vendredi 26 février 2010

Au kiosque

Fleur de vie

Au kiosque

Au kiosque d’une gare. La vendeuse m’a vite identifié grâce à ma croix suspendue à mon cou. Et commence alors une amère litanie : « J’ai passé chez les sœurs, j’en ai vu de toutes les couleurs, j’ai prié pour le reste de mes jours. Ne me parlez plus de religion ! »
A dire vrai, j’ai déjà entendu de tels refrains chez des personnes qui ont très mal vécu leur séjour dans les écoles ou maisons religieuses. J’en ai entendu aussi beaucoup d’autres qui –tout en demeurant critiques- sont très reconnaissantes pour tout ce que leur ont apporté ces mêmes établissements ecclésiastiques. Humaine Eglise, donc imparfaite !
Et justement, au sortir du kiosque, je rencontre une dame qui me décline toutes les grâces qu’elle reçoit dans la fréquentation régulière d’un monastère où elle trouve accueil et fraternité évangéliques. Sainte Eglise, donc amie des humains !
Je pense à cette déclaration du concile Vatican II : « L’Eglise, au cours de son pèlerinage, est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a perpétuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre. » Dire cela, ce n’est pas nier tout le bien accompli par l’Eglise –nos Eglises- durant sa longue histoire. C’est tout simplement admettre que, comme chacun de nous, toutes les communautés et institutions sont perfectibles et doivent donc être sans cesse révisées et améliorées.
Car l’Eglise n’est pas sur un nuage dans l’azur, même si son Seigneur est déjà dans son Royaume. L’Eglise, c’est nous. Donc…
Et probablement aussi la vendeuse du kiosque.
1554 signes Claude Ducarroz

L'obole de la veuve

Fleur de vie

L’obole de la veuve

Au téléphone pour la journée de solidarité de la Chaîne du bonheur en faveur de Haïti. Une dame âgée m’annonce un don de 10 francs en s’excusant pour la modicité de la somme. Avec cette explication : « Je regrette de ne pas pouvoir donner davantage, mais je suis moi-même dans une grande pauvreté. Simplement, je donne ce que je peux, c’est de bon cœur. » Et la dame se met à pleurer. Sa voix se brise. J’entends ses sanglots, je devine ses larmes. Comment réagir ? J’avoue mon embarras dans de telles circonstances. Après un moment de silence un peu gêné, j’essaie de trouver quelques mots pour la consoler en faisant allusion à sa situation de misère. N’y a-t-il pas quelqu’un de proche qui puisse l’aider ?
Surprise ! La dame reprend courage et précise la cause de son chagrin. « Oh ! vous savez. Je ne pleure pas sur moi, mais à cause de ces pauvres gens de Haïti qui souffrent tellement plus que moi. Ils sont si malheureux !»
Je m’étais trompé d’adresse. Je croyais entendre une malheureuse qui s’apitoyait sur son sort, non sans raison d’ailleurs. J’avais affaire à une femme pauvre, mais capable de touchante compassion en songeant à de plus malheureux qu’elle, jusqu’à traduire son amour dans un don modeste mais si généreux.
Je n’ai pu m’empêcher de penser à la pauvre veuve de l’évangile qui, avec l’offrande de ses deux piécettes, avait donné plus que tous les autres, en tirant de son nécessaire pour faire son obole, discrètement mais sincèrement. (Cf. Mc 12,41-44).
A retenir quand arrivera la pochette de Carême !
1556 signes Claude Ducarroz

Notre fête

Fleur de vie

Notre fête

Visite chez un malade gravement atteint. Le médecin a été clair : il faut envisager une fin prochaine. Un silence, puis la conversation reprend. Le monsieur me montre une feuille de papier sur laquelle il a tracé quelques lignes. Son épouse commente : « Nous commençons à préparer la messe de sépulture, ainsi que le faire-part. Ce sont de beaux moments entre nous.» Je suis émerveillé par tant de foi. Mais aussi un peu étonné. Et l’explication continue : « Cette liturgie, c’est notre fête. Nous tenons à la préparer ensemble. »
Notre fête. Les mots sont lâchés. Parce qu’ils ont la foi, et malgré la douleur de la proche séparation, cet homme et cette femme envisagent ces moments comme une fête, leur fête.
Lui, il sait où il va, ou plutôt il y croit de toute sa confiance. Elle, elle sait où il sera, ou plutôt elle y croit aussi, de la même espérance nourrie par une prière partagée.
Rencontrer de tels chrétiens vous redonne le sens de la vie et vous enlève la peur de la mort. Certes, personne ne peut dire qu’il a définitivement apprivoisé la mort. Comme tout le monde, les croyants doivent affronter la nuit de la plus grande solitude, celle du lâcher-prise absolu, dans le difficile abandon de tout. Mais quelle grâce de croire que, au-delà de cette vie, à l’autre bout du tunnel, un Amour nous attend, plus fort que toutes les morts : la présence du Ressuscité, en sauveur accueillant et fraternel.
Vivre dans l’amour, il n’y a pas de meilleure préparation à la mort, si celle-ci est bel et bien la rencontre définitive avec l’Amour majuscule, qui nous fera fête à l’arrivée.
1605 signes Claude Ducarroz

lundi 8 février 2010

Echange de cadeaux

Fleur de vie

Echange de cadeaux

C’était avant le concile Vatican II. Une jeune fille, intéressée par le catholicisme, entre en dialogue avec un curé pour commencer un certain cheminement. Elle souhaite discuter à partir de la Bible. Le brave homme lui répond : « Je n’ai pas de bible. Le catéchisme suffit ! ».
Il y a une dizaine d’années. En me promenant dans une petite vallée des Grisons, je visite un temple protestant. Je remarque que les services de sainte Cène sont affichés pour toute l’année. Il y en a 4 en tout et pour tout.
Jean-Paul II a dit un jour que l’œcuménisme était un échange de cadeaux. Comme c’est vrai ! Si les catholiques ont redécouvert les richesses de la Parole de Dieu, n’est-ce pas aussi grâce à la dévotion des protestants pour la Bible ? Trop longtemps, nous avons eu peur de l’Ecriture sainte qui pouvait laisser libre cours à toutes sortes d’interprétations. Et nous nous sommes privés d’un précieux trésor.
De leur côté, les protestants n’apprécient-ils pas davantage l’eucharistie depuis qu’ils ont mieux compris l’importance qu’elle revêtait dans la spiritualité et la vie des catholiques ?
On pourrait apporter bien d’autres exemples.
L’oecuménisme n’est pas un rendez-vous diplomatique sur le plus petit dénominateur commun, mais un enrichissement réciproque par nos cadeaux offerts et finalement accueillis, surtout lorsqu’ils sont présentés avec amour et humilité.
Pour conjurer nos malheureuses divisions, je crois à l’œcuménisme de l’adition, voire de la multiplication, et pas à ce qui sentirait les soustractions.
1551 signes Claude Ducarroz