lundi 29 septembre 2014

Homélie du 26ème dimanche ordinaire

Homélie du 28 septembre 2014 à LA VISITATION

Etrange ! Vous avez dit « étrange ». Oui, Dieu est étrange, très étrange. Mais ce n’est pas une raison pour en faire un étranger.
Au contraire, c’est une raison supplémentaire pour qu’Il devienne un ami de grande proximité.
Dans la première lecture, Dieu est taxé deux fois d’étrange parce qu’il ne désire pas la mort du méchant, mais sa conversion pour qu’il vive !
Dans la deuxième lecture, l’étrangeté de Dieu atteint son paroxysme dans le Christ Jésus.
Lui qui était dans la condition de Dieu, le voilà qui se dépouille lui-même en prenant la condition de serviteur, en s’abaissant jusqu’à mourir sur une croix.
Et dans l’Evangile, il y a aussi une phrase de Jésus qui est bien étrange : « les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ».
Bizarre autant qu’étrange !
Comment comprendre tout cela ? Deux logiques s’affrontent. Celle du calcul et celle de l’amour. Or Dieu est précisément le dernier en calcul parce qu’Il est le premier en amour. Tout est dit.
Punir le méchant à tout prix : c’est la logique du calcul. L’aimer jusqu’à ce qu’il se convertisse et lui pardonner, c’est l’illogisme de l’amour, qui précisément ne calcule pas.
Quand on est dans la condition de Dieu, on fait tout pour être traité à l’égal de Dieu  c’est ce qu’on attend d’un Dieu tout-puissant qui règne éternellement.
Mais devenir humain, et même un homme, et en plus un crucifié, par dépouillement de soi, à cause de l’amour qu’Il nous porte : c’est la folie de la divine tendresse.
Parce que Dieu est Amour, rien que l’Amour, dans cette merveilleuse démonstration qu’est le Seigneur Jésus.
Les chefs des prêtres et les anciens doivent marcher en tête vers le Royaume : c’est logique puisqu’ils sont évidemment les premiers et les meilleurs.
Mais que des publicains – symbole de tous les marginaux – et même les prostituées les précèdent : ça étonne, ça peut même révolter.
Non pas que Jésus prône la prostitution, évidemment, mais parce que ces gens-là, parfois avant d’autres et mieux que d’autres, ont écouté la parole de Dieu, y ont cru et se sont laissé bouleverser dans leur mentalité et dans leur vie.
Nous sommes donc tous renvoyés à ce face à face personnel entre Jésus et chacun de nous. C’est pourquoi saint Paul peut écrire : « Ayez les mêmes dispositions, les mêmes sentiments, le même amour » que ceux qui animaient le cœur de Jésus en personne. A savoir de la tendresse, de la pitié, de l’humilité. En un mot : de la miséricorde, un mot qui revient souvent dans les homélies du matin du pape François.
Miséricorde : tout un programme, littéralement : du cœur, un cœur ouvert sur la misère, pour l’absorber dans l’amour et la brûler dans le pardon.
On comprend mieux cela justement quand on regarde le Christ en croix, avec son côté ouvert par la lance pour laisser entrer en son Amour toutes nos misères, afin qu’Il les noie dans le sang et l’eau coulant de cette divine blessure.
Avec la signature pascale au bas de l’icône de la croix : Jésus Christ est le Seigneur pour la gloire de Dieu le Père.
Eau et sang : baptême et eucharistie.
Les belles paroles sont devenues des signes concrets, toujours actuels, aujourd’hui dans le festin de cette Eucharistie :
            Prenez et mangez
            Prenez et buvez

Le sang versé par amour pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés.
Oui, vraiment heureux les invités au repas d’un tel Seigneur, qui fait de nous, comme lui, d’étranges miséricordieux.

jeudi 25 septembre 2014

Pour mon frère bien-aimé +Bernard

+ Bernard Ducarroz

Bernard. Mon frère. Mon bien-aimé.

Notre bonheur.    Notre douleur.    Notre espérance.

1.      Merci, Seigneur, pour nos bonheurs « Bernard ».
Rien que sa présence, c’était du bonheur. Pour sa famille bien sûr, qu’un pur amour, avec Yvette, avait su élargir si généreusement. Mais aussi pour tant d’autres, parce qu’il était l’homme de tous les oui, l’ami de tous les accueils, l’ardent de toutes les bonnes causes.
Et en plus, toutes ces cordialités spontanées, il savait les transfigurer en poésie. Il aimait les habiller de beauté simple mais profonde, en attendant la valeur ajoutée de la musique, grâce à la collaboration de ses si bons amis compositeurs, metteurs en scène, musiciens et chanteurs.

Bernard avait le talent humble, presque timide, d’autant plus touchant. On chantera encore longtemps les fruits de son arbre aux images, qu’il ne cueillait pas pour paraître sur un marché, mais simplement pour faire plaisir, pour semer dans les jardins des autres de petites joies mûries au soleil de sa spiritualité.

Son passage, ses partages n’avaient-ils pas le goût de ces béatitudes racontées par Jésus ? Neuf fois « heureux », pour ouvrir le voyage de l’évangile. Oui, des bonheurs promis et souvent déjà là, mais d’abord pour les pauvres de cœur, les affamés de justice, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix.

Celles et ceux qui connaissent Bernard- sa famille, ses nombreux amis, ou celles et ceux qui l’ont chanté- le reconnaissent là, au détour d’un souvenir béni, dans ce portrait des vrais disciples à l’image de Jésus.

Bien sûr, il n’y a aucun chrétien parfait. Mais on peut te dire merci  aujourd’hui : toi qui, si souvent, nous as aidés à être meilleurs, humainement, chrétiennement, par le sourire, par la parole, par le chant et même par tes silences parfois énigmatiques.

       2. Au milieu de ces béatitudes, il y a celle-ci : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. »
C’est là où nous sommes aujourd’hui. L’inquiétude devant ta maladie, la perspective de te perdre ici-bas et finalement cette mort inévitable : Bernard, notre douleur.
Le chagrin des tiens, mais aussi la tristesse de celles et ceux que Bernard abritait dans les largeurs et les profondeurs de son bon cœur, sans ostentation, sans prétention, gratuitement, par tendresse et par fidélité.

Nous sommes tous là, profondément unis dans et par cette peine, mais aussi dans une merveilleuse consolation. Celle que nous donne la mémoire vive de sa douce bonté, et celle que nous offre la foi en la bonté de Dieu qui recueille la vie des justes dans ses mains paternelles, après nous les avoir donnés pour toutes sortes de belles fraternités.

Je me souviendrai toujours. A l’hôpital, tu m’as répondu plusieurs fois ceci : In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum. Et une fois, tu l’as chanté, comme à complies. Et comme nous te demandions où tu puisais ta confiance, tu as répondu aussitôt : « J’ai confiance en celui qui m’a créé. »
Que celui-là t’accueille maintenant dans ce royaume promis justement à ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur. Et qu’il te donne le bonheur de la résurrection, en même temps qu’il sèche nos larmes par la foi pascale. « Réjouissez-vous, car votre récompense sera grande dans les cieux. »

3. Dans cette célébration, y compris avec la probable variété de nos convictions, c’est bien vers le ciel qu’il nous faut maintenant nous tourner. Bernard, notre espérance.
Avec cette liberté d’aller, même s’il reste bien des questions sans réponses ici-bas, vers cet au-delà qui t’a fait dire : « Je suis un homme libre, parce que j’ai déjà tout donné, tout offert. » N’était-ce pas la mentalité du Christ sur la croix ? Quand tout est donné, on peut partir en paix. Les cadeaux offerts demeurent dans le cœur des aimés du plus grand amour, surtout avec l’offrande du sacrifice suprême.

La famille en témoigne d’abord, la famille large évidemment, mais aussi les communautés que Bernard a servies, dans l’enseignement durant 40 ans, dans l’animation liturgique dimanche après dimanche, dans le rayonnement culturel si varié, dans l’amour de son village et de ses deux églises, dans la catéchèse et surtout dans tous ces dévouements gratuits et souvent discrets qui avaient la saveur de l’amitié et les couleurs de la solidarité sincères.
En nous quittant dans nos larmes, avec le chapelet usé par notre maman dans ses mains, Bernard nous entraîne vers la joie, celle du bon serviteur désormais comblé auprès du Christ ressuscité, auprès de ses deux papas, de sa maman Marguerite, de notre Jacquy le précurseur.

Va Bernard ! Nous te laissons partir, le cœur brisé, mais l’âme en paix. Nous devinons où tu es arrivé, dans la maison du Père. Toi, tu les vois maintenant ensemble, Dieu et ton papa que tu souhaitais enfin rencontrer. C’est notre foi, c’est notre consolation.

Ton visage souriant a pris place maintenant pour toujours au fond de notre cœur, parce que le tien repose désormais dans le cœur même de Dieu.

A toi le dernier mot, dans les paroles d’un chant intitulé « Ils sont vivants », mis en musique par Pierre Huwiler pour les « Jardins du paradis » à Delémont en 2009 :

Mais quand debout on les appelle
Du fond d’un cœur ensoleillé
On les entend : « la vie est belle 
Il faut savoir en profiter. »

On n’est pas là pour un adieu
Ils sont vivants dans notre histoire
On les invite à la veillée
Comment  ne pas toujours y croire
Que le printemps vient d’arriver ?

Claude Ducarroz     25 septembre 2014







lundi 15 septembre 2014

Pour les pèlerins valaisans

Homélie
Jn 21,1-14

 Comme il y a plusieurs manières de bien faire, il y a aussi plusieurs façons de lire –ou plutôt de recueillir et d’accueillir- ce texte de Jean dans cet appendice ajouté à son évangile. L’important, c’est que cette parole finalement nous éclaire, nous touche et nous fasse bouger, nous, là où nous sommes aujourd’hui. Et pour vous, c’est au terme d’un pèlerinage en compagnie de Marie, mais on sait combien Marie et le disciple bien-aimé étaient proches, et même ensemble, au pied de la croix de Jésus. Cf. Jn 19,26-27.

Curieux et significatif, ce retour des disciples au bord de leur lac familier, à la rude tâche du métier de pêcheur, loin des évènements extra-ordinaires de Jérusalem. Oui, un certain retour à la « case départ », dans la banalité de la vie quotidienne et sur le lieu qui fut celui de la première rencontre avec Jésus et le témoin de leur vocation. La boucle semble bouclée.
Et c’est justement là que le Seigneur ressuscité les rejoint, car il nous rattrape toujours là où nous sommes, lui qui fait tout le chemin à notre rencontre, tout en restant discret dans les signes qu’il nous adresse. Une révélation progressive, toute de respect, toute en douceur.

Et qui vient-il rejoindre, ce Jésus encore anonyme mais déjà actif ? Une équipe d’amis sur une barque. Tout un symbole sûrement. Jésus reprend contact avec l’Eglise, son Eglise. Avec ce Simon devenu Pierre, et toute sa bande de Galiléens, réunis par la profession, par une amitié pas toujours tranquille, par l’appel de jadis toujours fécond.
On reconnaît le type de rendez-vous à la façon de nommer et de situer les personnes. Ce sont les apôtres, les 12, ceux qui peuvent dire à Simon-Pierre : « Nous aussi, nous allons avec toi » sur la même barque, à la pêche. Mais désormais, avait dit Jésus, « ce sont des hommes que tu prendras ». Cf. Lc 5,10.

Mais justement, ils ne prirent rien ni personne cette nuit-là. Car l’Eglise n’est pas une entreprise qui doit faire du chiffre pour satisfaire l’appétit de rendement d’un conseil d’administration. Elle fait ce qu’elle peut. Si souvent, elle travaille aussi dans la nuit du monde. Le mieux, aujourd’hui comme hier, c’est qu’elle attende son Seigneur jusqu’au lever du jour pour le reconnaître dans la foi et finalement accomplir  humblement les gestes de l’espérance, à savoir toujours recommencer à jeter les filets de l’évangile dans la mer de son temps. Pas parce que nous sommes de meilleurs pêcheurs –nous qui sommes de pauvres pécheurs-, mais parce que Jésus nous le commande et recommande, respectueusement, inlassablement.

Et d’ailleurs il le fait en commençant par demander quelque chose, comme un mendiant qui a faim, avec une simplicité bouleversante. Il vient leur offrir la résurrection, lui le maître de la vie, et il leur dit : « Les enfants, avez-vous quelque chose à manger ? »
Car il a son idée derrière la tête. Une fois accompli le saut de la foi par le disciple bien-aimé -le plus perspicace en amour –« c’est le Seigneur ! »-, Pierre seul se jette à l’eau. Mais c’est dans la collégialité apostolique que tous traînent le filet et tirent la barque sur le rivage. Une manoeuvre délicate qu’il faut réussir sans rompre le filet, le regard fixé sur le divin reconnu de la plage qui les attend avec le repas concocté par lui-même.
Il leur avait demandé à manger, et c’est lui qui a tout préparé, le feu, le poisson et le pain. Ce n’est pas céder à l’imagination pieuse que de reconnaître dans cet étrange pique-nique les symboles de la cène : le feu pour signifier la chaleur de l’amour, des poissons venus de la pêche humaine –« fruits de la mer et du travail des hommes »-  et le pain partagé sur invitation eucharistique : « Venez manger. »

C’est Jésus en personne qui s’approche –il nous aime toujours le premier-, c’est lui qui donne, c’est lui qui se donne. Leur foi, comme la nôtre n’est-ce pas ?, demeure toujours balbutiante. Ils n’osent lui demander  « qui es-tu ? », mais ils savent bien que c’est lui, le Seigneur.

Un pèlerinage, surtout en compagnie de Marie, c’est refaire avec Jésus ressuscité cette expérience maritime, ou lacustre, si Tibériade s’appelle Port Valais. Elle se vit toujours dans la communion de l’Eglise apostolique dont l’évêque est le signe vivant. Elle prend le temps du dialogue avec Jésus, par l’écoute de sa parole révélante et invitante, jusqu’à l’eucharistie au bord du rivage de la vie ordinaire.

Car où que nous soyons, il est bel et bien là, avec nous, tous les jours, comme il l’a promis. Y compris quand nous donnons la main de la fraternité respectueuse à celles et ceux qui ne l’ont pas encore reconnu ou hésitent à le nommer. Jésus vient, s’approche, dialogue par son Esprit au cœur secret des consciences, tout en invitant chacun à faire Eglise autour de la parole et du pain partagés.


A ceux qui acceptent de se jeter à l’eau de l’évangélisation, comme à ceux qui peut-être traînent encore sur la grève, le Seigneur peut faire signe comme ressuscité, parfois éblouissant, toujours infiniment patient, jusqu’à la discrétion, mais toujours avec le rayonnement du feu de braise de son amour, là, sur les divers rivage de nos vies.

                                               Claude Ducarroz





                                            

samedi 13 septembre 2014

A propos de l'islam en Suisse

Islam : savoir raison garder

On peut comprendre le malaise et parfois la crainte qu’éprouvent beaucoup d’habitants de notre pays devant la croissance de la présence musulmane en Suisse. Il suffit de lire un journal : à quoi renvoie le mot « islam » dans les nouvelles et commentaires ?
Est-ce à dire qu’il faille céder aux tentations de l’amalgame et du rejet ? Surtout pas !
Soyons d’abord réalistes. Dans notre monde globalisé, les populations sont appelées à se mélanger de plus en plus en apportant aussi dans leurs bagages leurs religions et leurs idéologies. Il y a actuellement 400.000 musulmans en Suisse. La seule question féconde est la suivante : comment allons-nous vivre ensemble en préservant les valeurs de base de notre société qui nous permettent précisément de respecter les personnes et même d’expérimenter la convivialité ?
Tout ce qui relève des slogans réducteurs est contre-productif. Par contre la vigilance s’impose, car nous sommes en droit de tout faire pour que les conditions d’une saine cohabitation soient garanties, en particulier par le respect scrupuleux des droits humains et de l’ordre constitutionnel. C’est même un devoir. Et ça vaut pour tous évidemment.
Mais il faut aller plus loin, à savoir donner leur chance à tous ceux qui, dans toutes les religions, misent sur une meilleure connaissance réciproque au lieu de l’ignorance toujours mauvaise conseillère, sur le dialogue sincère au lieu de la confrontation, sur la collaboration citoyenne au lieu de l’exclusion.
C’est le sens de ce que propose l’université de Fribourg avec un éventuel accueil de leaders musulmans dans un institut qui leur permette de mieux connaître les réalités démocratiques suisses et par conséquent de les initier à un authentique dialogue interreligieux, gage de cohabitation toujours plus fraternelle.
Qu’on ne s’y trompe pas : toute action qui aboutit à l’exclusion systématique, voire à l’ostracisme est une grave erreur qui peut être lourde de conséquences à l’avenir. Elle ne peut que jeter certains dans l’extrémisme et rendre les autres méfiants face à notre soi-disant liberté de conscience et de religion. Nous serons tous perdants.
Il faut intégrer et non pas rejeter, tout en veillant prudemment au respect des règles qui conditionnent justement cette intégration, non pas dans un moule uniforme mais dans une pluralité vraiment démocratique.
On a connu un tel processus jadis entre catholiques et protestants en Suisse. Nous avons aussi passé de la guerre de religion à la collaboration plurielle. Et maintenant, c’est l’œcuménisme.
Une bonne école que nous pouvons actuellement promouvoir avec d’autres aussi, si chacun se présente sans préjugés, avec toute sa bonne volonté de construire la paix.

                                                           Claude Ducarroz


A paru sur le site www.cath.ch le 13 septembre 2014

samedi 6 septembre 2014

Homélie du 23ème dimanche ordinaire

Homélie du 23ème dimanche ordinaire

Et si nous prenions l’évangile à l’envers ?

Pas pour dire le contraire évidemment, mais pour faire le chemin à rebours de ce qui nous est proposé aujourd’hui.
Au chapitre 18 de son évangile, saint Matthieu nous parle des relations fraternelles dans les communautés chrétiennes. On y remarque d’emblée que rien n’est simple. Si ça peut nous consoler ou plutôt nous encourager, il y avait aussi des tensions, et la bonne résolution des tiraillements n’était pas facile à trouver. Mais ici il part du conflit, passe ensuite par la prière et finit par déboucher sur le mystère de la présence du Christ au milieu des siens rassemblés en son nom.

Je vous propose donc de faire le voyage en sens inverse.

Comme chrétiens –ainsi que ce nom l’indique-, nous sommes rassemblés au nom du Seigneur, surtout dans une communauté aussi typée qu’une paroisse, et évidemment à un degré suprême quand nous participons ensemble à l’eucharistie.
Il me semble que tout doit –ou devrait-  commencer par là : prendre ou reprendre conscience de cette présence mystérieuse de Jésus en nous et au milieu de nous, comme il nous l’a promis. S’il est au milieu de nous, c’est parce qu’il est en nous, en moi, mais aussi dans les autres.
Est-ce que ça ne change pas dès lors mon regard sur ces autres avec lesquels j’ai peut-être quelques problèmes de relation ?
Est-ce que ça ne peut pas finalement transfigurer la relation elle-même, de savoir que nous sommes tous habités par le même Seigneur, animés par le même Esprit comme enfants du même Père ?
Il nous faut acquérir ce réflexe avant toute autre chose : nous sommes aimés ensemble à égalité par l’Amour même, celui qui vient faire sa demeure en nous, celui qui vient nicher au milieu de nous.

Mais un tel acte de foi très mystique ne va pas résoudre d’un seul coup, comme par enchantement, tous les problèmes. C’est vrai. Et c’est là qu’intervient la deuxième étape, à savoir la prière qui consiste à se mettre d’accord pour demander ce qu’il nous faut à notre Père qui est aux cieux.
Je suis persuadé que des personnes qui prient les unes pour les autres, et à fortiori les unes avec les autres, sont sur le bon chemin de l’amour et, s’il le faut, de la réconciliation. Car prier fait œuvre de conversion, d’apaisement, de sagesse, de meilleure clairvoyance. Les taupinières cessent d’être des montagnes et des cœurs exposés à l’irradiation de la grâce sollicitée dans la prière ont rentré leurs griffes et ouvert les sources de la bienveillance et peut-être du pardon.
Quand ça demeure difficile d’aimer, quand il semble encore impossible de pardonner, nous pouvons encore prier, pour nous et pour les autres. Peu à peu, sous le rayonnement de cette prière sincère, ce qui est lié va se délier, des nœuds se défaire et des solutions apparaître à l’horizon.

Enfin  il y a le dialogue. C’est ce que Jésus met en scène selon l’évangéliste Matthieu. Car le dialogue n’est pas une invention moderne à l’ère de la communication tous azimuts. Jésus recommande même une formule à trois degrés, qui prouve le bon sens du Sauveur.
* La rencontre seul à seul au lieu de monter aussitôt sur ses grands chevaux sans avoir essayé l’humble face à face dans la discrétion et l’humilité.
* Mais il y a aussi le dialogue facilité et soutenu par de tierces personnes qui peuvent rendre le service de la médiation. On doit pouvoir exercer ce beau ministère dans nos communautés chrétiennes.
* Enfin, il peut y avoir l’intervention de la communauté elle-même ou de ses dirigeants quand on n’est pas arrivé à trouver, seul ou en petit groupe, une issue évangélique à un conflit qui risque d’empoisonner gravement l’atmosphère de la communauté.

Tout cela peut sembler de la petite morale, un peu étroite, un peu mesquine. Et c’est là que l’apôtre Paul, qui avait fondé et dirigeait à distance des communautés avec beaucoup de problèmes, nous arrive avec le mot de la fin : « Ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. » Car l’enjeu de tout cela, c’est finalement l’amour, donc l’essentiel du message de Jésus. Et par conséquent l’essentiel du témoignage des chrétiens dans le monde.

Se savoir aimé de Dieu pour mieux nous aimer les uns les autres : voilà le secret de notre existence comme chrétiens ; voilà ce qui peut donner envie à d’autres de devenir aussi des chrétiens, grâce à des communautés qui rayonnent du bonheur d’aimer. Pas sans problèmes ou difficultés, mais en cherchant encore dans l’amour, jusqu’au pardon, les solutions qui permettent de témoigner pour l’évangile de manière crédible, dans une société qui nous observe sans pitié.

Que voilà une belle feuille de route pour nos vies personnelles, familiales, dans les quartiers ou dans la profession, et bien sûr dans nos communautés chrétiennes qui, plus que les autres, doivent sans cesse relever le défi de l’amour selon cette parole de l’apôtre Jean : « Mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. »
I Jn 3,17

                                               Claude Ducarroz


lundi 1 septembre 2014

Le pont de la Poya. Et après ?

Le pont. Et après ?

Il est grand, il est haut, il est beau ! Vive le pont de la Poya !
Et après ? Bientôt libérée de sa mauvaise ceinture de circulation automobile, notre cathédrale va enfin pouvoir respirer allégrement de ses deux poumons de beauté et de rayonnement. N’est-elle pas le cœur historique, mystique et populaire de notre cité ? Sans doute, à la faveur d’un heureux développement, Fribourg a vu surgir d’autres centres vitaux pour l’habitat, la culture et le commerce. Et Fribourg n’est pas Paris, Milan ou Cologne. Mais la cathédrale demeure le lieu symbolique de notre plus profonde identité. C’est pourquoi, dans la nouvelle conjoncture que fournit le pont de la Poya, il est important que toutes les instances intéressées imaginent, décident et réalisent rapidement, en lien avec notre population, des améliorations bienvenues dans et autour de la cathédrale. Il faut qu’elle puisse offrir davantage de services religieux, plus d’évènements culturels et une plus large attractivité touristique et populaire, y compris dans son environnement redevenu accueillant.
De tout mon cœur, avec de nombreux autres habitants de Fribourg, sans compter tous les passants souvent émerveillés, c’est tout le bien que je lui souhaite !

Lettre de lecteur parue dans  La Liberté du 27 août 2014