dimanche 27 novembre 2011

Radio romande - Homélie du 1er dimanche de l'Avent

Homélie du premier dimanche de l’Avent
27 novembre 2011

Vous connaissez. La petite lampe bleutée dans la chambre d’hôpital. On l’appelle « la veilleuse ». Elle éclaire assez pour chasser les angoissantes ténèbres de la nuit. Elle est aussi assez humble pour ne pas empêcher de dormir en paix.
Mais la veilleuse -la vraie-, c’est une personne, l’infirmière de la nuit, celle qu’on peut appeler à tout moment en cas de malaise ou de problème. Elle arrive, elle est là : ça va déjà mieux, n’est-ce pas ?

Dans l’évangile de ce premier dimanche de l’Avent, Jésus nous invite quatre fois à veiller. L’évangéliste Marc se place dans la perspective du retour du Seigneur, dont personne ne connaît ni le jour ni l’heure. Et les communautés chrétiennes auxquelles il s’adressait estimaient probablement que ce moment était proche, peut-être même imminent.
Une leçon demeure, quelle que soit la montre de notre histoire : le chrétien est un veilleur. Pas dans la panique anxieuse, mais dans la confiance sereine. Oui, parce qu’il sait d’abord que quelqu’un veille sur lui, jour et nuit, par amour.

Le grand veilleur, le premier, c’est Dieu lui-même. Et il veille sur nous, sur chacun de nous, fidèlement, amoureusement.
Il a veillé sur Israël tout au long de sa marche à travers l’immense désert (Cf. Dt 2,7). « Tu as veillé sur mon souffle », dit Job au milieu de ses épreuves (10,12). Le psaume 66 étend la vigilance de Dieu à toute l’humanité : « Les yeux sur les nations, Dieu veille. » Ps 66,7.
Oui, parce que nous sommes veillés par le Dieu d’amour, nous pouvons veiller à notre tour dans l’attente de sa venue. Nous sommes au chaud dans le nid de sa tendresse, selon cette magnifique profession de foi de Moïse juste avant sa mort : « Dieu est comme l’aigle qui veille sur sa couvée. Il plane au dessus de ses petits. Il déploie ses ailes et les porte sur son pennage. » Dt 32,11.

Alors notre veille devient une espérance, tout le contraire de la peur. Veiller, ce n’est plus une mauvaise insomnie, quand l’inquiétude nous empêche de fermer les yeux. Veiller, c’est savoir que quelqu’un est toujours là, vigilant, attentionné. Il vient toujours au moindre appel parce qu’il nous connaît et nous aime. Il fera tout pour nous sauver. Il nous donne les signes de sa proche venue, comme ces bruits apaisants dans le couloir quand s’approche la veilleuse.

L’Avent, c’est le temps de sa venue. Il est en route vers nous, le Sauveur du monde. Ecoute ! N’entends-tu pas ses pas dans le silence ? On appelle cela la méditation de sa parole. Tu sonnes à la porte de son cœur : donc tu pries. Ne perçois-tu pas l’écho de son approche ? L’Esprit remue en toi, avec ses désirs de bonté, la force de pardonner, la bienheureuse démangeaison de rendre service, la joie de faire des heureux autour de toi.
Et puis regarde : il vient, d’une certaine manière il est déjà là, puisque la table est mise. Il y a un couvert exprès pour toi. Il y a le pain, il y a le vin. Il y a une famille pour partager le repas: l’Eglise. Prends, mange : c’est moi, dit Jésus, c’est déjà moi, celui qui est, qui était et qui vient.
Tu es veillé. Pas surveillé comme le ferait un policier qui guette l’automobiliste en possible infraction. Non ! Tu es veillé par l’Amour majuscule, comme l’enfant dans son berceau, comme le malade dans son lit, comme la fiancée par celui qui l’aime, tendrement.

Et après, me direz-vous ? Il te reste une chose à faire : devenir toi-même veilleur, un veilleur pour d’autres. Car nul n’est autant veillé par Dieu son Père que celui qui devient un frère veilleur, une sœur veilleuse pour quelqu’un d’autre qui en a besoin, surtout en ce temps d’Avent.
L’apôtre Paul nous a dit que dans le Christ, « nous avons reçu toutes sortes de richesses, qu’aucun don spirituel ne nous manque, à nous qui attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ » (I Co 1,5 et 7).

Veillé, veilleurs, nous veillons sur les autres, avec la délicatesse de la charité, celle qui s’exprime, comme Marie, en services, en visites, en attention aux plus pauvres et malheureux. Celle qui s’engage aussi dans les combats pacifiques pour une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine en somme.
Veiller avec le Christ, c’est le contraire de sommeiller dans son confort égoïste, dans sa bonne conscience narcotique, dans sa richesse matérielle ou culturelle.
Veiller, c’est faire comme Jésus maintenant à cette eucharistie : dresser la table, faire de la place aux autres, inviter largement, partager l’avoir et surtout l’être, et finalement expérimenter ce bonheur : « Heureux les invités au repas du Seigneur. »

Claude Ducarroz

samedi 12 novembre 2011

Homélie In memoriam

Homélie
In memoriam 2011

Dieu serait-il un impitoyable capitaliste, comme on en trouve encore de nos jours, notamment dans le monde de la finance, si j’en crois ce qu’on dit ou ce qu’on voit ? Dans cet évangile, le propriétaire plein aux as, certes, distribue ses biens avant de partir en voyage, mais, en demandant des comptes à son retour, il attend de retrouver sa mise carrément doublée. C’est faire encore mieux que nos meilleurs gérants de fortune. Et sans pitié avec ça puisque celui qui a simplement mis à l’abri ce qu’il avait reçu, sous le coup de la peur, se voit traiter de « serviteur mauvais et paresseux », dépouillé de son bien confié désormais au trader le plus performant. Pire encore : ce bon à rien est « jeté dehors dans les ténèbres, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. » On se croirait à Zürich ou ailleurs certains jours de grounding.

Vous l’avez compris : il s’agit ici d’une parabole, à savoir un fait de vie cueilli par Jésus sur le vif, dans la société de son temps, mais pour nous dire autre chose de bien plus profond que les anecdotes utilisées. En un mot : il nous faut passer avec Jésus de l’avoir à l’être, de l’écume d’une histoire à l’essentiel d’un enseignement qui porte sur l’enjeu de nos vies.

La vie, le mouvement, l’être : nous les avons reçu de Dieu, généreusement, gratuitement. Pas pour les enfouir dans le confort de la paresse ou dans les abris bétonnés de l’égoïsme. Celui qui nous a confié les talents de notre existence veut collaborer sans cesse avec nous pour en faire quelque chose de beau, de bon, de rayonnant. Chacun tel qu’il est, avec ce qu’il a reçu, sans comparer les uns avec les autres, car dans la logique de l’amour de Dieu, ce ne sont pas les apparences ou les performances qui comptent, mais les valeurs intérieures, autrement dit la qualité de la personne, quel que soit sa place dans la société.
On sait bien que s’appliquent souvent, dans le royaume de Dieu commencé ici-bas, cet adage répété par Jésus : « Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers. » Dont acte, pour chacun de nous.

Finalement, c’est ce que l’on donne de soi-même qui compte, ou plutôt se donner soi-même, en personne, comme Jésus, qui mesure la valeur, la beauté, la qualité d’une vie. Ce pour quoi nous sommes prêts à nous donner nous-mêmes, plus encore que ce que nous avons, possédons ou savons : c’est cela qui confère un sens à notre existence.

Et là, aujourd’hui, je trouve deux exemples magnifiques.
Dans la première lecture, c’est une femme, c’est la femme. « La femme vaillante, qui donc peut la trouver ? », dit l’auteur biblique, celle qui « est infiniment plus précieuse que les perles ? »
Je crois vraiment que dans notre monde, surtout dans les contextes de misère ou de souffrances, ce sont souvent les femmes qui présentent la plus grande capacité de générosité, de don de soi, finalement d’amour. Il est temps que, dans la société mais aussi dans l’Eglise, on sache le reconnaître, l’apprécier et jose le dire à l’intention des hommes : l’imiter.
Je le dis en particulier ici en ce jour qui fait mémoire des soldats –tous des hommes en ce temps-là- qui ne doivent pas oublier tout ce que la patrie doit aux femmes restées à la maison, filles, épouses, mères et grand-mères vaillantes, que nous risquons d’ignorer sous prétexte qu’elles ne furent pas au front, comme disent les militaires.

Mais je n’oublie pas non plus ces militaires, surtout en ce jour où nous nous souvenons de ceux qui ont donné leur vie dans le service actif, même si nous avons été heureusement épargnés par les pires horreurs de la guerre. Ces hommes étaient là, prêts au sacrifice suprême, pour les valeurs de dignité, de liberté, de fraternité. Or ce qui fait la valeur la plus précieuse d’une vie, c’est ce pour quoi nous sommes disposés de tout cœur à la donner, y compris jusqu’à la perdre pour ceux qu’on aime.
C’est ce qu’a fait le Christ pour toute l’humanité.
Nous pensons avec émotion à ceux qui avaient déjà fait ce choix pour le salut de notre pays, même s’ils ne sont pas morts sous la violence d’un ennemi. Ils ont droit à notre respect, ils peuvent compter sur notre mémoire, ils méritent notre reconnaissance, et nous le leur répétons aujourd’hui.

Nous venons de choisir nos magistrats fédéraux. Nous allons bientôt élire celles et ceux qui vont diriger notre canton, après avoir déjà élu nos édiles communaux. Rude année 2011 en pays de Fribourg !
Je suis persuadé, pour ma part, qu’un vrai serviteur du peuple, au masculin ou au féminin, c’est une personne qui a la volonté –plus encore que l’indispensable capacité- de donner sa vie pour ses frères et sœurs. Pas seulement pour les siens, celles et ceux de son camp ou de son clan politique, culturel ou idéologique, mais pour tous les habitants de ce pays, quels qu’ils soient, avec une attention particulière pour les plus faibles et les plus démunis, comme le rappelle notre constitution en son préambule : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ».
Là est l’enjeu d’une société plus humaine, et donc plus chrétienne, dans l’esprit de l’évangile de ce jour. Car il nous rappelle tout ce que nous avons reçu, il nous incite ensuite à le faire fructifier au service des autres, chacun selon ses capacités. Et il nous promet ce bonheur-là : « Très bien, serviteur bon et fidèle. Tu as été fidèle en peu de choses. Je t’en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître. »


Claude Ducarroz

mardi 8 novembre 2011

Une homélie de mariage

Une homélie de mariage


Une tente de nomade.
Une maison construite sur le roc.
Et un autel bâti à Jahvé.

Il faut tout cela pour symboliser la vie.
Il faut tout cela pour réussir l'amour.

I. Notre vie est un voyage. Pour cela, une tente suffit, celle qui permet d'aller de campement en campement, comme Abraham "vers le pays que je t'indiquerai", dit Dieu.

"Quitte ton pays… Et Abraham partit. Ils se mirent en route pour le pays de Canaan… et ils y arrivèrent."

Il y a du Canaan, la terre promise, dans l'aventure de vos vies et de votre amour.
Deux voyages qui aboutissent à une rencontre.

Partis de loin, très loin, vous avez fait une longue route à la rencontre l'un de l'autre, pour transformer vos différences en attraction, puis en dialogue, enfin en amour.

Quel beau voyage que celui de la découverte réciproque, celui de l'apprivoisement respectueux, celui de la mise en alliance progressive, jusqu'à cette terre promise que vous êtes devenus l'un pour l'autre,
-promise, aujourd'hui donnée pour toujours-.
Vous voilà arrivés l'un chez l'autre, tendrement attachés l'un à l'autre par l'amours des cœurs, par la joie des corps, par le bonheur d'être des cadeaux réciproques, de toutes vos personnalités riches et partagées.

II. Et maintenant, sans quitter tout à fait les grisantes surprises des aventures amoureuses - sur les îles enchanteresses et sur les monts alpins – vous avez décidé de bâtir une maison commune, votre foyer. Construire du solide, du résistant aux tempêtes et aux torrents. Noble ambition, car vous êtes favorables à votre "développement durable". Difficile à réussir, vous le savez bien, dans le contexte de notre société.

C'est pourquoi vous avez raison de construire sur le roc et non pas sur le sable… même si les plages ont quelque chose de fascinant et de magique.

Vous avez choisi – et je vous en félicite – le rocher plus alpin d'un amour fidèle, exigeant, profond. Je pense à votre mariage encore tout jeune et beau.
Je pense aussi à celui de vos parents qui vous ont montré le chemin avec leur amour, sans vous forcer, mais en vous donnant le désir de miser sur des valeurs robustes parce que enracinées très profond. Merci à vos parents !

Les temps peuvent changer, comme la météo. Ce sont les profondeurs indestructibles des valeurs sûres qui permettront au bateau de votre couple de parcourir toute la traversée de vos vies, sans dévier du cap de l'amour vraiment humain, sans cesser de vous conduire ensemble vers le port divin.

III. La tente nomade, plus la maison sur le roc: c'est romantique et c'est solide à la fois. Mais ce n'est pas suffisant. Ne ratez surtout pas le geste d'Abraham qui bâtit un autel à Jahvé en plein voyage d'aventures vers le pays de Canaan.
Car il est bien dit dans le livre de la Genèse: " Là où Abraham dressa sa tente, là il bâtit un autel et invoqua le nom du Seigneur".

C'est tout le sens de ce sacrement, ce que nous sommes en train de vivre, dans cette chapelle qui invite encore au voyage.

Avec vous, dans une belle communauté de foi, avec la variété multicolore de nos Églises, nous bâtissons une chapelle, nous dressons un autel, nous accueillons un hôte qui est votre meilleur ami, l'ami de votre amour, le feu au cœur de votre foyer.

Il est là au milieu de nous, il veut surtout demeurer avec vous, par sa Parole à écouter, par vos prières à lui adresser, par vos silences remplis de sa présence, sans oublier la table d'une possible eucharistie. En somme, tout pour la communion !

Il sera là aussi, le moment venu, dans le cœur battant de vos enfants, créés à votre image, et à l'image de Dieu, images réunies dans un seul et même visage, merveilleux et tellement mystérieux.

Je vous souhaite d'inviter chaque jour le Seigneur dans la barque de votre aventure amoureuse comme dans le foyer lumineux et chaleureux de votre maison.

Avec lui, les plaisirs deviennent des joies, les espoirs des espérances, les amours minuscules de l'Amour majuscule, et vos succès… du bonheur.
• Ce bonheur que nous vous souhaitons de tout notre cœur,
• Ce bonheur que vous vous donnez et donnerez l'un à l'autre, et plus largement autour de vous,
• Ce bonheur que Dieu lui-même accorde aux passionnés du bel amour, parce qu'il est lui-même Amour

Bon voyage vers ce "cap heureux!"
Claude Ducarroz