mardi 27 juin 2017

Le grand virage euccharistique

Le grand virage eucharistique
Jean 6,51-58

On connaît le contexte. Jésus vient d’opérer un signe extraordinaire. Il a nourri une grande foule en multipliant les pains. Sa popularité est au top puisqu’on songe à le faire roi (Cf. Jn 6,1-15). Mais Jésus se méfie. Quand il retrouve tout ce petit monde dans la synagogue de Capharnaüm, il accomplit un urgent devoir de catéchèse. En résumé : le vrai pain qui descend du ciel et qui donne la vie au monde, c’est lui-même en personne, ce qui ne manque pas de provoquer déjà beaucoup de murmures sceptiques ou désapprobateurs (Cf. Jn 6, 22-50).
Et c’est là que se situe le grand virage eucharistique, en deux étapes (Cf. Jn 6, 51-58). Le pain, ce sera sa chair livrée; la boisson, ce sera son sang versé. Rendez-vous est pris au pied de la croix. Qui sera encore là pour le reconnaître et y croire ? Plus encore, ce grand mystère de la foi, que Jésus instituera précisément la veille de sa mort, il est destiné à traverser les siècles pour accompagner la marche de l’Eglise dans toute son histoire. Car il faudra « refaire cela en mémoire de lui, jusqu’à son retour ». Tel est le réalisme de l’Eucharistie. Dans les quelques versets de cet évangile, il y a huit fois le mot « manger », et il concerne le corps du Christ présenté dans le pain eucharistique. Faut-il s’étonner dès lors que beaucoup de ses disciples hochent la tête et décident de le quitter  (Cf. Jn 6,60-66) ?
Le sacrement de l’Eucharistie a été et restera toujours un cadeau « scandaleux », à savoir un mystère qui peut provoquer une chute dans la foi. Trop beau pour être vrai, disent certains, surtout si l’on prend à la lettre l’invitation de Jésus : « Ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi, je demeure en lui » (Jn 6,56).
On comprend dès lors que l’Eglise veille sur ce trésor avec un soin sacré. A travers les siècles, pasteurs et théologiens ont rappelé que l’Eucharistie fait l’Eglise tandis que l’Eglise fait l’Eucharistie. Elle est « la source et le sommet de la vie chrétienne » (Cf. Vatican II –Lumen gentium no 11).
Faut-il pour autant entretenir les polémiques autour de ce sacrement qui promet la vie éternelle et la résurrection à celles et ceux qui le reçoivent dans une foi sincère? On peut se poser la question.
 Quoi qu’il en soit, la Fête-Dieu est là pour nous rappeler à tous la beauté – et aussi l’ineffable profondeur- d’un tel mystère.

A paru sur le site  cath.ch

Claude Ducarroz

vendredi 9 juin 2017

La sainte Trinité

Trinité 2017

Etre ou avoir : telle est la question !

Nous, pauvres humains, nous avons de l’amour. Pas assez sans doute, mais il nous arrive d’aimer, et même d’aimer aimer. A des degrés variables, avec parfois des éclipses, nous aimons, au moins ceux et celles qui nous aiment. Et même davantage, quand nous parvenons à aimer plus gratuitement, y compris des êtres moins aimables. Que deviendrait notre humanité s’il n’y avait plus d’affection ni d’amitié sincère entre les personnes, si l’on ne misait plus sur l’amour, jusqu’au don, jusqu’au pardon ?

Dieu est Amour. Il n’en a pas. Il l’est, rien qu’amour, tout amour. C’est son identité profonde, c’est sa raison d’être, c’est son mystère. En lui, rien qu’Amour majuscule, éternel, infini, parfait. Et comment serait-il cela –Amour en totale plénitude- s’il n’y avait pas en lui, dans le foyer incandescent de son être, quelqu’un qui aime, quelqu’un qui est aimé et le fruit de leur amour échangé ? Il n’y a pas d’amour sans relation, car l’amour crée et anime les connexions entre les personnes. Si l’amour n’est pas communionnel, il est seulement amour de soi, en solitude égoïste, en vase clos, en suprême narcissisme. Tout le contraire d’un Dieu-Amour.

Et voici que nous arrive Jésus-Christ. Il nous révèle, en nous aimant jusqu’à l’extrême, que Dieu est bel et bien Amour. Il nous parle de son Père comme de la source éternelle de l’amour qui le fait vivre, y compris humainement, au milieu de nous.
Il nous promet l’Esprit-Saint, fruit de l’amour du Père et du Fils dans la communion trinitaire.
Jésus nous a ouvert de cœur de la divinité pour nous la faire connaître en vérité. Elle est familiale et non pas célibataire ; elle est solidaire et non pas solitaire ; elle est communion de trois personnes dans la même nature, et non pas divin égotisme. Encore une fois : Dieu EST Amour !

Qu’est-ce que ça change, me-direz-vous ?
S’il y a en Dieu une explosion éternelle d’amour relationnel, tout ce qui va déborder de lui et hors de lui sera le fruit de cet amour, d’abord créateur, puis, en cas d’urgence, sauveur.
* Il suffit d’être un brin poète pour reconnaître dans la création d’innombrables motifs de louanges à Dieu pour tant de merveilles fécondes et belles.
* Et puis il y a l’être humain créé à l’image et à la ressemblance du Dieu Trine dans le beau défi d’une communion entre l’homme, la femme et l’enfant.
 * Il suffit enfin d’être un peu religieux ou contemplatif pour deviner, voire discerner la mystérieuse présence trinitaire au cœur de notre être le plus intime.

Ne sommes-nous pas tous marqués par l’ADN trinitaire, nous qui sommes tous le troisième de deux autres, nous qui sommes tous appelés, d’une manière ou d’une autre, à augmenter la vie en ce monde par des relations d’amour généreux ?
Pas d’humain qui ne provienne d’un amour reçu pour le partager avec d’autres. Personne qui puisse totalement échapper à la structure trinitaire de l’amour qui nous constitue fils du Père, frère de Jésus-Christ et temple de leur Esprit. C’est notre vocation, c’est notre mission, c’est notre destinée éternelle.



Encore faut-il relever un certain défi, à partir de cette communion ombilicale avec Dieu-Trinité. Créer, bâtir, développer du trinitaire dans nos vies au fur et à mesure de notre pèlerinage humain.
* Ca commence dans notre expérience de la vie spirituelle, faite de silence, d’écoute et de prière.
* Ca continue par la famille, premier réceptacle de communion trinitaire, dans l’amour qui donne la vie.
* Ca passe ensuite dans toutes nos relations sociales -politiques, économiques, culturelles, écologique-, où il s’agit de diffuser du trinitaire en essayant de promouvoir l’unité dans le respect des diversités, comme en Dieu.
* Ca traverse la vie de l’Eglise, autre communauté marquée par la Trinité. Là, nous sommes appelés à traduire en large fraternité œcuménique notre commune naissance en Dieu par le baptême au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Nous ne devons jamais l’oublier : engendrés nous-mêmes dans l’amour trinitaire, il s’agit pour nous de semer du trinitaire partout où nous vivons et agissons. Autrement dit : tendre de toutes nos forces vers une humanité vraiment fraternelle parce qu’elle se sait et se sent issue de la tendresse de Dieu, la même pour tous, qui nous a créés et qui nous attend.

Alors la Trinité ne sera pas un problème d’algèbre théologique -comment trois fois un peuvent faire toujours un ?-  mais le lieu mystique d’où nous provenons et vers lequel nous allons, non sans déjà en vivre les saveurs au gré des heurs, bonheurs ou malheurs de notre bref passage sur cette terre.

                                               Claude Ducarroz