Le grand virage eucharistique
Jean 6,51-58
On connaît le contexte. Jésus vient d’opérer un
signe extraordinaire. Il a nourri une grande foule en multipliant les pains. Sa
popularité est au top puisqu’on songe à le faire roi (Cf. Jn 6,1-15). Mais
Jésus se méfie. Quand il retrouve tout ce petit monde dans la synagogue de Capharnaüm,
il accomplit un urgent devoir de catéchèse. En résumé : le vrai pain qui
descend du ciel et qui donne la vie au monde, c’est lui-même en personne, ce
qui ne manque pas de provoquer déjà beaucoup de murmures sceptiques ou désapprobateurs
(Cf. Jn 6, 22-50).
Et c’est là que se situe le grand virage
eucharistique, en deux étapes (Cf. Jn 6, 51-58). Le pain, ce sera sa chair
livrée; la boisson, ce sera son sang versé. Rendez-vous est pris au pied de la
croix. Qui sera encore là pour le reconnaître et y croire ? Plus encore,
ce grand mystère de la foi, que Jésus instituera précisément la veille de sa
mort, il est destiné à traverser les siècles pour accompagner la marche de
l’Eglise dans toute son histoire. Car il faudra « refaire cela en mémoire
de lui, jusqu’à son retour ». Tel est le réalisme de l’Eucharistie. Dans
les quelques versets de cet évangile, il y a huit fois le mot
« manger », et il concerne le corps du Christ présenté dans le pain
eucharistique. Faut-il s’étonner dès lors que beaucoup de ses disciples hochent
la tête et décident de le quitter (Cf. Jn 6,60-66) ?
Le sacrement de l’Eucharistie a été et restera
toujours un cadeau « scandaleux », à savoir un mystère qui peut provoquer
une chute dans la foi. Trop beau pour être vrai, disent certains, surtout si
l’on prend à la lettre l’invitation de Jésus : « Ma chair est la
vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et
boit mon sang, demeure en moi et moi, je demeure en lui » (Jn 6,56).
On comprend dès lors que l’Eglise veille sur ce
trésor avec un soin sacré. A travers les siècles, pasteurs et théologiens ont
rappelé que l’Eucharistie fait l’Eglise tandis que l’Eglise fait l’Eucharistie.
Elle est « la source et le sommet de la vie chrétienne » (Cf. Vatican
II –Lumen gentium no 11).
Faut-il pour autant entretenir les polémiques
autour de ce sacrement qui promet la vie éternelle et la résurrection à celles
et ceux qui le reçoivent dans une foi sincère? On peut se poser la
question.
Quoi
qu’il en soit, la Fête-Dieu est là pour nous rappeler à tous la beauté – et
aussi l’ineffable profondeur- d’un tel mystère.
A paru sur le site cath.ch