samedi 27 février 2016

Homélie du 3ème dimanche de Carême

Homélie
3ème dimanche de carême 2016

Etes-vous du genre patient ou du genre impatient ? Si je posais cette question aux seuls  hommes, ils me répondraient sans doute: « Demandez à nos épouses ou nos compagnes. Elles sont mieux placées que nous pour le savoir. »

Et Dieu ? Est-il du genre patient ou impatient ? D’ailleurs est-ce permis de lui poser cette question ? Eh ! bien oui, si l’on en croit ce qu’en dit Jésus lui-même dans l’évangile de ce jour. On peut même être plus précis en suivant la parabole de la finale du texte : Avec nous, Dieu est-il le jardiner impatient ou le vigneron patient ?
Sans tomber dans une normandise, je crois qu’on peut répondre ainsi : il est les deux. C’est selon. Ou plutôt ça dépend ; ça dépend de nous.

Au début du texte, Jésus nous présente un Dieu impatient. Il nous avertit sérieusement, il insiste, car il y a urgence : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous. »
Visiblement, Jésus vise des hommes endormis dans leur bonne conscience, drogués par leur auto-suffisance ou incapables de voir leur vie et notre société tels qu’elles sont. Perchés au faîte de leur nonchalance confortable, ils vivotent sans scrupule à la surface d’eux-mêmes.

Alors Dieu s’impatiente : il y a mieux pour être des humains debout, en solidarité avec les autres, en marche vers une humanité meilleure. Finie la sieste ! Réveillez-vous !

Tiens ! ne serait-ce pas le sens du Carême, ce temps que l’Eglise propose aux chrétiens pour sortir de certaines léthargies, pour quitter certaines habitudes moisies, pour retrouver la bienfaisante opportunité d’être plus fidèles à l’évangile, plus actifs dans l’Eglise, plus assidus à la prière ? Le pape François l’a sans doute senti en nous invitant à retrouver les chemins de la miséricorde.

Celle qui nous vient d’abord de Dieu, comme son amour tout cordial, pour brûler nos misères, par exemple dans le sacrement du pardon. Celle que nous pouvons exercer à l’égard des autres en ouvrant notre propre cœur sur tant de misères, proches ou lointaines, pour les soulager dans des démarches de réconciliation, de partage et d’accueil.

Au milieu d’un monde qui multiplie les problèmes sans fournir aucune solution –il suffit de penser par exemple à l’angoissant phénomène des migrations -, nous ne devons pourtant pas nous résigner à notre impuissance. Si peu que ce soit, nous pouvons -donc nous devons- agir et réagir humainement et chrétiennement. Ce sera déjà ça de gagné sur l’inhumanité de la violence, de l’injustice et du désespoir. Il y a urgence. Laissons-nous inspirer et stimuler par l’impatience de Dieu.

Le désespoir : venons-en. Je rencontre aussi de bonnes personnes qui sont plutôt découragées. Elles sont déprimées par leurs propres faiblesses ou fragilités. Devant leurs difficultés ou même leurs incapacités à devenir meilleurs –essayé, pas pu-, elles ont parfois quitté le combat pour se résigner à leur médiocrité. Elles sont persuadées que la sainteté n’est pas pour elles, alors que l’Eglise nous propose sans cesse des sentiers d’altitude sur la haute route de la vie.

Vous les dépressifs de l’évangile, écoutez la voix du vigneron de cet évangile : « Maître, ce figuier stérile, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. » Autrement dit : il n’est jamais trop tard pour bien faire, et même seulement pour commencer ou recommencer à bien faire ou à faire mieux.

Oui, avec les bonnes volontés, fussent-elles fragiles -mais quand elles sont sincères-, Dieu est patient. Il prend sa bêche, peut-être celle de certaines épreuves ou remises en question, pour remuer nos terreaux  intérieurs, avec l’optimisme de son amour plus fort que nos doutes.

Dieu est amour. Donc il nous aime, donc nous n’aurons jamais aucune raison de désespérer de sa tendresse, de ses pardons, de son Esprit à l’oeuvre en nous, jusque dans les bas-fonds secrets de nos misères. Mais alors, il nous faut les lui offrir pour les exposer aux rayons brûlants de la victoire pascale de Jésus.
Savez-vous qui est entré le premier avec Jésus dans le paradis ? Pas la sainte Vierge Marie. Un bandit de grand chemin qui eut cet ultime sursaut de lui dire : « Souviens-toi de moi. » Et la réponse, vous la connaissez : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis. » Qui dit mieux ?

De quel Dieu as-tu besoin ? Examine en toute honnêteté qui tu es, ce qui remue au fond de toi. Interprète juste la météo de ton cœur profond.
* Tu as besoin d’une décharge évangélique pour booster ta foi, réveiller ta ferveur et dynamiser ta charité ? Prie le Seigneur de la divine impatience.
* Tu as besoin d’un sérieux fortifiant pour tonifier ton courage trop souvent en berne ? Prie le Seigneur de la divine patience.

Et qui que nous soyons, et quoi qu’il nous arrive, avec ce Dieu-là –jardinier ou vigneron-  ce sera toujours le cadeau d’un supplément de force, de vie, de bonheur.

Amen, qu’il en soit ainsi.


Claude Ducarroz

vendredi 19 février 2016

Chemin de miséricorde à la cathédrale

Notre cathédrale, sanctuaire de la miséricorde

Oui, notre cathédrale offre plusieurs « figures de la miséricorde ». Il suffit de parcourir ses allées et de contempler ses œuvres d’art pour en repérer un certain nombre que je vous invite à découvrir sous l’angle du « message de la miséricorde ». Bonne visite d’évangile !

1.  Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés et vous recevrez alors le don du Saint Esprit.  Ac 2,38.
Commençons la visite par le baptistère, allée latérale droite, tout en avant. C’est le baptême qui a inauguré en nous le don de la miséricorde. Faisons mémoire de ce sacrement fondateur de notre vie chrétienne.

2.  Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font.  Lc 23,34.
Arrêtons-nous un instant en avant au milieu de l’allée centrale et contemplons le Christ en croix représenté sur la barre au dessus de la grande grille. Il nous regarde avec amour, en pécheurs pardonnés, nous aussi. Et disons-lui merci.

3.  Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, versé pour une multitude en rémission des péchés. Mt 26,28.
Dans le vitrail de l’eucharistie, tout en avant de l’allée latérale droite, nous pouvons méditer sur l’eucharistie, source de pardon pour l’Eglise et chacun de nous. Plusieurs fois à chaque messe, nous sollicitons cette miséricorde.

4.  Ses péchés, ses nombreux péchés sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Lc 7,47
Celle que l’on appelle  Marie Madeleine  nous invite à recevoir le pardon dans l’amour. Allons recueillir la leçon de sa vie en la contemplant sur le deuxième vitrail dans l’allée de droite.

5.  Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite. Il sortit dehors et pleura amèrement. Mt 26,75
En méditant les paroles d’amour de Jésus, nous regrettons nos fautes et comptons davantage sur sa miséricorde. C’est la leçon des larmes de Pierre, à voir dans le dernier vitrail de l’allée de gauche.

6.  Jésus souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez les péchés, ils seront remis. Jn 20,22-23.
Chaque confessionnal est un lieu privilégié pour expérimenter la miséricorde de Dieu à travers le sacrement du pardon. Visitons en passant les confessionnaux situés après la grille d’entrée au fond de la cathédrale.

7.  A tout moment, chaque fois que je prie pour vous tous, c’est avec joie que je le fais à cause de notre communion avec moi…pour l’annonce de l’évangile. Ph 1,4-5.
Que voilà une belle œuvre de miséricorde : prier les uns pour les autres. C’est ce que montre le grand portail sculpté de la cathédrale. Comme Marie et Jean-Baptiste aux pieds de Jésus, tous les anges et les saints représentés sur des balcons dorés entourant la scène centrale ont les mains jointes, en situation d’intercession universelle. Et nous avec eux.

8.  Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Mt 5, 9.
Contribuer à la paix par la réconciliation entre les hommes : voilà le bel exemple donné par cet apôtre de la miséricorde que fut S. Nicolas de Flue tel qu’il est représenté sur le premier vitrail à droite en entrant dans la cathédrale. Son intervention a valu à Fribourg  d’entrer dans la Confédération suisse. A nous de l’imiter dans nos relations de chaque jour.

Parcourir le « chemin de la miséricorde »

Dans notre cathédrale, chacun peut parcourir  -personnellement ou en groupe- ce chemin de la miséricorde.

On peut aussi faire ce voyage d’évangile en compagnie du Prévôt Claude Ducarroz qui commentera chaque station le troisième dimanche de chaque mois dès 17h, soit les dimanches  21 février, 20 mars, etc…


Claude Ducarroz


mardi 9 février 2016

L'oecuménisme entre deux avions

Très bien ! Mais il y a mieux…

Comment ne pas applaudir des deux mains : enfin le pape de Rome et le patriarche de Moscou se rencontrent. Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Après l’émouvant dialogue entre le pape Paul VI et le patriarche œcuménique Athénagoras –c’était les 5 et 6 janvier 1964 à Jérusalem-, beaucoup avaient espéré qu’un tel exemple d’œcuménisme serait bientôt suivi par la rencontre entre le pape et le patriarche de toutes les Russies, chef de la plus importante Eglise orthodoxe. Et puis rien, ou presque : des visites de « numéros deux », des dialogues souvent interrompus, des rumeurs plusieurs fois démenties.

Ce n’est pas un secret : les obstacles dirimants étaient dressés par Moscou et non par le Vatican. Cette fois semble la bonne. François et Cyrille vont enfin se regarder les yeux dans les yeux, se donner une main fraternelle et peut-être s’embrasser. C’est tout le bien que leur souhaitent les partisans et artisans de l’oecuménisme.

Je ne puis m’empêcher de le penser. C’est bien, mais pour une rencontre dite « historique », il y a mieux. Ils auraient pu s’accueillir chez eux, ou par exemple à Vienne, une cité très sensible au dialogue entre l’Eglise catholique et l’orthodoxie. Non ! C’est à Cuba, grâce à l’hospitalité d’un président communiste, dans une salle de l’aéroport. Ils auraient pu prendre le temps du dialogue en profondeur et d’une longue célébration en public. Non ! Deux heures seulement, au chronomètre, entre deux avions. Ils vont échanger des cadeaux et faire une déclaration commune. Tant mieux. Mais y aura-t-il dans leurs gestes et leurs dires de quoi booster le rapprochement entre les deux poumons de l’Eglise, comme nous l’attendons depuis si longtemps ?  Nous prions pour cela.

On cherche des prophètes audacieux, surtout parmi nos hiérarques. Quand Pierre et Paul affrontèrent de sérieuses causes de conflits, avec la menace de graves divisions, ils se rencontrèrent une première fois à Jérusalem (Cf. Actes 15) et une seconde fois à Antioche (Cf. Galates 2). Pas à la sauvette, en petit comité, mais « avec l’accord de toute l’Eglise, des apôtres et des anciens » (Ac 15,22), dans un débat ouvert, avec le soutien de la prière au Saint Esprit. Et l’unité fut rétablie dans une saine et sainte diversité.

Ah ! si l’aéroport de La Havanne pouvait avoir des airs de Cénacle !

Claude Ducarroz
Article publié sur  cath.ch