vendredi 23 décembre 2011

Homélie pour nos autorités cantonales

Homélie
I Rois 3,5-15


Plus vrai que nature, cet extrait du livre des Rois.

Un roi, Salomon, qui a un songe. Nous n’avons pas de roi chez nous, et nous nous vantons de n’en avoir jamais eu. Mais une autorité qui a un rêve, ça existe sûrement. Vous avez rêvé d’être candidat, puis élus. Et votre premier rêve s’est réalisé : vous êtes là ce matin, les rois et les reines -modestes certes- de notre démocratie helvétique.

Salomon, dans son rêve, s’est mis à prier, car c’est Dieu lui-même qui lui apparut dans la nuit. Dieu dans la nuit, c’est peut-être cela, la foi. On ne croit que dans une certaine obscurité, comme une victoire de la lumière intérieure sur des questions difficiles et des réponses jamais complètement évidentes.
Et Salomon pria. C’est beau, un roi qui prie. Il pria pour demander, comme il arrive encore souvent chez moi, chez vous, chez nous. Mais sa première pensée, qui est tout à son honneur, c’est de songer –c’est le cas de le dire- à ceux qui l’ont précédé. Mieux qu’une mémoire, c’est un mémorial. Bel hommage à son père David, reconnaissance pour celui qui lui a transmis un royaume de prospérité et de paix.
Le rétroviseur de la gratitude, pour le peuple et pour ses autorités antérieures, n’empêche pas d’imaginer un avenir meilleur, non pas dans des rêveries hors-sol, mais justement dans le terrain et le terreau labourés, ensemencés par celles et ceux qui ont œuvré avant nous, ici et maintenant dans le champ de notre canton, avec labeurs et fatigues, avec réussites et échecs, toujours dans la noble ambition de servir le meilleur bien de tout notre peuple.
Fidélité, justice, droiture du cœur : ne pouvons-nous pas mettre des visages sur ces qualités humaines qui font aussi la valeur, voire la grandeur de celles et ceux qui ont porté ou portent encore le poids des saisons et des jours ? Merci : c’est le minimum que nous leur devons, aux Davids des Salomons que vous êtes.

Et voici la prière. Salomon aurait pu demander, comme ce peut être encore une tentation lorsque la politique se décline en terme de combat, voire de guerres, oui demander la victoire de l’un sur l’autre, des uns sur les autres, dans le champ des batailles pour le pouvoir. Oui, solliciter de longs jours au parlement ou au gouvernement, par exemple, pour conjurer le couperet des élections, demander la richesse quand les intérêts particuliers –voire personnels- peuvent griser les ambitieux trop impatients ou trop gourmands.
Et la prière de Salomon fut exaucée, la bonne, la vraie : « Parce que tu n’as pas demandé pour toi de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, je te donnerai un coeur intelligent et sage. » Ce roi exceptionnel -mais, diront peut-être certains, pas très « politiquement correct »-, avait demandé dans sa prière un cœur attentif pour bien gouverner son peuple et savoir discerner le bien et le mal. Il avait même ajouté, réaliste ou idéaliste ? : « Comment, sans cela, pourrais-je gouverner ton peuple qui est si grand ? ».

Je trouve cette prière extraordinaire et pleine d’actualité, qu’en pensez-vous ? vous qui êtes ici comme magistrats choisis par notre peuple et dévoués désormais par serment au service de son bien.

Salomon s’éveilla, et voilà que c’était un songe. Un songe seulement ? Ou une invitation à donner chair et sang à ce beau rêve ? Mieux : une incitation à devenir, tous ensemble -peuple et magistrats- non pas des rêveurs mais des éveillés de la politique, dans le meilleur sens du mot, à savoir des serviteurs et des servantes d’une humanité qui, si elle est plus large que notre petite république, mérite, chez nous comme ailleurs, des hommes et des femmes sages, désintéressés et généreux. Je me permets d’ajouter : des visionnaires d’un avenir à construire sur des valeurs sûres. En somme le développement le plus durable, celui qui coïncide, je le crois, avec les inspirations puisées dans le christianisme et le meilleur de toutes les religions.
Et puis, la prière de Salomon finit si bien, et je crois que là-dessus, nous serons tous d’accord : « Salomon rentra à Jérusalem, il offrit des sacrifices de communion et il donna un banquet à tous ses serviteurs. » Sans oublier les dames, évidemment.

Heureuse législature, joyeux Noël, bonne année…et bon appétit !

23 décembre 2011 Claude Ducarroz, prévôt

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