseph, l’époux inséparable de Marie. Pour habiter au milieu de nous, le Messie n’a pas seulement choisi une mère immaculée, mais aussi une famille, la vie de famille, puisque le texte de l’annonciation signale aussitôt que « Marie était accordée en mariage à Joseph » avant qu’ils aient habité ensemble. Jésus, toujours selon les évangiles, était couramment appelé tantôt « le fils de Joseph », tantôt « le fils de Marie ». A la crèche –on nous le rappellera la nuit de Noël-, les bergers trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né. On comprend mieux dès lors pourquoi l’Eglise, à partir du mystère de Nazareth, doit promouvoir les valeurs, les beautés et les exigences du couple et de la famille, sans se laisser détourner par certaines dérives sociétales, tout en pratiquant la miséricorde à l’égard de celles et ceux qui peinent ou échouent sur cette route faîtière de l’amour humain.

* Enfin retenons de l’évangile de cette fête combien Dieu est respectueux de l’humain en proposant du divin à la petite servante Marie de Nazareth. Le messager entame un dialogue adulte qui autorise et même suscite des questions bien naturelles : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » La femme Marie ne devient pas une chose manipulable devant un tout-puissant Seigneur. Il est fait appel à son intelligence, à sa sensibilité, en même temps qu’à sa foi. D’ailleurs celle-ci ne peut fleurir en oui que dans le jardin de sa liberté entièrement honorée.

L’abandon à la parole de Dieu pour acquiescer au mystère n’est pas une capitulation devant la majesté de Dieu, mais l’entrée tout en douceur dans une alliance d’amour et de confiance avec lui.
« Marie dit alors : Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole. »

Ce réflexe de dialogue intelligent et respectueux, à l’image du comportement de Dieu avec Marie et Joseph, ne doit-il pas marquer la vie de l’Eglise pour qu’elle imite son Seigneur, pour qu’elle devienne à la fois plus christique et plus mariale, au service du salut du monde ?
« Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. »

                                               Claude Ducarroz







mardi 6 décembre 2016

Pour la saint Nicolas

                 Saint Nicolas 2016

Incroyable, mais vrai. On a encore pu le vérifier samedi dernier. Le plus grand rassemblement populaire annuel à Fribourg est celui de la Saint Nicolas. Et pour voir quoi ? Un faux évêque à longue barbe blanche, juché sur un âne, accompagné de quelques pères fouettards grossièrement grimés en noir. C’est vrai : il y a aussi une distribution de biscômes aux enfants et un discours épicé par des allusions à l’actualité. Comme on dit : ça aide !

Les traditions, surtout lorsqu’elles sont ancestrales et pourtant toujours bien vivantes, nous disent quelque chose de l’âme d’un peuple. Et les mythes, quand ils produisent encore de bons fruits, nous révèlent les secrets de la sève d’une nation.

Ainsi donc, la ville de Fribourg est placée depuis ses origines au 12ème siècle sous le patronage d’un évêque, qui plus est venu d’Orient et auréolé d’une sympathie universelle à cause de ses légendaires bontés pour les enfants et les petits de toutes sortes.

Et précisément, on pourrait en rester aux légendes qui  virevoltent autour de la figure de notre cher saint Nicolas. Le culte de ces « reliques de la mémoire » rassemble les foules. Il pourrait aussi servir d’alibi commode pour camoufler des évolutions et des comportements fort différents du message délivré par le brave évêque de Myre. Puisque saint Nicolas a tant de qualités rayonnantes, qu’il exerce généreusement une fois l’an, nous pourrions, avec sa bénédiction présumée, nous adonner à d’autres choses jusqu’au prochain rendez-vous de sa prochaine fête. En toute bonne conscience, en somme.

Notre Chapitre -et plus largement notre paroisse et notre diocèse, tous placés sous le patronage de saint Nicolas de Myre- sont peut-être là, non seulement comme les gardiens quelque peu nostalgiques d’une vénérable tradition, mais comme les héritiers d’une mission qui exhale les bonnes odeurs de l’évangile.

* Un évêque, le témoin de la foi chrétienne et le premier pasteur de l’Eglise. Une fois les embrassades de circonstance –quelque peu folkloriques- sous le porche de la cathédrale, notre évêque est entré dans le sanctuaire pour y célébrer la messe devant et pour un peuple. Nous étions à ses côtés. Le combat pacifique pour la foi chrétienne, le labeur pastoral pour la vitalité de l’Eglise, les efforts pour l’unité œcuménique de cette même Eglise doivent demeurer notre passion, dans les deux sens du mot. Et, je l’espère, notre joie. C’est cela, être, aujourd’hui encore, les enfants de saint Nicolas.

* Un évêque, mais venu de loin, de là-bas, de l’Orient. Nous savons que le culte de saint Nicolas a d’abord suivi le périlleux voyage de ses reliques jusqu’à Bari  - c’était en 1087- et jusqu’à Hauterive –en 1405-, puis jusqu’à Fribourg en 1506. Nous ne pouvons ignorer que le christianisme est né en Orient, qu’il nous a été légué comme un précieux trésor à partir de ces communautés d’Orient jusqu’à Rome. Nous portons avec nous, dans une fraternité de profonde solidarité et de fervente prière, les témoins de ces mêmes Eglises qui souffrent et prient actuellement dans une fidélité exemplaire.

* Nous gardons dans notre cathédrale quelques précieuses reliques de saint Nicolas. Mais comment accueillons-nous, non pas des reliques mais des humains bien vivants, en forme d’images de Dieu au milieu de nous ? Je pense aux réfugiés de ces mêmes régions qui sont des nouveaux « saint Nicolas » en chair et en os, même s’ils sont assez différents du premier, j’en conviens. Comme le rappelle le pape François, tous les hommes, quels qu’ils soient, ne sont-ils pas frères et sœurs ? Eux aussi.

* Enfin il y a le bon cœur de saint Nicolas, et d’abord pour les pauvres et les petits. On peut évidemment sourire de sa bonhommie de vieillard barbu. On peut aussi s’inspirer de son inaltérable compassion pour les souffrants et les oubliés de ce monde. Car ce que les gens de toute philosophie et toute religion apprécient en cette figure, n’est-ce pas l’écho qu’ils reconnaissent en lui de l’esprit de Jésus, « doux et humble de cœur », plein de tendresse et d’amour, celui qui a pu répéter : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. »

 * Nous venons d’élire nos autorités cantonales. Nous avons tous à prendre régulièrement des options politiques, sociales, culturelles, économiques et écologiques. Nos critères sont-ils évangéliques ? Nos choix prolongent-ils, ne serait qu’un peu, les préférences de saint Nicolas ? Il y a peut-être une manière de guider l’Eglise, mais aussi de gérer la cité et les affaires publiques, qui consonne  -ou détonne- avec celui que nous célébrons aujourd’hui.
Se réclamer d’un tel saint évêque, c’est sans doute une invitation à mieux suivre le Christ, premier ami des pauvres, de chez nous, d’ailleurs et jusqu’au bout du monde.

Que dure et se prolonge notre belle fête de saint Nicolas !


Claude Ducarroz

vendredi 2 décembre 2016

Succès pour un prophète désagréable

Le succès d’un prophète désagréable
Matthieu 3, 1-12.

Re-voilà Jean-Baptiste !
Après le récit des origines du Christ (généalogie et naissance), l’évangéliste Matthieu nous transporte aussitôt dans une région désertique de Judée, là où Jean prêche et baptise. Des reporters people se contenteraient sans doute de raconter quelques anecdotes exotiques. Ce prophète portait un vêtement de poil de chameau et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Bon appétit !
Sous son accoutrement hippie et après son pique-nique peu ragoûtant, l’homme mérite beaucoup mieux que quelques photos chocs.
Nous sommes dans un contexte d’attente messianique. Jean le rappelle en citant la parole du prophète Isaïe : « Préparez le chemin du Seigneur… » N’est-ce pas ce qu’il fait lui-même par ses prédications enflammées ? Oui, mais attention à l’erreur sur la personne ! Il ne s’agit pas de le prendre, lui, pour le Messie qu’il annonce. Il ouvre des chemins pour un autre, celui qui vient après lui, celui dont il n’est pas digne de lui retirer ses sandales.
Cette humilité ne l’empêche pas d’avoir grand succès. De partout, les juifs accourent vers lui. Et pourtant il ne craint pas de leur asséner des vérités désagréables (« engeance de vipères »), tout en leur intimant une cure d’âme très radicale (« produisez un fruit digne de la conversion »). Plus encore, il menace : « Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits va être jeté au feu ». Il ne sert à rien de répéter : « Nous avons Abraham pour père ».
Comment expliquer cette performance paradoxale ? Par le courage d’une parole vraie. Par la proposition d’un changement en profondeur. Et surtout par l’abnégation de sa personne qui rend son message crédible. Jean ne travaille pas pour lui. Il est pleinement serviteur du Messie à venir. Il n’est que précurseur, lui qui souhaitera bientôt : « Il faut que le Christ grandisse, et que moi je diminue ». (Jn 3,30.) On sait jusqu’où l’a conduit cette diminution !
Plus que jamais, notre humanité a besoin de Jean-Baptiste. Dans l’Eglise, mais aussi dans la société.
Oui, des personnes –hommes et femmes- qui aient la bravoure de paroles claires, qui proclament des messages crédibles par l’engagement généreux de leur vie, qui  n’oeuvrent pas pour leur gloire mais se recommandent par le désintéressement de leur action. En somme : des transparents de l’Evangile en actes.
On vient de me le répéter : « Le pape François, c’est vraiment quelqu’un qui fait ce qu’il dit. C’est pour cela qu’on l’aime et qu’on a envie de le suivre. »
Sur la route de l’Avent, qui ne mène pas au Vatican, mais conduit à Jésus-Christ.
 Evidemment !

Claude Ducarroz


A paru sur le site de www.cath.ch