samedi 6 septembre 2014

Homélie du 23ème dimanche ordinaire

Homélie du 23ème dimanche ordinaire

Et si nous prenions l’évangile à l’envers ?

Pas pour dire le contraire évidemment, mais pour faire le chemin à rebours de ce qui nous est proposé aujourd’hui.
Au chapitre 18 de son évangile, saint Matthieu nous parle des relations fraternelles dans les communautés chrétiennes. On y remarque d’emblée que rien n’est simple. Si ça peut nous consoler ou plutôt nous encourager, il y avait aussi des tensions, et la bonne résolution des tiraillements n’était pas facile à trouver. Mais ici il part du conflit, passe ensuite par la prière et finit par déboucher sur le mystère de la présence du Christ au milieu des siens rassemblés en son nom.

Je vous propose donc de faire le voyage en sens inverse.

Comme chrétiens –ainsi que ce nom l’indique-, nous sommes rassemblés au nom du Seigneur, surtout dans une communauté aussi typée qu’une paroisse, et évidemment à un degré suprême quand nous participons ensemble à l’eucharistie.
Il me semble que tout doit –ou devrait-  commencer par là : prendre ou reprendre conscience de cette présence mystérieuse de Jésus en nous et au milieu de nous, comme il nous l’a promis. S’il est au milieu de nous, c’est parce qu’il est en nous, en moi, mais aussi dans les autres.
Est-ce que ça ne change pas dès lors mon regard sur ces autres avec lesquels j’ai peut-être quelques problèmes de relation ?
Est-ce que ça ne peut pas finalement transfigurer la relation elle-même, de savoir que nous sommes tous habités par le même Seigneur, animés par le même Esprit comme enfants du même Père ?
Il nous faut acquérir ce réflexe avant toute autre chose : nous sommes aimés ensemble à égalité par l’Amour même, celui qui vient faire sa demeure en nous, celui qui vient nicher au milieu de nous.

Mais un tel acte de foi très mystique ne va pas résoudre d’un seul coup, comme par enchantement, tous les problèmes. C’est vrai. Et c’est là qu’intervient la deuxième étape, à savoir la prière qui consiste à se mettre d’accord pour demander ce qu’il nous faut à notre Père qui est aux cieux.
Je suis persuadé que des personnes qui prient les unes pour les autres, et à fortiori les unes avec les autres, sont sur le bon chemin de l’amour et, s’il le faut, de la réconciliation. Car prier fait œuvre de conversion, d’apaisement, de sagesse, de meilleure clairvoyance. Les taupinières cessent d’être des montagnes et des cœurs exposés à l’irradiation de la grâce sollicitée dans la prière ont rentré leurs griffes et ouvert les sources de la bienveillance et peut-être du pardon.
Quand ça demeure difficile d’aimer, quand il semble encore impossible de pardonner, nous pouvons encore prier, pour nous et pour les autres. Peu à peu, sous le rayonnement de cette prière sincère, ce qui est lié va se délier, des nœuds se défaire et des solutions apparaître à l’horizon.

Enfin  il y a le dialogue. C’est ce que Jésus met en scène selon l’évangéliste Matthieu. Car le dialogue n’est pas une invention moderne à l’ère de la communication tous azimuts. Jésus recommande même une formule à trois degrés, qui prouve le bon sens du Sauveur.
* La rencontre seul à seul au lieu de monter aussitôt sur ses grands chevaux sans avoir essayé l’humble face à face dans la discrétion et l’humilité.
* Mais il y a aussi le dialogue facilité et soutenu par de tierces personnes qui peuvent rendre le service de la médiation. On doit pouvoir exercer ce beau ministère dans nos communautés chrétiennes.
* Enfin, il peut y avoir l’intervention de la communauté elle-même ou de ses dirigeants quand on n’est pas arrivé à trouver, seul ou en petit groupe, une issue évangélique à un conflit qui risque d’empoisonner gravement l’atmosphère de la communauté.

Tout cela peut sembler de la petite morale, un peu étroite, un peu mesquine. Et c’est là que l’apôtre Paul, qui avait fondé et dirigeait à distance des communautés avec beaucoup de problèmes, nous arrive avec le mot de la fin : « Ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. » Car l’enjeu de tout cela, c’est finalement l’amour, donc l’essentiel du message de Jésus. Et par conséquent l’essentiel du témoignage des chrétiens dans le monde.

Se savoir aimé de Dieu pour mieux nous aimer les uns les autres : voilà le secret de notre existence comme chrétiens ; voilà ce qui peut donner envie à d’autres de devenir aussi des chrétiens, grâce à des communautés qui rayonnent du bonheur d’aimer. Pas sans problèmes ou difficultés, mais en cherchant encore dans l’amour, jusqu’au pardon, les solutions qui permettent de témoigner pour l’évangile de manière crédible, dans une société qui nous observe sans pitié.

Que voilà une belle feuille de route pour nos vies personnelles, familiales, dans les quartiers ou dans la profession, et bien sûr dans nos communautés chrétiennes qui, plus que les autres, doivent sans cesse relever le défi de l’amour selon cette parole de l’apôtre Jean : « Mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. »
I Jn 3,17

                                               Claude Ducarroz


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